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Date : 20021206

Dossier : IMM-5632-01

OTTAWA (ONTARIO), LE 6 DÉCEMBRE 2002

EN PRÉSENCE DU JUGE EN CHEF ADJOINT

ENTRE :

                                         MARIA ROSA PRADO DE ALBARRACIN

                                                 JORGE VICTOR ALBARRACIN

                                                                                                                                        demandeurs

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                                                ORDONNANCE

VU la demande de contrôle judiciaire des demandeurs visant à l'annulation de la décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, en date du 6 novembre 2001, suivant laquelle ils ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention;

APRÈS examen des dossiers de demande des parties et après audition des parties le 6 novembre 2002, à Toronto (Ontario);


LA COUR ORDONNE PAR LA PRÉSENTE :

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Allan Lutfy »

Juge en chef adjoint

Traduction certifiée conforme

Jean Maurice Djossou, LL.D.


Date : 20021206

Dossier : IMM-5632-01

Référence neutre : 2002 CFPI 1269

ENTRE :

                                         MARIA ROSA PRADO DE ALBARRACIN

                                                 JORGE VICTOR ALBARRACIN

                                                                                                                                        demandeurs

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE EN CHEF ADJOINT

[1]                En décembre 1995, Jorge Albarracin, un citoyen de l'Argentine, a été congédié après vingt-cinq années de service dans la même chaîne de pharmacie à Mendoza. D'après le demandeur, ses relations avec son employeur s'étaient détériorées depuis 1993 quand il a été élu pour la première fois délégué syndical et qu'il a été impliqué dans des négociations difficiles avec la direction au nom de ses collègues.


[2]                La lettre de renvoi provenant de l'employeur affirme que M. Albarracin a été congédié par manque de travail. Il a reçu une indemnité de licenciement. Le demandeur prétend qu'il a été abusivement congédié à cause du mécontentement de son employeur eu égard à ses activités syndicales.

[3]                Le demandeur prétend qu'il n'a pas pu trouver un emploi valable au cours des quatre années qui ont précédé son départ d'Argentine à cause de sa notoriété comme activiste syndical. Il reconnaît que son âge et son manque d'expérience dans d'autres domaines constituent des facteurs qui ont contribué à le rendre inapte à trouver un emploi permanent.

[4]                En mars 2000, le demandeur a revendiqué le statut de réfugié au Canada en invoquant le motif d'une crainte fondée de persécution en Argentine du fait de ses opinions politiques comme membre d'un syndicat. Son épouse est le deuxième demandeur et a fondé sa revendication sur celle de son mari.

[5]                Le tribunal a décidé que les demandeurs n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention en l'absence de lien entre le préjudice qu'ils prétendent avoir subi et l'un ou l'autre des cinq motifs énumérés dans la définition de réfugiés au sens de la Convention. Après examen de la preuve documentaire sur le pays, le tribunal a conclu que « [...] les véritables motifs des revendicateurs de quitter l'Argentine sont plutôt les perspectives économiques peu favorables dans un pays qui, sur le plan économique, croule sous les dettes et qui n'offre aucune perspective d'emploi ni aucune possibilité d'avancement professionnel et qu'il n'existe aucun motif valable au sens de la Convention » .

[6]                Pour arriver à cette conclusion, le tribunal devait également révéler dans ses motifs pourquoi il préférait la preuve documentaire générique au témoignage des demandeurs.

[7]                Dans la présente demande de contrôle judiciaire, les demandeurs allèguent principalement que la décision du tribunal ne fournit pas les motifs clairs et suffisants qui justifient son rejet de leur témoignage.

[8]                En se référant à la lettre de renvoi de l'employeur, en date du 21 décembre 1995, et à la lettre attestant le lien d'emploi en date du 7 avril 1997, le tribunal a noté que M. Albarracin :

[...] a été congédié en 1995 en raison d'un manque de travail. Étant donné le climat économique actuel et celui qui sévissait en Argentine à cette époque, le tribunal admet ce motif comme un motif logique et raisonnable justifiant son congédiement. Par ailleurs, la pharmacie a même remis à M. Albarracin une attestation confirmant son lien d'emploi. Le revendicateur a travaillé pour la même pharmacie à compter de 1970, et ce, pendant vingt-cinq ans.[Non souligné dans l'original.]

Le rejet par le tribunal de l'interprétation que M. Albarracin fait de son congédiement, savoir qu'il était lié à ses activités syndicales, est implicite dans la portion du passage que j'ai soulignée.

[9]                Le tribunal a interrogé M. Albarracin au sujet de son interprétation du motif de son congédiement par rapport au contexte économique de l'Argentine :


[TRADUCTION] [...] PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE : Ainsi, la preuve documentaire révèle que la société argentine comporte de très nombreux syndicats et qu'il n'y a rien qui soit lié à la violence syndicale dans la preuve documentaire qui nous est présentée, entre le gouvernement et les syndicats et qu'en fait le droit consacre les droits des personnes d'appartenir aux syndicats en Argentine. Le contexte dont vous parlez est antérieur à 1983. La preuve documentaire objective qui nous est présentée aujourd'hui n'appuie pas vos allégations à cet égard. Qu'en pensez-vous? Vous ne pouvez pas être victime de discrimination en Argentine parce que vous êtes membre d'un syndicat. Vous ne pouvez pas vous faire licencier parce que vous êtes membre d'un syndicat puis passer les quatre années suivantes à vous chercher des emplois qu'on vous refuse partout parce que vous avez été à un certain moment membre d'un syndicat.

[M. ALBARRACIN] : C'est ce qui est arrivé.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE : À vous?

[M. ALBARRACIN] : Oui.

[10]            Il aurait peut-être été préférable que le tribunal explique davantage son appréciation du témoignage de M. Albarracin, même si la transcription elle-même est inférieure à vingt pages. Cependant, à mon avis, la brève analyse des faits contenue dans la décision est suffisamment claire pour montrer que le tribunal a jugé que les motifs de congédiement avancés par l'employeur correspondaient plus à la preuve documentaire sur les conditions économiques de l'Argentine en 1995 que ceux mis de l'avant par M. Albarracin.

[11]            L'analyse du tribunal n'est pas tellement différente des observations faites par le représentant du demandeur à la fin de l'audience.

[12]            M. Albarracin a reconnu qu'il n'a pas été particulièrement visé par le gouvernement pour ses activités syndicales.

[13]            Le président de l'audience a mis le conseil au défi de démontrer que l'incapacité du demandeur de se trouver un emploi constituait une approbation tacite par l'État de sa persécution du fait de ses activités syndicales, et d'établir un lien entre cette incapacité et cette approbation.


[14]            La réponse du représentant, sans aucune référence significative à l'implication syndicale de M. Albarracin, était une tentative pour assimiler l'incapacité de ce dernier de se trouver un emploi stable à une persécution :

[TRADUCTION] [...] Je suis tout à fait d'accord qu'on n'a pas directement nié ses droits de gagner sa vie cependant, vu le contexte de l'Argentine, il a été en fait poussé dans une situation où il ne pouvait trouver du travail, pas seulement dans son propre domaine. Mais en général, comme il l'a déclaré, il a essayé d'obtenir des emplois comme manoeuvre dans le domaine de la construction ou comme peintre. Il n'a trouvé qu'un emploi précaire.

Je demanderais au tribunal de tenir compte du fait que cet emploi précaire que M. Albarracin aurait obtenu en Argentine pourrait être assimilé à une persécution, en particulier parce qu'il avait déjà occupé un emploi pendant 25 ans; essentiellement ce seraient là mes observations en ce qui a trait au lien dans cette affaire.

[15]            Il n'y a aucune preuve dans la présente affaire d'une « grande » dépossession par l'État de l'aptitude à gagner sa vie qui équivaudrait à une persécution : Espinoza c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 721 (QL) (1re inst.), au paragraphe 6, et James C. Hathaway, The Law of Refugee Status, (Toronto: Butterworths, 1991), à la page 111.

[16]            Malgré l'excellente présentation de l'avocat des demandeurs dans la présente affaire, je ne peux conclure que le bref exposé des motifs du tribunal quant aux faits justifie l'intervention de la Cour. Les motifs de la décision reflètent les échanges qu'il y a eu entre le tribunal et les demandeurs durant leur témoignage ainsi que les observations orales de leur représentant. Les motifs écrits sont suffisamment clairs, à mon avis, pour comprendre la décision du tribunal de ne pas accepter l'interprétation de M. Albarracin du motif pour lequel il a été congédié et de conclure qu'il était une victime des conditions économiques en Argentine.


[17]            Le dossier qui m'est présenté ne justifie pas la déclaration contenue dans les observations écrites des demandeurs, sur laquelle ils n'ont pas beaucoup insisté à l'audience, voulant que le fait que le tribunal se soit fié à la preuve sur le pays démontre une crainte raisonnable de partialité.

[18]            Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. Je suis d'accord avec les parties qu'il n'y a aucune question grave à certifier.

« Allan Lutfy »

Juge en chef adjoint

Ottawa (Ontario)

Le 6 décembre 2002

Traduction certifiée conforme

Jean Maurice Djossou, LL.D.


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                            SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-5632-01

INTITULÉ :                                                    MARIA ROSA PRADO DE ALBARRACIN,

JORGE VICTOR ALBARRACIN

                                                                                                                                          demandeurs

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                                                             

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 6 NOVEMENRE 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE EN CHEF ADJOINT

DATE DES MOTIFS :                                   LE 6 DÉCEMBRE 2002

COMPARUTIONS :                          Alvaro J. Carol

                                                                                                                             pour les demandeurs

Rhonda Marquis

                                                                                                                      pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

                                                                        Alvaro J. Carol

120, avenue Eglinton Est, bureau 1000

Toronto (Ontario)

M4P 1E2

                                                                                                                 pour les demandeurs

Rhonda Marquis

Ministère de la Justice

Tour Exchange, 2 First Canadian Place

130, rue King Ouest, bureau 3400, C.P. 36

Toronto (Ontario)

M5X 1K6

                                                                                                                      pour le défendeur


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