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Date : 20030801

Dossier : T-2556-97

Référence : 2003 CF 943

Ottawa (Ontario), le vendredi 1er août 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE DAWSON

ENTRE :

                                                 MAYFLOWER TRANSIT INC.

                                                                                                                                  demanderesse

                                                                          - et -

                                   BEDWELL MANAGEMENT SYSTEMS INC.,

                                      MAYFLOWER MOVING SYSTEMS INC.

                                                       et JAMES R. BEDWELL

                                                                                                                                         défendeurs

                             MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE DAWSON


[1]                 Il s'agit d'une instance introduite en vertu des articles 466 et 467 des Règles de la Cour fédérale (1998) dans le cadre de laquelle Bedwell Management Systems Inc. (BMS), Mayflower Moving Systems Inc. (MMS) et James R. Bedwell ont été sommés, en vertu d'une ordonnance de justification, de comparaître devant un juge pour entendre la preuve d'un présumé outrage au tribunal et de présenter tout moyen de défense. Les personnes morales défenderesses n'étaient pas représentées par un avocat dans la présente instance et elles n'ont pas comparu devant la Cour pour répondre aux accusations d'outrage au tribunal articulées dans l'ordonnance de justification. Seul M. Bedwell a comparu. Il n'était pas représenté par un avocat.

GENÈSE DE L'INSTANCE

[2]                 Le 25 novembre 1997, la demanderesse a introduit contre les défendeurs une action par laquelle elle demandait à la Cour de déclarer que les défendeurs avaient porté atteinte à son droit exclusif sur plusieurs marques de commerce déposées qui sont composées du nom et du dessin Mayflower. La demanderesse réclamait également des injonctions provisoires, interlocutoires et permanentes en vue de faire interdire aux défendeurs de contrefaire les marques de commerce en question. Par la suite, le 19 janvier 1998, les défendeurs ont convenu devant le juge Rothstein d'une ordonnance de consentement portant ce qui suit :

1. Les défendeurs, leurs dirigeants, directeurs, mandataires, employés, licenciés et toute personne agissant selon les instructions ou avec le consentement ou l'autorisation des défendeurs ou de concert avec eux, sont tenus de s'abstenir, de façon interlocutoire jusqu'à la tenue du procès ou jusqu'au prononcé d'une nouvelle ordonnance de la Cour :

[...]

c) d'utiliser et/ou de distribuer de la papeterie, y compris du papier à lettre avec en-tête, des formulaires et des documents commerciaux, y compris des circulaires et des brochures, où figurent les marques Mayflower [telles que définies dans l'avis de requête] et le nom commercial Mayflower;

e) de faire mettre ou porter de quelque façon que ce soit par les employés des défendeurs des uniformes où figurent les marques Mayflower [telles que définies dans l'avis de requête] et le nom commercial Mayflower;


[3]                 Le 15 septembre 2000, le juge McKeown a déclaré les défendeurs coupables d'outrage au tribunal pour ne pas avoir respecté les dispositions des alinéas 1c) et e) de l'ordonnance de consentement du 19 janvier 1998 en distribuant une circulaire portant la marque de commerce Mayflower et en permettant à un employé de porter un tee-shirt sur lequel figurait le nom Mayflower. En conséquence, le juge McKeown a condamné chacune des personnes morales défenderesses à une amende de 5 000 $ et M. Bedwell à une amende de 3 000 $. Les dépens devaient être payés par les défendeurs suivant la proportion dont ils pouvaient convenir entre eux ou de façon proportionnelle à leurs amendes respectives.

[4]                 Par la suite, le 26 juillet 2001, notre Cour a, par la voix du juge Lemieux, prononcé un jugement sommaire contre les défendeurs (le jugement). Dans son jugement, le juge Lemieux a pris acte du fait que les défendeurs n'avaient pas comparu lors de la présentation de la requête en jugement sommaire et qu'ils n'avaient pas produit de pièces en réponse. Le paragraphe 3 du jugement revêt de l'importance en ce qui concerne la présente instance en outrage au tribunal :

3. [LA COUR] ORDONNE aux défendeurs de faire remplacer sans délai la dénomination sociale Mayflower Moving Systems Inc. par une dénomination n'incorporant aucune des marques Mayflower ou autre marque ou dénomination susceptible de créer de la confusion.

[5]                 Le 2 août 2002, le protonotaire Lafrenière a rendu l'ordonnance de justification susmentionnée. Voici les faits reprochés aux défendeurs (pour reprendre le libellé de l'alinéa 467(1)b)) :


2. Voici les faits essentiels que la demanderesse reproche aux défendeurs Bedwell Management Systems Inc., Mayflower Moving Systems Inc. et James R. Bedwell :

a) Aux termes du jugement rendu par le juge Lemieux le 26 juillet 2001, les défendeurs ont reçu l'ordre de remplacer sans délai la dénomination sociale Mayflower Moving Systems Inc. par une dénomination n'incorporant aucune des marques Mayflower ou autre marque ou dénomination susceptible de créer de la confusion;

b) En date du 2 juillet 2002, les défendeurs n'avaient pas encore remplacé la dénomination sociale Mayflower Moving Systems Inc. par une dénomination n'incorporant aucune des marques Mayflower ou autre marque ou nom susceptibles de créer de la confusion avec les marques Mayflower. La dénomination sociale Mayflower Moving Systems Inc. figure toujours au répertoire de la Direction des compagnies du ministère ontarien de la Consommation et du Commerce.

[6]                 Il était précisé, dans l'ordonnance de justification, que celle-ci devait être signifiée à personne au défendeur James R. Bedwell, en son nom personnel et en sa qualité d'administrateur des personnes morales défenderesses, et que la date d'audition par la Cour était le 7 octobre 2002.


[7]                 Le 7 octobre 2002, M. Bedwell a comparu sans avocat devant la Cour. Il ressort du dossier de la Cour qu'en mai 2000, il avait déjà sollicité sans succès en vertu de l'article 120 des Règles l'autorisation de représenter les personnes morales défenderesses. Le 7 octobre 2002, la Cour a entendu la déposition des trois témoins cités par la demanderesse et a reçu certains documents en preuve. M. Bedwell n'a contre-interrogé aucun des témoins et il s'est prévalu du droit que lui conférait le paragraphe 470(2) de ne pas témoigner. Il a tenu quelques propos sans avoir prêté serment et a déposé en preuve trois documents, dont une copie des statuts de modification délivrés par le ministère ontarien des Services aux consommateurs et aux entreprises qui devaient prendre effet le 3 octobre 2002. Suivant les statuts en question, à compter de cette date, MMS a changé sa dénomination pour celle de 1180181 Ontario Limited. Le défendeur a également versé au dossier une copie d'une lettre en date du 28 octobre 1999 par laquelle le ministère des Finances de l'Ontario communiquait des renseignements au sujet de l'éventuelle dissolution de BMS.

[8]                 Le 7 octobre 2002, il est apparu lors des débats que l'avocat de la demanderesse n'avait pas produit de preuve de signification de l'ordonnance de justification à M. Bedwell et à MMS. La Cour a donc levé la séance à la demande de la demanderesse pour permettre à celle-ci de lui présenter une requête en vue d'être autorisée à rouvrir sa preuve, d'autant plus que le délai fixé pour l'instruction de l'affaire était expiré.

[9]                 La requête en question a été entendue le 4 juillet 2003, date à laquelle la Cour a autorisé la demanderesse à rouvrir sa preuve. Elle l'a également autorisée à établir la preuve de la signification au moyen d'un affidavit de signification souscrit par un huissier et non au moyen d'un témoignage comme l'exige en règle générale le paragraphe 470(1) des Règles. Pour justifier verbalement sa décision, la Cour a cité l'article 60 des Règles, dont voici le libellé :


60. La Cour peut, à tout moment avant de rendre jugement dans une instance, signaler à une partie les lacunes que comporte sa preuve ou les règles qui n'ont pas été observées, le cas échéant, et lui permettre d'y remédier selon les modalités qu'elle juge équitables.

60. At any time before jugement is given in a proceeding, la Cour may draw the attention of a party to any gap in the proof of its case or to any non-compliance with these Rules and permit the party to remedy it on such conditions as la Cour considers just.



[10]            Je suis convaincue que c'est en raison d'une erreur commise par inadvertance par les avocats (non pas ceux qui ont comparu le 4 juillet 2003) que les deux affidavits de signification souscrits par l'huissier n'ont pas été déposés, puisque la Cour avait en mains les affidavits en question lors de l'audience du 7 octobre 2002 et qu'un affidavit de signification avait été déposé au sujet de BMS. On ne devrait pas permettre qu'une erreur commise par inadvertance par un avocat entrave le cours de la justice lorsque la correction de cette erreur ne portera pas préjudice à la partie adverse ou ne lui fera pas subir de conséquence injuste. Je suis convaincue que ni M. Bedwell ni MMS ne subirait de préjudice ou d'injustice si la demanderesse était autorisée à rouvrir sa preuve, parce que M. Bedwell était présent à l'audience lors de la présentation de l'ordonnance de justification et que suivant l'annexe P-1, un rapport sur le profil d'entreprise établi par le ministère de la Consommation et du Commerce de la province d'Ontario au sujet de MMS, M. Bedwell était le seul administrateur, président et secrétaire de cette société.


[11]            J'ai donc conclu que les intérêts de la justice seraient mieux servis si l'on permettait à la demanderesse de rouvrir sa preuve conformément à l'article 60 pour déposer les deux affidavits de signification. La demanderesse a également été autorisée, en vertu du paragraphe 470(1) des Règles, à établir la preuve de la signification au moyen des deux affidavits de signification et non au moyen d'un témoignage verbal, puisque l'alinéa 146(1)a) permet en règle générale d'établir la preuve de la signification au moyen d'un affidavit et parce que M. Bedwell avait comparu pour répondre à l'ordonnance de justification, démontrant ainsi qu'il était effectivement au courant de l'ordonnance de justification.

PRINCIPES JURIDIQUES APPLICABLES

[12]            Selon l'alinéa 466c) des Règles, « est coupable d'outrage au tribunal quiconque agit de façon à entraver la bonne administration de la justice ou à porter atteinte à l'autorité ou à la dignité de la Cour » .

[13]            Voici les principes pertinents applicables :

-           Il incombe à la partie qui allègue la violation d'une ordonnance de prouver la désobéissance, le défendeur n'ayant pas à présenter de preuve.

-           Les éléments constitutifs de l'outrage doivent être établis hors de tout doute raisonnable.

-           La mens rea et la bonne foi n'entrent en ligne de compte que comme circonstances atténuantes lorsqu'il s'agit de déterminer la sanction à appliquer.

[14]            Voir à cet égard les articles 469 et 470 des Règles, ainsi que le jugement Télé-Direct (Publications) Inc. c. Canadian Business Online Inc. (1998), 161 F.T.R. 246.


[15]            Une condamnation pour outrage au tribunal est une question très grave. Les pouvoirs de la Cour en matière d'outrage ont pour but général d'assurer le respect du processus judiciaire et, partant, le fonctionnement harmonieux du système judiciaire.

CONCLUSIONS DE FAIT

[16]            Je conclus en premier lieu que les défendeurs ont reçu régulièrement signification de l'ordonnance de justification rendue par le protonotaire Lafrenière. Les éléments de preuve suivants m'en ont convaincue hors de tout doute raisonnable :

1.          Monsieur Bedwell était présent à l'audience du 7 octobre 2002;

2.          Lors de son intervention du 7 octobre 2002, M. Bedwell a déclaré : [traduction] « On m'a dit quand me présenter et me voici » . Il n'a pas contesté la régularité de la signification;

3.          Il était précisé dans l'ordonnance de justification que la signification à M. Bedwell valait pour tous les défendeurs;


4.          De plus, les affidavits de signification de l'huissier attestaient que les deux personnes morales défenderesses avaient reçu signification de l'ordonnance.

[17]            En ce qui concerne la connaissance de l'existence du jugement par les défendeurs, je conclus que M. Bedwell était effectivement au courant du jugement dès le 28 mars 2002. Les éléments de preuve suivants m'en ont convaincue hors de tout doute raisonnable :


1.          Me Cheng, une avocate du cabinet qui représente la demanderesse, a identifié dans son témoignage une copie versée au dossier d'une lettre en date du 7 janvier 2002 qu'elle avait écrite à M. Bedwell et à BMS dans laquelle elle précisait que, pour se conformer au jugement [traduction] « vous devez impérativement changer la dénomination de Mayflower Moving Systems Inc. ou en annuler l'enregistrement » . Elle précisait également dans cette lettre, que pour éviter d'autres poursuites pour outrage au tribunal, les défendeurs devaient annuler la dénomination sociale de Mayflower Moving Systems Inc. Me Cheng a précisé qu'elle avait envoyé la lettre par télécopieur et par courrier recommandé et qu'au sein de son cabinet, il est d'usage d'aviser l'avocat chargé du dossier en cas de non-confirmation de la réception de télécopie et de lui retourner directement l'envoi recommandé qui n'a pas été accepté. Me Cheng a déclaré que rien ne lui avait été retourné au sujet de cette lettre.

2.          Monsieur Yim, qui était chargé de la transmission et de la réception des télécopies au cabinet de la demanderesse, a déclaré que le 7 janvier 2002 il a signifié une copie du jugement en en faisant parvenir une copie aux défendeurs par télécopieur. Il a identifié l'accusé de réception de télécopie envoyé à la suite de la transmission de cette télécopie. Le numéro de télécopieur inscrit sur l'accusé de réception est le même que celui qui figure au dossier de la Cour en ce qui concerne les défendeurs.

3.          Me Cheng a identifié une autre lettre en date du 28 mars 2002 qu'elle a envoyée à M. Bedwell et à BMS, encore une fois par télécopieur et par courrier recommandé. À cette lettre était annexée ce qui a été qualifié de [traduction] « copie supplémentaire du jugement du juge Lemieux » . Cette lettre n'a pas été retournée à Me Cheng, qui a affirmé dans son témoignage avoir reçu copie de l'accusé de réception de la télécopie.


4.          Aspect le plus important, dans sa lettre du 28 mars 2002, Me Cheng demandait qu'on lui propose des dates pour l'audition du renvoi dont il était également question dans le jugement. Suivant Me Cheng, l'adjoint de M. Bedwell a répondu à cette lettre en proposant des dates où il était disponible pour l'audition du renvoi. Il s'agit à mon sens d'éléments de preuve qui démontrent clairement que le défendeur était effectivement au courant du jugement.

[18]            Quant à la question de savoir si les personnes morales défenderesses étaient au courant de ce jugement, il n'est pas nécessaire d'établir que le jugement leur a été signifié. La signification est simplement un moyen d'établir la connaissance (voir le jugement Apple Computer, Inc. c. Minitronics of Canada Ltd., [1988] 2 C.F. 265 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 10).

[19]            Suivant le rapport sur le profil d'entreprise produit le 2 octobre 2002, M. Bedwell était le seul dirigeant et administrateur de MMS. Vu cet élément de preuve, je suis convaincue hors de tout doute raisonnable que la connaissance du jugement par M. Bedwell permet de conclure que MMS était au courant de ce même jugement dès le 28 mars 2002.


[20]            Malheureusement, aucun élément de preuve n'a été présenté au sujet de la structure organisationnelle de BMS. Faute de preuve à cet égard, et malgré les doutes que j'entretiens à cet égard, je ne suis pas convaincue hors de tout doute raisonnable que BMS a été effectivement mis au courant du jugement par le fait que M. Bedwell en était informé.

[21]            En ce qui concerne la question de savoir si le jugement a été respecté, je suis convaincue hors de tout doute raisonnable qu'il ne l'a pas été. Le jugement, qui porte la date du 26 juillet 2001, obligeait les défendeurs à faire changer sans délai la dénomination de MMS. Le rapport sur le profil d'entreprise et les statuts de modification m'ont convaincue que la dénomination sociale n'a été changée que le 3 octobre 2002. Je signale incidemment que cette date est évidemment postérieure à celle qui était précisée dans l'ordonnance de justification rendue par le protonotaire Lafrenière. Même en supposant que M. Bedwell et MMS n'aient été mis au courant du jugement qu'à la fin de mars 2002, six mois se sont écoulés avant que le changement de dénomination n'ait lieu. Le changement n'a donc pas été effectué « sans délai » comme l'exigeait le jugement.

[22]            Monsieur Bedwell soutient qu'il a rencontré des difficultés lorsqu'il a tenté de changer la dénomination et il a souligné le fait que la demanderesse n'avait pas non plus réussi à persuader le ministre de modifier le nom de MMS.


[23]            Les tentatives infructueuses de la demanderesse n'ont selon moi aucun rapport avec la question en litige. La pièce P-8, une lettre du ministère du Procureur général de l'Ontario, nous apprend que les démarches entreprises par la demanderesse ont échoué parce que le Ministère l'a invitée à s'adresser à notre Cour pour faire exécuter son jugement. Or, ni M. Bedwell ni MMS n'ont été confrontés à un obstacle de ce genre.

[24]            Il ressort de la pièce D-3 que M. Bedwell a versée au dossier que, ce qui a fait obstacle à la dissolution de BMS (et non MMS), c'était l'obligation de se conformer à la Loi sur l'imposition des corporations, ce qui concorde avec les observations orales de M. Bedwell. Le jugement n'exigeait pas la dissolution de MMS, mais seulement la modification de la dénomination sociale de MMS pour s'assurer que les marques de commerce de la demanderesse ne soient pas contrefaites.

[25]            Monsieur Bedwell a soutenu que ce n'était que récemment que des représentants de la Direction des compagnies lui avaient dit qu'il lui suffisait de supprimer la dénomination sociale de MMS et de la remplacer par un numéro de société ontarien. Je ne retiens pas cette explication qui a été avancée par le défendeur pour contester les accusations d'outrage au tribunal. Outre que cette explication ne trouve aucun appui dans les témoignages donnés sous serment, le jugement est clair et sans équivoque. Le jugement obligeait les défendeurs à changer la dénomination de MMS sans délai. Si les défendeurs ne savaient pas comment s'y prendre, ils devaient se renseigner et prendre les mesures qui s'imposaient en temps opportun. J'estime que l'attitude qu'ils ont affichée au sujet du jugement de la Cour était cavalière et qu'elle trahissait un mépris total envers ce jugement.


MESURES QUI S'IMPOSENT

[26]            Il y a une circonstance aggravante très importante à souligner. C'est en effet la seconde fois que M. Bedwell et MMS sont reconnus coupables d'outrage au tribunal dans le cadre de la présente instance. Il ressort de la preuve qu'en date du 7 octobre 2002, les défendeurs n'avaient pas encore payé l'amende ou les dépens auxquels ils ont été condamnés par suite de leur première condamnation pour outrage au tribunal.

[27]            Quant aux circonstances atténuantes, il y a lieu de signaler que la dénomination de MMS a effectivement été changée, bien qu'elle ne l'ait été que quatre jours avant l'audience sur l'outrage. J'ai également tenu compte du fait que la preuve ne permet pas de penser que MMS est une société exploitée activement, de sorte que rien ne permet de conclure qu'il existait des raisons d'ordre économique qui pouvaient inciter les défendeurs à attendre avant de se plier au jugement.

[28]            Ni M. Bedwell ni MMS n'ont exprimé de regrets ou formulé d'excuses ou reconnu leurs torts. Ces éléments qui auraient pu jouer en tant que circonstances atténuantes ne sont pas présents en l'espèce.


[29]            Les avocats de la demanderesse réclament une amende de 50 000 $ pour chacune des personnes morales défenderesses et une amende de 10 000 $ dans le cas de M. Bedwell. Ils réclament aussi l'adjudication des dépens au tarif des dépens extrajudiciaires. La raison pour laquelle ils réclament une amende plus forte dans le cas des personnes morales défenderesses est que celles-ci sont censées être en mesure de payer une amende plus élevée.

[30]            Le juge Lemieux a examiné les principes applicables en matière d'évaluation du montant de l'amende pour outrage au tribunal dans l'affaire Lyons Partnership, L.P. c. MacGregor (2000), 5 C.P.R. (4th) 157 (C.F. 1re inst.). Voici ce qu'il écrit aux paragraphes 21, 22 et 23 :

21.            Dans l'arrêt Cutter (Canada) Ltd., précité, le juge Urie a dit que ce qui était pertinent au moment d'évaluer le montant de l'amende était « la gravité de l'outrage, appréciée en fonction des faits particuliers de l'espèce sur l'administration de la justice » (à la page 562). La Cour d'appel fédérale a souscrit aux motifs du juge de première instance selon lesquels le montant de l'amende devrait refléter « la sévérité de la loi et être suffisamment modérée pour démontrer la clémence de la justice » . Le juge Urie a indiqué que le montant de l'amende ne devrait pas être une amende symbolique parce ce que cela « serait incompatible avec la gravité des infractions reprochées et risquerait d'encourager d'autres personnes à se moquer de la loi s'il y va de leur intérêt pécuniaire » .

22.            Cette dernière citation du juge Urie rappelle les propos du juge Rouleau de notre Cour dans l'affaire Montres Rolex S.A. et al. c. Herson et al., 15 C.P.R. (3d) 368 (C.F. 1re inst.) : « le but principal des sanctions imposées est d'assurer le respect des ordonnances du tribunal » . Le juge Dubé de notre Cour a également souligné dans l'affaire Louis Vuitton S.A. c. Tokyo-Do Enterprises Inc. et al., 37 C.P.R. (3d) 8, (C.F. 1re inst.), l'importance de la dissuasion en tant que facteur principal pour s'assurer que ces ordonnances ne seront pas violées de nouveau parce que « si ceux ou celles qui se font prendre en sortent sans égratignures, ça a pour effet d'encourager ces activités et de détruire, en conséquence, l'effet visé par les lois qui sont édictées » (à la page 15, ligne 20). Le juge Dubé a, dans l'évaluation du montant de l'amende, tenu compte de la valeur de la marchandise contrefaite qui a été vendue. Il a également ordonné qu'un montant maximal soit fixé pour les dépens sur la base procureur-client.

23.            Pour conclure sur la question des principes directeurs, d'autres facteurs pertinents qui doivent être pris en compte sont la question de savoir si l'infraction d'outrage constitue une première infraction (R. c. De L'Isle et al. (1994), 56 C.P.R. (3d) 371 (C.A.F.)) et la présence de facteurs atténuants tels la bonne foi ou des excuses (Baxter Travenol Laboratories, précité).


[31]            Appliquant ces principes, j'estime juste et raisonnable de condamner M. Bedwell à une amende de 10 000 $ et MMS à une amende de 15 000 $. Ces montants correspondent à environ le triple de ceux qui ont été accordés par le juge McKeown et reflètent la gravité de la récidive.

[32]            En ce qui concerne les dépens, lorsqu'elle fait droit à une demande d'ordonnance déclarant quelqu'un coupable d'outrage au tribunal, la Cour adjuge habituellement à la partie qui cherche à faire exécuter sa décision une somme raisonnable à titre de dépens extrajudiciaires. Cet usage illustre la philosophie de la Cour selon laquelle celui qui aide la Cour à faire exécuter ses décisions et à assurer le respect de ses ordonnances ne devrait pas être pénalisé sur le plan pécuniaire (voir, par exemple, le jugement Coca-Cola Ltée c. Pardhan, (2000), 5 C.P.R. (4th) 333 (C.F. 1re inst.), conf. à (2003) 23 C.P.R. (4th) 173 (C.A.F.) et la jurisprudence examinée par le juge en chef adjoint Lutfy, maintenant juge à la Cour d'appel).


[33]            Je suis convaincue qu'il y a lieu de s'en tenir en l'espèce à l'usage habituel et de condamner solidairement M. Bedwell et MMS à payer à la demanderesse un montant raisonnable à titre de dépens, montant qui devra être calculé au tarif des dépens extrajudiciaires en fonction de l'audience de justification qui a eu lieu devant le protonotaire Lafrenière et de l'audience du 7 octobre 2002. Je ne suis pas disposée à augmenter ce montant raisonnable compte tenu du fait qu'il s'agit de la seconde condamnation pour outrage au tribunal. Étant donné que l'audience du 4 juillet 2003 a été rendue nécessaire en grande partie à cause de l'erreur commise par inadvertance par l'avocate de la demanderesse et que celle-ci a dû par conséquent présenter une requête en réouverture de sa preuve, il est normal, à mon avis, que la demanderesse supporte les frais qu'elle a engagés pour comparaître à cette audience.

[34]            Monsieur Bedwell a réclamé le délai maximal pour payer l'amende. Je vais lui accorder un délai que j'estime raisonnable pour régler l'amende à laquelle il est condamné.

                                                              ORDONNANCE

[35]            LA COUR :

1.                    DÉCLARE les défendeurs James R. Bedwell et Mayflower Moving Systems Inc. coupables d'outrage au tribunal pour avoir désobéi au jugement rendu par le juge Lemieux le 26 juillet 2001;

2.          CONDAMNE le défendeur James R. Bedwell à une amende de 10 000 $, qu'il devra payer dans les six mois de la date de la présente ordonnance;


3.          CONDAMNE la défenderesse Mayflower Moving Systems Inc. à une amende de 15 000 $, qu'elle devra payer dans les six mois de la date de la présente ordonnance;

4.          CONDAMNE les défendeurs James R. Bedwell et Mayflower Moving Systems Inc. à payer solidairement à la demanderesse ses dépens raisonnables afférents à l'audience de justification et à l'instance qui s'est déroulée devant la Cour le 7 octobre 2002. Les dépens en question seront calculés au tarif des dépens extrajudiciaires et devront être payés dans les neuf mois de leur liquidation.

« Eleanor R. Dawson »

________________________________

     Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                                                            COUR FÉDÉRALE

                                            AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                  T-2556-97

INTITULÉ :                 Mayflower Transit, Inc. c. Bedwell Management Systems Inc. et al.

LIEU DE L'AUDIENCE :      Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :    7 octobre 2002 et 4 juillet 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :            Le juge Dawson

DATE DES MOTIFS :           1er août 2003

COMPARUTIONS :

Me Ziad Katul                              POUR LA DEMANDERESSE

(7 octobre 2002)

Me Andrea E. Kokonis

(4 juillet 2003)

James R. Bedwell                       POUR SON PROPRE COMPTE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Fasken Martineau DuMoulin, s.r.l.                      POUR LA DEMANDERESSE

Avocats

Toronto (Ontario)

Aucun                                                                POUR LES DÉFENDEURS


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