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     Date : 19971212

     Dossier : IMM-4111-96

OTTAWA (ONTARIO), LE 12 DÉCEMBRE 1997

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE JOYAL

Entre :

     GURMAIL SINGH JOHAL,

     requérant,

ET :

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     ORDONNANCE

     La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                         L-Marcel Joyal

                        

                         J U G E

Traduction certifiée conforme         
                                 François Blais, LL.L.

     Date : 19971212

     Dossier : IMM-4111-96

Entre :

     GURMAIL SINGH JOHAL,

     requérant,

ET :

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     ORDONNANCE

LE JUGE JOYAL

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, en date du 14 octobre 1996, dans laquelle la Commission a décidé que le requérant n'était pas un réfugié au sens de la Convention aux termes du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2.

Les faits

[2]      Le requérant est un Sikh de 38 ans, célibataire et originaire du Punjab (Inde). Il cultivait la terre dans un village de la région d'Harayana depuis 1978. Dans la dernière semaine de décembre 1993, trois militants armés sont arrivés à la ferme du requérant, lui ont ordonné sous la menace de leur donner de la nourriture et un toit pendant deux jours. En avril 1994, les militants sont revenus et ont de nouveau menacé de l'assassiner s'il ne leur obéissait pas, et ils lui ont interdit de signaler leur présence à la police.

[3]      En août 1994, la police a fait une descente à la maison du requérant et l'a arrêté. Il a été détenu et torturé pendant dix jours. Il a par la suite été libéré grâce à un pot-de-vin qu'un de ses parents a payé aux agents de police. En novembre 1994, la police a de nouveau fait une descente chez le requérant mais, comme il n'était pas à la maison, ils ont arrêté son frère, qui a par la suite été torturé pendant deux jours au cours de sa détention. En apprenant l'arrestation de son frère, le requérant a craint pour sa vie et s'est enfui en Uttar Pradesh, où il est demeuré chez des parents. Le mois suivant, la police a fait une descente dans la maison de certains des parents du requérant.

[4]      Le 11 mars 1995, le requérant a quitté l'Inde. Il est arrivé au Canada le 15 mars et a réclamé le statut de réfugié le 30 mai.

La décision de la Commission

[5]      La Commission du statut de réfugié a conclu que le requérant avait une possibilité de refuge dans d'autres parties de l'Inde où il aurait pu demander la protection de l'État. Il pouvait donc raisonnablement continuer de vivre ailleurs dans son pays.

La question en litige

[6]      La question en litige est de savoir si la Commission a commis une erreur de droit en concluant qu'une possibilité de refuge à l'intérieur du même pays existait pour le requérant.

Analyse

     La possibilité de refuge en Inde

[7]      Pour conclure qu'il y a une possibilité de refuge à l'intérieur du même pays, la Commission doit être convaincue selon la prépondérance des probabilités que le demandeur ne risque pas sérieusement d'être persécuté dans son pays d'origine1. La question n'est pas de savoir si le requérant aurait ou non choisi de se rendre dans une autre région de son pays, mais plutôt de savoir s'il est raisonnable de s'attendre à ce qu'il cherche refuge dans ce lieu avant de parcourir la moitié du monde pour demander asile ailleurs2.

[8]      En outre, dans un jugement récent3, le juge Heald a examiné cette question dans le cas d'un Sikh originaire du Punjab. Dans cette affaire, où les faits de même que la décision de la Commission sont très semblables à ceux de l'espèce, la Cour a statué que des villes comme Bombay ou Calcutta constituaient des possibilités de refuge raisonnables pour un Sikh, en dehors du Punjab.

     La preuve objective

[9]      En l'espèce, le requérant prétend que la Commission a ignoré une partie de la preuve documentaire qui appuie sa position. Toutefois, le fait qu'un tribunal ne fasse pas mention de toute la preuve quand il rend sa décision n'implique pas nécessairement que sa décision doive être infirmée. Comme l'a indiqué le juge Heald4 :

         Le fait que la Commission n'a pas mentionné dans ses motifs une partie quelconque de la preuve documentaire n'entache pas sa décision de nullité. Les passages tirés de la preuve documentaire que l'appelant invoque font partie de l'ensemble de la preuve que la Commission est en droit d'apprécier sur le plan de la crédibilité et de la force probante.                 

[10]      La question qu'il faut poser, alors, c'est de savoir si la preuve non mentionnée est si importante et cruciale que l'omission d'en faire état peut constituer une erreur susceptible de contrôle. À cet égard, le juge Gibson écrit ceci5 :

         Il va sans dire qu'un tribunal n'est pas tenu de parler, dans ses motifs de décision, de tous les éléments de preuve portés à sa connaissance. Le fait qu'un tribunal omette de le faire ne permet pas, dans des circonstances normales, de conclure qu'il n'a pas tenu compte de toute la preuve produite. J'arrive toutefois à la conclusion que ce principe ne s'applique pas au défaut de faire mention d'un document pertinent qui constitue une preuve directement applicable à la question fondamentale traitée dans la décision du tribunal.                 

[11]      Dans son argumentation, l'avocat du requérant a mis l'accent sur de petits extraits de la preuve documentaire. En ayant recours à une telle stratégie, l'avocat oublie une "règle" fondamentale de la Cour, c'est-à-dire que celle-ci doit reconnaître que la Commission est en droit d'apprécier l'ensemble de la preuve sur le plan de la crédibilité et de la force probante. On ne peut "disséquer" la preuve et n'utiliser que la partie qui appuie son propre point de vue. À mon avis, la preuve documentaire en l'espèce, prise dans son ensemble, ne tend pas à nier que le requérant n'a pas de possibilité de refuge raisonnable à l'intérieur de son pays.

Conclusion

[12]      Dans les circonstances, et en dépit des arguments extrêmement convaincants de l'avocat du requérant, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

                         L-Marcel Joyal

                        

                         J U G E

OTTAWA (Ontario)

le 12 décembre 1997

Traduction certifiée conforme         
                                 François Blais, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NE DU GREFFE :              IMM-4111-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Gurmail Singh Johal

                     - et -

                     Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :          Vancouver (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :          le 29 octobre 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE JOYAL

DATE :                  le 12 décembre 1997

ONT COMPARU:

Paul Sandhu

                             POUR LE REQUÉRANT

Wendy Petersmeyer

                             POUR L'INTIMÉ

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:

Kang & Company

North Delta (C.-B.)

                             POUR LE REQUÉRANT

George Thomson

Sous-procureur général du Canada

                             POUR L'INTIMÉ

__________________

     1      Rasaratnam c. M.E.I. [1992] 1 C.F. 706.

     2      Thirunavukkarasu c. M.E.I. [1994], 1 C.F. 589.

     3      Bhambri c. Canada [1996] F.C.J. NE 1661.

     4      Hassan c. Canada [1992] F.C.J. 946, paragraphe 5.

     5      Atwal c. Canada, [1994] F.C.J. ME 1113, paragraphe 10.

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