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Date : 20030506

Dossier : T-2234-01

                                                                                                           Référence : 2003 CFPI 566

ENTRE :

                                                               GAIL TAYLOR

                                                                                                                                     demanderesse

                                                                         - et -

                   COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

                                                                                                                                      défenderesse

                                               MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LAYDEN-STEVENSON:

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Commission de la fonction publique (la Commission) prétendument rendue le 30 novembre 2001. Pour les motifs qui suivent, je conclus que la demande est tardive et devrait être rejetée.


[2]                 La demanderesse avait un emploi à titre d'employée nommée pour une période déterminée, au ministère du Patrimoine canadien (le Ministère) entre le 6 mars 1989 et le 31 mai 1993. Au cours de cette période, elle a déposé des griefs relatifs au harcèlement. Lorsque sa période d'emploi a pris fin, le 31 mai 1993, elle a soutenu que le défaut de renouvellement de son contrat était dû aux plaintes et aux griefs qu'elle avait déposés contre son employeur. Elle a demandé, et s'est vu accorder, une enquête de la Commission. La demanderesse a participé à l'enquête et a déposé plus de 200 documents. Le rapport d'enquête de 81 pages portait la date du 10 septembre 1997. Selon les conclusions qu'il contenait, la demanderesse avait été harcelée par l'un de ses supérieurs malgré le fait que les actes ne l'aient pas visée intentionnellement. Le harcèlement ne concernait pas, comme cela avait été allégué, un autre supérieur. La plainte de la demanderesse selon laquelle les cadres supérieurs n'avaient pas satisfait à leur obligation d'offrir un lieu de travail libre de tout harcèlement n'était pas prouvée et, en ce qui concerne l'allégation de harcèlement lié au refus de renouvellement de l'emploi, celle-ci était non fondée.


[3]                 Le rapport a été envoyé à la demanderesse le 10 septembre 1997, accompagné d'une lettre dans laquelle on lui demandait de faire part de ses commentaires sur l'acceptabilité d'un règlement. En réponse, la demanderesse a demandé des documents supplémentaires au Ministère. Par correspondance en date du 7 novembre 1997, l'avocat de la demanderesse a exprimé sa satisfaction concernant la conclusion de harcèlement par un supérieur mais a sollicité la production de documents par le Ministère et une date d'audience concernant les autres conclusions. Le 28 novembre 1997, la Commission a répondu en indiquant que la question avait fait l'objet d'un examen approfondi et que l'on avait accordé à la demanderesse plusieurs occasions d'être entendue. La Commission soutenait que la communication de documents supplémentaires n'était pas nécessaire. Le 3 mars 1998, l'avocat de la demanderesse a informé la Commission de la récente réception de correspondance démontrant le harcèlement de sa cliente par l'autre supérieur ainsi que par quelqu'un du Ministère à Ottawa et le harcèlement par voie de cessation de l'emploi.   

[4]                 Le 27 mars 1998, la Commission a informé la demanderesse du critère qu'elle avait utilisé pour déterminer si une affaire devait être rouverte ou examinée. Le 3 mai 1998, la demanderesse a écrit à la Commission, indiquant qu'elle avait retardé sa demande de réouverture du dossier car elle attendait les résultats d'une plainte déposée devant le Commissaire à la protection de la vie privée en vue d'obtenir des documents supplémentaires. Le 11 janvier 1999, l'avocat de la demanderesse a écrit à la Commission, lui demandant des clarifications quant aux possibles recours et indiquant que, si la demanderesse n'avait pas gain de cause concernant la cessation de son emploi, une réouverture de l'enquête serait sollicitée. La Commission a répondu, par écrit, que la correspondance antérieure n'indiquait nullement que la demanderesse avait le droit d'être nommée dans un poste au sein de la fonction publique fédérale.


[5]                 Le 18 mars 1999, l'avocat de la demanderesse a de nouveau sollicité des conseils concernant les recours et a déclaré : [traduction] « Quoi qu'il en soit, on nous a enjoint de demander officiellement à la Commission de la fonction publique de rouvrir cette enquête. » Dans la réponse en date du 26 mars 1999, on fournissait des renseignements concernant la portée des options relatives aux recours, et on a de nouveau joint une copie des politiques portant sur la réouverture des enquêtes.

[6]                 La politique concernant la réouverture des enquêtes portant sur les plaintes en matière de harcèlement a changé au cours de 2000. En vertu de la nouvelle politique, les enquêtes ne pouvaient pas être rouvertes. En fait, le 31 mai 2001, le décret C.P. 1986-2350 attribuant, à la Commission, l'obligation d'enquêter sur les plaintes de harcèlement personnel a été révoqué par le décret C.P. 2001-955. La Commission a reçu, par le décret de 2001, l'obligation d'agir en qualité d'organisme expert et de fournir des programmes et services aux ministères et à d'autres secteurs de la fonction publique, sur leur demande, dans les domaines de la prévention et du règlement du harcèlement. Par correspondance en date des 16 novembre 2000, 15 janvier 2001 et 5 mars 2001, l'avocat de la demanderesse a demandé à la Commission si ce changement de politique aurait une incidence sur la tentative de la demanderesse de faire rouvrir l'enquête.

[7]                 Par correspondance envoyée à l'avocat de la demanderesse le 22 mars 2001, la Commission a indiqué que le désir de la demanderesse de contester la décision était, pour la plus grande part, dénué de fondement. La correspondance ajoutait :

[traduction]

Si votre cliente souhaite poursuivre la question, elle a le droit de le faire à condition que les motifs qu'elle invoque pour faire examiner la décision répondent aux critères établis pour de tels examens en vertu de la politique actuelle (c.-à-d. appel à la Cour fédérale du Canada, Section de première instance).


[8]         Le 15 juin 2001, l'avocat de la demanderesse a répondu et déclaré qu'il existait une documentation suffisante pour établir des motifs en vue de solliciter une reprise de l'enquête. Il a suggéré une réunion afin que la demanderesse puisse effectuer un exposé et une analyse détaillés de la documentation, et il a demandé comment procéder. Le 8 août 2001, la Commission a répondu et déclaré que l'on avait fourni à la demanderesse, toutes les occasions de demander officiellement une réouverture du dossier et que rien, dans la correspondance du 15 juin 2001, ne fournissait des renseignements qui conduiraient à une réouverture du dossier. La lettre se terminait par la déclaration suivante : [traduction] « Par conséquent, nous ne prendrons aucune autre mesure dans cette affaire. »

[9]         L'avocat de la demanderesse a de nouveau écrit le 7 septembre 2001, déclarant que la correspondance du 15 juin ne constituait pas une demande de réouverture de la question mais une demande d'information portant sur la façon de procéder étant donné la multitude de renseignements à soumettre. Le 12 octobre 2001, la Commission a répondu que, selon les indications du 8 août 2001, aucune mesure supplémentaire ne serait prise et que la voie de recours consistait à s'adresser à la Cour fédérale de la façon indiquée dans la lettre du 22 mars 2001.


[10]       Le 21 novembre 2001, l'avocat de la demanderesse a répondu, exprimant sa confusion, et a déclaré qu'aucune demande de réouverture n'avait été déposée. Il demandait si la Commission n'était pas prête à permettre à la demanderesse une simple tentative de la convaincre de rouvrir le dossier. Le 30 novembre 2001, la Commission a déclaré qu'elle ne rouvrirait pas le dossier et n'entendrait aucune nouvelle preuve. Elle a également déclaré que, comme elle l'avait indiqué précédemment le 8 août 2001 et le 12 octobre 2001, aucune mesure supplémentaire ne serait prise en l'espèce. Pour la troisième fois, la demanderesse a été informée du fait que sa seule voie de recours était de porter l'affaire devant la Cour fédérale. La demanderesse a déposé le présent avis de requête le 18 décembre 2001. Elle n'a pas demandé de prorogation du délai dans les limites duquel elle devait déposer son avis de requête.


[11]       Le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7 prévoit qu'une demande de contrôle judiciaire doit être déposée dans les 30 jours de la première communication de la décision à la partie qu'elle touche directement. La demanderesse a été informée qu'elle devait déposer un appel devant la Cour fédérale, Section de première instance, le 22 mars 2001. Si, pour une raison quelconque, elle avait trouvé la déclaration ambiguë, la déclaration se trouvant dans la correspondance envoyée par la Commission et portant la date du 8 août 2001 est irréfutable. [traduction] « Aucune mesure supplémentaire ne sera prise » signifie précisément ce que cela dit. Un argument qui suggérerait qu'il en est autrement ne serait pas fondé. Que l'on considère la correspondance du 22 mars 2001 ou celle du 8 août 2001, la demanderesse a déposé sa requête hors du délai imparti. Quoi qu'il en soit, la compétence de la Commission pour enquêter sur les plaintes de harcèlement a été révoquée le 31 mai 2001.

[12]       Dans l'arrêt Moresby Explorers Ltd. c. Gwaii Haanas National Park Reserve, [2000] A.C.F. no 1944 (1re inst.), le juge Pelletier, tel était alors son titre, a examiné la loi à cet égard. L'extrait suivant tiré de l'arrêt est révélateur.

Dans le jugement Dumbrava c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (1995), 101 F.T.R. 230, [1995] A.C.F. no 1238, le juge Noël (maintenant juge de la Cour d'appel) a examiné une série de décisions portant sur l'effet de la correspondance échangée avec l'auteur de la décision après que celle-ci a été prise. Dans ces décisions, le tribunal avait jugé qu'une « réponse faite par courtoisie » ne crée pas une nouvelle décision ouvrant droit à un contrôle judiciaire. Ainsi que le juge McKeown l'a déclaré dans le jugement Dhaliwal c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 982 : « un procureur ne peut reporter la date d'une décision en envoyant une lettre dans l'intention de susciter une réponse » . Avant qu'il y ait une nouvelle décision susceptible d'un contrôle judiciaire, il doit y avoir un nouvel exercice du pouvoir discrétionnaire, tel que le réexamen d'une décision antérieure à la lumière de faits nouveaux.. [...]

[...] À mon avis, cette correspondance démontre simplement les tentatives répétées qui ont été faites pour infirmer une décision négative et la volonté des défendeurs de s'en tenir à la première décision. À moins que la Cour ne soit disposée à exercer son pouvoir discrétionnaire de manière à proroger le délai imparti pour présenter la demande, force est de constater que celle-ci a étésoumise après l'expiration des délais prescrits et doit être rejetée.


[13]       De même, dans l'arrêt Besner c. Canada (Commission de la fonction publique), [2000] A.C.F. no 1684 (1re inst.), le juge Blais a examiné une requête de prorogation de délai pour déposer une demande de contrôle judiciaire dans une situation de fait extrêmement semblable à celle que je dois trancher. Lorsqu'il a rejeté la requête, le juge Blais a déclaré : « À mon avis, une affaire ne peut durer éternellement du seul fait que les parties entretiennent une correspondance. »

[14]       Même si j'accepte l'argument de la demanderesse selon lequel la correspondance du 22 mars 2001 l'informant que la Commission ne rouvrirait pas l'enquête n'était pas entièrement claire, cela ne peut être dit de la lettre en date du 8 août 2001. La demande de contrôle judiciaire a été présentée hors délai. Aucune demande de prorogation du délai n'a été présentée. La demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée, et une ordonnance à cet égard sera rendue.

                                                                                                        « Carolyn Layden-Stevenson »     

                                                                                                                                                  JUGE                          

Calgary (Alberta)

Le 6 mai 2003

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                                              COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                       SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                           AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            T-2234-01

INTITULÉ :                                           GAIL TAYLOR c. COMMISSION

DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                   CALGARY (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :                 Le 5 mai 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE LAYDEN-STEVENSON

DATE DE L'ORDONNANCE :       Le 6 mai 2003

COMPARUTIONS :

J. Richard McKee                                                                  POUR LA DEMANDERESSE

Ron Nichwolodoff                                                                  POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

J. Richard McKee

Calgary (Alberta)                                                                     POUR LA DEMANDERESSE

Morris A. Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                                        POUR LA DÉFENDERESSE


Date : 20030506

Dossier : T-2234-01

CALGARY (Alberta), le mardi 6 mai 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE LAYDEN-STEVENSON

ENTRE :

                                                               GAIL TAYLOR

                                                                                                                                     demanderesse

                                                                         - et -

                   COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

                                                                                                                                      défenderesse

                                                              ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                                                        « Carolyn Layden-Stevenson »   

                                                                                                                                                  JUGE                     

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.

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