Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20031020

Dossier : IMM-5463-02

Référence : 2003 CF 1217

Ottawa (Ontario), le 20 octobre 2003

En présence de Madame la Juge Tremblay-Lamer

ENTRE :

                         ANNESLEY BERTRAM GOMES

                          ROSEMARY ALOMA GOMES

                         ROZELLE NATASHA GOMES

                         MITCHELL BERTRAM GOMES

                                                               demandeurs

                                    et

          LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

                                                                défendeur

                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire qui vise la décision du 21 octobre 2002 par laquelle une agente saisie d'une demande de résidence permanente fondée sur des motifs d'ordre humanitaire a conclu que le demandeur et les membres de sa famille ne pouvaient obtenir la résidence permanente, le demandeur ayant été jugé non admissible pour des raisons médicales.


[2]                 En septembre 1999, la famille a présenté une demande unique de résidence permanente fondée sur des raisons d'ordre humanitaire. Le demandeur et son épouse ont deux enfants et ceux-ci ont demandé la résidence permanente en tant que personnes à charge de leur père. Les deux enfants étaient âgés de plus de dix-huit ans au moment de la demande, mais tous deux étudiaient à temps plein et à ce titre ils entraient dans la catégorie des personnes à charge. Par suite de cette demande, un seul dossier a été créé pour toute la famille (numéro 3708-31824364).

[3]                 Le demandeur et son épouse ont payé les études universitaires de leurs enfants, et ceux-ci ont tous deux obtenu leur diplôme et ont commencé leur carrière. Les deux parents travaillent.

[4]                 La demande a été approuvée le12 avril 2002 et des lettres d'approbation ont été remises à chacun des membres de la famille.

[5]                 Le 10 juillet 2002, le demandeur a été jugé non admissible pour des raisons d'ordre médical. Le médecin agréé a déterminé que l'état de santé du demandeur était tel qu'il entraînerait un fardeau excessif pour les services de santé au Canada. Par conséquent, l'agente a conclu que les trois personnes à sa charge étaient également non admissibles.

[6]                 Le 14 août 2002, l'avocat du demandeur a fait parvenir à l'agente une lettre dans laquelle il demande d'abord qu'elle annule sa décision parce que le demandeur n'a pas eu la possibilité de contester la conclusion de non-admissibilité pour des raisons médicales et, ensuite, qu'elle examine la demande des deux enfants indépendamment de celle du demandeur étant donné qu'ils n'étaient plus à la charge de celui-ci au moment où l'approbation a été accordée.

[7]                 L'agente a accepté d'annuler sa décision et a fait parvenir une lettre au demandeur et aux membres de sa famille afin de leur donner la possibilité de réfuter la conclusion qu'elle avait tirée au sujet de la non-admissibilité pour raisons médicales. Elle a refusé d'examiner la demande des enfants séparément, ceux-ci l'ayant présentée en tant que personnes à charge. Elle a aussi fait remarquer que les enfants pouvaient se désister de leur demande à titre de personnes à charge et en présenter une nouvelle à titre de demandeurs indépendants.


[8]                 En réponse, le demandeur a soumis à l'agente de nouveaux renseignements médicaux indiquant que son état de santé actuel était relativement stable. Le médecin agréé a examiné ces renseignements supplémentaires, mais il a conclu qu'ils ne justifiaient pas qu'il modifie son évaluation antérieure. Il a conclu que la fonction rénale du demandeur avait continué de se détériorer en dépit d'un traitement médical optimal. Ainsi, compte tenu de sa condition on pouvait raisonnablement prévoir une détérioration progressive de la fonction rénale qui nécessiterait qu'il soit suivi par un spécialiste des maladies du rein. Si son état devait s'aggraver, il faudrait qu'il ait accès à de l'équipement hospitalier spécialisé, équipement coûteux et en forte demande.

[9]                 L'agente a pris en compte la dernière opinion du médecin agréé et elle a conclu que les quatre demandeurs demeuraient non admissibles. Vu leur non-admissibilité, elle devait exiger qu'ils quittent le Canada (étant donné qu'ils n'avaient plus le statut requis pour rester ici) ou elle pouvait faciliter leur séjour au Canada en recommandant qu'ils obtiennent des permis de séjour temporaires. Elle a choisi de délivrer de tels permis.

[10]            Premièrement, le demandeur allègue que la décision concernant sa non-admissibilité pour des raisons médicales était déraisonnable étant donné que pendant un an son état de santé était demeuré stable et n'avait pas nécessité d'autres traitements.


[11]            L'alinéa 38(1)c) de la Loi est libellé comme suit :


38(1) Health grounds - A foreign national is inadmissible on health grounds if their health condition

[...]

(c) might reasonably be expected to cause excessive demand on health or social services

38(1) Motifs sanitaires - Emporte, sauf pour le résident permanent, interdiction de territoire pour motifs sanitaires l'état de santé de l'étranger constituant vraisemblablement un danger pour la santé ou la sécurité publiques ou risquant d'entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé.


[12]            Le paragraphe 1(1) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés définit ainsi « demande excessive » :


(a) a demand on health services or social services for which the anticipated costs would likely exceed average Canadian per capita health services and social services costs over a period of five consecutive years immediately following the most recent medical examination required by these Regulations, unless there is evidence that significant costs are likely to be incurred beyond that period, in which case the period is no more than 10 consecutive years; or

(b) a demand on health services or social services that would add to existing waiting lists and would increase the rate of mortality and morbidity in Canada as a result of the denial or delay in the provision of those services to Canadian citizens or permanent residents.

a) de toute charge pour les services sociaux ou les services de santé dont le coût prévisible dépasse la moyenne, par habitant au Canada, des dépenses pour les services de santé et pour les services sociaux sur une période de cinq années consécutives suivant la plus récente visite médicale exigée par le présent règlement ou, s'il y a lieu de croire que des dépenses importantes devront probablement être faites après cette période, sur une période d'au plus dix années consécutives;

b) de toute charge pour les services sociaux ou les services de santé qui viendrait allonger les listes d'attente actuelles et qui augmenterait le taux de mortalité et de morbidité au Canada vu l'impossibilité d'offrir en temps voulu ces services aux citoyens canadiens ou aux résidents permanents.



[13]            La jurisprudence de la Cour fédérale a clairement établi qu'un tribunal de révision n'a pas compétence pour tirer des conclusions de fait à l'égard de la validité et de l'exactitude du diagnostic et du pronostic du médecin agréé (Jiwanpuri c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1990), 10 Imm.L.R. (2d), p. 241). Toutefois, la Cour a compétence pour examiner l'opinion du médecin agréé quant à la question du fardeau excessif. La norme applicable est celle du caractère raisonnable simpliciter . (Ahir c. Canada (1983), 49 N.R. 185 (C.A.F.). Les motifs pour lesquels une décision peut être jugée déraisonnable comprennent l'incohérence ou les contradictions, l'absence de preuve à l'appui de la décision ou le défaut de tenir compte d'une preuve convaincante ou des facteurs énoncés à l'article 22 du Règlement (Gao c. Canada (M.E.I.) (1993), 18 Imm.L.R. (2d) 306 (C.F. 1re inst.) p. 318).

[14]            Comme il a été indiqué précédemment, le médecin agréé a conclu que le demandeur souffrait de néphropathie diabétique, qu'il présentait une protéinurie importante et qu'il souffrait aussi d'hypertension, un facteur associé à la progression de la néphropathie diabétique. Il s'agit d'un grave problème de santé qui peut entraîner une détérioration de la fonction rénale et qui mène habituellement à l'insuffisance rénale. Il a conclu que l'état du demandeur nécessiterait qu'il soit suivi par un spécialiste des maladies rénales et du diabète. La constante détérioration de sa fonction rénale déjà altérée nécessiterait que d'ici cinq à dix ans il ait accès à des services spécialisés en matière de diagnostics et de traitements continus comme la dialyse.

[15]            De fait, le médecin agréé a examiné les renseignements médicaux supplémentaires qu'a fournis le demandeur, mais cela ne l'a pas convaincu de modifier son évaluation.


[16]            Compte tenu du coût élevé de la dialyse et des conséquences négatives pour les personnes qui requièrent déjà ces services au Canada, il a jugé que l'admission du demandeur à titre d'immigrant risquait d'entraîner un fardeau excessif pour les services de santé canadiens.

[17]            Je suis d'avis que le diagnostic et le pronostic du médecin agréé reposaient sur la preuve médicale récente dont il disposait concernant le demandeur et qu'il a bien cerné la nature de l'affection diagnostiquée. De plus, il a formulé son opinion quant à la question du fardeau excessif après avoir dûment examiné la preuve concernant la gravité de l'état de santé du demandeur et les services de santé particuliers dont il aura besoin compte tenu de son état.

[18]            Ainsi, je suis d'avis que le médecin agréé n'a pas commis d'erreur de droit en concluant que le demandeur était non admissible pour des raisons médicales et j'estime que l'agente a eu raison de s'appuyer sur l'avis donné par l'expert médical.

[19]            Deuxièmement, le demandeur allègue que les enfants avaient cessé d'appartenir à la catégorie des personnes à charge au moment où la dispense a été accordée parce qu'ils ont obtenu leur diplôme en juin 2001 et qu'en conséquence, ils devaient être considérés comme des demandeurs indépendants. Toutefois, cette allégation n'est pas appuyée par la preuve.


[20]            Les demandeurs ont présenté, en tant qu'unité familiale, une demande de résidence permanente fondée sur des motifs d'ordre humanitaire. Les enfants du demandeur ont été inclus dans sa demande de résidence permanente à titre de personnes à charge. À cette époque, les enfants étaient respectivement âgés de vingt et un et vingt-deux ans, mais ils étudiaient à temps plein. Ils ont donc été correctement inscrits comme personnes à charge de leur père et considérés à ce titre tout au long du processus. De fait, un seul numéro de dossier a été attribué à l'ensemble de la famille. Des lettres distinctes leur ont été transmises pour accuser réception de la demande et par la suite, pour les informer que l'approbation avait été accordée. L'avocat du demandeur prétend que le fait que chacun des membres de la famille a reçu une lettre d'approbation constitue une preuve qu'ils ont fait l'objet d'un examen distinct. Je ne saurais souscrire à cette prétention. Je ne vois pas en quoi le fait d'envoyer à chacun des membres de la famille une lettre individuelle qui fait référence à un seul numéro de dossier, constitue une preuve qu'ils ont été considérés comme des demandeurs indépendants. En outre, j'accepte l'explication fournie par l'agente, à savoir que la raison pour laquelle des lettres distinctes ont été envoyées à chacun des membres de la famille concerne la couverture accordée par le RAMO. En effet, les demandeurs dont la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire a été approuvée doivent présenter leur lettre d'approbation pour être couverts par le RAMO.

[21]            De plus, l'agente a informé les enfants de la marche à suivre pour disjoindre leur demande et en présenter une à titre de demandeurs indépendants. Il leur était loisible de procéder de cette manière, mais ils ont choisi de ne pas le faire. De fait, ils n'ont jamais demandé l'examen séparé de leur demande avant que leur père ne soit déclaré non admissible.

[22]            Enfin, le principal motif invoqué par les demandeurs pour que soit levée l'obligation de présenter leur demande depuis l'étranger était que leurs enfants faisaient des études. Les parents ne voulaient pas quitter le Canada parce que leurs enfants poursuivaient leurs études et qu'ils ne voulaient pas qu'ils les interrompent. Ainsi, il est évident que la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire a été approuvée parce qu'elle visait la famille en tant qu'unité.

[23]            Je réitère que les enfants demeurent libres de présenter leur propre demande en tout temps.

[24]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                     ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.


                                                                                                                     « _ Danièle Tremblay-Lamer »

Juge

TRADUCTION CERTIFIÉE CONFORME

Ghislaine Poitras


                                  COUR FÉDÉRALE

                      Avocats inscrits au dossier

DOSSIER :                              IMM-5463-02

INTITULÉDE LA CAUSE :             ANNESLEY BERTRAM GOMES, ROSEMARY ALOMA GOMES, ROZELLE NATASHA GOMES, MITCHELL BERTRAM GOMES

                                                                         demandeurs

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                             intimé

LIEU DE L'AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                 LE 15 OCTOBRE 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :              LA JUGE TREMBLAY-LAMER

DATE DES MOTIFS :                    LE 20 OCTOBRE 2003

COMPARUTIONS :   

M. Lorne Waldman                    Pour les demandeurs

Mme Negar Hashemi             Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :    

Lorne Waldman

Waldman and Associates

281, avenue Eglinton Est

Toronto (Ontario)

M4P 1L3                                      Pour les demandeurs

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada           Pour le défendeur


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.