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Date : 20041026

Dossier : IMM-10304-03

Référence : 2004 CF 1504

Toronto (Ontario), le 26 octobre 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE MACTAVISH

ENTRE :

                                                     PUVANESWARY KANDIAH

demanderesse

                                                                             

et

                                                                             

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Puvaneswary Kandiah est une citoyenne tamoule du Sri Lanka. C'est une veuve âgée de 74 ans et mère de huit enfants. Elle a demandé l'asile, faisant valoir qu'elle avait été l'objet d'extorsion de la part de membres des Tigres de libération de l'Eelam tamoul (les TLET) en raison du fait qu'elle avait des enfants outremer.

[2]                Après avoir conclu qu'elle n'était pas un témoin crédible ou digne de foi, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande de la demanderesse. En outre, la Commission a estimé qu'elle n'avait pas réfuté la présomption selon laquelle elle pourrait bénéficier de la protection de l'État au Sri Lanka.

[3]                La demanderesse vise maintenant à obtenir l'annulation de la décision de la Commission, faisant valoir que ses conclusions quant à la crédibilité étaient manifestement déraisonnables. La demanderesse fait également valoir que la Commission a commis une erreur dans sa manière de traiter de la question de la protection de l'État.

Les conclusions de la Commission quant à la crédibilité étaient-elles manifestement déraisonnables?

[4]                Un examen de la décision révèle que la Commission a pris en compte l'âge avancé de la demanderesse ainsi que son éducation limitée lors de l'appréciation de sa crédibilité. La Commission a néanmoins conclu qu'il y avait de nombreux motifs pour ne pas la croire. Fait peut-être le plus important, les éléments de preuve de la demanderesse en ce qui concerne ce qui constituait réellement le principal incident dans sa demande n'étaient pas du tout cohérents.

[5]                La demanderesse allègue qu'en 2003, elle a été capturée par les TLET et qu'elle a été détenue dans un bunker jusqu'à ce que sa famille ait payé une rançon dans le but d'obtenir sa libération. Selon la demanderesse, c'est cet incident qui l'a amenée à fuir le Sri Lanka.

[6]                À différentes étapes du processus, la demanderesse a affirmé que cet événement était survenu en mai 2003, le 15 juin 2003 ou en novembre 2003. En outre, elle a prétendu de diverses façons avoir été détenue pendant trois ou cinq jours. Il y avait également des incohérences dans ses éléments de preuve quant au montant de la rançon demandé par ses ravisseurs.

[7]                En se fondant sur ces incohérences, la Commission a conclu que la demanderesse avait fabriqué ces événements dans le but d'étayer sa demande.

[8]                Je n'accepte pas l'observation selon laquelle la Commission a usé d'un zèle excessif dans la manière dont elle a traité les éléments de preuve de la demanderesse. Ce ne sont pas des incohérences mineures et elles vont au coeur même de sa demande. Pour ces motifs, on peut faire la distinction d'avec la décision dans l'affaire Rajaratnam c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] A.C.F. no 1271.


[9]                La demanderesse a également fourni des renseignements contradictoires quant à savoir où se trouvaient ses enfants. Dans son formulaire de renseignements personnels (le FRP), la demanderesse a mentionné qu'elle ne savait pas où se trouvait l'une de ses filles au Sri Lanka. Elle a cependant été en mesure d'indiquer où chacun de ses autres enfants résidait, y compris où se trouvaient les trois autres enfants demeurant toujours au Sri Lanka. Par contre, dans son témoignage lors de l'audience sur sa demande d'asile, la demanderesse a insisté pour dire qu'elle ne savait pas où étaient ses quatre enfants au Sri Lanka. La demanderesse a expliqué cette incohérence en affirmant que son fils avait rempli le FRP pour elle.

[10]            La Commission n'a pas accepté cette explication, estimant non plausible que le fils de la demanderesse ait su où vivaient ses frères et soeurs, alors que la demanderesse, qui résidait avec ce même fils, ne savait pas où étaient ses enfants. Je ne vois aucun motif pour intervenir à l'égard de cette conclusion, laquelle me semble des plus raisonnables.

[11]            La demanderesse soutient également que cette conclusion quant à la crédibilité est secondaire eu égard à la demande et qu'on devrait, de ce fait, lui accorder peu de poids. Je ne suis pas d'accord. La demande de la demanderesse s'appuie sur son assertion selon laquelle elle est une veuve âgée n'ayant aucune famille pour l'aider au Sri Lanka. Son FRP révèle qu'elle a une fille vivant à Thunukkai, soit le même endroit où, selon elle, la demanderesse vivait avant de partir pour le Canada. Dans ces circonstances, la question de savoir où se trouve la fille de la demanderesse n'est pas simplement secondaire à l'égard de la demande.


[12]            La Commission a également tiré une conclusion générale relativement à l'attitude de la demanderesse, soulignant qu'il était fréquent qu'elle ne témoigne pas « avec franchise » et qu'elle était parfois évasive dans ses réponses. Avant de parvenir à cette conclusion, il est clair que la Commission s'est montrée sensible aux vulnérabilités particulières de la demanderesse, y compris son âge et son éducation limitée.

[13]            Toutefois, deux des conclusions de la Commission posent problème. Premièrement, la Commission a fait référence aux notes du point d'entrée, où on a demandé à la demanderesse d'expliquer pourquoi elle demandait l'asile. Selon les notes, elle aurait répondu ceci :

[traduction]

Personne ne peut s'occuper de moi au Sri Lanka parce que j'ai perdu tous les enfants dans la mesure où j'ignore où se trouvent tous mes enfants, et de mes deux fils, un se trouve en Suisse et l'autre au Canada et je préfère être dans ce pays avec mon fils.

[14]            Dans ses motifs, la Commission a fait remarquer que la demanderesse n'a pas affirmé qu'elle fuyait l'extorsion de la part des TLET ou qu'elle avait été victime de persécution en ayant été détenue pendant un certain temps. À partir de cela, la Commission a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité.

[15]            Un examen des notes du point d'entrée révèle que plus tôt au cours son entrevue, la demanderesse avait bel et bien fait référence à sa détention aux mains des TLET. À ce moment-là, elle a prétendu qu'elle avait été détenue durant trois jours et qu'elle avait été libérée après le versement de 50 000 roupies. Le défendeur concède que la Commission a commis une erreur en ne tenant pas compte de cette déclaration.

[16]            Il y a également un problème avec une des conclusions de la Commission quant à la vraisemblance. Bien qu'elle ait noté la réputation de cruauté des TLET, la Commission a néanmoins jugé invraisemblable le fait que les TLET « prendraient une vieille dame et la garderaient en détention pendant cinq jours dans un bunker pour obtenir de l'argent par extorsion » . Toutefois, les renseignements dont disposait la Commission sur la situation du pays comprenaient des éléments de preuve concernant l'enlèvement et l'extorsion dont avait été victime un homme de 82 ans. À première vue, ces éléments de preuve tendraient à offrir une corroboration indépendante selon laquelle l'enlèvement et l'extorsion aux dépens des personnes âgées n'étaient pas impossibles pour les TLET. C'est pourquoi la Commission aurait au moins dû traiter de ces éléments de preuve.

[17]            Bien que je sois convaincue que ces deux dernières conclusions ne peuvent résister à un examen judiciaire, n'ayant pas trouvé de motif pour intervenir au sujet de la conclusion de la Commission selon laquelle la demanderesse avait fabriqué sa demande, je ne suis pas convaincue que ces deux erreurs étaient en soi suffisamment importantes à l'égard du résultat pour justifier l'annulation de la décision de la Commission.


La protection de l'État

[18]            Vu la confirmation de la conclusion de la Commission selon laquelle la demande de la demanderesse n'était pas subjectivement fondée, il n'est donc pas nécessaire de traiter de la question de la protection de l'État.

Conclusion

[19]            Pour ces motifs, la demande est rejetée.

Certification

[20]            Les parties n'ont proposé aucune question pour la certification et aucune n'est soulevée en l'espèce.

                                                     


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.          Aucune question grave de portée générale n'est certifiée.

       « A. Mactavish »

                                                                                                     Juge                     

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                 IMM-10304-03

INTITULÉ :                                                                PUVANESWARY KANDIAH

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        LE 25 OCTOBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                                LA JUGE MACTAVISH

DATE DES MOTIFS :                                               LE 26 OCTOBRE 2004

COMPARUTIONS :

Krissina Kostadinov                                                      POUR LA DEMANDERESSE

Alison Engel                                                                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lorne Waldman                                                             POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


                             

             COUR FÉDÉRALE

                             

Date : 20041026

Dossier : IMM-10304-03

ENTRE :

PUVANESWARY KANDIAH

                                    demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                           défendeur

                                                                                                                

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                                                                


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