Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20050125

Dossier : IMM-6788-03

Référence : 2005 CF 120

Toronto (Ontario), le 25 janvier 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :

                                                             OSARETIN OSAGIE

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire qui vise la décision d'une conseillère de Citoyenneté et Immigration Canada (l'agente) datée du 14 août 2003, par laquelle l'agente rejetait la demande fondée sur des considérations humanitaires qu'avait présentée le demandeur.


Le contexte

[2]                Le demandeur est un citoyen nigérian qui est arrivé au Canada le 13 avril 1998 après avoir quitté le Nigéria le 12 avril 1998.

[3]                Le demandeur était membre de l'Armée nigérianne de janvier 1985 au mois de mars 1998, mois au cours duquel il a quitté l'armée ou a déserté. Après sa période de formation, il a été affecté au groupe des finances de Lagos.

[4]                Le complexe militaire où se trouvait le groupe des finances abritait également les unités du groupe de la sécurité et de la police militaire. Les secteurs du complexe qu'occupaient ces trois groupes étaient distincts et séparés par des clôtures, mais les membres de ces trois unités partageaient la même caserne.

[5]                Le demandeur a obtenu son diplôme de l'École des finances et de l'administration de l'Armée nigérianne et après la remise des diplômes, il a travaillé pour l'armée comme libraire et assistant chargé de cours.

[6]                Le demandeur a déclaré devant la section du statut de réfugié qu'il avait exprimé en privé des préoccupations au sujet des violations des droits de la personne commises par les militaires nigérians.


[7]                En décembre 1997, le gouvernement militaire a annoncé que certains membres de l'armée avaient projeté de renverser le gouvernement. En février, deux des amis et collègues du demandeur ont été arrêtés parce qu'on les soupçonnait d'avoir participé au prétendu projet de coup d'État. Le demandeur a été temporairement suspendu de ses fonctions et a été informé qu'il devait se présenter tous les jours à son supérieur. Le demandeur est entré dans la clandestinité le 2 mars 1998.

[8]                Le demandeur affirme qu'il n'était pas mêlé au prétendu coup d'État.

[9]                Le demandeur exerçait des fonctions de garde pendant qu'il était dans l'armée, mais il n'a jamais exercé ces fonctions dans des secteurs ou avec des groupes qui utilisaient la torture ou qui commettaient d'autres violations des droits de la personne.

[10]            Le demandeur a présenté une demande d'asile qui a été rejetée le 2 juin 1999, principalement parce qu'il n'était pas visé par la définition de réfugié au sens de la Convention conformément à l'alinéa 1(F)a) de la Convention de Genève étant donné qu'il était une personne ayant été complice de crimes contre l'humanité. La Commission a également évalué le témoignage qu'a rendu le demandeur au sujet de sa carte d'identité militaire.

[11]            La demande de contrôle judiciaire présentée par le demandeur à l'égard du rejet de sa revendication du statut de réfugié a été rejetée le 13 juillet 2000.

[12]            Ni le juge Muldoon, qui a accordé l'autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire, ni le juge Gibson qui a rejeté la demande, n'ont déclaré que le demandeur avait commis des actes précis constituant des violations des droits de la personne.

[13]            Le 20 novembre 2000, un agent de révision des revendications refusées a préparé un rapport d'évaluation des risques défavorable aux termes de l'ancienne Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2.

[14]            Le demandeur a rencontré son épouse actuelle, Angela Yvonne Grant, en février 1999 et ils cohabitent depuis avril 1999. Le demandeur et Mme Grant se sont épousés le 8 mai 2000.

[15]            L'épouse du demandeur a un fils (le beau-fils du demandeur) d'un mariage antérieur et elle a le statut de résidente permanente au Canada.

[16]            Le beau-fils du demandeur, Orlando Grant, est un étudiant de vingt-deux ans qui dépend de l'aide financière que lui accorde le demandeur et qui a également le statut de résident permanent au Canada.

[17]            Le beau-fils du demandeur a déclaré qu'il considérait son beau-père comme son père et qu'il vivait avec sa mère et son beau-père.

[18]            Le beau-fils du demandeur a déclaré que sans l'aide financière du demandeur, il lui serait impossible de poursuivre ses études.

[19]            Le beau-fils considère également le demandeur comme un mentor et d'après Mme Grant, le demandeur a une excellente influence sur son fils.

[20]            L'épouse du demandeur occupe deux emplois et elle a déclaré qu'elle ne pourrait continuer très longtemps à travailler autant.

Les dispositions pertinentes de la Loi

[21]            La disposition pertinente de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR) énonce ce qui suit :

11. (1) L'étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l'agent les visa et autres documents requis par règlement, lesquels sont délivrés sur preuve, à la suite d'un contrôle, qu'il n'est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

11. (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document shall be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

[22]            Le paragraphe 25(1) de la LIPR prévoit la possibilité d'écarter cette condition lorsqu'il existe des circonstances d'ordre humanitaire qui le justifient. En voici le texte :

25. (1) Le ministre doit, sur demande d'un étranger interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, de sa propre initiative, étudier le cas de cet étranger et peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s'il estime que des circonstances d'ordre humanitaire relatives à l'étranger - compte tenu de l'intérêt supérieur de l'enfant directement touché - ou l'intérêt public le justifient.

25. (1) The Minister shall, upon request of a foreign national who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on the Minister's own initiative, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligation of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to them, taking into account the best interests of a child directly affected, or by public policy considerations.

Les questions en litige

[23]            Dans sa demande d'autorisation, le demandeur a formulé les questions suivantes :

[TRADUCTION]

Question A : Le défendeur a-t-il commis une erreur en se fondant uniquement sur les conclusions de la CISR de juin 1999 en matière d'interdiction de territoire et en ne prenant pas en considération les nouveaux éléments et arguments présentés par le demandeur à ce sujet?

Question B : Le défendeur a-t-il commis une erreur en se fondant uniquement sur les conclusions de l'ARRR de novembre 2000 au sujet du risque et en omettant de prendre en considération les nouveaux éléments et arguments présentés par le demandeur à ce sujet?

Question C : Le défendeur a-t-il commis une erreur lorsqu'il a formulé des conclusions déraisonnables concernant le préjudice que subiraient le demandeur et sa famille canadienne dans le cas où celui-ci serait renvoyé du Canada?


Question D : Dans le cas où la Cour jugerait que le dossier ne soulève pas de question grave (ou, si l'autorisation est accordée, que les conclusions ne sont pas révisables) au sujet des conclusions relatives à l'existence d'un préjudice indu, une telle décision a-t-elle pour effet de rendre théorique la question de l'interdiction du territoire?

[24]            Aux fins de la présente décision, je reformulerais la question en litige de la façon suivante : L'agente a-t-elle commis une erreur susceptible d'être révisée lorsqu'elle a rejeté la demande du demandeur fondée sur des considérations humanitaires?

Analyse et décision

[25]            Le demandeur soutient que l'agente a commis une erreur parce qu'elle a omis de tenir compte des nouveaux éléments qui ont été présentés après la décision de la SSR et après l'évaluation des risques. Ces nouveaux éléments concernaient les déserteurs, la carte militaire, la peine en cas de désertion et la situation carcérale, ainsi que l'appui qu'il fournissait à sa famille.

[26]            Le défendeur soutient que l'agente a examiné tous les éléments et que le demandeur souhaite en fait que la Cour procède à une réévaluation des éléments de preuve. Le défendeur soutient également qu'en vertu de l'article 15 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, l'agente était liée par la conclusion relative à l'exclusion. L'article 15 du Règlement se lit comme suit :


15. Les décisions ci-après ont, quant aux faits, force de chose jugée pour le constat de l'interdiction de territoire d'un étranger ou d'un résident permanent au titre de l'alinéa 35(1)a) de la Loi :

15. For the purpose of determining whether a foreign national or permanent resident is inadmissible under paragraph 35(1)(a) of the Act, if any of the following decisions or the following determination has been rendered, the findings of fact set out in that decision or determination shall be considered as conclusive findings of fact:

a) toute décision rendue à l'égard de l'intéressé par tout tribunal pénal international établi par résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies ou par la Cour pénale internationale au sens de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre;

(a) a decision concerning the foreign national or permanent resident that is made by any international criminal tribunal that is established by resolution of the Security Council of the United Nations, or the International Criminal Court as defined in the Crimes Against Humanity and War Crimes Act;

b) toute décision de la Commission, fondée sur les conclusions que l'intéressé a commis un crime de guerre ou un crime contre l'humanité, qu'il est visé par la section F de l'article premier de la Convention sur les réfugiés;

(b) a determination by the Board, based on findings that the foreign national or permanent resident has committed a war crime or a crime against humanity, that the foreign national or permanent resident is a person referred to in section F of Article 1 of the Refugee Convention; or

c) toute décision rendue en vertu du Code criminel ou de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre par un tribunal canadien à l'égard de l'intéressé concernant un crime de guerre ou un crime contre l'humanité commis à l'extérieur du Canada.

(c) a decision by a Canadian court under the Criminal Code or the Crimes Against Humanity and War Crimes Act concerning the foreign national or permanent resident and a war crime or crime against humanity committed outside Canada.


[27]            La SSR a tout d'abord examiné les éléments concernant la désertion et la carte d'identité militaire et a déclaré, au sujet de l'inclusion, que le demandeur n'était pas un déserteur principalement parce qu'il avait emporté avec lui sa carte d'identité militaire lorsqu'il a quitté le Nigéria. La Commission a fait le raisonnement suivant : s'il était vraiment en train de s'enfuir de l'armée, il n'aurait pas pris le risque de quitter le Nigéria en ayant sur lui sa carte d'identité militaire, parce que celle-ci aurait pu être trouvée par les autorités au moment où il quittait le Nigéria à l'aéroport de Lagos. L'agente a adopté la décision de la Commission.

[28]            Le demandeur avait toutefois déclaré à l'agente qu'il avait caché la carte dans sa chaussette et qu'il voulait l'avoir avec lui pour pouvoir établir son identité au Canada. Il a également déclaré que, compte tenu du genre de fouille qui est effectué au départ du Nigéria, il ne risquait pas que sa carte soit découverte. Le demandeur a également déclaré que le soldat qui quitte volontairement les Forces armées du Nigéria doit rendre sa carte militaire. Il a déclaré que le fait qu'il soit encore en possession de sa carte confirmait son affirmation selon laquelle il avait déserté. L'agente n'a pas pris ces éléments en considération.

[29]            Le demandeur a fourni de nouveaux éléments indiquant que la peine en cas de désertion était de deux ans de prison et qu'au Nigéria, la vie des prisonniers n'était pas facile. Ces éléments comprenaient le passage suivant tiré du paragraphe 25 de l'affidavit du demandeur (dossier du tribunal, page 106) :

[TRADUCTION]

les policiers respectent rarement les garanties accordées aux détenus et les suspects restent sans contact avec l'extérieur pendant de longues périodes sans qu'aucune accusation soit portée contre eux (au paragraphe 5.12);

la vie en prison est difficile, en particulier à cause du manque d'eau potable, des mauvaises conditions sanitaires et du surpeuplement (au paragraphe 5.23);

il est parfois impossible d'obtenir des soins médicaux en prison et dans certaines prisons, les détenus sortent rarement de leurs cellules (au paragraphe 5.24);

les prisonniers doivent souvent se procurer leur propre nourriture (au paragraphe 5.24);


il a été signalé que les autorités carcérales refusaient souvent aux prisonniers l'accès à des soins médicaux pour les punir ou pour leur extorquer de l'argent (au paragraphe 5.24);

de nombreux prisonniers décèdent en prison à cause de la situation ou du fait qu'on leur refuse des soins médicaux (au paragraphe 5.24);

le Département d'État des États-Unis a qualifié la situation carcérale de « difficile et dangereuse » et a fait état du fait qu'au moins un détenu par jour décédait dans la prison Kiri Kiri de Lagos en 1999 (au paragraphe 5.24);

les rapports de torture de détenus sont nombreux (au paragraphe 5.25).

Et aux paragraphes 26 à 28 du même affidavit (dossier du tribunal, pages 106 à 107) :

[TRADUCTION]

26.            Mon avocat a déposé un autre document dans le cadre de ma demande de contrôle judiciaire, à savoir le Human Rights Watch World Report 2001, concernant le Nigéria. Un exemplaire du document est joint à la présente à titre de pièce D. En résumé, le rapport mentionne à la page 1 que la vie dans les prisons nigériannes est toujours « très dangereuse » . Le rapport confirme également ce que je pensais, à savoir qu'il se pourrait que je passe plus de temps en prison à attendre mon procès qu'à purger la peine qui pourrait m'être infligée, ce qui risque d'en prolonger la durée et de me causer un préjudice indu, étant donné que le document énonce qu'en juillet 2000 « les prisonniers en détention préventive représentaient plus de 70 p. 100 de la population carcérale » (aux pages 1 et 2 du rapport).

27.            En résumé, les documents décrits ci-dessus confortent mon opinion, à savoir que la situation des prisonniers ne s'est pas améliorée, de façon sensible, depuis mon départ du Nigéria en 1998. Par conséquent, la possibilité d'être incarcéré dans une prison nigérianne, qui résulterait des poursuites pour désertion, est absolument insupportable. En fait, mon avocat, M. Shulman m'a remis une déclaration du ministre de la Santé nigérian de l'époque, le professeur Debo Adeyemi, faite en 1998, au sujet de la situation des prisonniers au Nigéria. Un exemplaire des remarques de M. Adeyemi est joint au présent document à titre de pièce « E » . Le document de M. Adeyemi contient notamment ce qui suit à la page 1 :

L'incarcération au Nigéria constitue, à elle seule, une sorte de torture en raison de la situation des prisons et des cellules, même si les détenus ne sont pas véritablement soumis à la torture physique...

... Au Nigéria, en raison de la situation économique, les prisons manquent généralement de ressources et les conditions de vie, y sont, pour dire le moins, horribles. La plupart des détenus vivent dans des conditions sanitaires précaires, risquent d'attraper des maladies très graves comme la tuberculose, le sida, des infections de la peau, des maladies du rein et du coeur, etc.

28.            D'après les documents récents que m'a remis mon avocat, je ne pense pas que la situation que M. Adeyemi décrivait en 1998 ait beaucoup changé.


[30]            Ces éléments n'ont pas été présentés à l'agent de révision des revendications refusées (ARRR), mais ont été présentés à l'agente chargée de la décision fondée sur des considérations humanitaires qui a souscrit à l'évaluation de l'ARRR. L'agente en question n'a pas pris ces éléments en considération.

[31]            Certains éléments concernaient les aspects familiaux relatifs à l'éducation du beau-fils. L'épouse du demandeur a déclaré ce qui suit aux paragraphes 13, 14, 15 et 21 de son affidavit :

[TRADUCTION]

13.            J'ai deux emplois. Je travaille le soir, 44 heures par semaine, en tant que garde de sécurité dans l'établissement de détention d'Immigration Canada de Celebrity Inn à Toronto (Ontario). Je travaille également pendant la journée comme agente de soutien personnel aux personnes âgées.

14.            Mon mari travaille comme opérateur de machine et gagne environ 35 000 $ par année.

15.            Nous déposons tous les deux de l'argent dans un compte bancaire conjoint de la Banque de la Nouvelle-Écosse que nous utilisons pour nos dépenses. Mon mari est en mesure de gagner davantage que moi. J'ai toutefois deux emplois par crainte que la demande qu'a présentée mon mari pour rester au Canada ne soit pas accordée. Il me sera impossible de continuer à travailler très longtemps à ce rythme et à long terme, je ne pourrai occuper qu'un seul emploi à temps plein. C'est pourquoi je considère qu'en fin de compte mon mari est le principal soutien financier de notre famille.

21.            Je crains également que si mon mari ne peut rester au Canada et obtenir le statut de résident permanent, je n'arriverai pas à subvenir aux besoins de ma famille et que mon fils soit obligé d'abandonner ses études pour travailler et contribuer aux frais de la maison et subvenir aux besoins de mon mari dans son pays.

[32]            Le beau-fils du demandeur, Orlando Grant, a également témoigné. Au paragraphe 9 de son affidavit, il déclare (dossier du tribunal, page 101) ce qui suit :


En résumé, si Osaretin n'obtient pas le statut de résident permanent au Canada, je pense qu'il me sera financièrement impossible de poursuivre mes études en raison du coût prohibitif des livres et des autres accessoires, sans parler des droits de scolarité. De plus, Osaretin joue un rôle irremplaçable parce qu'il soutient financièrement ma mère et moi pour ce qui est des dépenses quotidiennes.

Dans sa décision, l'agente n'a pas tenu compte de ces éléments.

[33]            Dans Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1425 (C.F. 1re inst.), le juge Evans (tel était alors son titre) a déclaré au paragraphe 17 ce qui suit au sujet des éléments qui n'ont pas été expressément mentionnés et analysés :

Toutefois, plus la preuve qui n'a pas été mentionnée expressément ni analysée dans les motifs de l'organisme est importante, et plus une cour de justice sera disposée à inférer de ce silence que l'organisme a tiré une conclusion de fait erronée « sans tenir compte des éléments dont il [disposait] » : Bains c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 63 F.T.R. 312 (C.F. 1re inst.). Autrement dit, l'obligation de fournir une explication augmente en fonction de la pertinence de la preuve en question au regard des faits contestés. Ainsi, une déclaration générale affirmant que l'organisme a examiné l'ensemble de la preuve ne suffit pas lorsque les éléments de preuve dont elle n'a pas discuté dans ses motifs semblent carrément contredire sa conclusion. Qui plus est, quand l'organisme fait référence de façon assez détaillée à des éléments de preuve appuyant sa conclusion, mais qu'elle passe sous silence des éléments de preuve qui tendent à prouver le contraire, il peut être plus facile d'inférer que l'organisme n'a pas examiné la preuve contradictoire pour en arriver à sa conclusion de fait.


[34]            J'estime que le fait que l'agente n'a pas pris en considération ces éléments de preuve pour prendre sa décision constitue une erreur susceptible d'être révisée. Je n'ai aucun moyen de savoir si l'agente aurait refusé la demande fondée sur des considérations humanitaires si elle avait pris en compte ces éléments. J'estime que d'après les faits de l'affaire, l'agente ne pouvait se contenter de déclarer qu'elle avait pris en considération tous les éléments sans mentionner davantage ces éléments particuliers.

[35]            Le demandeur soutient que le fait que l'agente ait déclaré : [traduction] « J'ai examiné tous les éléments présentés. J'estime que le facteur fondé sur 1(F)a) est un facteur déterminant qui l'emporte sur tous les autres » et qu'elle n'ait pas fourni des motifs susceptibles d'appuyer cette conclusion constitue une erreur parce que les motifs avancés sont insuffisants. Il n'est pas nécessaire que je me prononce sur cette question.

[36]            La demande de contrôle judiciaire est par conséquent accueillie et l'affaire est renvoyée à un autre agent afin qu'il rende une nouvelle décision.

[37]            Aucune des parties ne souhaite demander la certification d'une question grave de portée générale.


                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que l'affaire soit renvoyée à un autre agent afin qu'il rende une nouvelle décision.

                                                                            _ John A. O'Keefe _            

                                                                                                     Juge                         

Traduction certifiée conforme

D. Laberge, LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                           IMM-6788-03

INTITULÉ :                                          OSARETIN OSAGIE

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                    TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                  LE 21 SEPTEMBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                          LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                         LE 25 JANVIER 2005

COMPARUTIONS :

Ronald Poulton                                                                          POUR LE DEMANDEUR

Robert Bafaro

Matina Karvellas                                                                       POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mamann & Associates

Toronto (Ontario)                                                                      POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada                                            POUR LE DÉFENDEUR


COUR FÉDÉRALE

                                 Date : 20050125

                    Dossier : IMM-6788-03

ENTRE :

OSARETIN OSAGIE

                                          demandeur

                             et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                           défendeur

                                                                             

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

                                                                             


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.