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Date : 20030220

Dossier : T-1706-01

Référence neutre : 2003 CFPI 205

Montréal (Québec), le 20 février 2003

En présence de :         Me Richard Morneau, protonotaire

ENTRE :

                                                                    ÉRIC MILLETTE

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                                             LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                   et

                              AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

                                                                                   et

                                      GEORGES CLOUTIER, ès qualité de directeur du

                                       Bureau des services fiscaux du district de Laval

                                       de l'Agence des douanes et du revenu du Canada

                                                                                   

                                                                                                                                                     défendeurs

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une requête de Sa Majesté la Reine (la Reine) en radiation de la demande de contrôle judiciaire (la demande) logée par le demandeur le ou vers le 27 septembre 2001.


Les faits

[2]                 Il ressort que le 24 janvier 2003, le demandeur a acquitté la totalité du solde d'impôt impayé de son père, M. Régent Millette. Ce faisant, il a éteint sa propre dette envers la Reine ou l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l'Agence).

[3]                 En date des présentes, le demandeur ne doit aucune somme à l'Agence.

[4]                 Conséquemment, l'Agence a émis mainlevée de toutes les hypothèques légales pour garantir la dette d'Éric Saulnier-Millette, prises sur les immeubles suivants :

            i)          le 693, Chemin Schweitzer à Sutton;

            ii)         le 6745-6747, rue Boyer à Montréal;

            iii)         le 1201-1211, rue Jean-Talon Est et 7155, rue de la Roche à Montréal;

            iv)        le 875-895, avenue Sainte-Anne à Saint-Hyacinthe.

[5]                 Or, les conclusions recherchées par le demandeur à sa demande du 27 septembre 2001 visent à toutes fins pratiques et essentiellement à ce que l'Agence accepte comme garanties suffisantes les hypothèques légales prises par elle contre les immeubles ci-avant listés.

[6]                 Les conclusions de la demande se lisent ainsi :


(a)            Déclarer que compte tenu de l'enregistrement de certificats sur les immeubles du demandeur sis au 693 chemin Schweitzer à Sutton, au 6745-6747 rue Boyer à Montréal, au 1201-1211 rue Jean-Talon Est à Montréal et au 875-895 ave Ste-Anne à St-Hyacinthe (les « Immeubles » ), equivalant à des hypothèques légales résultant d'un jugement, le Ministre du Revenu national et l'ADRC possèdent des garanties valables fournies par le demandeur pendant que l'appel d'une cotisation est pendant, pour le paiement de la somme en litige, le tout tel que requis de le faire en vertu de l'article 220 (4.1) L.I.R.;

(b)           Déclarer que le Ministre du Revenu national et l'ADRC ont illégalement refusé ou négligé et refuse ou néglige toujours d'accepter les hypothèques légales grevant les Immeubles à titre de garanties valables fournies par le demandeur pendant que l'appel d'une cotisation est pendant, pour le paiement de la somme en litige, le tout tel que requis de la faire en vertu de l'article 220(4.1) L.I.R.;

(c)            Ordonner aux défendeurs d'accepter, dans les dix (10) jours du jugement à intervenir ou tout autre délai qu'il conviendra à cette Cour, d'accepter les hypothèques légales grevant les immeubles appartenant au demandeur à titre de garantie valable fournie par le contribuable pendant que l'appel est pendant, pour le paiement de la somme en litige;

(d)           Ordonner aux défendeurs de cesser toutes mesures de recouvrement à l'encontre du demandeur entreprises ou en cours d'exécution et notamment, mais sans limitation, d'exercer les mesures de recouvrement mentionnées à l'article 225.1 L.I.R.;

(e)            Prohiber aux défendeurs d'exercer toute mesure de recouvrement quelle qu'elle soit à l'encontre du demandeur et notamment, mais sans limitation, d'exercer les mesures de recouvrement mentionnées à l'article 225.1 L.I.R.;

(f)            Rendre une ordonnance, en vertu de l'article 18.2 de la Loi sur la Cour fédérale prohibant, jusqu'à ce qu'une décision finale soit rendu (sic) sur cette application, aux défendeurs d'exercer toute mesure de recouvrement quelle qu'elle soit à l'encontre du demandeur et notamment, mais sans limitation, d'exercer les mesures de recouvrement prévues à l'article 225.1 L.I.R.;

(g)            Ordonner l'exécution provisoire nonobstant appel;

(h)           Condamner les défendeurs aux dépens de la présente demande;

(i)            Rendre tout autre ordonnance que cette cour jugera utile ou nécessaire;

  

(mon soulignement)

  

Analyse

[7]                 Dans la mesure où la dette du demandeur a été éteinte par son paiement intégral, il s'ensuit forcément et clairement que les hypothèques légales que détenait l'Agence n'ont plus de valeur et que mainlevée de celles-ci s'imposait. Partant, toute demande visant à forcer l'évaluation de ces hypothèques et leur acceptation en retour devient caduque.

[8]                 En conséquence, hormis le passage de la conclusion (b) souligné au paragraphe [6] ci-avant, les conclusions ou remèdes recherchés par le demandeur dans sa demande tombent.

[9]                 Quant à cette conclusion du demandeur à l'effet de « [D]éclarer que le Ministre du Revenu national et l'ADRC ont illégalement refusé ou négligé » (la conclusion restante), il m'apparaît clair que cette conclusion vise à reprocher à l'Agence un entêtement indu, somme toute une faute, que le demandeur décrit ainsi aux paragraphes 12 à 14 de l'affidavit qu'il a soumis à l'encontre de la requête à l'étude :

12.           Les défendeurs ont toujours refusés (sic) d'acquiescer à mes demandes ainsi qu'à celles de mes procureurs quant à l'arrêt des mesures de perception vu les garanties suffisantes détenues alors qu'un appel sur ma cotisation est pendant;

13.           Vu l'ampleur des mesures de perception et des conséquences engendrées, je me suis vu dans l'obligation de vendre un immeuble pour payer le solde réclamé par les défendeurs;

14.           Les défendeurs ne peuvent aujourd'hui bénéficier de leurs agissements répréhensibles, ce dont la Cour aura à déterminer, m'ayant mis dans une position telle que je n'eut (sic) d'autres choix que de les payer, pour prétendre qu'étant donné le paiement total fait, aucun litige n'existe;

[10]            La détermination de la conclusion restante dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire n'apporterait rien de concret et de pratique au demandeur puisqu'il ne pourrait disposer tout au plus que d'une simple « déclaration » . Pour tout remède pratique pour le demandeur quant à ce qu'il convient de qualifier de faute alléguée, il m'appert que le demandeur devra engager, si les délais de la prescription le permettent, une action en dommages et intérêts. Dans le cadre de cette action , la trame factuelle que cherche à dénoncer le demandeur devra forcément alors être revue.

[11]            Dans l'arrêt Borowski c. Canada (procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342, page 353, il est édicté :

La doctrine relative au caractère théorique est un des aspects du principe ou de la pratique générale voulant qu'un tribunal peut refuser de juger une affaire qui ne soulève qu'une question hypothétique ou abstraite. Le principe général s'applique quand la décision du tribunal n'aura pas pour effet de résoudre un litige qui a, ou peut avoir, des conséquences sur les droits des parties. Si la décision du tribunal ne doit avoir aucun effet pratique sur ces droits, le tribunal refuse de juger l'affaire. Cet élément essentiel doit être présent non seulement quand l'action les procédures sont engagées, mais aussi au moment où le tribunal doit rendre une décision. En conséquence, si, après l'introduction de l'action ou des procédures, surviennent des événements qui modifient les rapports des parties entre elles de sorte qu'il ne reste plus de litige actuel qui puisse modifier les droits des parties, la cause est considérée comme théorique. Le principe ou la pratique général s'applique aux litiges devenus théoriques à moins que le tribunal n'exerce son pouvoir discrétionnaire de ne pas l'appliquer.

(mon soulignement)

[12]            D'autre part, pour les motifs que fait valoir la Reine à ses représentations écrites au soutien de la présente requête, il n'y a pas lieu ici que la Cour exerce sa discrétion pour entendre néanmoins la demande du demandeur.

[13]            Le débat soulevé par le demandeur dans sa demande, telle que logée, est devenu théorique et il y a lieu sur cette base de faire droit à la requête de la Reine et de radier cette demande, le tout sans frais (bien que la Reine requiert les dépens dans le cadre de ses représentations écrites, son avis de requête n'est fait point état).

[14]            Par ailleurs, dans son mémoire déposé au soutien de son dossier de la règle 309 - et non dans le cadre de son avis de demande de la règle 301 -, le demandeur réclame de la Cour des conclusions nouvelles.

[15]            Ces conclusions se lisent ainsi :

b)             Déclarer illégale et erronée la méthode de calcul utilisée par les défendeurs dans le présent cas;

c)             Déclarer que les défendeurs ont perçu en trop du demandeur une somme de 120 518,79$;

d)             Ordonner aux défendeurs de rembourser au demandeur dans un délai de cinq (5) jours la somme de 120 518,79$ avec intérêts au taux légal depuis l'encaissement des sommes perçues en trop;

e)             Déterminer la bonne méthode de calcul pour arriver au solde dû par le demandeur;

[16]            Ces conclusions qui sont de la nature de la répétition de l'indu sont, tel que mentionné précédemment, nouvelles et visent une nouvelle cause d'action. Elles ne sauraient bénéficier dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire de la règle 201 vu que la règle 169 rend la règle 201 non applicable aux demandes de contrôle judiciaire.

[17]            Advenant que cette répétition de l'indu puisse être recherchée par demande de contrôle judiciaire - et non par voie d'action - le demandeur devra procéder premièrement par voie de requête en prorogation du délai prévu au paragraphe 18.1(2) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, puisque tout calcul de l'Agence remonte forcément dans les circonstances à plus de trente (30) jours.

  

Richard Morneau     

ligne protonotaire


                                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                            SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

Date : 20030220

Dossier : T-1706-01

Entre :

ÉRIC MILLETTE

                                                                            demandeur

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

et

AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

et

GEORGES CLOUTIER, ès qualitéde directeur du Bureau des services fiscaux du district de Laval de l'Agence des douanes et du revenu du Canada

                                                                           défendeurs

                                                                                                                      

                                   MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                    ET ORDONNANCE

                                                                                                                            


                          COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

                      SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

INTITULÉ:


T-1706-01

ÉRIC MILLETTE

                                                demandeur

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

et

AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

et

GEORGES CLOUTIER, ès qualité de directeur du Bureau des services fiscaux du district de Laval de l'Agence des douanes et du revenu du Canada

                                               défendeurs


LIEU DE L'AUDIENCE :Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE : le 10 février 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

EN DATE DU :20 février 2003

ONT COMPARU:


M. Éric Millette

pour le demandeur


Me Claude Bernard

pour les défendeurs


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:


Me Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

pour les défendeurs


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