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Date : 20000515


Dossier : T-218-99


OTTAWA (Ontario), le 15 mai 2000

EN PRÉSENCE DE Monsieur le juge Rouleau

ENTRE :

     MINNIE KLEIN


demanderesse

ET :

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA


défendeur


     ORDONNANCE


[1]      La demande est accueillie.




                                 « P. ROULEAU »

                            

                                     JUGE

Traduction certifiée conforme




Kathleen Larochelle, LL.B.







Date : 20000515


Dossier : T-218-99





ENTRE :

     MINNIE KLEIN


demanderesse

ET :

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA


défendeur


     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE ROULEAU

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, présentée aux termes du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, de la décision du juge de la citoyenneté datée du 16 décembre 1998 et qui rejette la demande de citoyenneté de la demanderesse.

[2]      La demanderesse, Minnie Klein, est née à New York (État-Unis) le 9 juin 1923. Elle est arrivée au Canada le 5 mars 1944, à titre de résidente permanente. Peu de temps après, elle a épousé M. Hyman Klein, un citoyen canadien.

[3]      Le 14 mai 1997, la demanderesse a déposé une demande de citoyenneté canadienne. J'imagine qu'elle a négligé d'entreprendre des démarches pour devenir une citoyenne canadienne parce que, ayant vécu dans ce pays depuis 1944 et ayant épousé un citoyen canadien, elle a dû présumer que la citoyenneté était accordée automatiquement.

[4]      La demanderesse est l'unique propriétaire d'une copropriété à Montréal depuis le 5 juin 1985. Elle était l'unique propriétaire et actionnaire d'une compagnie, Melvin Fruit Inc., à Montréal de 1961 jusqu'à ce qu'elle cesse ses opérations en 1996. Au moment de remplir sa demande de citoyenneté, elle a indiqué qu'elle était habituellement absente du Canada les trois premiers mois de chaque année à compter du mois de janvier. Elle était en vacances en Floride, non seulement pour rendre visite à des parents mais également parce qu'elle souffre d'asthme et que son mari a des problèmes cardiaques; le temps chaud améliore leur qualité de vie.

[5]      Malheureusement, quand elle a rempli sa demande et qu'elle a indiqué ses absences au cours des quatre années qui précédaient immédiatement sa demande, une année a été comptée en double et dénotait par conséquent 400 jours d'absences. Cela n'a pas fait l'objet de commentaire de la part du juge de la citoyenneté mais manifestement, la demanderesse aurait été seulement absente quelque 300 jours plutôt que les 400 jours tel qu'indiqué.

[6]      J'ai accueilli le présent appel séance tenante et j'ai indiqué que je rédigerais des motifs par la suite.

[7]      Lorsque la demanderesse a comparu devant le juge de la citoyenneté le 14 août 1998, le juge lui a laissé savoir que les assurances verbales qu'elle lui avait données en ce qui a trait à la résidence n'avaient pas su la convaincre et lui a demandé des pièces justificatives supplémentaires afin de la convaincre qu'elle avait résidé au Canada pendant les quatre années précédant la demande. Le juge avait des doutes quant à la résidence réelle et elle a accordé 10 jours à Mme Klein pour qu'elle fournisse cette preuve supplémentaire.

[8]      Dans le dossier de la Cour et manifestement dans le dossier du bureau de l'immigration, il y a une lettre explicative datée du 20 août 1998 adressée à Citoyenneté et Immigration Canada à laquelle étaient joints des documents que la demanderesse estimait suffisants pour convaincre le juge de la citoyenneté quant à sa résidence. Des déclarations d'impôt fédéral sur le revenu pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996 ont été fournies, de même que la déclaration d'impôt provincial sur le revenu pour l'année d'imposition 1997. Une lettre du gérant du syndicat des copropriétaires où la demanderesse était résidente était également jointe et elle certifiait que Minnie Klein était résidente de l'immeuble à appartements depuis 13 ans. Cette adresse est la même que celle qui figurait dans les déclarations d'impôts sur le revenu. La demanderesse a également joint une évaluation municipale à son nom qu'elle avait reçue de la municipalité pour l'année 1998 pour la même adresse qu'avait fournie le propriétaire de l'immeuble qu'elle occupait. Finalement, la dernière lettre qui était jointe était datée du 20 août 1998 et elle venait du Trust Général du Canada. Elle indiquait que Minnie Klein avait maintenu un compte bancaire auprès de cette institution depuis 1987.

[9]      Cette demanderesse était mariée à un citoyen canadien depuis 1944. Son mari avait été en service dans les Forces armées canadiennes de septembre 1942 à août 1945.

[10]      Dans sa décision qui était datée du 16 décembre 1998, quelque quatre mois après l'audience et le dépôt de preuve supplémentaire, le juge de la citoyenneté a écrit :

     [TRADUCTION] [...] Étant donné que j'avais des doutes sur le fait que vous résidiez réellement au Canada au cours des quatre dernières années, j'ai demandé que vous fournissiez des documents supplémentaires. Malheureusement, vous avez été incapable de fournir une preuve satisfaisante de résidence au Canada.

[11]      Il s'agit du seul motif de la décision sur lequel le juge s'est fondée pour refuser d'accorder la citoyenneté à la demanderesse. Ce raisonnement et ces conclusions sont ridicules. Me rend également furieux le fait que, dans le document qu'elle a fourni au ministre en vertu de l'article 5 de la Loi sur la citoyenneté, le juge donne des motifs supplémentaires pour lesquels la demanderesse devrait se voir refuser la citoyenneté mais auxquels elle ne fait pas référence dans sa décision définitive. Dans les cases qui doivent être cochées sur la première page de la demande, le juge a indiqué qu'elle n'était pas convaincue que la demanderesse satisfaisait aux exigences linguistiques et que cette dernière ne s'était pas conformée à l'alinéa 5(1)e) en ce qui a trait à la connaissance du Canada.

[12]      J'ai parlé à Mme Klein. L'anglais est sa langue maternelle. Elle a été élevée à New York et a habité à Montréal toute sa vie d'adulte. Il n'existait absolument aucune raison qui donnait à penser que cette dame ne satisfaisait pas à l'exigence linguistique.

[13]      De plus, en ce qui a trait à la connaissance qu'a la demanderesse du Canada, aucun élément de preuve n'a établi qu'elle avait fait l'objet d'une évaluation à ce sujet, et le jugement du juge de la citoyenneté n'y faisait pas référence non plus.

[14]      J'ai accueilli le présent appel séance tenante et sans hésitation. Après avoir examiné le contenu du présent dossier, je suis convaincu que le juge de la citoyenneté ne possède pas la formation requise ou qu'elle manque totalement d'objectivité.

[15]      En l'espèce, nous sommes en présence d'une personne qui a épousé un citoyen canadien en 1944; dont le mari avait été en service dans les Forces armées canadiennes pendant trois ans; qui a exploité une entreprise dans ce pays de 1961 jusqu'à ce qu'elle cesse ses opérations en 1996. Il y avait également de la preuve selon laquelle elle avait été propriétaire d'une copropriété pendant au moins 15 ans. Elle a produit des déclarations d'impôt sur le revenu à la fois du gouvernement fédéral et provincial, des évaluations municipales confirmant la propriété et elle passait trois mois de l'hiver en Floride, à l'instar de plusieurs autres Canadiens âgés étant donné leur état de santé et le vieillissement.

[16]      Elle s'est fait refuser la citoyenneté par un juge qui ne s'est montrée aucunement intéressée à analyser convenablement les documents au dossier et qui a également suggéré dans son rapport



au ministre que la demanderesse ne satisfaisait pas aux exigences linguistiques et cognitives. Ceci est absurde.

[17]      La demande est accueillie.

                            

                             « P. ROULEAU »                                     

                                 JUGE

OTTAWA (Ontario)

Le 15 mai 2000.



Traduction certifiée conforme

Kathleen Larochelle, LL.B.




     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :              T-218-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Minnie Klein c. Le procureur général du Canada

LIEU DE L'AUDIENCE :          Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :          Le 2 mai 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE ROULEAU

EN DATE DU :              15 mai 2000

ONT COMPARU :

Aaron Rodgers                          POUR LA DEMANDERESSE

Simon Ruel                              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Spiegel Sohmer                          POUR LA DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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