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Date : 20040210

Dossier : T-469-02

Référence : 2004 CF 213

Ottawa (Ontario), le 10 février 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :

                                                            ROGER BRENNAN

                                                                                                                                          demandeur

                                                                          - et -

                                   SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DES PÊCHES

                                                                                                                                      défenderesse

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

1.                   Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7, de la décision du ministère des Pêches et Océans (MPO) informant le demandeur que le processus d'appréciation quant à l'attribution du statut de membre du noyau et le processus d'appel quant à l'attribution du statut de membre du noyau avaient été complétés et que son dossier ne ferait l'objet d'aucun autre examen.

2.                   Le demandeur demande une ordonnance de certiorari annulant la décision de la défenderesse communiquée par lettre datée du 22 février 2002.


3.                   Le demandeur demande également une ordonnance de mandamus enjoignant à la défenderesse de lui permettre de présenter sa cause conformément aux procédures d'appel appropriées à une audience sur le fond.

4.                   Subsidiairement, le demandeur demande une ordonnance enjoignant à la défenderesse d'examiner d'abord sur le fond une demande d'attribution du statut de membre du noyau et, en cas de refus, accordant au demandeur le droit d'interjeter appel conformément aux procédures d'appel appropriées.

5.                   De plus, le demandeur demande les dépens de la présente demande.

Les faits

Introduction - Le demandeur et le concept de statut de membre du noyau

6.                   Le demandeur est un pêcheur de Terre-Neuve. Au début de 2001, il a présenté une demande visant à remplacer son bateau de pêche par un plus gros bateau. Le 19 juillet 2001, il a été informé qu'une politique de remplacement de bateau limitait la dimension de son bateau parce qu'il exploitait une entreprise qui ne faisait pas partie du noyau.

7.                   Élaboré par le MPO dans le cadre de la Politique des permis pour la pêche commerciale dans l'Est du Canada, le concept de statut de membre du noyau est celui d'un groupe principal ou d'un « noyau » formé d'un nombre maximum détenant plusieurs permis de pêche. Ce concept s'applique au secteur côtier qui vise les bateaux dont la longueur est inférieure à 65 pieds.

8.                   Cette politique vise à réduire l'activité de la pêche et à en empêcher la croissance, à améliorer la viabilité et la résilience des entreprises de pêche et à réduire la surréglementation.


9.                   Afin de se qualifier pour le statut de membre du noyau, les pêcheurs ont été tenus, en 1995, de se conformer aux critères suivants : détenir un permis de pêche clé, être le chef d'une entreprise de pêche active depuis au moins deux des trois dernières années de leur période d'admissibilité, présenter des liens historiques avec la pêche, être dépendant de la pêche et satisfaire aux critères de droits acquis de Pêcheur professionnel de niveau II.

L'appréciation quant à l'attribution du statut de membre du noyau

10.               En janvier 1996, le MPO a commencé l'appréciation des dossiers relatifs à l'attribution du statut de membre du noyau. Ce processus s'est terminé à la fin de 1996. Afin de déterminer l'admissibilité, le MPO a envoyé des formulaires de demande aux détenteurs de permis clé lorsque les données et les renseignements étaient insuffisants pour que le dossier puisse être apprécié. Les formulaires de demande devaient être remplis et retournés au MPO pour appréciation.

11.               Entre le 15 janvier 1996 et le 26 août 1996, trois lettres ont été envoyées par courrier recommandé au demandeur en rapport avec son formulaire de demande de statut de membre du noyau. Aucune des lettres recommandées n'a été retournée au MPO.

12.               La première lettre recommandée qui a été envoyée au demandeur, en date du 15 janvier 1996, mentionnait notamment ce qui suit :

[traduction]

Le ministère des Pêches et Océans (MPO) est en train de recenser les entreprises qui satisfont aux critères de membre du noyau. Afin de déterminer si votre entreprise satisfait à ces critères, vous devez remplir le formulaire de demande ci-joint. Assurez-vous que vous avez répondu à toutes les questions. Les formulaires de demande incomplets entraîneront un retard dans l'appréciation de votre entreprise quant à l'attribution du statut de membre du noyau.

[. . .] Si le MPO ne reçoit pas le présent formulaire de demande dans un délai de 21 jours, il présumera que vous ne désirez pas que votre entreprise soit appréciée quant à l'attribution du statut de membre du noyau.


Si vous avez des questions, veuillez communiquer avec le MPO au (709) 772-8247.

13.               Le demandeur n'a pas répondu à cette lettre. Par conséquent, une deuxième lettre recommandée, datée du 29 mars 1996, lui a été envoyée. Elle mentionnait notamment ce qui suit :

[traduction]

[. . .] Le 15 janvier 1996, nous vous avons envoyé un formulaire de demande d'attribution du statut de membre du noyau par courrier recommandé. Nous vous avons demandé de remplir ce formulaire de demande et de le retourner au MPO dans un délai de 21 jours. Nous n'avons pas reçu ce formulaire de demande et, par conséquent, nous sommes incapables d'apprécier votre entreprise quant à la pêche du noyau.

Si vous avez des questions concernant le présent avis, veuillez communiquer avec le MPO à l'adresse ci-dessous.

14.               Une fois de plus, le demandeur n'a pas répondu. Une troisième lettre recommandée, datée du 26 août 1996, lui a été envoyée. Cette lettre mentionnait notamment ce qui suit :

[traduction]

[. . .] En janvier 1996, nous vous avons envoyé un formulaire de demande d'attribution du statut de membre du noyau par courrier recommandé. Nous vous avons demandé de remplir et de retourner ce formulaire dans un délai de 21 jours. Nous vous avons également envoyé une deuxième lettre vous demandant de remplir le formulaire de demande si vous désiriez que votre entreprise soit appréciée quant à l'attribution du statut de membre du noyau. Étant donné que le MPO n'a pas reçu ce formulaire de demande, votre entreprise ne sera pas approuvée pour l'obtention du statut de membre du noyau.

Le demandeur n'a pas non plus répondu à cette lettre.

15.               Le demandeur ne se souvient pas d'avoir reçu ou d'avoir vu ces lettres. Il a effectué une recherche au bureau de poste local et a découvert que des lettres avaient été ramassées par Gus Brennan (il a signé pour une lettre le 28 août 1996), Brenda Ryan (elle a signé pour une lettre le 12 avril 1996) et Roxanne Brennan (elle a signé pour une lettre le 28 août 1996).


16.               Comme aucune demande n'a été reçue de la part du demandeur, il n'a pas été désigné comme possédant une entreprise du noyau. Le numéro de l'entreprise apparaissant sur les documents de permis du demandeur pour 1997 à 2001 était N 51174. Le MPO affirme que la lettre « N » apparaissant au début du numéro de l'entreprise signifiait que l'entreprise du demandeur était extérieure au noyau. Les entreprises classées comme membre du noyau avait un « C » au début de leur numéro.

Le processus d'appel quant à l'attribution du statut de membre du noyau

17.               Les pêcheurs à qui on avait refusé le statut de membre du noyau ont eu l'occasion d'interjeter appel dans un délai précis. Ces appels ont été entendus pendant environ un an, soit à la fin de 1996 et au début de 1997.

18.               À l'issue du processus d'appel quant à l'attribution du statut de membre du noyau, le MPO a entrepris deux révisions importantes des dossiers de membres du noyau en réponse aux représentations faites par l'industrie, les députés de l'Assemblée législative, les députés fédéraux, etc. À ce stade-ci, le MPO a rarement eu des nouvelles des pêcheurs qui n'avaient pas déjà interjeté appel dans le cadre du processus d'appel quant à l'attribution du statut de membre du noyau.

La demande d'attribution du statut de membre du noyau présentée par le demandeur


19.               Comme il a été mentionné précédemment, le demandeur prétend que, le 19 juillet 2001, il a été informé que son entreprise ne possédait pas le statut d'entreprise du noyau. Dans une lettre adressée au MPO, en date du 17 septembre 2001, l'avocat du demandeur a écrit que le demandeur avait été [traduction] « consterné d'apprendre que son entreprise ne possédait pas le statut d'entreprise du noyau » et qu'il désirait recevoir des formulaires de demande de telle sorte que son entreprise puisse obtenir ce statut.

20.               Dans une lettre datée du 22 octobre 2001, le MPO a notamment répondu ce qui suit :

[traduction]

[. . .]

Nous désirons vous informer que le processus d'appréciation quant à l'attribution du statut de membre du noyau a été entrepris en 1996. Il est maintenant terminé. Le ministère des Pêches et Océans ne distribue plus de formulaires de demande aux pêcheurs et n'examine plus de demandes soumises par les pêcheurs.

Comme Pêcheur professionnel de niveau II, M. Brennan peut être admissible à la désignation de membre du noyau s'il y a transfert de la part d'un autre pêcheur. Selon ce scénario, il faudrait qu'il se trouve un pêcheur du noyau qui consentirait à lui céder son entreprise.

21.               L'avocat du demandeur a alors écrit une lettre, datée du 16 janvier 2002, au Chef, Délivrance de permis et appels au MPO, lui demandant la possibilité de présenter une demande d'attribution du statut de membre du noyau ou, à titre subsidiaire, de se voir accorder une audience devant l'Office des appels relatifs aux permis de pêche de l'Atlantique.

22.               Le 22 février 2002, l'avocat du demandeur a reçu une lettre du Chef, Délivrance de permis et appels au MPO. Cette lettre mentionnait notamment ce qui suit :

[Traduction]

[. . .]

Nous désirons vous informer que le processus d'appréciation quant à l'attribution du statut de membre du noyau et le processus d'appel quant à l'attribution du statut de membre du noyau sont terminés. Par conséquent, ce dossier ne fera l'objet d'aucun autre examen. Le ministère des Pêches et Océans, Région de Terre-Neuve, n'examinera aucun nouveau cas dans le cadre de cette politique.

Les prétentions du demandeur


23.               Le demandeur prétend qu'il a régulièrement et fidèlement présenté des demandes de permis de pêche commerciale, année après année, et qu'il aurait été ridicule qu'il ne présente pas une demande d'attribution du statut de membre du noyau, compte tenu du fait qu'il n'avait qu'à remplir un simple formulaire. Bien que le demandeur reconnaisse que des lettres lui ont été envoyées par la défenderesse, il déclare ne pas les avoir reçues et qu'il ignorait complètement qu'il fallait présenter une demande distincte pour l'attribution du statut de membre du noyau.

24.               Le demandeur prétend qu'il exploitait son entreprise de pêche après 1996, comme il l'avait fait au cours des années précédentes, et qu'il n'avait jamais été avisé qu'il n'était pas un pêcheur du noyau.

25.               Le demandeur prétend qu'après avoir manqué le processus de demande, il a également manqué le processus d'appel et n'a été avisé d'aucune décision, ni d'aucun résultat. Le demandeur prétend qu'on ne lui a pas donné l'occasion de présenter sa cause par écrit et qu'aucune décision n'a jamais été rendue sur le fond quant à son admissibilité au statut de membre du noyau. Le demandeur prétend qu'il serait injuste qu'on ne lui donne pas l'occasion de présenter sa cause lors d'une audience d'appel tenue devant un tribunal indépendant comme les autres pêcheurs ont eu le droit de le faire. Le demandeur prétend qu'il s'agit là d'un déni d'équité procédurale.


26.               Le demandeur prétend que le refus de lui attribuer le statut de membre du noyau sans la tenue d'une audience a pour conséquence de le priver du droit à la liberté et à la sécurité de sa personne car il limite le droit qu'il a de gagner sa vie. Le demandeur prétend que l'on a porté atteinte aux droits qui lui sont garantis par la Charte canadienne des droits et libertés, Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, ch. 11 (la Charte) et la Déclaration canadienne des droits, L.C. 1960 ch. 44, reproduite dans L.R.C. 1985, appendice III (la Déclaration des droits).

27.               Le demandeur prétend que le ministre n'a pas tenu compte de l'ensemble de la preuve, notamment des reçus de courrier recommandé indiquant qu'il n'avait pas signé les lettres envoyées par le MPO en rapport avec le processus de demande d'attribution du statut de membre du noyau.

Les prétentions de la défenderesse


28.               La défenderesse prétend que la seule décision dont la Cour est saisie est celle qui a été reçue par le demandeur le 22 février 2002 et qui mentionnait que le processus d'appréciation quant à l'attribution du statut de membre du noyau et le processus d'appel quant à l'attribution du statut de membre du noyau étaient terminés et qu'il n'y aurait pas d'autre examen de son dossier. Il est allégué qu'il ne s'agit pas d'une décision refusant la demande d'attribution du statut de membre du noyau sur le fond. La défenderesse prétend également que, parce que la décision du 22 février 2000 a été dictée par la politique qui a établi le processus de demande d'attribution du statut de membre du noyau et les dates de la fin de ce processus, le présent contrôle judiciaire attaque l'application de la politique de ne pas accepter les demandes d'attribution du statut de membre du noyau présentées après le délai de 1996/1997. Étant donné que la décision en litige a été rendue conformément à la politique, la défenderesse prétend qu'elle ne peut être contestée que pour un certain nombre de motifs limités, à savoir la mauvaise foi, le non respect des principes de la justice naturelle et la prise en compte de considérations non pertinentes. Il est allégué que la mauvaise foi et les considérations non pertinentes ne sont pas alléguées par le demandeur.

29.               La défenderesse prétend que les principes de la justice naturelle n'ont pas été violés lorsque la décision du 22 février 2002 a été rendue car le demandeur s'est vu accorder la possibilité de faire valoir sa cause, il a reçu les motifs de la décision et il n'existait aucun droit à une audience. Il est allégué que, à deux reprises, la défenderesse a examiné la demande d'attribution du statut de membre du noyau présentée par le demandeur. Il est également allégué que les principes de la justice fondamentale ou de la justice naturelle n'exigent pas la tenue d'une audience dans les présentes circonstances.

30.               La défenderesse prétend que les documents présentés par le demandeur à l'appui de sa demande ont tous été examinés. La défenderesse prétend que les lettres envoyées par courrier recommandé n'ont pas pu être ramassées par une personne autre que celle qui était autorisée à ramasser le courrier au nom du demandeur. Par conséquent, malgré que le demandeur ait prétendu ne pas avoir reçu les lettres, la défenderesse prétend qu'elle avait le droit de refuser au demandeur la possibilité de présenter une demande d'attribution du statut de membre du noyau.

31.               La défenderesse prétend que les objectifs de la Loi sur les pêches, L.R.C. 1985, ch. F-14, doivent être pris en compte lors de l'examen de la décision en litige. La défenderesse prétend que l'acceptation de nouvelles demandes d'attribution du statut de membre du noyau irait à l'encontre des objectifs de conservation et de gestion des pêches régissant le programme du noyau.


32.               La défenderesse prétend que le statut d'extérieur au noyau du demandeur ne l'empêchera pas de gagner sa vie. Il est allégué que le demandeur a été capable de gagner sa vie à partir de la fin de 1996, alors qu'il avait été désigné extérieur au noyau, jusqu'à ce qu'il demande l'attribution du statut de membre du noyau cinq ans plus tard, en septembre 2001.

33.               La défenderesse prétend que la Cour n'a pas compétence pour contraindre le ministre à attribuer le statut de membre du noyau au demandeur. S'appuyant sur l'arrêt Kahlon c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1986] A.C.F. no 930 (C.A.) (QL), la défenderesse affirme que les ordonnances de mandamus peuvent forcer l'exécution d'un devoir public mais qu'elles ne peuvent pas dicter le résultat à atteindre. Comme la Loi sur les pêches, précitée, accorde au ministre non pas le devoir mais un pouvoir discrétionnaire de délivrer des permis, la défenderesse prétend que la Cour n'a pas compétence pour contraindre le ministre à attribuer le statut de membre du noyau.

Les questions en litige

34.               Les questions en litige dans la présente demande sont les suivantes :

1.          Quelle est la norme de contrôle applicable à la décision de la défenderesse?

2.          La défenderesse a-t-elle omis de respecter les principes de la justice naturelle et de l'équité procédurale en ne permettant pas au demandeur de présenter une demande d'attribution du statut de membre du noyau et, plus particulièrement, d'obtenir une audience d'appel à la suite de la décision de la défenderesse de refuser d'examiner sa demande?


3.          La défenderesse a-t-elle contrevenu aux principes de la justice naturelle garantis par la Charte et la Déclaration des droits, précitées, en ne permettant pas au demandeur de présenter une demande d'attribution du statut de membre du noyau ou, subsidiairement, en refusant au demandeur une audience d'appel après avoir refusé de permettre au demandeur de présenter une demande d'attribution du statut du membre du noyau?

4.          La décision de la défenderesse a-t-elle été fondée sur des conclusions de fait erronées, prise de façon arbitraire sans tenir compte des faits importants dont la défenderesse disposait?

Les dispositions législatives pertinentes

35.               Les dispositions pertinentes de la Charte sont les suivantes :

1. La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique.

[. . .]

1. The Canadian Charter of Rights and Freedoms guarantees the rights and freedoms set out in it subject only to such reasonable limits prescribed by law as can be demonstrably justified in a free and democratic society.

. . .

7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

7. Everyone has the right to life, liberty and security of the person and the right not to be deprived thereof except in accordance with the principles of fundamental justice.

36.               Les dispositions pertinentes de la Déclaration des droits, précitée, sont les suivantes :


2. Toute loi du Canada, à moins qu'une loi du Parlement du Canada ne déclare expressément qu'elle s'appliquera nonobstant la Déclaration canadienne des droits, doit s'interpréter et s'appliquer de manière à ne pas supprimer, restreindre ou enfreindre l'un quelconque des droits ou des libertés reconnus et déclarés aux présentes, ni à en autoriser la suppression, la diminution ou la transgression, et en particulier, nulle loi du Canada ne doit s'interpréter ni s'appliquer comme

[. . .]

2. Every law of Canada shall, unless it is expressly declared by an Act of the Parliament of Canada that it shall operate notwithstanding the Canadian Bill of Rights, be so construed and applied as not to abrogate, abridge or infringe or to authorize the abrogation, abridgment or infringement of any of the rights or freedoms herein recognized and declared, and in particular, no law of Canada shall be construed or applied so as to

. . .

e) privant une personne du droit à une audition impartiale de sa cause, selon les principes de justice fondamentale, pour la définition de ses droits et obligations;

(e) deprive a person of the right to a fair hearing in accordance with the principles of fundamental justice for the determination of his rights and obligations;

Analyse et décision

37.               La question en litige no 1

Quelle est la norme de contrôle applicable à la décision de la défenderesse?

Selon moi, les questions en litige soulevées par le demandeur ont trait à des questions d'équité procédurale ou de justice naturelle. Par conséquent, la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte.

38.               La question en litige no 2

La défenderesse a-t-elle omis de respecter les principes de la justice naturelle et de l'équité procédurale en ne permettant pas au demandeur de présenter une demande d'attribution du statut de membre du noyau et, plus particulièrement, d'obtenir une audience d'appel à la suite de la décision de la défenderesse de refuser d'examiner sa demande?


Il n'est pas contesté que, en l'espèce, le demandeur n'a présenté aucune demande d'attribution du statut de membre du noyau. Le demandeur déclare qu'il n'a jamais reçu aucune des lettres envoyées par la défenderesse concernant la demande d'attribution du statut de membre du noyau. Il déclare qu'il a découvert qu'il ne possédait pas le statut de membre du noyau que lorsque qu'il a présenté une demande de remplacement de son bateau par un bateau plus gros en juillet 2001.

39.               Le demandeur a alors tenté de présenter une demande d'attribution du statut de membre du noyau le 17 septembre 2001 et cette demande a été refusée par la défenderesse dans une lettre de M. Tobin qui mentionnait notamment ce qui suit :

[Traduction]

Nous désirons vous informer que le processus d'appréciation quant à l'attribution du statut de membre du noyau a été entrepris en 1996. Il est maintenant terminé. Le ministère des Pêches et Océans ne distribue plus de formulaires de demande aux pêcheurs et n'examine plus de demandes soumises par les pêcheurs.

40.               À la suite de ce refus, le demandeur a présenté le 16 janvier 2002 à M. Tom Perry, Chef, Délivrance de permis et appels, la demande suivante :

[Traduction]

Nous demandons que M. Brennan ait la possibilité de présenter une demande d'attribution du statut de membre du noyau. À titre subsidiaire, nous demandons la tenue d'une audience devant l'Office des appels relatifs aux permis de pêche de l'Atlantique sur cette question.

Le ou vers le 22 février 2002, M. Perry a refusé cette demande dans une lettre qui mentionnait notamment ce qui suit :

[Traduction]

Nous désirons vous informer que le processus d'appréciation quant à l'attribution du statut de membre du noyau et le processus d'appel quant à l'attribution du statut de membre du noyau sont terminés. Par conséquent, ce dossier ne fera l'objet d'aucun autre examen. Le ministère des Pêches et Océans, Région de Terre-Neuve, n'examinera aucun nouveau cas dans le cadre de cette politique.


41.               Le demandeur prétend que l'omission de la défenderesse d'examiner sa demande d'attribution du statut de membre du noyau ou de lui accorder une audience d'appel si elle n'examinait pas sa demande, constituait un déni de justice naturelle et une violation de l'obligation d'équité procédurale qu'elle a envers lui.

42.               La preuve dont était saisie M. Perry indiquait que la demanderesse avait envoyé trois lettres recommandées à l'adresse de la demanderesse concernant le processus de demande d'attribution du statut de membre du noyau. Les trois lettres ont toutes été remises contre signature au bureau de poste; la première a été remise contre signature à Gus Brennan le 22 janvier 1999, la deuxième a été remise contre signature à Brenda Ryan le 12 avril 1996 et la troisième lettre a été remise contre signature à Roxanne Brennan le 28 août 1996. Le demandeur, M. Brennan, a déclaré dans son affidavit qu'il [Traduction] « ne se rappelait pas avoir reçu les formulaires de demande » et qu'après avoir effectué des recherches au bureau de poste il [Traduction] « avait découvert que les lettres avaient été ramassées par d'autres personnes [et que, par conséquent, il ne les avait jamais vues ni reçues] » .

43.               Je n'ai pas à trancher la validité du programme du noyau conçu par la défenderesse. La défenderesse a mis en place un processus visant à rejoindre les personnes comme le demandeur, a prévu un processus d'appel et un processus pour la présentation ultérieure d'arguments après la fin du processus d'appel officiel. Le processus du programme du noyau a pris fin environ trois ans avant que la demande du demandeur ne soit examinée en vertu de ce programme.


44.               Il s'agit maintenant de savoir si le refus de M. Perry de permettre au demandeur de présenter sa demande d'attribution du statut de membre du noyau ou de se présenter devant l'Office des appels relatifs aux permis de pêche de l'Atlantique constituait une violation de l'obligation d'équité procédurale ou un déni de justice naturelle tel qu'il est énoncé dans la jurisprudence pertinente.

45.               J'ai examiné la jurisprudence pertinente et je ne peux conclure que la défenderesse, à la lumière des faits de l'espèce, a commis un déni de justice naturelle envers le demandeur ou une violation de l'obligation d'équité procédurale à laquelle il avait droit. La défenderesse a envoyé trois lettres recommandées au demandeur, lesquelles ont probablement été ramassées par une personne qui avait son autorisation. Le paragraphe 6(8) du Règlement sur les droits postaux de services spéciaux, C.R.C. ch. 1296, adopté en application de la Loi sur la société canadienne des postes, L.R.C. 1985, ch. C-10 est ainsi libellé :

6.(8) La signature du destinataire ou de son représentant doit être obtenue avant de livrer un envoi postal recommandé.

6.(8) The signature of the addressee or his representative shall be obtained before registered mail is delivered.

46.               En me fondant sur ces observations, je conclus que la décision de M. Perry n'a pas occasionné un déni de justice naturelle envers le demandeur ou une violation de l'obligation d'équité procédurale.

47.               La question en litige no 3

La défenderesse a-t-elle contrevenu aux principes de la justice fondamentale garantis par la Charte et la Déclaration des droits, précitées, en ne permettant pas au demandeur de présenter une demande d'attribution du statut de membre du noyau ou, subsidiairement, en refusant au demandeur une audience d'appel après avoir refusé de permettre au demandeur de présenter une demande d'attribution du statut du membre du noyau?


Appliquant le même raisonnement que celui que j'ai appliqué à la question en litige no 2, je conclus que M. Perry n'a pas violé les principes de justice fondamentale qui sont garantis par la Charte et la Déclaration canadienne des droits, précitées, en ne permettant pas au demandeur de présenter une demande d'attribution du statut de membre du noyau ou d'obtenir une audience d'appel concernant sa demande d'attribution du statut de membre du noyau. Je ne suis pas non plus convaincu que les garanties inscrites à l'article 7 de la Charte trouveraient application d'après les faits de l'espèce car la demande du demandeur s'articule autour de son intérêt économique dans la pêche. La Cour suprême du Canada a affirmé récemment dans l'arrêt Siemens c. Manitoba (Procureur général), [2003] 1 R.C.S. 6, 2003 CSC 3 que les droits visés par l'article 7 englobe « les choix fondamentaux qu'une personne peut faire dans sa vie, et non des intérêts purement économiques » . Il n'est toutefois pas nécessaire de se livrer à une analyse approfondie de la portée des droits du demandeur prévus à l'article 7. Comme je suis d'avis que la décision en cause ne violait pas les principes de justice fondamentale, les arguments fondés sur la Charte invoqués par le demandeur ne peuvent être retenus.

48.               La question en litige no 4

La décision de la défenderesse a-t-elle été fondée sur des conclusions de fait erronées, prise de façon arbitraire sans tenir compte des faits importants dont la défenderesse disposait?

Un examen de l'affidavit que Tom Perry a souscrit le 12 avril 2002 ainsi que de ses pièces jointes me porte à croire que M. Perry n'a pas fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées ou pris sa décision de façon arbitraire sans tenir compte des faits importants dont il disposait.


49.               Le demandeur a souligné que l'affidavit de Derek Tobin mentionne qu'un certain nombre de pêcheurs qui n'avaient pas interjeté d'appel officiel, s'étaient vu attribuer le statut de membre du noyau après que le MPO eut examiné leur dossier. Ces pêcheurs n'avaient pas interjeté appel et avaient été autorisés à présenter des observations après que le processus quant à l'attribution du statut de membre du noyau fut terminé. Je tiens toutefois à souligner que cela s'est produit avant que le processus quant à l'attribution du statut de membre du noyau ne fut terminé. Le fait que le processus d'appel antérieur fut modifié pour des considérations commerciales et politiques ne fait pas en sorte que la décision de la défenderesse de refuser d'examiner le dossier du demandeur, quatre ans plus tard environ, soit erronée ou arbitraire.

50.               La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

51.               Aucuns dépens ne seront adjugés.

                                        ORDONNANCE

52.               LA COUR ORDONNE :

1.          La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.          Aucuns dépens ne sont adjugés.

                                                                            _ John A. O'Keefe _               

                                                                                                     Juge                           

OTTAWA (ONTARIO)

Le 10 février 2004

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B., trad. a.

                                     COUR FÉDÉRALE


                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                             T-469-02

INTITULÉ :                            ROGER BRENNAN

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA REPRÉSENTÉE PAR

LE MINISTRE DES PÊCHES

                                                     

LIEU DE L'AUDIENCE :      ST. JOHN'S (TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR)

DATE DE L'AUDIENCE :    LE 11 AOÛT 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE                LE JUGE O'KEEFE

ET ORDONNANCE :

DATE DES MOTIFS:            LE 10 FÉVRIER 2004

COMPARUTIONS :

Gregory Pittman                        POUR LE DEMANDEUR

Melissa Cameron                       POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mills, Hussey & Pittman             POUR LE DEMANDEUR

Clarenville (Terre-Neuve-et-Labrador)

Ministère de la Justice                POUR LA DÉFENDERESSE

Bureau régional de l'Atlantique

Halifax (Nouvelle-Écosse)


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