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Date : 20030415

Dossier : IMM-515-02

Référence : 2003 CFPI 433

Montréal (Québec), le 15e jour d'avril 2003

En présence de :         L'HONORABLE JUGE BEAUDRY

                                                                                   

ENTRE :

                                                            ALEXANDER NEFEDOV

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                                                  MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                   

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Alexander Nefedov (le "demandeur") demande le contrôle judiciaire d'une décision négative d'un agent de visas, M. Jean-Marc Arsenault ("l'Agent"). Ce dernier, le 2 janvier 2002, refusait la demande d'autorisation de séjour en tant que travailleur en vertu de la Loi sur l'immigration, R.S.C. 1985, c. I-2 (la "Loi").


QUESTION EN LITIGE

[2]                 Est-ce que cette décision est manifestement déraisonnable?

[3]                 Pour les raisons qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est refusée.

CONTEXTE FACTUEL

[4]                 Le demandeur est citoyen de la Dominique et résident permanent de la Russie. Il demande l'autorisation de séjour au Canada afin de travailler avec un organisme non-gouvernemental ("ONG") connu sous le nom « International Informatization Academy » . Il joint à sa demande la lettre de l'organisme qui lui offrait un emploi d'une durée prévue d'une année. Le département du Développement des ressources humaines du Canada ("DRHC") a validé son offre d'emploi. La fille du demandeur était déjà au Canada comme étudiante.

DÉCISION CONTESTÉE

[5]                 La décision se lit comme suit (page 6, dossier du demandeur):

This refers to your application for temporary entry to Canada on an employment authorization.

The Immigration Act allows for the issuance of an employment authorization and visa only after the applicant has satisfied an immigration officer that to do so would not be contrary to the Act or the Regulations. In making a determination as to whether an employment authorization and visa may be issued, the immigration officer must take several factors into consideration. The decision to refuse an application for an employment authorization and visa is not taken lightly, but an immigration officer is obliged to refuse to issue an employment authorization if any of these requirements are not met.


In your particular case, I have noted that you are a permanent resident of Russia and that you have been refused permanent immigration to Canada in 1998 and that you have another permanent immigration application currently in process in Buffalo. I am not satisfied that you have sufficient ties to your country of permanent residence and that you are seeking entry to Canada for a temporary purpose. I am not satisfied that you will leave Canada if your permanent immigration application is refused. Consequently your application for an employment authorization to Canada is refused.

Thank you for the interest you have shown in Canada. [souligné dans la version originale]

[6]                 L'Agent refuse cette demande en concluant que le demandeur n'avait pas suffisamment de liens avec son pays et qu'il cherchait plus qu'un séjour temporaire au Canada. De plus, l'Agent exprimait un doute que le demandeur ne quitte pas le Canada à la fin de son séjour ici.

[7]                 Lorsque le demandeur fait sa demande de séjour, il est déjà en visite au Canada (dossier du tribunal, page 8). En 1998, on lui a refusé une demande pour résidence permanente. La fille du demandeur était elle aussi au Canada comme étudiante. Dans les notes du système de traitement informatisé des dossiers d'immigration ("notes STIDI"), l'Agent constate que le demandeur est dans l'attente d'une décision d'une demande qu'il a faite aux États-Unis (Buffalo) pour devenir résident dans ce pays. Ce fait n'a pas été mentionné dans le questionnaire complété par le demandeur.


PRÉTENTIONS DES PARTIES

Demandeur

Motivation de la décision

[8]                 Les motifs de l'Agent ne sont pas suffisamment explicites pour permettre au demandeur d'exercer ses recours à l'égard de cette décision. L'Agent ne précise pas en quoi les liens du demandeur avec son pays de résidence permanente sont insuffisants. Comme résultat, le demandeur plaide que cette décision doit être annulée car elle porte atteinte aux règles de justice naturelle.

[9]                 De plus, le demandeur plaide le caractère manifestement déraisonnable de la décision car les éléments objectifs établis par le demandeur dans son dossier n'ont pas été considérés. Ce dernier a répondu honnêtement aux questions qu'il avait à compléter et il n'était pas dans l'obligation de dévoiler sa demande de résidence permanente aux États-Unis. D'ailleurs, le formulaire préparé par le défendeur ne contenait aucune question à ce sujet.

[10]            Selon le demandeur, rien dans la Loi prohibe une personne à demander à la fois un permis temporaire de résidence en même temps qu'une résidence permanente ailleurs.


[11]            Le demandeur s'était fait offrir un emploi temporaire au Canada car il possédait les qualifications requises à cause de son expérience dans son pays d'origine. Le DHRC avait même validé cette offre d'emploi. Le demandeur a toujours respecté la Loi et les règlements et n'est pas d'accord avec la décision et surtout avec la conclusion de l'Agent qu'il ne quitterait pas le Canada lorsque son permis de séjour serait terminé. La décision est donc spéculative, basée uniquement sur des éléments subjectifs, non pertinents. À l'appui de ses prétentions, il cite entre autres les causes Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817 et Wong (tutrice à) c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1997), 134 F.T.R. 288 (C.F. 1ère instance).

Défendeur

[12]            Le défendeur de son côté attire l'attention du tribunal sur le rôle d'un agent des visas, la situation particulière du demandeur, et les critères d'intervention de notre Cour.

[13]            Il ajoute que l'agent ne reproche pas au demandeur de ne pas avoir déclaré sa demande de résidence aux États-Unis mais qu'il avait le droit de considérer cet élément comme pertinent.

[14]            Il n'est pas d'accord que la décision manque de motivation car à la face même de cette dernière, il était évident que le demandeur savait pourquoi sa demande avait été rejetée. Aucune injustice n'a été commise dans le présent dossier et la Cour ne devrait pas intervenir dans cette décision qui est discrétionnaire.


[15]            Plusieurs décisions sont citées par le défendeur, soit Song c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 288, [2002] A.C.F. no 385 (C.F. 1ère instance) (QL), Benoît c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1997), 46 Imm. L.R. (2d) 160 (C.F. 1ère inst.), De la Cruz c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1989), 26 F.T.R. 285 (C.F. 1ère inst.) et Wong (tutrice en l'instance) c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 246 N.R. 377 (C.A.F.).

ANALYSE

La Loi

[16]            Au paragraphe 2(1) de la Loi, le terme visiteur est défini ainsi:


[...] « visiteur » Personne qui, à titre temporaire, se trouve légalement au Canada ou cherche à y entrer, à l'exclusion_:

a) des citoyens canadiens;

b) des résidents permanents;

c) des titulaires de permis; [...].

[...] "visitor" means a person who is lawfully in Canada, or seeks to come into Canada, for a temporary purpose, other than a person who is

(a) a Canadian citizen,

(b) a permanent resident,

(c) a person in possession of a permit, [...].


Au même paragraphe, un « immigrant » est défini comme étant une personne « qui sollicite l'établissement » . À son tour, l'établissement, aussi connu sous le nom « droit d'établissement » , est défini comme étant l' « [a]utorisation d'établir sa résidence permanente au Canada » .

[17]            Or, les paragraphes 9(1.2) et 9(4) de la Loi mentionnent:



(1.2) La personne qui demande un visa de visiteur doit convaincre l'agent des visas qu'elle n'est pas un immigrant.

(4) Sous réserve du paragraphe (5), l'agent des visas qui est convaincu que l'établissement ou le séjour au Canada du demandeur et des personnes à sa charge ne contreviendrait pas à la présente loi ni à ses règlements peut délivrer à ce dernier et aux personnes à charge qui l'accompagnent un visa précisant leur qualité d'immigrant ou de visiteur et attestant qu'à son avis, ils satisfont aux exigences de la présente loi et de ses règlements. [je souligne]

(1.2) A person who makes an application for a visitor's visa shall satisfy a visa officer that the person is not an immigrant.

(4) Subject to subsection (5), where a visa officer is satisfied that it would not be contrary to this Act or the regulations to grant landing or entry, as the case may be, to a person who has made an application pursuant to subsection (1) and to the person's dependants, the visa officer may issue a visa to that person and to each of that person's accompanying dependants for the purpose of identifying the holder thereof as an immigrant or a visitor, as the case may be, who, in the opinion of the visa officer, meets the requirements of this Act and the regulations. [emphasis added]


Le paragraphe 9(5) n'a pas d'application en l'espèce.

[18]            Dans la cause Wong, supra, le juge Létourneau de la Cour d'appel, mentionne au paragraphe 13 que l'agent des visas a compétence pour examiner l'ensemble des circonstances, y compris l'objectif à long terme d'une personne qui demande un visa:

Nous sommes fermement convaincus que l'agent des visas a compétence, même dès la première demande d'un tel visa, pour examiner l'ensemble des circonstances, y compris l'objectif à long terme du demandeur. Un tel objectif est un élément pertinent, bien que non concluant, qu'il faut soupeser avec tous les autres faits et facteurs pour déterminer si le demandeur est un visiteur au sens de la Loi.

[19]            Le juge Jérome dans l'affaire De la Cruz, supra, opine au paragraphe 9 que l'intention d'une personne demandant un permis de séjour peut être considéré par les agents des visas avant de prendre leur décision:

[TRADUCTION] Aux termes du paragraphe 2(1) et de l'article 8 de la Loi, c'est au visiteur qu'il appartient de prouver que son admission au Canada ne contreviendrait ni à la Loi ni aux règlements. Cela est renforcé par le fait que le visiteur sera présumé être un immigrant qui sollicite le statut de résident permanent et qu'il lui faudra combattre cette présomption d'intention en prouvant que son admission ne vise qu'un but temporaire. En pareil cas, c'est à juste titre que l'intention du requérant est soumise à un examen de la part des agents des visas, qui tiendront compte de facteurs qui pourront démontrer que le requérant n'a pas l'intention de faire un séjour temporaire. Lorsqu'on envisage la question sous cet angle, c'est à bon droit que l'agent des visas a refusé de délivrer des visas de visiteurs au motif qu'une demande de résidence permanente au Canada était en instance. [je souligne]

[20]            Dans la cause Lu c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 440, ma collègue, la juge Tremblay-Lamer au paragraphe 6 s'exprime sur les critères d'intervention de notre Cour dans un cas semblable au nôtre:

La délivrance d'un permis de séjour pour étudiant constitue une décision discrétionnaire et la portée du contrôle judiciaire est très limitée. Dans la décision De La Cruz c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1989), 26 F.T.R. 285 (C.F. 1re inst.), à la page 287, la Cour a décidéque, afin qu'elle puisse intervenir, "[...] [i]l doit y avoir soit une erreur de droit manifeste au vu du dossier, soit un manquement au devoir d'équitéappropri éà cette décision essentiellement administrative". [je souligne]

[21]            Me référant à ces dernières décisions, je crois qu'il était tout à fait approprié pour l'agent des visas de considérer le refus d'émettre un visa en 1998 ainsi que le fait que le demandeur était dans l'attente d'une décision suite à sa demande de résidence permanente aux États-Unis. Je suis satisfait que la décision attaquée est suffisamment étayée et ne comporte aucune injustice à l'endroit du demandeur. Il n'y a aucune erreur de droit quant à moi ici. Les principes de justice naturelle ont été respectés. L'Agent en espèce a rendu sa décision sur des faits pertinents et la conclusion à laquelle il en est arrivé est raisonnable.

[22]            Je n'ai donc pas l'intention d'intervenir. En conséquence la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[23]            Les parties n'ont pas proposé la certification d'une question grave de portée générale. Il n'y a pas lieu non plus de certifier une question.


                                           ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE:

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.         Il n'y a pas de question grave de portée générale à certifier.

_____________________________

Juge


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                         

DOSSIER :                 IMM-515-02

INTITULÉ :              ALEXANDER NEFEDOV c. MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Montréal, Québec

DATE DE L'AUDIENCE :                              13 mars 2003

MOTIFS ET ORDONNANCE DE L'HONORABLE JUGE BEAUDRY

DATE DES MOTIFS :                                     15 avril 2003   

COMPARUTIONS :

Me Jacques Beauchemin                                                   POUR LE DEMANDEUR

Me Daniel Latulippe                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

ALARIE, LEGAULT, BEAUCHEMIN,           POUR LE DEMANDEUR

PAQUIN, JOBIN, BRISSON & PHILPOT

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

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