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Date : 20041123

Dossier : T-1289-04

Référence : 2004 CF 1630

Montréal (Québec), le 23 novembre 2004

En présence de :         MADAME LA JUGE JOHANNE GAUTHIER

                       DANS L'AFFAIRE DE LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

                                                                                                                                                           

                                                                             et

                    DANS L'AFFAIRE D'UNE COTISATION OU DES COTISATIONS

ÉTABLIES PAR LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

EN VERTU D'UNE OU PLUSIEURS DES LOIS SUIVANTES : LA LOI DE

L'IMPÔT SUR LE REVENU, LE RÉGIME DE PENSIONS DU CANADA

ET LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

CONTRE :

                                                              SADOK SAGMAN

                                                                                                                              débiteur judiciaire

                         MOTIFS D'ORDONNANCE ET ORDONNANCE MODIFIÉS


[1]                Il s'agit d'une requête visant le contrôle judiciaire d'une ordonnance de recouvrement préventif prononcé par le juge Harrington le 15 juillet 2004, autorisant le ministre du Revenu national (le ministre) à procéder au recouvrement de tout ou partie des montants des cotisations établies, avant l'expiration du délai de 90 jours, conformément au paragraphe 225.2(2) de la Loi sur l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1 (LIR).

[2]                Les grands principes applicables au contrôle judiciaire dans le cadre du paragraphe 225.2(11) de la LIR, notamment en ce qui concerne le fardeau de la preuve, sont bien résumés dans la décision Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.) c. Services M.L. Marengère Inc., [1999] A.C.F. n ° 1840 (QL) au paragraphe 63 et dans la décision Canada c. Satellite Earth Station Technology Inc., [1989] A.C.F. n ° 912 (QL).

[3]                Je suis tenue de prendre en compte non seulement les éléments de preuve produits dans la requête, mais aussi les éléments de preuve produits initialement par le ministre.

[4]                Je suis convaincue que M. Sagman s'est acquitté du fardeau initial de la preuve en établissant qu'il existait des motifs raisonnables de douter que le critère exposé au paragraphe 225.2(2) de la LIR ait été respecté. Cependant, je ne partage pas l'avis de M. Sagman lorsqu'il prétend que le ministre a agi de mauvaise foi ou n'a pas communiqué tous les renseignements pertinents dans la requête ex parte qu'il a présentée au juge Harrington. En réalité, je conclus qu'on ne m'a présenté aucun élément de preuve en ce sens.


[5]                J'ai examiné tous les motifs soulevés initialement par le ministre à l'appui de sa position selon laquelle le recouvrement de la créance serait compromis par un délai dans le recouvrement des montants exigibles au titre de l'avis de cotisation et des montants issus de l'interrogatoire de M. Sagman. Ces montants exigibles correspondent en résumé à ce qui suit :

vi)               non-coopération au cours de la cotisation fiscale;

vii)             fausse déclaration de ses revenus à des tiers;

viii)            non-dépôt de ses déclarations de revenus pour les années 2002 et 2003;

ix)               non-paiement de la TPS;

x)                ventes récentes de trois immeubles;

xi)               non-paiement systématique de créanciers;

xii)             avis récents de 60 jours envoyés par des créanciers hypothécaires sur certaines propriétés de M. Sagman;

xiii)            intention de M. Sagman de faire l'achat d'un autre immeuble et de céder ce nouvel élément d'actif et d'autres en garantie.

[6]          Les nouveaux éléments de preuve produits dans le cadre de la présente requête ont mis en lumière des renseignements très pertinents qui n'étaient pas connus du ministre et qui n'ont pas été portés à l'attention du juge Harrington. Par exemple, sauf pour un petit montant sur lequel M. Sagman conteste l'obligation de payer la TPS, M. Sagman a payé ces impôts et taxes sous la dénomination d'une personne morale. Il apparaît également que les sommes tirées des ventes récentes ont servi à payer les créanciers et à améliorer la situation financière générale de M. Sagman.

[7]          En vérité, après avoir analysé de manière détaillée la preuve, dont la plus grande partie a été discutée à l'audience tenue avec l'avocat du ministre, le seul point qui est clairement établi est que, comme dans la décision Satellite Earth Station Technology, précitée, M. Sagman ne se comporte pas « d'une manière très rigoureuse pour ce qui est de la tenue des registres et du respect des exigences formelles » et qu'il ne dit pas toujours la vérité. Toutefois, comme l'a conclu la décision in Satellite Earth Station Technology, précitée, cela n'est pas suffisant pour justifier le prononcé d'une ordonnance de recouvrement préventif alors que rien n'établit que le contribuable a pris des mesures pour mettre son actif hors de la portée de ses créanciers ni qu'il a un train de vie somptueux ou dilapide son actif.

[8]          Cela est particulièrement vrai quand on considère que M. Sagman s'est formellement engagé à donner un avis de 30 jours au ministre avant d'effectuer tout changement qui affecterait son patrimoine, qu'il s'agisse d'achats, de ventes ou de toute modification d'hypothèque, de sorte que le ministre pourra prendre des mesures de protection s'il le juge nécessaire pour sauvegarder ses droits touchant l'avis de cotisation litigieux. Selon l'interprétation de la Cour, cet engagement comprend notamment un avis donné au ministre, de 60 jours par exemple, de toute mesure prise par un créancier pour se faire rembourser sur l'actif du contribuable.


[9]                M. Sagman s'est également formellement engagé à gérer ses affaires de manière prudente jusqu'à ce que le litige qui l'oppose au ministre soit tranché par la Cour en dernier ressort. Encore une fois, la Cour interprète cet engagement comme comportant celui de maintenir des assurances appropriées sur tous ses éléments d'actifs et de garder ceux-ci en bon état d'entretien pour éviter leur dépréciation.

[10]            Il est certain que tout manquement à ces engagements justifierait à mes yeux une nouvelle ordonnance de recouvrement préventif. J'ai été informée par l'avocat de M. Sagman que le contribuable comprend la situation.

[11]            Il est clair que si M. Sagman ne remédie pas aux manquements relatifs aux hypothèques grevant les immeubles DuFort, Notre-Dame et Sinclair, les institutions financières pourraient reprendre possession de ces immeubles.

[12]            Dans les circonstances, je ne suis pas disposée à annuler l'ordonnance du juge Harrington à l'égard de ces actifs avant qu'il ait été remédié aux manquements. Sous réserve de cette exception, je ne suis pas persuadée que le ministre a respecté, selon la prépondérance de la preuve, le critère énoncé au paragraphe 225.2 (2) de la LIR.

[13]            Les parties ont convenu que je devrait taxer les dépens sur la base d'une somme globale.


                                                              ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          La requête est accueillie en partie, selon les explications données ci-dessous.

2.          L'ordonnance du juge Harrington est ainsi modifiée : tous les éléments d'actif visés par les mesures prises par le ministre, sauf les trois immeubles touchés par les avis de 60 jours transmis par la Caisse Desjardins de Lorimier et la Banque Toronto-Dominion, feront l'objet d'une mainlevée dans un délai de cinq jours à compter de la présente ordonnance.

3.         L'ordonnance du juge Harrington continue d'avoir effet pour les immeubles mentionnés ci-dessus jusqu'au moment où il aura été remédié aux manquements. Pour chaque immeuble, le ministre est tenu de donner mainlevée de son hypothèque légale dans un délai de cinq jours après réception de la confirmation du paiement.

4.          Lorsque les manquements auront été corrigés, l'ordonnance du juge Harrington deviendra nulle et non avenue.


5.          M. Sagman a droit aux dépens, qui sont fixés à la somme globale de 2 500 $.

                 « Johanne Gauthier »               

                               Juge                       

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                                                            COUR FÉDÉRALE

                                             AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                     T-1289-04

INTITULÉ :                                   

LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

CONTRE :

SADOK SAGMAN

                                                                                                                       débiteur judiciaire

LIEU DE L'AUDIENCE :             Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :            Le 18 novembre 2004

MOTIFS D'ORDONNANCE ET ORDONNANCE MODIFIÉS : LA JUGE GAUTHIER

DATE DES MOTIFS

ET DE L'ORDONNANCE:          Le 23 novembre 2004

COMPARUTIONS :

Claude Bernard                                                          POUR SA MAJESTÉ LA REINE

Jérôme Choquette                                                      POUR SADOK SAGMAN

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg                                                       POUR SA MAJESTÉ LA REINE

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Choquette, Beaupré, Rhéaume                                    POUR SADOK SAGMAN

Montréal (Québec)


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