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Date : 20060224

Dossier : IMM-2850-05

Référence : 2006 CF 234

Ottawa (Ontario), le 24 février 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE NOËL

ENTRE :

MALINIY VICTORIA JESURASA

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, conformément au paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), visant une décision rendue par la Section de la protection des réfugiés (SPR) rejetant la demande d'asile de Maliniy Victoria Jesurasa (la demanderesse). Dans sa décision du 5 avril 2005, la SPR a jugé que la demanderesse n'avait pas établi l'existence d'une crainte fondée de persécution au Sri Lanka et, en conséquence, qu'elle n'avait pas la qualité de réfugié au sens de la Convention ni de personne à protéger, comme le définissent les articles 96 et 97 de la LIPR.

QUESTIONS

[2]                Les nombreuses questions soulevées par la demanderesse peuvent se résumer ainsi :

-                      La SPR a-t-elle commis une erreur de fait ou de droit en jugeant que la demanderesse ne courrait pas personnellement un danger si elle retournait au Sri Lanka?

-                      La SPR a-t-elle commis une erreur de fait ou de droit en évaluant la situation actuelle au Sri Lanka?

CONCLUSION

[3]                Pour les motifs qui suivent, je réponds à ces deux questions par la négative et je rejette la demande de contrôle judiciaire.

FAITS

[4]                La demanderesse est une Tamoule du Sri Lanka agée de 23 ans. Sa mère est morte en juin 1987 et son père en février 1988 lors d'une opération militaire ayant eu lieu dans son village. En août 1991, son frère a été touché par un obus, ce qui l'a rendu handicapé. En 1995, la demanderesse et sa soeur auraient été harcelées par des membres des Tigres de libération de l'Eelam tamoul (TLET). Elles auraient été insultées et menacées par des membres des TLET pour avoir refusé de se joindre au mouvement.   

[5]                La demanderesse soutient que, en 1996, son frère et elle ont été questionnés, humiliés, harcelés et giflés par des soldats de l'armée sri-lankaise, car on les soupçonnait d'appartenir aux TLET. Après que sa soeur eut quitté la demeure familiale, la demanderesse y est restée seule avec son frère handicapé.

[6]                En février 2002, un accord de cessez-le-feu a été signé entre le gouvernement du Sri Lanka et les TLET. En mai 2002, on a demandé de nouveau à la demanderesse de se joindre aux TLET. Elle a refusé et s'est enfuie à Gurunagar en janvier 2003. À la fin d'avril 2003, les TLET la pressaient encore de se joindre au mouvement. À un certain moment, ils auraient tenté de la recruter de force.

[7]                La tante de la demanderesse a décidé d'envoyer cette dernière au Canada. Elle y est entrée le 17 décembre 2003 et a demandé l'asile à l'aéroport.

DÉCISION CONTESTÉE

[8]                La SPR a conclu que la demanderesse n'avait pas établi l'existence d'une crainte fondée de persécution au Sri Lanka. Les motifs de cette décision sont les suivants :

-                      L'armée n'a causé aucun problème majeur à la demanderesse entre 2000 et 2002, pas plus que ne l'ont fait les TLET entre 1995 et 2003, à l'exception de propositions indécentes et d'insultes;

-                      La SPR n'a pas cru que la demanderesse ait jamais été visée personnellement et persécutée par l'armée sri-lankaise;

-                      Aucun élément de preuve n'a été présenté afin d'établir que, malgré le cessez-le-feu de 2002, il existe une possibilité sérieuse que la demanderesse soit recrutée ou persécutée par l'armée;

-                      La SPR est d'avis qu'il n'y a aucune possibilité sérieuse que les TLET recrutent ou harcèlent la demanderesse, étant donné le cessez-le-feu;

-                      La demanderesse a vécu pendant deux ans seule avec son frère au Sri Lanka sans subir de problème majeur;

-                      Aucun élément de preuve n'a été présenté pour appuyer la prétention voulant que la demanderesse soit plus vulnérable depuis le tsunami qu'elle ne l'était avant.

ANALYSE

[9]                Afin de déterminer si la demanderesse courrait personnellement un danger si elle retournait au Sri Lanka, la SPR a dû s'appuyer sur des conclusions de fait. La norme de contrôle applicable aux conclusions de fait est la décision manifestement déraisonnable. Selon l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, la Cour ne doit pas intervenir sur des questions de fait à moins que la Commission n'ait rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait. (Voir Thavarathinam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 1469, [2003] A.C.F. no 1866; Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 732, au paragraphe 4.) La même norme de contrôle s'applique à l'évaluation des conditions dans le pays, puisqu'il s'agit également d'une question de fait (Thamotharem c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 16, [2006] A.C.F. no 8).

[10]            À mon avis, la SPR n'a pas rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire. La situation personnelle de la demanderesse n'a pas été évaluée de manière déraisonnable et les conditions au Sri Lanka ont été évaluées en fonction de l'ensemble de la preuve documentaire, y compris les récentes réponses aux demandes d'information présentées par la demanderesse (voir la note de bas de page 6 à la septième page de la décision). En outre, la SPR n'a pas commis d'erreur en concluant que la demanderesse ne serait pas plus en danger au Sri Lanka en raison des répercussions du tsunami. En décidant que la demanderesse n'avait pas prouvé qu'elle courrait personnellement un danger au Sri Lanka, la SPR a pris en compte les dernières informations disponibles indiquant que certaines femmes sont violées ou exploitées dans les camps de réfugiés. Cependant, la SPR a conclu que la demanderesse habitait avec son frère et n'avait pas été aux prises avec des problèmes majeurs. Je conviens avec le défendeur qu'il ne s'agissait pas d'une décision portant sur l'existence d'une possibilité de refuge intérieur, mais uniquement d'un argument appuyant la conclusion selon laquelle la demanderesse n'éprouvait pas de crainte fondée de persécution. Je ne considère pas que cette conclusion était manifestement déraisonnable.   

[11]            De plus, je note que selon le juge Campbell de la Cour fédérale, dans Fernandopulle c. Canada, 2004 CF 415, [2004] A.C.F. no 491, la SPR n'a commis aucune erreur en concluant que l'accord de cessez-le-feu entre le gouvernement du Sri Lanka et les TLET a contribué à faire diminuer les cas de violations des droits de la personne au Sri Lanka ainsi qu'à rétablir une certaine normalité dans le pays. Cette conclusion n'a pas été infirmée par la Cour d'appel fédérale (conf. par 2005 CAF 91, [2005] A.C.F. no 412) et la Cour suprême du Canada a refusé d'entendre l'appel ([2005] S.C.C.A. No 222). Compte tenu des éléments de preuve les plus récents concernant les conditions au Sri Lanka, il n'y a aucune raison de contrôler l'évaluation qu'a faite la SPR des conditions dans le pays.

[12]            Les parties ont été invitées à soumettre des questions à certifier. Toutefois, elles ne l'ont pas fait.

[13]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

-           La demande de contrôle judiciaire est rejetée et aucune question n'est certifiée.

« Simon Noël »

Juge

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross



COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                 IMM-2850-05

INTITULÉ :                                                                MALINIY VICTORIA JESURASA

                                                                                    c.

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        LE 21 FÉVRIER 2006

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                                LE JUGE NOËL

DATE DES MOTIFS :                                               LE 24 FÉVRIER 2006

COMPARUTIONS :

Pia Zambelli

POUR LA DEMANDERESSE

Michèle Joubert

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pia Zambelli

Montréal (Québec)

POUR LA DEMANDERESSE

Justice Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

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