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Date : 20010209

Dossier : IMM-2932-99

Ottawa (Ontario), le vendredi 9 février 2001

DEVANT : MONSIEUR LE JUGE MacKAY

ENTRE :

RANJAN COOMARASWAMY

ANUSHA RANJAN

AHALYA RANJAN

UTHAYAKUMARI RANJAN

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

ORDONNANCE

Les demandeurs ayant demandé le contrôle judiciaire ainsi qu'une ordonnance infirmant la décision par laquelle la section du statut de réfugié a approuvé, le 17 mai 1999, la demande que le Ministre avait présentée en vue de faire annuler les reconnaissances du statut de réfugié au sens de la Convention accordées aux demandeurs conformément au paragraphe 69.2(2) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2;


Les avocats des parties ayant été entendus à Toronto le 16 août 2000, la décision ayant alors été reportée et les observations qui ont alors été faites ainsi que les observations écrites qui ont été présentées pour le compte des demandeurs au mois de décembre 2000 ayant été examinées, et le délai dans lequel le défendeur pouvait répondre ayant expiré au mois de février 2001;

IL EST PAR LES PRÉSENTES ORDONNÉ CE QUI SUIT :

1.                   La demande est rejetée;

2.                   La question ci-après énoncée est certifiée conformément au paragraphe 83(1) pour examen par la Cour d'appel :

[TRADUCTION]

En déterminant s'il reste « suffisamment d'éléments justifiant » (la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention) en vertu du paragraphe 69.3(5), la section du statut peut-elle tenir compte des éléments soumis par le Ministre à la suite d'une demande présentée en vertu du paragraphe 69.2(2) aux fins du réexamen et de l'annulation de la reconnaissance? Dans l'affirmative, la section du statut peut-elle tenir compte de la preuve que la personne dont le statut de réfugié au sens de la Convention est en cause veut soumettre afin de répondre à la preuve présentée par le Ministre?

3.          En cas d'appel, il est recommandé que l'appel soit examiné en même temps que tout appel interjeté dans les affaires Maheswaran c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1768 (1re inst.) ou Sayed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1642 (1re inst.), où une question similaire a été certifiée.

                                                                                                                            W. Andrew MacKay                               

                                                                                                                                                     Juge                                             

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


Date : 20010209

Dossier : IMM-2932-99

Référence : 2001 CFPI 47

ENTRE :

RANJAN COOMARASWAMY

ANUSHA RANJAN

AHALYA RANJAN

UTHAYAKUMARI RANJAN

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MACKAY

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle une formation de la section du statut de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la formation chargée d'examiner la question de l'annulation) a approuvé, le 17 mai 1999, une demande que le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le Ministre) avait présentée en vue de faire annuler les reconnaissances du statut de réfugié au sens de la Convention accordées aux demandeurs en vertu du paragraphe 69.2(2) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi).


[2]         Le demandeur principal, Ranjan Coomaraswamy, est arrivé au Canada le 2 mai 1996. Sa conjointe, Uthayakumari Ranjan, et leurs deux enfants, Anusha Ranjan et Ahalya Ranjan, sont arrivés au Canada le 11 janvier 1996. Le demandeur principal et sa conjointe sont tous les deux citoyens sri-lankais.

[3]         Le 10 octobre 1996, le statut de réfugié au sens de la Convention a été reconnu aux demandeurs. Le 2 octobre 1998, le Ministre a présenté une demande en vertu du paragraphe 69.2(2) de la Loi en vue de faire réexaminer et annuler par la section du statut les décisions favorables qui avaient été rendues en 1996, selon lesquelles les demandeurs étaient des réfugiés au sens de la Convention. Le paragraphe 69.2(2) prévoit ce qui suit :

69.2(2) The Minister may, with leave of the Chairperson, make an application to the Refugee Division to reconsider and vacate any determination made under this Act or the regulations that a person is a Convention refugee on the ground that the determination was obtained by fraudulent means or misrepresentation, suppression or concealment of any material fact, whether exercised or made by that person or any other person.

69.2(2) Avec l'autorisation du président, le ministre peut, par avis, demander à la section du statut de réexaminer la question de la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention accordée en application de la présente loi ou de ses règlements et d'annuler cette reconnaissance, au motif qu'elle a été obtenue par des moyens frauduleux, par une fausse indication sur un fait important ou par la suppression ou la dissimulation d'un fait important, même si ces agissements sont le fait d'un tiers.


[4]         Le Ministre a allégué que, dans leurs Formulaires de renseignements personnels initiaux (les FRP initiaux), les demandeurs avaient fait une fausse indication au sujet des actes de persécution dont ils avaient censément été victimes pendant qu'ils vivaient à Sri Lanka. De plus, le Ministre a allégué que les demandeurs n'avaient pas révélé que juste avant d'arriver au Canada, ils avaient résidé en Allemagne pendant sept ans, qu'ils avaient vainement demandé l'asile en Allemagne et que leurs deux enfants étaient nés en Allemagne.

[5]         Dans le FRP initial du demandeur principal, en date du 28 juin 1996, et dans le FRP initial de la conjointe du demandeur principal, en date du 27 février 1996, il était déclaré que ceux-ci avaient été victimes d'actes de persécution à Sri Lanka de 1989 à 1996 et qu'ils s'étaient alors chacun de leur côté enfuis de Sri Lanka pour venir au Canada. Il était en outre déclaré que les demandeurs n'avaient jamais résidé dans un autre pays et qu'ils n'avaient jamais demandé l'asile. La conjointe du demandeur principal a également signé les FRP au nom des deux enfants, en déclarant dans chaque formulaire que l'enfant était né à Sri Lanka.

[6]         Dans une communication en date du 5 avril 1998 de l'ambassade du Canada à Bonn, en Allemagne, il était signalé que les demandeurs étaient entrés en Allemagne au mois de février 1985 et qu'ils y avaient demandé l'asile, mais que leur demande avait été rejetée. Toutefois, le demandeur principal a obtenu le droit de résider pour une période indéfinie en Allemagne alors que sa conjointe a uniquement obtenu un permis de résidence restreint qui a expiré le 27 août 1997. Selon certains éléments de preuve, les certificats de naissance sri-lankais des enfants avaient également été fabriqués.


[7]         En vertu du paragraphe 69.3(5) de la Loi, une formation a le pouvoir discrétionnaire de rejeter la demande que le Ministre présente en vue de faire annuler une reconnaissance antérieure du statut de réfugié si, malgré le fait que la reconnaissance a été obtenue par de fausses indications ou par dissimulation d'un fait important, il reste suffisamment d'éléments justifiant la reconnaissance du statut. Voici ce que prévoit le paragraphe 69.3(5) :

69.3(5) The Refugee Division may reject an application under subsection 69.2(2) that is otherwise established if it is of the opinion that, notwithstanding that the determination was obtained by fraudulent means or misrepresentation, suppression or concealment of any material fact, there was other sufficient evidence on which the determination was or could have been based.

69.3(5) La section du statut peut rejeter toute demande bien fondée au regard de l'un des motifs visés au paragraphe 69.2(2) si elle estime par ailleurs qu'il reste suffisamment d'éléments justifiant la reconnaissance du statut.

[8]         Lors de l'audience relative à la question de l'annulation, les demandeurs ont concédé que, dans leurs FRP initiaux, ils avaient fait de fausses indications. Ils ont ensuite cherché à présenter en preuve des Formulaires de renseignements personnels modifiés (le FRP modifiés) et une lettre du consulat général de la République fédérale d'Allemagne, en date du 5 février 1999 (la lettre), disant qu'étant donné qu'ils avaient quitté l'Allemagne, ils avaient perdu leur statut de résidents dans ce pays.

[9]         La principale question dont la formation était saisie était de savoir si, en vertu du paragraphe 69.3(5) de la Loi, la demande du Ministre devait être rejetée pour le motif qu'il restait suffisamment d'éléments justifiant la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention qui avait été accordée en 1996.


[10]       Dans sa décision du 19 mai 1999, la formation a approuvé la demande du Ministre. Elle a conclu que les demandeurs avaient obtenu la reconnaissance par des moyens frauduleux, par une fausse indication sur des faits importants ou par la suppression ou la dissimulation de faits importants. La formation a conclu que [TRADUCTION] « [...] [l]eur résidence et les problèmes qu'ils auraient eus à Sri Lanka depuis le mois de février 1985, sur lesquels leurs revendications étaient fondées, sont une pure fabrication » .

[11]       À l'audience, la formation avait refusé d'admettre en preuve les FRP modifiés et la lettre que les demandeurs avaient cherché à produire. Dans ses motifs, la formation a dit ce qui suit :

[TRADUCTION]

[...] [La formation] doit tenir compte de la preuve qui était ou qui pouvait être disponible au moment de l'audience antérieure. Les nouveaux FRP que l'avocat a soumis étaient donc également considérés comme inadmissibles parce que le paragraphe 69.3(5) n'est pas une disposition en vertu de laquelle la section du statut se voit conférer un nouveau mandat en vue de déclarer qu'une personne est un réfugié au sens de la Convention.

La formation doit se demander si les autres éléments de preuve non contredits figurant dans les FRP initiaux des défendeurs et le témoignage que ceux-ci ont présenté à l'audition de leurs revendications au mois d'octobre 1996, ainsi que la preuve documentaire concernant la situation existant dans le pays qui a été déposée à cette audience sont suffisants pour justifier les reconnaissances initiales du statut.[1]

De plus, la formation a conclu que la lettre n'avait rien à voir avec la reconnaissance du statut accordée par la formation. En fin de compte, elle a conclu que dans chaque cas, les autres éléments dont disposait la formation initiale, après avoir exclu les fausses indications, ne permettaient pas d'accorder aux demandeurs le statut de réfugié.


[12]       Dans cette demande de contrôle judiciaire, l'avocat des demandeurs a soutenu qu'à part toute fausse indication, il y a trois normes en vertu desquelles la preuve pouvait être examinée dans le cadre d'une audience relative à l'annulation fondée sur le paragraphe 69.3(5) de la Loi. Selon la norme la plus stricte, le paragraphe 69.3(5) permettrait uniquement l'examen des éléments dont disposait la formation qui avait entendu la revendication initiale. Selon une norme plus souple, les éléments de preuve dont aurait disposé la formation initiale si les demandeurs avaient dit la vérité lors de l'audience initiale relative à la question du statut de réfugié seraient admissibles dans le cadre d'une audience relative à l'annulation. Enfin, la norme la plus souple permettrait la présentation de nouveaux éléments à jour dans le cadre d'une audience relative à l'annulation.

[13]       L'avocat des demandeurs a soutenu que cette cour devrait suivre la décision que Monsieur le juge Gibson a rendue dans l'affaire Mahdi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 1691 (1re inst.). À mon avis, l'affaire Mahdi est tout à fait différente de la présente espèce. Dans cette affaire-là, il s'agissait de savoir si la demanderesse bénéficiait de la protection fournie par la section E de l'article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut de réfugié. De plus, dans l'affaire Mahdi, la demanderesse avait quitté les États-Unis, soit le pays dans lequel elle avait obtenu le statut de résidente permanente, pour retourner en Somalie, qui était son pays d'origine et le pays d'où elle s'était enfuie avant de revendiquer le statut de réfugié au Canada.

[14]       En l'espèce, l'avocat des demandeurs a affirmé que ses clients subiraient un grave préjudice s'ils étaient privés de leur statut de réfugié sans avoir la possibilité de soumettre d'autres éléments. Subsidiairement, l'avocat a soutenu que les conclusions de fait tirées par la formation, lesquelles étaient fondées sur les documents se rapportant à la situation existant dans le pays, n'étaient pas étayées par la preuve et qu'elles avaient été tirées de façon arbitraire.


[15]       L'avocat du Ministre a soutenu que la formation n'avait pas commis d'erreur en excluant des éléments de preuve dont ne disposait pas la formation qui avait accordé les reconnaissances initiales du statut, et que la formation chargée d'examiner la question de l'annulation n'avait pas non plus fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait. Il a été soutenu qu'une formation chargée d'examiner la question de l'annulation doit déterminer si la formation initiale disposait d'un nombre suffisant d'éléments, à part les faits visés par les fausses indications, justifiant la reconnaissance du statut. À l'appui de cette thèse, le Ministre s'est fondé sur la décision qui avait été rendue dans l'affaire Guruge c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1821 (1re inst.).

[16]       L'arrêt le plus récent qui fait autorité en ce qui concerne la question de savoir si un demandeur peut présenter de nouveaux éléments pour l'application du paragraphe 69.3(5) est l'arrêt Maheswaran c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1768 (1re inst.). Dans cette affaire-là, le juge Rothstein a longuement fait mention de la décision Sayed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1642 (1re inst.) dans laquelle Madame le juge Dawson avait conclu que, pour l'application du paragraphe 69.3(5), un demandeur n'a pas le droit de présenter de nouveaux éléments dont la formation qui s'est initialement prononcée sur la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention ne disposait pas.


[17]       Dans la décision Maheswaran, le juge d'appel Rothstein a notamment donné les explications suivantes :

Le paragraphe 69.3(5) est une disposition exceptionnelle d'application stricte. Il n'entre en ligne de compte qu'une fois que le ministre a établi, en vertu du paragraphe 69.2(2), que la reconnaissance antérieure du statut de réfugié au sens de la Convention avait été obtenue par la fraude, par une fausse indication sur un fait important, ou par la suppression ou la dissimulation d'un fait important. Le paragraphe 69.3(5) reconnaît que même si l'on a établi qu'il y avait eu fraude, fausse indication, ou encore suppression ou dissimulation au stade de l'examen fondé sur le paragraphe 69.2(2), il peut y avoir d'autres éléments indépendants justifiant la reconnaissance.

La disposition exige donc que la section du statut fonde sa décision sur la preuve mise à la disposition de la formation initiale qui est encore admissible une fois effectuée l'appréciation en vertu du paragraphe 69.2(2). Ce faisant, la formation qui effectue l'appréciation fondée sur le paragraphe 69.3(5) doit se placer dans la même situation que la formation qui a rendu la décision initiale et se demander de nouveau si la preuve non viciée justifie la reconnaissance du statut.

Cette disposition n'exige pas la présentation de nouveaux éléments, que ce soit de la part du ministre ou de la demanderesse. En d'autres termes, le ministre n'a pas le droit de fournir de nouveaux éléments au sujet de la raison pour laquelle il ne faudrait pas retenir les autres éléments non viciés et la demanderesse n'a pas le droit de soumettre de nouveaux éléments à l'appui de la preuve non viciée. Bien sûr, les parties peuvent présenter des observations, mais uniquement en se fondant sur ce dont aurait disposé la formation initiale après avoir exclu tout ce qui était vicié par une fraude, une fausse indication, ou encore une suppression ou une dissimulation, comme on l'a établi en vertu du paragraphe 69.2(2).[2]

[18]       Les motifs qui ont été prononcés dans l'affaire Maheswaran ont été rendus publics après l'audition de la présente demande de contrôle judiciaire. Dans ses observations écrites supplémentaires, l'avocat des demandeurs soutient que l'erreur commise par la formation chargée d'examiner la question de l'annulation dans l'affaire Maheswaran a également été commise par la formation qui a été saisie de la même question en l'espèce. Le défendeur n'a pas présenté d'observations écrites en réponse, et ce, même s'il a eu la possibilité de le faire.


[19]       Je ne retiens pas l'argument du demandeur. À mon avis, il est possible de faire une distinction entre les faits de l'affaire Maheswaran et ceux de la présente espèce. Dans la décision Maheswaran, la formation chargée d'examiner la question de l'annulation, en tirant ses conclusions lorsqu'elle cherchait à déterminer si la formation initiale disposait de suffisamment d'éléments justifiant le maintien de la reconnaissance du statut, s'était fondée sur les éléments soumis par le Ministre dans la demande qu'elle avait présentée en vue de faire annuler la reconnaissance initiale. Dans cette affaire-là, les demandeurs avaient soutenu que, si le Ministre avait le droit de se fonder sur de nouveaux éléments en vue de soutenir que les autres éléments soumis par le demandeur n'étaient pas crédibles ou ne justifiaient pas la reconnaissance du statut, l'équité exigeait que les demandeurs aient la possibilité de soumettre une preuve en réponse.

[20]       Dans ce cas-ci, à mon avis, la formation ne s'est pas fondée sur la preuve soumise par le Ministre, utilisée pour l'application du paragraphe 69.2(2) en vue d'établir une fausse indication de la part des demandeurs, lorsqu'elle a conclu qu'il n'y avait pas suffisamment d'éléments, à part les fausses indications, justifiant la reconnaissance initiale du statut. Dans ses motifs, la formation a de fait mentionné la preuve soumise par le Ministre pour l'application du paragraphe 69.2(2). Elle a mentionné les faits ayant fait l'objet de fausses indications dans la preuve fournie par les demandeurs lors de l'audience initiale. Je cite un long passage de la décision rendue par la formation chargée d'examiner la question de l'annulation (pages 9-10), en soulignant les remarques relatives aux faits qui avaient antérieurement fait l'objet de fausses indications :

[TRADUCTION]

La formation doit se demander si les autres éléments de preuve non contredits figurant dans les FRP initiaux des défendeurs et dans le témoignage que ceux-ci ont présenté à l'audition de leurs revendications, au mois d'octobre 1996, ainsi que la preuve documentaire concernant la situation existant dans le pays qui a été déposée à cette audience sont suffisants pour justifier les reconnaissances initiales du statut.


La formation a tenu compte de la situation du défendeur adulte au moment de l'audience, au mois d'octobre 1996. Le défendeur avait 46 ans, il était marié et il était citoyen de Sri Lanka. Toutefois, étant donné que, dans l'exposé figurant dans le FRP, le défendeur a donné de faux renseignements au sujet des actes de persécution dont il aurait été victime à Sri Lanka entre l'année 1985 et le moment où il est arrivé au Canada au mois de mai 1996, il restait dans son histoire peu d'éléments justifiant une crainte fondée de persécution. La formation a examiné la preuve documentaire afin de rendre une décision au sujet de sa revendication. Elle note que la sécurité a continué à effectuer des arrestations en masse de jeunes Tamouls, de sexe masculin et de sexe féminin. La formation ne considère pas le défendeur comme un jeune Tamoul. De fait, les individus qui risquent d'être recrutés, harcelés et persécutés par les Tigres libérateurs de l'Eelam tamoul (les LTTE) sont des jeunes hommes et des jeunes femmes célibataires. À coup sûr, un homme marié âgé de 46 ans ne fait pas partie du groupe de population visé ou risquant le plus d'être persécuté par les LTTE. De même, il est plus probable que la sécurité sri-lankaise soupçonne les jeunes hommes d'être membres du mouvement des Tigres et, par conséquent, qu'elle s'en prenne à eux et, de fait, qu'elle les persécute. Le défendeur ne ferait pas face à plus qu'une simple possibilité d'être persécuté. La formation conclut donc qu'en 1996, il ne restait pas suffisamment d'éléments non contredits ou de preuve documentaire pour permettre à la section du statut de rendre une décision favorable simplement fondée sur le profil du défendeur.

La situation de la défenderesse adulte est semblable à celle du défendeur adulte. Lors de l'audience, en 1996, la défenderesse avait 37 ans et elle était mariée à un citoyen sri-lankais. Elle avait vécu en Allemagne du mois de février 1985 au mois de décembre 1995, et elle a alors demandé le statut de réfugié au Canada. Compte tenu de l'âge et de l'état civil de la défenderesse, la formation ne retient pas l'allégation selon laquelle il existait une crainte fondée de persécution. La formation conclut donc qu'en 1996, la section du statut ne disposait pas de suffisamment d'éléments non contredits ou de preuve documentaire pour être en mesure de rendre une décision favorable.

Quant aux enfants, il n'existe pas de documents dignes de foi permettant d'établir leur citoyenneté puisque des certificats de naissance sri-lankais frauduleux ont été présentés lors de l'audience, en 1996. La formation antérieure aurait fait face à l'une des deux possibilités. Les enfants étaient soit des citoyens sri-lankais de plein droit, auquel cas puisqu'ils étaient respectivement âgés de dix et de huit ans, ils ne risquaient pas vraiment d'être persécutés compte tenu de leur âge, ou ils étaient apatrides, auquel cas leurs revendications devaient être appréciées par rapport à l'Allemagne, soit le pays où ils avaient leur ancienne résidence habituelle. La formation antérieure ne disposait d'aucun élément montrant que ces enfants mineurs feraient face à une possibilité sérieuse de persécution en Allemagne. Par conséquent, en 1996, la section du statut ne disposait pas de suffisamment d'éléments non contredits pour rendre une décision favorable à leur égard.

La formation a décidé de ne pas exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par le paragraphe 69.3(5) de la Loi sur l'immigration. [Je souligne.]


[21]       À mon avis, les remarques concernant les fausses indications antérieures et l'effet de ces indications qui sont soulignées dans la décision précitée de la formation chargée d'examiner la question de l'annulation visaient à indiquer la preuve dont disposait la formation initiale et dont faisait état la preuve subséquemment soumise par le Ministre, cette preuve ayant été concédée par les demandeurs, ainsi qu'à préciser les autres éléments soumis à la formation initiale pour examen en vertu du paragraphe 69.3(5). En d'autres termes, les remarques montrent clairement quels éléments avaient initialement fait l'objet de fausses indications et visent à indiquer les éléments soumis à la formation initiale qu'il restait à examiner. Ces autres éléments se rapportaient principalement à l'âge du demandeur principal adulte, à son état civil et à sa citoyenneté ainsi qu'à l'âge, à l'état civil et à la citoyenneté de la conjointe, et dans le cas des enfants, à leur âge et à leur citoyenneté possible.

[22]       À mon avis, la formation chargée d'examiner la question de l'annulation a énoncé la bonne norme et a appliqué cette norme d'une façon appropriée en tirant sa conclusion. Dans ses motifs, la formation a clairement dit qu'il ne restait pas suffisamment d'éléments, parmi ceux qui avaient initialement été fournis, après que les éléments ayant fait l'objet de fausses indications eurent été éliminés, justifiant la reconnaissance du statut. La formation n'a pas commis d'erreur en excluant la preuve que les demandeurs cherchaient à produire au moyen de nouveaux FRP et de la lettre concernant leur statut en Allemagne.

[23]       Dans la décision Maheswaran, le juge Rothstein a certifié la question ci-après énoncée pour examen par la Cour d'appel et a dit que l'appel devait être entendu en même temps que tout appel interjeté dans l'affaire Sayed, où une question similaire avait été certifiée :

[TRADUCTION]

En déterminant s'il reste « suffisamment d'éléments justifiant » (la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention) en vertu du paragraphe 69.3(5), la section du statut peut-elle tenir compte des éléments soumis par le Ministre à la suite d'une demande présentée en vertu du paragraphe 69.2(2) aux fins du réexamen et de l'annulation de la reconnaissance? Dans l'affirmative, la section du statut peut-elle tenir compte de la preuve que la personne dont le statut de réfugié au sens de la Convention est en cause veut soumettre afin de répondre à la preuve présentée par le Ministre?


[24]       À mon avis, il s'agit d'une question de portée générale dont la réponse est importante en l'espèce. Je certifie donc une question similaire, en vertu du paragraphe 83(1) de la Loi. Je recommande également que l'appel interjeté en l'espèce soit entendu et examiné en même temps que tout appel interjeté dans les affaires Maheswaran ou Sayed.

                                                                                                                            W. Andrew MacKay                            

                                                                                                                                                     Juge                                        

Ottawa (Ontario)

Le 9 février 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU DOSSIER :                                        IMM-2932-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         RANJAN COOMARASWAMY et autres c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 14 AOÛT 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE MACKAY EN DATE DU 9 FÉVRIER 2001.

ONT COMPARU :

Max Berger                                                      POUR LE DEMANDEUR

D. Tyndale                                                       POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Berger et associés                                             POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada



[1] Motifs de la formation chargée d'examiner la question de l'annulation, dossier de la demande, p. 8-9.

[2] Supra, par. 17-19.

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