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Date : 20011130

Dossier : T-66-86A

                                                    Référence neutre : 2001 CFPI 1322

ENTRE :

                     BERTHA L'HIRONDELLE, en son nom

et au nom de tous les autres membres de la bande de Sawridge

                                                                                               demandeurs

                                                    - et -

                                  SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                           défenderesse

                                                    - et -

CONSEIL NATIONAL DES AUTOCHTONES DU CANADA,

CONSEIL NATIONAL DES AUTOCHTONES DU CANADA (ALBERTA),

      NON-STATUS INDIAN ASSOCIATION OF ALBERTA,

et ASSOCIATION DES FEMMES AUTOCHTONES DU CANADA

                                                                                              intervenants

        MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE HUGESSEN

[1]                 Il s'agit d'une requête se fondant sur la règle 369 et sollicitant différentes réparations

contre la demanderesse au motif qu'elle a fait défaut de se conformer aux directives et aux règles de la Cour relativement à son interrogatoire préalable par la Couronne.


[2]                 Même si la présente action et une action similaire (T-66-86B) étaient initialement

jointes, elles ont ensuite été disjointes; malgré cette disjonction, j'ai permis qu'elles soient poursuivies conjointement jusqu'à maintenant dans l'attente de l'issue de l'appel interjeté contre la disjonction auprès de la Cour d'appel. La disjonction a été confirmée et les deux dossiers feront l'objet d'instances distinctes : 2001 CAF 339.

[3]                 La Couronne a déposé le 22 octobre 2001 son avis de requête et son dossier de la

requête. Après avoir obtenu une prorogation de délai, la demanderesse a déposé sa réponse le 20 novembre 2001. La Couronne a déposé sa réplique le 26 novembre 2001. Dans sa réponse, la demanderesse semblait indiquer avoir l'intention de présenter une requête incidente, qu'elle voulait que j'examine en même temps que la présente requête, mais elle n'a déposé aucune requête et aucun dossier de requête. De son côté, la Couronne a, dans sa réplique, renoncé à requérir que la demanderesse soit déclarée coupable d'outrage au tribunal.

[4]                 Le 11 juillet 2001, la Cour a ordonné à la Couronne de tenir l'interrogatoire préalable


de la demanderesse entre le 10 septembre et le 14 septembre 2001. Par conséquent, la Couronne a sollicité des copies des documents de la demanderesse. Par lettre d'accompagnement datée du 14 août 2001, la demanderesse a affirmé fournir à la Couronne des copies des documents contenus dans son annexe I. La Couronne a allégué que plusieurs documents étaient manquants et que la plupart des documents fournis ne correspondaient pas aux numéros de document attribués. La Couronne a fait part de ces problèmes à la demanderesse le 30 août 2001 et, le 10 septembre 2001, elle a fourni à l'avocate de la demanderesse une liste détaillée des documents non produits. Il semble que l'avocate de la Couronne ait retourné les documents de la demanderesse le 16 novembre 2001, et l'avocate de la demanderesse a affirmé prendre les mesures nécessaires pour remédier à la situation. Il n'est pas contesté que les documents sont dans un tel fouillis qu'il a été impossible jusqu'à maintenant pour l'avocate de la Couronne d'en faire un usage intelligent.

[5]                 L'interrogatoire préalable de la demanderesse, le chef L'Hirondelle (L'Hirondelle),

a eu lieu à Edmonton les 11 et 12 septembre mais, pour les raisons déjà mentionnées, il s'est limité aux questions ne nécessitant aucune référence aux documents produits par la demanderesse. Lors de l'interrogatoire, l'avocate de la demanderesse a prétendu que la bande indienne de Sawridge (Sawridge) n'était pas demanderesse à l'instance et a donc refusé de reconnaître que les réponses de L'Hirondelle liaient Sawridge ou étaient données en son nom. La demanderesse a également accepté dix-sept engagements, mais paraissait n'avoir donné suite à aucun d'eux lorsque la Couronne a déposé son avis de requête. Le 28 septembre 2001, la Cour a ordonné à la demanderesse de donner suite aux engagements sans délai ou, en tant que règle à suivre, dans un délai d'un mois de leur acceptation. La demanderesse a allégué qu'elle avait essentiellement terminé de donner suite aux engagements et qu'elle les avait fournis à la Couronne par lettre d'accompagnement datée du 20 novembre 2001.


[6]                 Le chef L'Hirondelle a indiqué que pour se préparer à son interrogatoire, elle avait

lu sa déclaration mais qu'elle n'avait pas lu la défense ni les autres documents produits dans l'instance. Elle a dit ne pas avoir parlé aux autres membres de la bande ni avoir lu la transcription du premier procès ou s'être informée au sujet de ce procès. Elle a également omis de prendre connaissance des dispositions législatives contestées, du code des membres de la bande et des activités entourant l'adoption du projet de loi C-31.

[7]                 La Couronne a prétendu que Sawridge était nommée comme demanderesse dans


l'intitulé, que les allégations contenues dans la déclaration modifiée était faites au nom de la bande, que les droits revendiqués appartenaient collectivement à la bande (définie comme « Premières Nations » ), que de nombreuses procédures préalables au procès avaient confirmé que la bande était une partie et qu'on demandait réparation au nom de la bande. Selon les demandeurs, les droits ancestraux et les droits issus de traités sont des droits collectifs. De plus, dans sa réplique, la Couronne a soutenu que la Cour d'appel avait tranché cette question dans une décision qu'elle a rendue plus tôt ce mois-ci sur un appel interlocutoire. Étant donné que la demanderesse admet maintenant que les réponses qu'elle a données en interrogatoire lient tous les demandeurs représentés, que cela ressort des actes de procédure, comme l'a conclu la Cour d'appel [2001 CAF 339], et que la bande est l'une des parties que la demanderesse vise à représenter, j'estime qu'il n'est pas nécessaire d'examiner cette question plus à fond. Les réponses de la demanderesse lient tous les demandeurs représentés, et il est à tout le moins très pratique et plus court de faire référence à ces derniers collectivement en les appelant la bande.

[8]                 La Couronne a invoqué plusieurs facteurs à l'appui de sa prétention selon laquelle la

demanderesse ne s'est pas conformée aux directives et aux règles de la Cour. Premièrement, elle a avancé que la demanderesse n'était pas au courant de la teneur de la revendication et qu'elle n'avait fait aucun effort pour s'informer. Deuxièmement, la Couronne s'est plaint que la demanderesse n'avait pas été en mesure de donner suite à ses engagements dans un délai d'un mois. La Couronne a soutenu que même au moment du dépôt de sa réplique, quatorze des dix-sept engagements n'avaient pas eu de suite, en tout ou en partie. Troisièmement, la Couronne a fait valoir qu'elle n'avait pas pu effectuer un interrogatoire préalable valable en raison de la conduite de l'avocate de la demanderesse, qui a aidé le témoin en répondant à sa place, qui a tenté de lui souffler les réponses et qui s'est emportée de manière à ce que le témoin n'ait pas à répondre à des questions. Quatrièmement, la Couronne s'est plaint de ne pas avoir encore reçu un ensemble valable de documents de la part de la demanderesse.

[9]                 Enfin, la Couronne a prétendu qu'elle ne pouvait pas exercer de façon significative

son droit de tenir des interrogatoires et d'obtenir des documents au préalable et qu'on nuisait à sa capacité de se préparer pour le procès et même à celle de respecter ses propres délais. Tout cela, selon elle, équivaut à un préjudice grave.


[10]            La demanderesse a soutenu que la requête de la défenderesse constituait une réaction

exagérée par rapport à la véritable situation et que cette requête était inutile parce que la défenderesse n'avait subi aucun préjudice important.

[11]            Analyser les faits dans le cadre de la présente requête équivaut à tenter d'atteindre

une cible mobile. La relation entre les parties est clairement dynamique. Les faits pertinents pour la requête changent chaque jour et tant la réponse de la demanderesse que la réplique de la Couronne allèguent des faits qui se sont produits depuis le dépôt de la requête. Toutefois, les parties doivent respecter des délais serrés et la Cour doit faire de son mieux pour les guider.

[12]            La plus importante question soulevée par la présente requête est le défaut de la


demanderesse de fournir valablement des documents. L'action n'est pas nouvelle. Un procès a déjà eu lieu. Cela fait littéralement des années que la tenue d'un nouveau procès a été ordonnée. Alors que les interrogatoires préalables étaient fixés au 10 septembre 2001, la demanderesse a fourni une copie des documents contenus dans son annexe I seulement le 14 août 2001 même si elle s'était plaint auparavant que son avocate avait besoin de plus de temps pour examiner les documents de la Couronne en vue de l'interrogatoire du représentant de cette dernière. La demanderesse savait depuis au moins le 30 août 2001 qu'elle éprouvait des problèmes à produire des documents et il n'y a toujours aucun élément de preuve indiquant que ces problèmes ont été corrigés. En fait, il ressort que la Couronne n'a plus d'exemplaire des documents de la demanderesse puisqu'elle a dû les lui retourner pour qu'elle les organise. Je n'ai aucun doute que cela cause effectivement le préjudice dont la Couronne s'est plaint.

[13]            Le défaut de la demanderesse de s'informer convenablement a une importance

beaucoup moins grande. La complexité même de la présente affaire et les questions en litige garantissent pratiquement que la demanderesse aurait été tenue de fournir des engagements relativement à un certain nombre de questions nonobstant son niveau de préparation. Mais ce fait rend beaucoup plus critique le temps excessif qu'elle a déjà mis pour satisfaire à ses engagements. Le 28 septembre 2001, la Cour a établi la règle à suivre selon laquelle les engagements doivent être respectés dans un délai d'un mois de leur acceptation.

[14]            La demanderesse a accepté dix-sept engagements les 11 et 12 septembre 2001. Elle


a fourni des réponses partielles à la Couronne le 20 novembre 2001, soit plus de deux mois plus tard. La Cour a également accueilli la requête de la demanderesse, qui sollicitait la prorogation jusqu'à cette date du délai de dépôt de sa réponse dans le cadre de la présente requête. La Couronne a allégué que quatorze engagements n'avaient reçu aucune réponse entière ou partielle. Dans de nombreux cas, on a renvoyé la Couronne aux documents que la demanderesse avait produits. C'est inacceptable. Si, à une date aussi tardive, la demanderesse est incapable de trier ses documents, on s'attendrait à tout le moins à ce qu'elle joigne les documents pertinents à ses réponses plutôt que de simplement renvoyer la Couronne à son méli-mélo de documents, que, ceci dit en passant, la Couronne n'a plus en sa possession. Si la demanderesse désire s'engager à répondre à des questions et à fournir les réponses à une date ultérieure, elle doit être prête à les fournir sans délai. L'ordonnance de la Cour est claire à cet égard et il est impératif qu'elle soit respectée, de sorte que le présent litige puisse progresser à une vitesse raisonnable.

[15]            Quant à la conduite de l'avocate de la demanderesse lors de l'interrogatoire préalable,

la Cour a déjà déclaré ce qui suit en l'espèce : 2001 CFPI 1089, au paragraphe 11 :

Le témoin doit répondre à toutes les questions visées par une objection, sa réponse étant fournie sous réserve de l'objection. Il ne peut refuser de répondre qu'en cas de revendication de privilège, laquelle doit faire l'objet d'une requête distincte.

[16]            J'estime que la transcription de l'interrogatoire de la demanderesse révèle que

l'avocate de celle-ci n'a respecté ni l'ordonnance de la Cour ni la règle 241. L'avocate de la Couronne a donné de nombreux exemples de cas où l'avocate de la demanderesse avait agi de façon inappropriée et je suis d'accord avec les arguments de la Couronne. La répétition de cette conduite ne sera pas tolérée.

[17]            En plus d'une ordonnance visant à obliger l'avocate de la demanderesse à remédier


à cette situation sans délai, j'impose également une sanction procédurale à la demanderesse en raison de ce comportement inacceptable. Dans une ordonnance antérieure fixant un échéancier, j'ai alloué à chaque partie un certain nombre de jours pour terminer ses interrogatoires. Puisqu'elle a abusé du temps d'interrogatoire que je lui avais attribué, je retire à la demanderesse cinq des journées dont elle disposait pour interroger le représentant de la Couronne. La demanderesse défraiera les coûts de l'interrogatoire mené les 11 et 12 septembre 2001 (dont les frais de transcription engagés par la Couronne) et payera sans délai les dépens de la présente requête, que je fixe à 2 000 $, nonobstant l'issue de l'affaire.

                                           ORDONNANCE

            1.         La requête est accueillie. La demanderesse doit, au plus tard le 14 décembre 2001 :

a)        fournir à la Couronne une copie convenablement compilée et indexée des documents qu'elle produit;

b)         donner suite entièrement, sans omissions, à tous les engagements fournis;

                         à défaut de quoi la déclaration sera radiée et l'action sera rejetée avec dépens.

2.         Le nombre de jours attribués à la demanderesse pour interroger au préalable le représentant de la Couronne est réduit de cinq.


3.         La demanderesse doit défrayer les coûts de l'interrogatoire mené les 11 et 12 septembre 2001 de même que les frais de transcription engagés par la Couronne, et elle doit également payer sans délai les dépens de la présente requête, fixés à 2 000 $, nonobstant l'issue de l'affaire.

  

JAMES K. HUGESSEN

                                      ____________________________________

Juge    

  

OTTAWA (ONTARIO)

Le 30 novembre 2001

  

Traduction certifiée conforme

  

Pierre St-Laurent, LL.M., Trad. a.

  

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            T-66-86A

INTITULÉ :                                           Bertha L'Hirondelle c. Sa Majesté la Reine et autres

REQUÊTE EXAMINÉE SUR LA BASE DES PRÉTENTIONS ÉCRITES SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE HUGESSEN

EN DATE DU :                                     30 novembre 2001

OBSERVATIONS ÉCRITES PAR

Mme Catherine Twinn                               POUR LA DEMANDERESSE Bertha L'Hirondelle

M. Edward Pundyk                                 POUR L'INTERVENANTE Conseil national des

M. Kenneth Purchase                              autochtones du Canada

M. Patrick Hodgkinson              POUR LA DÉFENDERESSE Couronne

Mme Kathleen Kohlman

M. Michael J. Donaldson                        POUR L'INTERVENANTE Non-Status Indian Association of Alberta

M. Jon Faulds                                        POUR L'INTERVENANTE Conseil national des autochtones du Canada (Alberta)

Mme Mary Ebert                                      POUR L'INTERVENANTE Association des femmes autochtones du Canada

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Catherine Twinn                                      POUR LA DEMANDERESSE Bertha L'Hirondelle

Slave Lake (Alberta)


Lang Michener                           POUR L'INTERVENANTE Conseil national des

Toronto (Ontario)                                    autochtones du Canada

M. Morris Rosenberg                              POUR LA DÉFENDERESSE Couronne

Sous-procureur général du Canada

Burnett Duckworth & Palmer     POUR L'INTERVENANTE Non-Status Indian

Calgary (Alberta)                                     Association of Alberta

Field Atkinson Perraton                          POUR L'INTERVENANTE Conseil national des

Edmonton (Alberta)                                 autochtones du Canada (Alberta)

Eberts Symes & Crobett                         POUR L'INTERVENANTE Association des

Toronto (Ontario)                                    femmes autochtones du Canada                   

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