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Date : 20030924

Dossier : T-25-03

Référence : 2003 CF 1095

Ottawa (Ontario), le mercredi 24 septembre 2003

ENTRE :

LA COMMISSION DES PLAINTES DU PUBLIC CONTRE

LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

demanderesse

- et -

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LA PROTONOTAIRE TABIB


[1]                L'Association canadienne des libertés civiles et l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique voudraient être autorisées à intervenir dans la procédure de contrôle judiciaire introduite par la Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada (ci-après la CPC) à l'encontre d'une décision du commissaire de la Gendarmerie royale du Canada de refuser d'accéder à une demande de la CPC visant à obtenir des documents relevant de la GRC qui concernaient une plainte renvoyée à la CPC pour examen, en application du paragraphe 45.41(1) de la Loi sur la GRC. Il semble que la GRC a refusé de communiquer certains documents relatifs à la plainte, au motif que ces documents renfermaient des renseignements protégés par la règle du privilège des informateurs de police et, selon la GRC, par une ordonnance de la Cour.

[2]                Le défendeur, le procureur général du Canada, s'oppose à la requête en autorisation d'intervenir, tandis que la demanderesse appuie cette requête.

[3]                Les critères dont la Cour doit tenir compte pour statuer sur cette requête ont été succinctement exposés dans l'arrêt SCFP c. Lignes aériennes Canadien International ltée [2000] A.C.F. n ° 220 (C.A.F.), comme il suit :

« 1)       La personne qui se propose d'intervenir est-elle directement touchée par l'issue du litige?

   2)       Y a-t-il une question qui est de la compétence des tribunaux ainsi qu'un véritable intérêt public?

   3)       S'agit-il d'un cas où il semble n'y avoir aucun autre moyen raisonnable ou efficace de soumettre la question à la Cour?

   4)       La position de la personne qui se propose d'intervenir est-elle défendue adéquatement par l'une des parties au litige?

   5)       L'intérêt de la justice sera-t-il mieux servi si l'intervention demandée est autorisée?

   6)       La Cour peut-elle entendre l'affaire et statuer sur le fond sans autoriser l'intervention? »


[4]                Contrairement à l'argument des intervenantes proposées, je ne crois pas que l'arrêt R. c. Finta [1993] 1 R.C.S. 1138, qui interprète et applique l'ancienne règle 18 des Règles de la Cour suprême du Canada, établisse, pour l'intervention dans l'intérêt public, un critère élargi qui de quelque manière supplante ou élargit le critère exposé dans l'arrêt SCFP c. Lignes aériennes Canadien International.

[5]                Tenant compte par conséquent des facteurs définis dans l'arrêt SCFP c. Lignes aériennes Canadien International à la lumière de la preuve produite par les intervenantes proposées, et au vu des circonstances de la présente affaire, je suis d'avis que les intervenantes proposées ne remplissent pas cinq des six critères en question.

[6]                1)          Les intervenantes proposées sont-elles directement touchées par l'issue du litige?


[7]                Les intervenantes proposées ne sont pas à l'origine de la plainte d'où a découlé la demande d'information présentée par la CPC et qui a donné lieu à la présente demande de contrôle judiciaire, et elles ne sont pas non plus parties à cette plainte. Les intervenantes proposées n'ont pas dit ni prouvé qu'elles sont parties à une plainte dans laquelle se pose la question examinée dans cette demande. Les organisations véritablement intéressées dans les questions soumises à la Cour, et possédant une connaissance intime de ces questions, sont reconnues par la Cour comme des entités ayant l'intérêt requis pour intervenir dans des procès d'intérêt public (plus précisément, voir l'arrêt Rothmans, Benson and Hedges Inc. c. Canada (Procureur général) [1989] A.C.F. n ° 707 (C.A.F.)). Cependant, la reconnaissance, sur ces moyens, d'un intérêt suffisant lorsqu'un intervenant proposé n'est pas directement touché par l'issue du litige devrait à mon avis être réservée aux cas où sont en jeu des questions fondamentales relatives à la Charte. La présente demande n'est pas l'un de ces cas.

[8]                2)          Y a-t-il une question relevant des tribunaux et un véritable intérêt public?

[9]                Ce critère est rempli.

[10]            3)          S'agit-il d'un cas où il semble n'y avoir aucun autre moyen raisonnable ou efficace de soumettre la question à la Cour?

[11]            Les intervenantes proposées voudraient sans doute donner plus d'importance à certaines parties des arguments déjà soumis par la CPC dans son exposé des faits et du droit, mais je crois que toutes les questions que les intervenantes proposées entendent soulever si elles obtenaient le statut d'intervenantes sont en fait soulevées par la demanderesse et par conséquent la Cour en est déjà saisie.

[12]            4)          La position des intervenantes proposées est-elle adéquatement défendue par l'une des parties au litige?

[13]            Les intervenantes proposées disent que leurs intérêts sont plus larges que ceux de la demanderesse et qu'elles sont « en meilleure position » que la demanderesse pour plaider certains aspects du dossier, mais elles n'ont pas établi que leur position dans l'issue de la demande n'est pas adéquatement défendue par la demanderesse.


[14]            Les intervenantes proposées affirment que certaines conclusions qu'elles entendent présenter ne sont pas abordées ou avancées par la demanderesse et, dans un cas, que la demanderesse « ne peut pas » présenter lesdites conclusions, mais je suis d'avis que les conclusions ainsi désignées par les intervenantes proposées sont forcées et insignifiantes.

[15]            5)          L'intérêt de la justice sera-t-il mieux servi si l'intervention demandée est autorisée?

[16]            Les intervenantes proposées donnent à entendre que leur intervention servirait l'intérêt de la justice car elle renforcerait la confiance du public dans le mécanisme des plaintes du public contre la GRC, ainsi que dans le rôle de la CPC, ce qui était la volonté claire du législateur. Comme il appartient à la CPC de traiter les plaintes avec objectivité, transparence et équité, d'une manière propre à susciter la confiance du public, et puisque la CPC introduit la présente demande de contrôle judiciaire en conformité avec ce mandat précis, je ne vois pas comment il serait dans l'intérêt de la justice de laisser les intervenantes proposées présenter des arguments qui appuient essentiellement la position de la demanderesse. Les arguments que les intervenantes proposées entendent présenter ne sont pas différents de ceux de la CPC, ni n'apportent une nouvelle manière particulièrement utile d'envisager les arguments.

[17]            6)          La Cour peut-elle instruire l'affaire et statuer sur le fond sans autoriser l'intervention?

[18]            Vu les motifs susmentionnés, il semble clair que la présence des intervenantes proposées n'est pas nécessaire pour que la Cour soit en mesure d'instruire et juger l'affaire.


LA COUR ORDONNE :

1.          La requête de l'Association canadienne des libertés civiles et de l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique est rejetée.

                                                                                                                                  « Mireille Tabib »            

                                                                                                                                         Protonotaire                

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                           T-25-03

INTITULÉ :                                          LA COMMISSION DES PLAINTES DU PUBLIC CONTRE LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

REQUÊTE JUGÉE SUR PIÈCES, SANS LA COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :     MADAME LA PROTONOTAIRE MIREILLE TABIB

DATE DES MOTIFS :                         LE 24 SEPTEMBRE 2003

OBSERVATIONS ÉCRITES :

A. BLAIR CREW

POUR L'APPELANTE/

DEMANDERESSE

PATRICK BENDIN

POUR L'INTIMÉ/

DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

A. BLAIR CREW - KARAM, GREENSPOON

POUR L'APPELANTE/

DEMANDERESSE

MORRIS A. ROSENBERG

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

POUR L'INTIMÉ/

LE DÉFENDEUR


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