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                                                                                                                                  Date : 19980128

                                                                                                                                    IMM-4362-97

ENTRE :

                                                      ANDREI KOURTCHENKO,

                                                                                                                                         Requérant,

                                                                          - et -

                    LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

                                                                                                                                                Intimé.

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE REED

[1]         L'intimé présente une motion en vue d'obtenir l'annulation de l'avis de requête introductive d'instance du requérant, par laquelle ce dernier demande le contrôle judiciaire d'une décision rendue le 15 septembre 1997 par un agent des visas.

[2]         La requête en annulation s'appuie sur la prétention que la décision du 15 septembre 1997 n'est pas une décision mais une lettre de courtoisie.

[3]         La jurisprudence établit clairement que la Cour n'a pas compétence pour annuler une requête introductive d'instance en contrôle judiciaire : Pharmacia c. Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social (1994), 58 C.P.R. (3d) 209 (C.A.F.); arrêt suivi dans Primetronics Inc. c. La Reine (T-1130-96, 27 janvier 1997) (C.F. 1re inst.); suivant l'arrêt précurseur Granville Shipping Co. c. Pegasus Lines Ltd. (1994), 86 F.T.R. 77.

[4]         La procédure de contrôle judiciaire est entièrement axée sur l'objectif de permettre le règlement rapide des causes, sans délai attribuable à des requêtes interlocutoires (arrêt Pharmacia, précité). La Cour a toutefois compétence pour rejeter un avis de requête introductive d'instance, de façon sommaire, dans des circonstances exceptionnelles. Je traiterai la requête de l'intimé comme appartenant à cette dernière catégorie.

[5]         Voici d'abord une description des faits à l'origine de l'instance. Le requérant a été expulsé du Canada le 2 décembre 1996. Avant cette date, un agent des visas de Seattle avait conclu qu'il [Traduction] « satisfaisait aux critères de sélection » pour obtenir la résidence permanente [Traduction] « dans la catégorie des immigrants indépendants » . Les motifs de son expulsion ne sont pas pertinents en l'espèce.

[6]         Peu après, le requérant a demandé, par l'intermédiaire d'un consultant en immigration, le consentement du ministre conformément au paragraphe 55(1), afin d'être autorisé à revenir au Canada. Le 23 janvier 1997, sa demande a été rejetée. Ce refus a été communiqué au consultant en immigration du requérant le 28 janvier 1997. Le 17 février 1997, l'amie du requérant a retenu les services de l'avocat qui le représente aujourd'hui. En vertu des règles, le requérant avait trente jours à compter de la date de la communication du refus au requérant ou à son agent pour interjeter appel de la décision du 23 janvier 1997. À cette époque, le requérant se trouvait dans la République de Moldova. L'avocat du requérant estimait que c'est par erreur que le ministre lui avait refusé son consentement. Le 21 février 1997, il a envoyé une lettre au signataire de la lettre du 23 janvier 1997 pour demander un réexamen. À la même date, il a déposé une requête devant la Cour fédérale afin de faire proroger le délai de dépôt d'une demande de contrôle judiciaire de la décision du 23 janvier 1997. La demande de prorogation a été déposée avant l'expiration du délai. Le 5 mars 1997, l'avocat de l'intimé avait déposé des observations à la Cour pour s'opposer à la demande de prorogation déposée par le requérant le 21 février 1997.

[7]         Monsieur McLeman, le signataire de la lettre du 23 janvier 1997, a répondu à la demande du 21 février 1997, par une lettre en date du 3 mars 1997. Il y affirme qu'il ne réexaminera pas la décision du 23 janvier 1997. Il affirme en outre que cette décision [Traduction] « peut être révisée par la Cour fédérale » . L'avocat du requérant n'a pas reçu cette lettre avant le 15 mars 1997. Le 17 mars 1997, la Cour a rejeté la demande de prorogation de délai (très peu de preuve ayant vraisemblablement été versée au dossier).

[8]         L'avocat du requérant a continué à communiquer avec les membres du ministère de l'intimé, concernant le motif du refus du ministre d'accorder son consentement le 23 janvier 1997. À ce qu'il a compris, ce refus serait dû au fait que les fonctionnaires étaient d'avis que les personnes expulsées ne devaient pas obtenir la permission de revenir au Canada avant d'avoir passé un certain temps dans le pays où elles ont été renvoyées.

[9]         Le 23 août 1997, l'avocat a écrit une lettre à M. Springgay, le directeur du programme du Consulat canadien à Seattle :

[Traduction]

                Hugh Lovekin de la Gestion des dossiers m'a informé que vous aviez refusé d'accorder le consentement ministériel à M. Kourtchenko parce que (1) il n'est pas parti du Canada de son plein gré après la prise contre lui d'une mesure d'interdiction de séjour, dont l'exécution était imminente et (2) vous estimiez qu'il devait être contraint de retourner dans la République de Moldova avant d'être autorisé à immigrer. Si cet énoncé n'exprime pas fidèlement les raisons de ce refus, veuillez m'en aviser. Si je n'ai pas reçu d'éclaircissement le 15 septembre 1997, vous serez réputé avoir reconnu que cet énoncé exprime fidèlement les raisons du refus.

                De plus, si la deuxième raison est exacte, Andrei est-il demeuré suffisamment longtemps dans la République de Moldova, déchirée par des conflits, pour être autorisé à immigrer? Le cas échéant, lui accorderiez-vous le consentement ministériel, une fois avisé qu'il a versé à nouveau le droit exigible et le droit d'entrée? Dans l'affirmative, soyez avisé que M. Kourtchenko se conformera avec plaisir à cette exigence lorsque vous lui aurez confirmé qu'il satisfait ainsi à vos critères personnels pour obtenir le consentement ministériel.

[10]       Monsieur Springgay lui a répondu, par une lettre datée du 15 septembre 1997 :

[Traduction]

Je réponds par les présentes à votre lettre datée du 23 août 1997. Je regrette de ne pas y avoir répondu immédiatement, parce que j'étais en congé annuel pendant la première semaine de septembre.

Monsieur Kourtchenko a été renvoyé du Canada par les agents chargés d'exécuter la loi en matière d'immigration à Vancouver (C.-B.), agissant en leur propre nom. Monsieur Kourtchenko a été avisé par la suite par M. McLeman, dans sa correspondance datée du 22 janvier 1997, des motifs pour lesquels le consentement ministériel lui permettant de revenir au Canada après en avoir été expulsé ne lui a pas été accordé. Cette lettre tranchait aussi de façon définitive la demande de résidence permanente de M. Kourtchenko et je n'ai donc rien d'autre à ajouter à cet égard aujourd'hui.

La correspondance que vous nous avez déjà adressée laisse entendre que M. Kourtchenko a présenté une nouvelle demande pour obtenir le consentement du ministre par l'entremise d'un autre bureau. Cette demande lui fournira l'occasion de faire valoir tout nouveau renseignement dont il voudrait qu'il soit tenu compte.

[11]       L'instance porte sur la décision énoncée dans cette lettre. L'avocat du requérant soutient soit qu'elle complétait le processus décisionnel amorcé plus tôt, et dont la lettre du 23 janvier 1997 constituait une étape, soit qu'elle constituait une nouvelle décision relativement à une nouvelle demande formulée dans la lettre du 23 août 1997.

[12]       L'allégation portant que la lettre du 15 septembre 1997 complète le processus décisionnel dont la lettre du 23 janvier 1997 constitue une étape s'appuie sur la prétention que la décision du 23 janvier 1997 a été rendue par M. McLeman, qui n'avait pas le pouvoir de la rendre, et non par M. Springgay, qui avait ce pouvoir.

[13]       Monsieur McLeman, dans sa correspondance du 1er mars 1997, renvoie à la décision du 23 janvier 1997, en la désignant par les mots « ma décision » . Toutefois, dans la lettre du 23 janvier 1997, il dit qu'il a recommandé le refus et que ce refus a été décidé par le directeur du programme. Un affidavit déposé à la dernière minute par l'intimé atteste que M. Springgay était le directeur du programme à la date pertinente. Compte tenu de cette preuve, je ne puis conclure que la lettre du 15 septembre 1997 peut être considérée comme une décision relative à la demande de consentement ministériel formulée avant le 23 janvier 1997.

[14]       Si la lettre du 23 août 1997 demande des justifications sur le fondement de la décision antérieure, c'est dans le contexte d'une demande de réponse à la question de savoir si le requérant pourrait s'attendre à obtenir une approbation s'il présentait une nouvelle demande de consentement. La lettre du 15 septembre 1997 ne répond pas à cette question. Comme je l'ai indiqué au cours de l'audience, cette lettre peut être considérée comme ne répondant pas à la question ou comme y répondant de façon évasive.

[15]       La lettre du 15 septembre 1997 ne constitue toutefois pas une « décision » qui pourrait faire l'objet d'une procédure de contrôle judiciaire devant la Cour. Monsieur Springgay n'a pas accepté de répondre aux questions qui lui étaient posées. Je pense qu'il avait le droit d'agir ainsi. Il est poli de répondre aux demandes de renseignements que l'on reçoit et, en l'espèce, il était absolument nécessaire de le faire en raison des conclusions que l'avocat du requérant a dit qu'il tirerait s'il ne recevait pas de réponse au plus tard le 15 septembre 1997. Toutefois, M. Springgay n'avait aucune obligation juridique de répondre à cette lettre. La Cour n'aurait pas pu le contraindre à répondre à cette demande de renseignements. Si une procédure de contrôle judiciaire avait été engagée avec succès relativement à la décision du 23 janvier 1997, la Cour aurait pu ordonner qu'il soit répondu à la première question énoncée dans la lettre du 23 août 1997. Toutefois, cela ne s'est pas produit et aucune source ne m'a été citée qui imposerait à M. Springgay l'obligation juridique de répondre à l'une ou l'autre des demandes de renseignements énoncées dans la lettre du 23 août 1997.

[16]       Par ces motifs, une ordonnance rejetant la demande de contrôle judiciaire sera délivrée.

                                                                                                                                  « B. Reed »          

                                                                                                                        Juge

Toronto (Ontario)

28 janvier 1997

Traduction certifiée conforme :

François Blais, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                   Date : 19980128

                                                      IMM-4362-97

ENTRE :

ANDREI KOURTCHENKO,

                                                              Requérant,

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION,

                                                                    Intimé.

                                                         

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                         


            COUR FÉDÉRALE DU CANADA

            Avocats et procureurs inscrits au dossier

NUMÉRO DU GREFFE :         IMM-4362-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :ANDREI KOURTCHENKO

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

DATE DE L'AUDITION :                    26 JANVIER 1998

LIEU DE L'AUDITION :          TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MADAME LE JUGE REED

DATE DES MOTIFS :28 JANVIER 1998

ONT COMPARU :

Me Timothy E. Leahy

pour le requérant

Me Jeremiah A. Eastman

pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Timothy E. Leahy

Avocat

Bureau 408

5075, rue Yonge

North York (Ontario)

M2N 6C6

pour le requérant

George Thomson

Sous-procureur général du Canada

pour l'intimé

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