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Date : 20030409

Dossier : IMM-2916-02

Référence neutre : 2003 CFPI 418

ENTRE :

                                                    HARINDER SINGH RANDHAWA

                                                                                                                                                      demandeur

                                                                                   et

                          LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LAYDEN-STEVENSON

[1]                 Dans une décision datée du 10 juin 2002, la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la SSR), maintenant la Section de la protection des réfugiés (la SPR), a annulé la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de M. Randhawa et a conclu que celui-ci n'était pas un réfugié au sens de la Convention. M. Randhawa demande le contrôle judiciaire de cette décision.


[2]                 Le demandeur est entré au Canada en provenance de l'Inde et a revendiqué le statut de réfugié en raison de ses opinions politiques et de son appartenance à la All India Sikh Student Federation. Il prétend craindre d'être persécuté par la police du Penjab. On lui a reconnu le statut de réfugié au sens de la Convention le 9 août 1994. L'épouse de M. Randhawa est restée en Inde.

[3]                 Le 11 mars 1997, l'épouse du demandeur a été convoquée à une entrevue avec un agent du programme d'immigration au Haut-commissariat du Canada à Delhi, en Inde. Compte tenu des renseignements qu'elle a fournis, lesquels sont mis par écrit dans une déclaration solennelle qu'elle a signée, le ministre a présenté une demande visant à obtenir l'annulation de la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention du demandeur en application du paragraphe 69.2(2) de l'ancienne Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2.

[4]                 À l'audience d'annulation, le demandeur a présenté en preuve un certain nombre de documents et il a également assigné quatre témoins, dont son épouse, pour qu'ils témoignent en sa faveur. Le ministre a assigné un témoin et a produit la déclaration solennelle. La Commission, dans sa décision, a conclu que le demandeur et les témoins qu'il avait assignés n'étaient pas crédibles. Elle a accepté la preuve du ministre, et elle a conclu que l'épouse du demandeur n'avait pas menti à l'entrevue de 1997 et que les déclarations qu'elle avait faites à ce moment étaient vraies. Elle a rejeté l'ensemble de la preuve documentaire soumise par le demandeur au motif qu'elle était fabriquée, intéressée, vague et, dans le cas des affidavits, qu'elle contredisait l'énoncé de ce qu'allaient déclarer les déposants.

[5]                 Le demandeur invoque diverses erreurs. Il conteste notamment les conclusions de la Commission relativement à la crédibilité de ses témoins, le rejet par la Commission de la preuve documentaire et, lorsqu'elle n'a pas été rejetée, l'importance ou l'importance insuffisante accordée par la Commission à cette preuve. Pour ce qui est de la crédibilité, le demandeur prétend que la Commission n'a absolument pas tenu compte de la preuve ou s'est entièrement fourvoyée en interprétant la preuve, et que ses conclusions étaient manifestement déraisonnables.

[6]                 Le problème qui se pose est que, pour des raisons inconnues aux avocats des parties, le dossier du tribunal contient une transcription de la déposition de l'agent d'immigration et de l'épouse du demandeur, mais ne contient pas de transcription de la déposition des trois autres témoins. Le fait que l'affidavit que le demandeur a soumis à l'appui de sa demande de contrôle judiciaire comprend un résumé de la déposition de chacun des trois témoins en question complique davantage ce problème. À cet affidavit est annexée une « note au dossier » de l'avocat du demandeur, laquelle comporte entre autres un résumé que celui-ci a préparé de la déposition des témoins. Il est évident que les déclarations contenues dans l'affidavit du demandeur, lorsqu'on les compare aux déclarations contenues dans la « note au dossier » , sont compatibles avec la déposition de ces témoins. Il est également évident que ces documents contrastent vivement avec la description de la preuve qu'a donnée le tribunal dans sa décision.


[7]                 Le demandeur soutient que si elle avait ajouté foi à la déposition de ces témoins (et en particulier à celle de deux d'entre eux), la Commission serait parvenue à une autre conclusion. Étant donné que la Commission n'a tenu aucun compte de la preuve ou l'a mal interprétée, il est crucial que la Cour examine la preuve pour qu'elle puisse déterminer que les conclusions de la Commission étaient déraisonnables sur ce point et qu'une intervention est justifiée. En bref, le demandeur soutient que, sans la transcription de la déposition de ces témoins, il subit un préjudice. Le défendeur prétend que les conclusions défavorables quant à la crédibilité sont raisonnables si elles sont motivées en termes clairs et explicites, et que les questions relatives à la crédibilité et à l'appréciation de la preuve relèvent de la compétence de la Commission. Rien ne permet à la Cour d'intervenir.

[8]                 Les parties conviennent qu'en l'absence d'un droit légal à l'enregistrement (ce qui est le cas en l'espèce), la Cour doit établir si la preuve dont elle est saisie lui permet de statuer convenablement sur la demande. Si c'est le cas, l'absence de transcription ne portera pas atteinte aux règles de justice naturelle. Il s'agit de déterminer si le demandeur serait privé d'un moyen de révision en raison de l'absence de transcription. La norme applicable est la possibilité sérieuse : Ville de Montréal c. Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 301, [1997] 1 R.C.S. 793.


[9]                 Bien que le défendeur soutienne que la déposition de l'agent d'immigration et celle de l'épouse du demandeur sont les éléments de preuve cruciaux sur lesquels s'appuie la décision, son avocat concède que la déposition des autres témoins est pertinente quant à la question dont est saisie la Commission. Le demandeur répond que, sans la transcription, la Cour n'a aucun moyen de déterminer le bien-fondé de l'allégation d'erreur, et qu'il sera privé de son moyen de révision. Cela constitue à son avis un manquement à l'équité procédurale.

[10]            La décision, à sa face même, fournit des motifs clairs et convaincants à l'appui des conclusions de la Commission quant à la crédibilité. Je suis d'accord avec le défendeur pour dire que, en temps normal, les conclusions quant à la crédibilité échappent au contrôle judiciaire. Cependant, au moment où le demandeur a signé l'affidavit qu'il a soumis à l'appui de sa demande, il ne savait pas que la transcription ne comporterait pas la déposition de tous les témoins. La « note au dossier » annexée à l'affidavit a été établie à partir de notes prises lors de l'audience. Ayant examiné attentivement le résumé des dépositions fourni par le demandeur, qui demeure non contredit sauf pour ce qui est de la décision de la Commission, je ne puis concilier les arguments divergents quant aux dépositions en question.

[11]          Malgré l'argumentation claire et habile de l'avocat du défendeur, le demandeur m'a convaincue que les conclusions de la Commission quant à la crédibilité des témoins en question étaient d'une importance fondamentale pour la décision. Je tiens compte des commentaires du juge Evans (maintenant juge à la Section d'appel de la Cour) dans la décision Hassan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 174 F.T.R. 287, selon lesquels, compte tenu de la nature de l'audience d'annulation, l'intéressé a le droit de savoir avec certitude que la Commission a examiné équitablement l'ensemble de la preuve.

[12]            Après avoir examiné l'argumentation du demandeur et les éléments de preuve qui l'appuient et avoir appliqué la norme de la possibilité sérieuse, je conclus qu'il est impossible de statuer sur les arguments susmentionnés sans la transcription. Tirer une autre conclusion m'empêcherait de statuer convenablement sur le fond de la demande dans son ensemble. Au bout du compte, il se peut bien qu'il ait été raisonnablement loisible à la Commission de tirer les conclusions qu'elle a tirées. Toutefois, compte tenu des faits de la présente affaire, on ne peut tirer cette conclusion sans la transcription. Procéder en l'absence de la transcription priverait, à mon avis, le demandeur d'un moyen de révision et constituerait donc un manquement à l'équité procédurale.

[13]            Pour les motifs exposés, la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Section de la protection des réfugiés pour qu'il rende une nouvelle décision. La Cour rendra une ordonnance en ce sens. Les avocats n'ont pas proposé de question à certifier. La présente affaire ne soulève aucune question grave de portée générale et aucune question n'est certifiée.

« Carolyn Layden-Stevenson »

Juge

Toronto (Ontario)

Le 9 avril 2003

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         IMM-2916-02

INTITULÉ :                                                       HARINDER SINGH RANDHAWA

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

DATE DE L'AUDIENCE :                              LE MARDI 8 AVRIL 2003

LIEU DE L'AUDIENCE :                                TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              LE JUGE LAYDEN-STEVENSON

DATE DES MOTIFS :                                     LE MERCREDI 9 AVRIL 2003

COMPARUTIONS :             

Lorne Waldman                                                    POUR LE DEMANDEUR

Brad Gotkin                                                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waldman & Associates                                       POUR LE DEMANDEUR

281, avenue Eglinton Est

Toronto (Ontario)

M4P 1L3

Morris Rosenberg                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                                                                                  Date : 20030409

                                                                                                                   Dossier : IMM-2916-02

ENTRE :

HARINDER SINGH RANDHAWA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                                       

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                        


Date : 20030409

Dossier : IMM-2916-02

Toronto (Ontario), le mercredi 9 avril 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE LAYDEN-STEVENSON

ENTRE :

                                                    HARINDER SINGH RANDHAWA

                                                                                                                                                      demandeur

                                                                                   et

                          LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                                                     ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Section de la protection des réfugiés pour qu'il rende une nouvelle décision.

« Carolyn Layden-Stevenson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

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