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Date : 20041130

Dossier : IMM-5257-04

Référence : 2004 CF 1681

ENTRE :

                                                            ODESSA STAROVIC

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

INTRODUCTION

[1]                Les présents motifs font suite à la brève audition d'une demande de contrôle judiciaire de la décision d'un agent du ministère du défendeur, décision dont l'essentiel est reproduit dans l'extrait suivant :

[traduction] Comme vous le savez, vous avez été informée le 16 août 1999 que vous remplissiez, en tant que réfugiée, les conditions d'admissibilité au statut de résidente permanente et qu'une décision finale serait prise après que seraient remplies les conditions du droit d'établissement.


Par cette lettre, nous vous informons qu'il semble que vous ne pourrez pas remplir les conditions requises pour devenir une résidente permanente. Plus précisément, il s'agit des conditions exposées dans le paragraphe 21(2) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, ainsi rédigé :

Personne protégée         (2) Sous réserve d'un accord fédéro-provincial visé au paragraphe 9(1), devient résident permanent la personne à laquelle la qualité de réfugié ou celle de personne à protéger a été reconnue en dernier ressort par la Commission ou celle dont la demande de protection a été acceptée par le ministre -- sauf dans le cas d'une personne visée au paragraphe 112(3) ou qui fait partie d'une catégorie réglementaire -- dont l'agent constate qu'elle a présenté sa demande en conformité avec les règlements et qu'elle n'est pas interdite de territoire pour l'un des motifs visés aux articles 34 ou 35, au paragraphe 36(1) ou aux articles 37 ou 38.

L'information reçue à nos bureaux indique que vous n'êtes plus au Canada. Pour qu'un agent puisse décider à titre définitif si vous remplissez les conditions de la Loi et du Règlement, vous devez vous présenter pour une entrevue personnelle avant que le droit d'établissement puisse vous être accordé. Comme cela ne semble pas possible dans votre cas, je n'ai d'autre choix que de déclarer que vous vous êtes désistée de votre demande.

Votre dossier pourra être rouvert lorsque nos bureaux recevront la confirmation que vous êtes au Canada. Il sera alors examiné.

                                                                                                [Non souligné dans l'original.]

[2]                La décision contestée est datée du 24 mai 2004.

LES FAITS

[3]                La demanderesse, de souche croate, est une ressortissante de l'ancienne Yougoslavie. Elle est arrivée au Canada en mai 1997 et elle a revendiqué le statut de réfugié, qu'elle a obtenu le 14 avril 1999. Après cela, elle a demandé la résidence permanente au Canada, en désignant comme personne à charge son mari, qui était resté en Yougoslavie.


[4]                Par décision datée du 26 avril 2002, le mari de la demanderesse a été jugé non admissible au Canada. Le contrôle judiciaire de cette décision a été demandé. La demande de contrôle judiciaire a été abandonnée après que le défendeur eut accepté de réexaminer la décision. À ce jour, le réexamen n'a pas encore eu lieu.

[5]                Le mari de la demanderesse a eu une crise cardiaque le 14 juin 2002. Le 25 juin 2002, la demanderesse retournait en Yougoslavie auprès de son mari. Le 2 août 2002, la demanderesse sollicitait un permis de résidence temporaire qui lui permettrait de revenir au Canada. Sa demande de permis de résidence temporaire a été refusée le 12 août 2002. Elle n'a pas sollicité le contrôle judiciaire de ce refus, et elle n'est pas revenue au Canada.

[6]                Comme on peut le voir d'après la décision ici contestée, et résumée plus haut, le défendeur est d'avis qu'une réponse finale ne pourra être donnée à la demande de résidence permanente au Canada présentée par la demanderesse tant que la demanderesse ne se sera pas soumise à une entrevue au Canada. Le défendeur a donc conclu que, puisque la demanderesse n'est pas au Canada, et puisqu'il est peu probable qu'elle puisse revenir au Canada prochainement, la demanderesse s'est désistée de sa demande de résidence permanente au Canada.

POINTS LITIGIEUX

[7]                L'avocat de la demanderesse, dans son exposé des faits et du droit produit en son nom, a défini de la manière suivante les points soulevés dans cette demande :

[traduction]

L'agent d'immigration a-t-il commis une erreur de droit lorsqu'il a dit que la demanderesse s'était désistée de sa demande de résidence permanente?

                L'agent d'immigration a-t-il négligé d'observer un principe de justice naturelle, l'équité procédurale ou une autre procédure qu'il était tenu d'observer, lorsqu'il a dit que la demanderesse s'était désistée de sa demande de résidence permanente, sans d'abord donner à la demanderesse l'occasion d'être entendue?


ANALYSE

[8]                L'audition de cette demande de contrôle judiciaire a été très brève. L'avocate du défendeur n'a pu renvoyer la Cour à une disposition légale obligeant un demandeur qui a été reconnu comme réfugié et qui a demandé la résidence permanente au Canada à se présenter à une entrevue au Canada, comme condition préalable de la décision relative à sa demande de résidence permanente. Les documents soumis à la Cour n'expliquent nulle part pourquoi une telle entrevue, à supposer qu'elle soit nécessaire, doit se dérouler au Canada. Sans aucun doute, lorsqu'une personne qui demande la résidence permanente a été reconnue comme réfugiée, cette personne restera dans la plupart des cas au Canada ou, si elle doit pour quelque raison quitter le Canada, elle s'assurera qu'elle a le droit d'y revenir. Tel n'a pas été le cas ici, et les cas où une telle personne retournera dans le pays à l'égard duquel elle a demandé l'asile seront sans aucun doute rares. Nous avons ici affaire à l'un de ces rares cas.

[9]                Les entrevues de personnes qui souhaitent venir au Canada comme résidents permanents sont généralement conduites dans les locaux des missions diplomatiques du Canada à l'étranger. Les documents qui sont devant la Cour n'expliquent nulle part pourquoi la demanderesse ne pourrait pas avoir son entrevue à l'étranger, comme ce fut le cas lorsqu'elle a demandé un permis de résidence temporaire.


[10]            Eu égard aux considérations qui précèdent, et en l'absence d'une règle juridique obligeant une personne reconnue comme réfugiée qui demande la résidence permanente au Canada à se présenter à une entrevue, et à s'y présenter au Canada, je suis d'avis que l'agent qui est arrivé à la décision ici contestée a commis une erreur de droit. Il n'avait pas le pouvoir d'obliger la demanderesse, comme condition préalable à la réponse à la demande de résidence permanente au Canada présentée par elle, à se présenter à une entrevue au Canada. En l'absence d'un pouvoir de cette nature, l'agent ne pouvait tout simplement pas conclure que la demanderesse s'était désistée de sa demande de résidence permanente au Canada. Les tentatives de la demanderesse de remplir les exigences légitimes liées à cette demande avaient plutôt simplement été contrecarrées, et cela sans fondement.

[11]            Eu égard à la conclusion susmentionnée, je refuse d'examiner le deuxième point litigieux soulevé au nom de la demanderesse.

DISPOSITIF

[12]            Pour les motifs qui précèdent, cette demande de contrôle judiciaire sera accueillie. La décision contestée sera annulée, et la demande de résidence permanente au Canada présentée par la demanderesse sera renvoyée au défendeur pour examen complémentaire, notamment pour la tenue d'une entrevue à l'étranger, si telle entrevue est jugée nécessaire.

[13]            Aucun des deux avocats n'a recommandé qu'une question soit certifiée lorsqu'ils ont été informés de la décision de la Cour. La Cour est d'avis qu'aucune question grave de portée générale ne découle de cette demande de contrôle judiciaire. Aucune question ne sera donc certifiée.


                                                                        « Frederick E. Gibson »          

                                                                                                     Juge                       

Calgary (Alberta)

le 30 novembre 2004

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                    IMM-5257-04

INTITULÉ :                   ODESSA STAROVIC C. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                              CALGARY (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 30 NOVEMBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              LE JUGE GIBSON

DATE DES MOTIFS : LE 30 NOVEMBRE 2004

COMPARUTIONS :

G. Michael Sherritt                                            POUR LA DEMANDERESSE

Camille Audain                                                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sherritt Greene

Calgary (Alberta)                                               POUR LA DEMANDERESSE

Morris A. Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                                POUR LE DÉFENDEUR


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