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Date : 20020109

Dossier : IMM-5481-00

Référence neutre : 2002 CFPI 27

ENTRE :

                                                                      JASBIR KAUR

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                                   et

                                               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU


  •         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire fondée sur le paragraphe 82.1(2) de la Loi sur l'immigration et l'article 21 de la Loi sur la Cour fédérale présentée à l'égard de la décision datée du 29 juin 2000 dans laquelle l'agent des visas Peter Roumbos du Haut-Commissariat du Canada à New Delhi en Inde (l'agent des visas) a rejeté la demande de résidence permanente au Canada de la demanderesse au motif que celle-ci n'avait pas, conformément à l'alinéa 10(1)b) du Règlement sur l'immigration de 1978 (le Règlement), obtenu au moins 65 points d'appréciation, soit le nombre minimal de points requis pour satisfaire aux critères de sélection applicables pour immigrer au Canada.

[2]                  Il n'y avait pas de raisons d'ordre humanitaire suffisantes pour justifier l'octroi d'une mesure de redressement spéciale en faveur de la demanderesse. Bien qu'il ait été soumis par écrit, ce moyen n'a pas été débattu; je suis toutefois convaincu qu'aucune autorisation n'a été obtenue pour présenter des arguments sur ce point. Compte tenu de l'arrêt de la Cour d'appel dans Rajadurai c. Canada (MCI) (2000), 11 Imm. L.R. (3d) 1 (C.A.F.), ceux-ci n'auraient pas été retenus.

[3]                  La demanderesse est une veuve qui s'occupe de son fils de 15 ans. Elle réside au Pendjab, en Inde, où elle travaille comme cuisinière.

[4]                  À la suite du décès de son mari, la demanderesse a vécu seule avec son fils et a commencé à éprouver de grandes difficultés. Elle n'a aucun parent en Inde pour lui venir en aide, et les père et mère de son conjoint sont également décédés.

[5]                  Avec l'aide de son frère, la demanderesse a suivi avec succès un programme d'apprentissage de trois ans en cuisine.

[6]                  Son frère a constitué une société au Canada dans laquelle on pourrait fort bien exploiter un restaurant à l'arrivée de la demanderesse, restaurant où elle serait chef cuisinière.


[7]         L'agent des visas a fait subir une entrevue à la demanderesse le 24 mai 2000 et a pris des notes de cette entrevue dans le Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (le STIDI). Il a apprécié sa demande au regard des facteurs énoncés à l'annexe I du Règlement. Dans les notes au STIDI, l'agent des visas a donné les motifs à l'appui de sa décision de refuser la demande de la demanderesse. Il a exposé ses motifs brièvement dans la lettre de refus datée du 29 juin 2000 qu'il a envoyée à l'avocat de la demanderesse.

[8]         Dans un premier temps, l'agent des visas a interrogé la demanderesse à propos de la langue qu'elle voulait utiliser à l'entrevue et elle a répondu le « panjabi » . Quand il l'a questionnée au sujet de sa capacité de lire et d'écrire en anglais, la demanderesse a affirmé : [TRADUCTION] « Je peux lire et écrire correctement, mais j'hésite quand je parle » . L'agent des visas a entrepris d'évaluer la connaissance de l'anglais de la demanderesse. Pour évaluer son aptitude à écrire, il lui a dicté un paragraphe tiré du dépliant intitulé S'établir au Canada. L'agent des visas a conclu que la demanderesse écrivait [TRADUCTION] « difficilement » . Il a par la suite invité la demanderesse à lire un extrait du même document. Il a conclu qu'elle lisait avec beaucoup de difficulté et qu'elle ne comprenait pas ce qu'il venait de dire. L'agent des visas a également conclu que la demanderesse ne parlait pas l'anglais et l'entrevue a été effectuée avec l'aide de l'interprète panjabi. L'agent des visas a informé la demanderesse qu'il avait conclu qu'elle lisait et écrivait [TRADUCTION] « difficilement » l'anglais et qu'elle ne parlait [TRADUCTION] « pas du tout » cette langue, et la demanderesse a accepté cette évaluation.


[9]         Pour ce qui est de la question de la personnalité, l'agent des visas a affirmé dans son affidavit et dans ses notes au STIDI que la demanderesse n'avait soumis aucun élément de preuve quant à la préparation de son déménagement au Canada. Elle a informé l'agent des visas que son frère au Canada pourrait acheter un restaurant et que s'il le faisait, elle y travaillerait comme cuisinière et détiendrait 50 p. cent des actions de l'entreprise. Quand il l'a interrogée sur sa connaissance du Canada, la demanderesse a tout simplement répondu : [TRADUCTION] : « Je n'en ai aucune idée. Je pourrai vous le dire quand j'y serai » . Selon l'agent des visas, la demanderesse ne savait pratiquement rien sur le Canada. Elle n'a pas été capable de fournir une preuve indiquant qu'elle détenait les fonds requis pour assumer les frais d'établissement initial au Canada. Elle n'a pas fait montre de son esprit d'initiative, de sa motivation, de son ingéniosité et de sa faculté d'adaptation. Bien que sa demande antérieure de résidence permanente au Canada ait été rejetée cinq ans auparavant, la demanderesse n'a pas une meilleure connaissance de l'anglais. Elle n'a pas établi qu'indépendamment de l'aide de sa famille au Canada, elle serait en mesure d'y réussir son installation. L'agent des visas a accordé à la demanderesse trois points pour le facteur de la personnalité.

[10]       Les questions centrales en l'espèce sont de savoir si l'évaluation qu'a faite l'agent des visas de la compétence linguistique et de la personnalité de la demanderesse était déraisonnable, sur le vu de la preuve, et si l'agent des visas a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon irrégulière en ne considérant pas l'intérêt du fils de la demanderesse à ne pas être séparé de son oncle au Canada comme étant un facteur important qui justifie une dispense du système de points prescrit.


[11]       Ayant examiné avec soin les observations écrites des parties, le dossier certifié du tribunal déposé à la Cour (accompagné d'une lettre de présentation datée du 25 octobre 2000) ainsi que l'affidavit de Peter Roumbos (signé le 18 décembre 2000), je suis d'avis que la décision de l'agent des visas en l'espèce peut résister à un examen poussé et que la présente demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée.

[12]       L'agent des visas a accordé à la demanderesse deux points d'appréciation plutôt que neuf pour sa connaissance de l'anglais. Dans son affidavit, il a déclaré que la demanderesse écrivait [TRADUCTION] « difficilement » , lisait [TRADUCTION] « très difficilement » et ne comprenait pas ce qu'elle venait de lire. Elle ne parlait pas l'anglais et l'entrevue a été effectuée avec l'aide de l'interprète panjabi. Les notes au STIDI que l'agent des visas a prises lors de l'entrevue appuient ces déclarations.

[13]       L'évaluation qu'a faite l'agent des visas de la capacité de la demanderesse de lire, d'écrire et de parler l'anglais s'appuie sur les documents écrits qu'on a fournis à la demanderesse avec son formulaire de demande; il en est de même de l'évaluation de la capacité de la demanderesse de comprendre et de communiquer durant l'entrevue. L'agent des visas était bien mieux placé que la Cour pour évaluer la compétence linguistique de la demanderesse et, en l'absence d'une preuve de mauvaise foi ou de manquement à un principe de justice naturelle de la part de l'agent des visas en l'espèce, la Cour doit faire preuve de retenue à l'égard de sa décision.


[14]       L'agent des visas a conclu que la demanderesse n'avait pas une motivation, une ingéniosité, une faculté d'adaptation et un esprit d'initiative suffisants, et qu'indépendamment de l'aide de sa famille, elle n'avait pas les qualités voulues pour réussir son installation au Canada. Il s'agit d'une conclusion de fait que l'agent des visas était autorisé à tirer sur le vu du dossier. De telles conclusions relèvent entièrement du pouvoir discrétionnaire de l'agent des visas et, à moins qu'elle ne soit manifestement déraisonnable, la décision qui en résulte ne devrait pas être annulée. Une lecture attentive du dossier ne me convainc pas que l'agent des visas s'est fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères; elle ne me convainc pas non plus que son évaluation était abusive ou arbitraire. Il ressort clairement du dossier que l'agent des visas comprenait bien les questions soulevées en l'espèce. Dans de telles circonstances, il ne convient pas qu'un tribunal de révision modifie la décision de l'agent des visas relativement à ce facteur.

[15]       L'avocat de la demanderesse a prétendu que l'agent des visas a commis une erreur en n'accordant pas plus de points à sa cliente pour le facteur de la personnalité compte tenu de fait que la demanderesse a un parent au Canada qui a déjà, pour elle, établi une entreprise de restauration, où elle a l'intention de travailler comme chef cuisinière. Dans la décision Kats c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (10 décembre 1996), IMM-1414-96 (C.F. 1re inst.), le juge McGillis a eu la possibilité d'examiner une situation semblable où un parent au Canada se propose d'aider le demandeur à s'établir à son arrivée. Elle a conclu que l'agent des visas n'avait pas commis d'erreur en ne tenant aucun compte de ce fait quand il a rendu sa décision. Je suis d'accord avec ce point de vue et je suis d'avis d'appliquer en l'espèce le raisonnement suivi dans cette décision.


[16]       Je suis convaincu que l'agent des visas n'a pas commis d'erreur de droit et n'a pas agi de façon déraisonnable en rejetant la demande de résidence permanente de la demanderesse. En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  

« P. ROULEAU »

Juge

   

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 9 janvier 2002

   

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


                                                   COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

   

DOSSIER :                                    IMM-5481-00

INTITULÉ :                                    Jasbir Kaur c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :           Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :         le 7 janvier 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE LA COUR : le juge Rouleau

DATE DES MOTIFS :                le 9 janvier 2002

   

COMPARUTIONS :                 

Mir Huculak                                                                                   POUR LA DEMANDERESSE

Pauline Anthoine                                                                         POUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mir Huculak Law Office                                                             POUR LA DEMANDERESSE

Vancouver (Colombie-Britannique)

Sous-procureur général du Canada                                      POUR LE DÉFENDEUR

Vancouver (Colombie-Britannique)

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