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Date : 20030320

Dossier : IMM-1332-02

Référence : 2003 CFPI 329

Montréal (Québec), le 20 mars 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY

ENTRE :

                                                            BABAR WAHEED

                                                                                                                                        demandeur

                                                                            et

                                       LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                         défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 M. Babar Waheed (le demandeur) sollicite le contrôle judiciaire d'une décision rendue par la section du statut de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission).

[2]                 Il s'agit principalement de savoir si la Commission a tiré des conclusions de fait qui étaient suffisamment erronées pour justifier un contrôle judiciaire, ou si une erreur de droit a été commise.


[3]                 La demande est rejetée, et ce, pour les motifs ci-après énoncés.

HISTORIQUE

[4]                 Le demandeur est un citoyen pakistanais âgé de 43 ans. Dans son Formulaire de renseignements personnels (le FRP) et dans le témoignage qu'il a présenté devant la Commission, il a allégué avoir été actif dans le parti politique connu sous le nom de Parti du peuple pakistanais (le PPP), dans sa ville d'origine, à Lahore. La Ligue musulmane du Pakistan (la PML) était un important rival du PPP.

[5]                 Le demandeur a affirmé qu'à la suite des élections de 1990 à l'Assemblée nationale (l'AN) et à l'Assemblée provinciale (l'AP), à Lahore, lesquelles ont été remportées par des candidats du PPP, les membres de la PML ont circulé dans les rues et ont tiré des coups de fusil en l'air. Certains membres se sont livrés à des actes de violence contre le demandeur.


[6]                 Au mois de décembre 1990, un agent de police aurait censément rendu visite au demandeur à son lieu de travail, dans un atelier de travail du bois. Le demandeur s'est rendu au poste de police à la demande de l'agent et il a été informé que des plaintes avaient été déposées contre lui parce qu'il avait critiqué la PML. On l'a invité à adhérer à la PML et on lui a promis de le récompenser s'il le faisait, ou de le punir s'il refusait.

[7]                 En 1993, pendant qu'il conduisait une motocyclette, le demandeur a été heurté par derrière par le conducteur d'une jeep, qui s'est enfui. Au cours des trois années suivantes, le demandeur a subi seize opérations. Il a par la suite soupçonné que la collision n'était pas un accident, mais une tentative délibérée que l'on avait faite pour le tuer.

[8]                 En 1998, à la suite de la déclaration de culpabilité prononcée contre l'ancienne présidente Benazir Bhutto et son conjoint, des agents de police ont fait des descentes chez des membres du PPP et notamment chez le demandeur, qui n'était pas chez lui à ce moment-là. D'autres présumés événements similaires d'agression de la part de la police ont eu lieu entre le moment où le général Parvez Musharraf a accédé au pouvoir, à la suite d'un coup militaire en 1999, et le moment où le demandeur a quitté le Pakistan, en l'an 2000. En 2001, pendant qu'il était au Canada, le demandeur a appris qu'un mandat avait été délivré en vue de son arrestation au mois de juillet 2000. Une copie de ce mandat se trouve à la page 94 du dossier du demandeur.


DÉCISION DE LA COMMISSION

[9]                 Un tribunal composé d'un seul membre a entendu la revendication. C'est M. Stéphane Hébert qui a présidé l'audience. La décision qu'il a rendue indique que le demandeur a consenti à ce que sa revendication soit entendue par un tribunal composé d'un seul membre et la transcription de l'audience confirme la chose.

[10]            La Commission a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention. Après avoir énoncé les faits allégués par le demandeur, la Commission a conclu que l'exposé circonstancié du demandeur n'était pas crédible.

[11]            La Commission a noté que lorsqu'il avait témoigné, le demandeur n'avait pas pu identifier correctement les candidats à des élections particulières ou répondre à des questions se rapportant aux circonscriptions électorales, aux partis qui avaient remporté des élections particulières, ou à d'autres événements politiques. Certaines réponses contredisaient ce qu'indiquait la preuve documentaire relative à la politique au Pakistan au cours de la période pertinente. La Commission s'inquiétait de la qualité des réponses du demandeur, étant donné en particulier que sa revendication était principalement axée sur ses activités en tant que militant au sein d'un parti politique.

[12]            La Commission a également conclu que le fait que le demandeur était au courant du mandat d'arrestation minait sa crédibilité. Le mandat a été délivré au mois de juillet 2000, mais le demandeur a uniquement été mis au courant de la situation au mois de février 2001, après son arrivée au Canada. Il n'est pas vraisemblable que ni l'intéressé, ni son avocat au Pakistan, ni aucun membre de sa famille n'aient été au courant de l'existence d'un document public tel que celui-ci avant qu'il eût quitté le pays, au mois de septembre 2000. La personne qui demande l'asile compte tenu de persécutions qui l'ont forcée à quitter son pays d'origine devrait être au courant de pareille question, comme l'a dit la Commission dans ses motifs.

[13]            La Commission ne croyait pas non plus que l'accident de motocyclette qui s'était produit en 1993 eût constitué une tentative délibérée que l'on avait faite afin de tuer le demandeur pour des motifs d'ordre politique. Le fait qu'aucun avertissement n'avait été donné ou qu'aucune menace n'avait été proférée après l'accident et le fait que la PML a mentionné l'incident en 1999 seulement a amené la Commission à conclure qu'il s'agissait « simplement d'un accident » (motifs, page 5). En se fondant sur une analyse cumulative des facteurs susmentionnés, la Commission a conclu que le demandeur n'avait pas établi, selon la prépondérance des probabilités, qu'il craignait avec raison d'être persécuté.


POINTS LITIGIEUX

[14]            Les points litigieux sont ci-après énoncés :

a) La Commission a-t-elle rendu une décision manifestement déraisonnable en évaluant la crédibilité et la vraisemblance du témoignage?

b) La Commission a-t-elle commis une erreur susceptible de révision en appréciant la preuve documentaire relative à la situation, au Pakistan?

c) La Commission a-t-elle rendu une décision qui violerait la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte)?

ARGUMENTS

Arguments du demandeur

Appréciation du témoignage

[15]            Contrairement à la conclusion de la Commission, le demandeur a donné les noms de trois des neuf candidats aux trois dernières élections, dans sa région. Les conclusions énoncées dans les motifs ne constituent pas un compte rendu exact de ce qui a été dit à l'audience. Cette erreur constitue un facteur déterminant dans la décision et elle constitue en soi un motif suffisant justifiant l'annulation de cette décision. Le demandeur cite l'arrêt Giron c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1992), 143 N.R. 238 (C.A.F.).


[16]            La Commission a commis une erreur en écartant des éléments de preuve très forts comme une lettre du président de district du PPP, des lettres de médecins et une lettre de l'avocat du demandeur. Le refus d'accorder de l'importance à ces éléments était fondé sur une conclusion erronée relative à la crédibilité du témoignage du demandeur et constitue donc en soi une erreur.

[17]            La crédibilité du témoignage du demandeur a été rejetée sans fondement solide. Le refus d'accorder de l'importance au mandat d'arrestation est un autre exemple qui démontre que la Commission a tout fait pour trouver des motifs lui permettant de ne pas croire le demandeur. La raison pour laquelle la Commission ne croyait pas que l'accident de 1993 eût été une tentative délibérée que l'on avait faite pour tuer le demandeur est tout au plus conjecturale.

[18]            La Commission n'a pas fourni de motifs adéquats à l'appui du rejet de la preuve documentaire qui étaye les allégations du demandeur. Dans la décision Bains c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 20 Imm.L.R. 296 (2d) (C.F. 1re inst.), la Cour a statué que la Commission est tenue de faire des remarques au sujet des renseignements et d'expliquer pourquoi elle les a rejetés, en particulier si ces renseignements étayent la position du demandeur.

[19]            Dans l'arrêt Maldonado c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1980] 2 C.F. 302 (C.A.), la Cour a statué que le témoignage qui est présenté sous serment est réputé véridique à moins qu'il n'y ait lieu de douter de sa véracité. La Commission ne pouvait à bon droit déroger à cette présomption. En l'absence d'une preuve contredisant ce qui a été dit dans un témoignage, il n'est pas loisible à la Commission de faire des inférences défavorables et de ne pas croire ce témoignage. Dans l'arrêt Ansong c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1989), 9 Imm.L.R. (2d) 94 (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale a rendu pareille décision. L'arrêt Ansong, précité, constituait le fondement de la décision que la Section de première instance de la Cour a rendue dans l'affaire Ahortor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 21 Imm.L.R. (2d) 39 (C.F. 1re inst.).

[20]            Il existe une preuve solide provenant de diverses sources indépendantes à l'appui de l'allégation selon laquelle, en sa qualité de militant au sein du PPP, le demandeur est sérieusement en danger au Pakistan. Les motifs pour lesquels la Commission a entièrement rejeté tous ces éléments de preuve sont en bonne partie de nature conjecturale et ne sont pas étayés par les éléments dont elle disposait.


Preuve documentaire

[21]            Le gouvernement actuel au Pakistan est un régime militaire de fait et les fonctions, au sein de la magistrature, de l'exécutif et des autres institutions, sont exercées par des personnes qui sont loyales au régime. La preuve documentaire, y compris le relieur portant sur le Pakistan que la Commission a en sa possession, montre les problèmes causés par le régime à l'heure actuelle, notamment la suppression de la démocratie et le fait que des crimes politiques sont impunément commis. Les rapports de Human Rights Watch étayent les autres éléments de preuve documentaire versés au dossier. Rien ne permet de justifier l'avis de la Commission selon lequel les militants du PPP tels que le demandeur ne font plus face au harcèlement et à la persécution.

La Charte

[22]            La décision de la Commission et le renvoi qui en résultera vont à l'encontre des articles 7 et 12 de la Charte ainsi que de l'article 3 de la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (la Convention contre la torture ou CCT).


[23]            Selon l'article 24 de la Charte, il doit exister un recours en cas de violation de la Charte. De plus, les droits reconnus par la Charte et les objectifs pressants et importants qui pourraient justifier la violation de la Charte doivent être interprétés conformément aux obligations internationales du Canada : Slaight Communications Inc. c. Davidson, [1989] 1 R.C.S. 1038.

[24]            Le demandeur a conclu ses arguments en faisant certaines observations au sujet de la norme de contrôle. Il a soutenu que la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte lorsque des questions de droit sont en jeu. Le rejet par la Commission de la preuve documentaire qui étaye directement la crainte de persécution du demandeur constituait une erreur de droit et justifiait l'annulation de cette décision. Le demandeur a également cité la décision rendue par la Cour dans l'affaire Attakora c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1989), 99 N.R. 168 (C.A.F.), à l'appui de l'argument selon lequel la Cour devrait annuler cette décision pour le motif que cela constitue un exemple d'une commission qui s'acharne à trouver des contradictions dans le témoignage du demandeur, soit une pratique que la Cour a condamnée.

Le défendeur

[25]            Dans l'arrêt Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 732 (C.A.) (QL), la Cour d'appel fédérale a dit ce qui suit aux paragraphes 2 à 4 :


Le procureur de l'appelant s'est appuyé, dans son mémoire, sur l'arrêt rendu par cette Cour dans Giron c. Le Ministre de l'Emploi et de l'Immigration [(1992), 143 N.R. 238 (C.A.F.)] pour soutenir que la cour saisie d'une demande de contrôle judiciaire peut plus facilement intervenir lorsqu'il s'agit d'une conclusion d'implausibilité. Comme l'arrêt Giron est de plus en plus souvent utilisé par les procureurs, il nous a semblé utile de le replacer dans une juste perspective.

Il est exact, comme la Cour l'a dit dans Giron, qu'il peut être plus facile de faire réviser une conclusion d'implausibilité qui résulte d'inférences que de faire réviser une conclusion d'incrédibilité qui résulte du comportement du témoin et de contradictions dans le témoignage. La Cour n'a pas, ce disant, exclu le domaine de la plausabilité d'un récit du champ d'expertise du tribunal, pas plus qu'elle n'a établi un critère d'intervention différent selon qu'il s'agit de "plausibilité" ou de "crédibilité".

[Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire.] Dans Giron, la Cour n'a fait que constater que dans le domaine de la plausibilité, le caractère déraisonnable d'une décision peut être davantage palpable, donc plus facilement identifiable, puisque le récit apparaît à la face même du dossier. Giron, à notre avis, ne diminue en rien le fardeau d'un appelant de démontrer que les inférences tirées par le tribunal ne pouvaient pas raisonnablement l'être. L'appelant, en l'espèce, ne s'est pas déchargé de ce fardeau. [non souligné dans l'original.]

Par conséquent, l'arrêt Giron a été replacé dans le bon contexte.

Appréciation du témoignage

[26]            Les arguments du demandeur sont d'une nature générale et n'indiquent pas pourquoi la décision de la Commission devrait être considérée comme erronée ou arbitraire. Sa description de la situation actuelle au Pakistan n'est pas liée d'une façon adéquate au bien-fondé des conclusions de la Commission. Ses arguments ne démontrent donc pas que les conclusions de la Commission sont dénuées de fondement.

[27]            Contrairement aux prétentions du demandeur, la Commission pouvait à bon droit rejeter la preuve à l'appui présentée par le demandeur en raison de l'absence de crédibilité de son témoignage. Une conclusion générale de manque de crédibilité peut s'appliquer au témoignage d'un demandeur dans son ensemble, et il ne peut pas être présumé que la preuve documentaire s'applique à une allégation qui n'est pas crédible : Sheikh c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1990] 3 C.F. 238 (C.A.); voir également Tsafack c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 506 (1re inst.) (QL).

[28]            Les remarques que la Commission a faites au sujet de l'incapacité du demandeur de répondre à des questions fondamentales relatives aux acteurs et aux événements politiques au Pakistan sont bien étayées. La Commission peut à juste titre tenir compte du fait que le demandeur n'avait pas connaissance de choses dont il aurait parfaitement été au courant s'il avait participé au PPP aussi activement qu'il l'a allégué : Robin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 182 (1re inst.) (QL).


[29]            Le demandeur a cité la décision Afzal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] 4 C.F. 708 (1re inst.), à l'appui de l'argument selon lequel les conclusions que la Commission a tirées au sujet du mandat d'arrestation qui avait été délivré au Pakistan n'étaient pas fondées. Cette décision ne s'applique pas en l'espèce. La conclusion de la Commission est fondée sur le fait que le demandeur a affirmé avoir été mis au courant de l'existence du mandat uniquement après être arrivé au Canada, même si des agents de police étaient venus chez lui pour l'arrêter au mois de juillet 2000.

[30]            En l'espèce, ce n'est pas sur l'omission d'obtenir antérieurement une copie du mandat d'arrestation, mais plutôt sur le manque de crédibilité du demandeur pour ce qui est du mandat, que la conclusion de la Commission est fondée. La Commission a clairement expliqué pourquoi elle rejetait le témoignage que le demandeur avait présenté pour des motifs liés à la crédibilité, et pourquoi elle n'accordait aucune valeur probante aux documents du demandeur.

[31]            Dans ses arguments supplémentaires, qui ont été déposés sur autorisation, le défendeur soutient qu'il n'était pas nécessaire pour la Commission de se reporter à la preuve médicale relative à l'accident de 1993. Il n'a pas été contesté que l'accident s'était produit; la Commission a remis en question la crédibilité de l'allégation du demandeur selon laquelle la collision était un acte délibéré fondé sur des motifs d'ordre politique. Le demandeur a témoigné que la PML avait reconnu l'existence d'un lien entre cet événement et les motifs y afférents en 1999 seulement, soit six ans après coup. Il n'était donc pas déraisonnable pour la Commission de rejeter, en raison de son manque de crédibilité, la version des faits que le demandeur avait donnée au sujet de l'accident.


La preuve documentaire

[32]            La Commission pouvait à bon droit rejeter la documentation soumise par le demandeur ou ne lui accorder aucune valeur probante. La Commission a étayé sa décision de n'accorder aucune valeur probante à cet élément de preuve en énonçant et en expliquant sa conclusion, à savoir que l'allégation du demandeur n'était pas crédible. La Commission n'a pas commis d'erreur en n'expliquant pas pourquoi elle n'a accordé aucune valeur probante aux documents qui sont réputés justifier les allégations qui ne sont pas jugées crédibles. La Cour a appuyé pareille approche de la part de la Commission dans trois décisions : Hamid c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 1293 (1re inst.) (QL); Songue c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 1020 (1re inst.) (QL); et Syed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 597 (1re inst.) (QL).

[33]            En outre, les documents qui ont été soumis par le demandeur étaient intéressés et contradictoires. Ils ne servent pas de preuve corroborante indépendante; ils sont plutôt fondés sur la revendication du demandeur, qui n'a pas été jugée crédible.


[34]            Dans le contexte de la décision de la Commission, qui n'a pas cru le demandeur lorsqu'il a tenté d'établir un lien entre l'accident de 1993 et sa participation aux activités du PPP, y compris les menaces proférées par PML, il était loisible à la Commission de rejeter une lettre en date du 16 février 2001, dans laquelle l'accident était attribué à un complot dont le demandeur faisait l'objet. Cette conclusion n'était ni déraisonnable ni arbitraire.

[35]            En ce qui concerne le mandat d'arrestation, le défendeur a donné un compte rendu chronologique des événements pertinents, y compris la mention du 28 août 2002 qui figurait dans le mandat, soit la date la plus tardive à laquelle le mandat devait être exécuté pour que le demandeur comparaisse devant un juge à Lahore à cette date. Étant donné cette chronologie, il ne serait pas raisonnable que le demandeur ait été mis au courant de l'existence de ce document sept mois après avoir été mis en liberté seulement. Il était donc loisible à la Commission de conclure que le demandeur n'était pas crédible à cet égard. Cela a rendu non crédible le témoignage que le demandeur a présenté au sujet des circonstances qui ont donné lieu à la délivrance du mandat.


[36]            Dans son dossier supplémentaire, le défendeur a joint une preuve relative aux circonscriptions électorales au Pakistan ainsi qu'aux résultats des élections qui ont récemment été tenues. Cette preuve étaye l'allégation que le défendeur a faite au sujet du bien-fondé des conclusions que la Commission a tirées à l'égard de la crédibilité du demandeur. La Commission pouvait à juste titre considérer l'omission du demandeur de répondre aux questions relatives à la politique au Pakistan comme constituant un facteur défavorable influant sur la crédibilité de la revendication. Cette conclusion est conforme au bon sens et est rationnelle, soit des qualités qui justifiaient, selon ce que la Cour a statué dans la décision Bains, précitée, une conclusion de crédibilité de la part de la Commission.

[37]            En ce qui concerne les normes de contrôle, la norme à appliquer à l'examen de l'appréciation de la preuve est celle de la décision manifestement déraisonnable. Plusieurs décisions sont mentionnées à l'appui de cet argument.

La Charte

[38]            La Cour a conclu a maintes reprises que la compétence de la Commission est limitée à la détermination de la demande. Les questions relatives au renvoi du demandeur sont prématurées puisque la Commission n'a pas compétence à cet égard. De plus, dans l'arrêt Sandhu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 258 N.R. 100 (C.A.F.), la Cour a confirmé que l'application de la CCT est une question à prendre en considération lorsque l'on détermine si la personne dont la demande a été rejetée doit être renvoyée dans son pays. Il ne s'agit pas d'une question qui entre en ligne de compte dans une demande.


ANALYSE

Appréciation du témoignage

[39]            Le témoignage qui est présenté sous serment est réputé véridique en l'absence de motifs permettant de douter de sa véracité : Maldonado, précité. En l'espèce, la Commission a cité plusieurs exemples de réponses données par le demandeur qui l'ont amenée à douter de la véracité du témoignage. Les réponses incorrectes que le demandeur a données, en ce qui concerne les questions de politique pakistanaise, ont attiré l'attention de la Commission d'une façon toute particulière étant donné que la participation du demandeur aux activités politiques constituait un facteur important dont il avait été fait mention à l'appui de la crainte de persécution.


[40]            La Commission ne devrait pas prendre des mesures extrêmes pour chercher des incohérences, si peu importantes soient-elles, et les utiliser comme fondement pour accorder une valeur probante restreinte, ou pour n'accorder aucune valeur probante, à la preuve présentée par le demandeur. La Cour d'appel fédérale a énoncé cette règle dans l'arrêt Attakora c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1998), 99 N.R. 168 (C.A.F.). Toutefois, les incohérences qui existent entre le témoignage du demandeur et les autres éléments de preuve dont disposait la Commission n'étaient pas des incohérences banales comme celles qui avaient donné lieu à la décision rendue dans l'affaire Attakora, précitée. En l'espèce, les questions sur lesquelles la Commission a fondé sa décision étaient suffisamment importantes pour étayer cette décision. L'obligation que la décision Bains, citée par le demandeur, impose aux tribunaux tels que la Commission a été respectée en l'espèce. Des motifs adéquats ont été donnés pour justifier le rejet de certains éléments de preuve.

La preuve documentaire

[41]            La Commission peut à bon droit tenir compte de la preuve testimoniale et documentaire dans son ensemble afin d'en déterminer la crédibilité : Mostajelin c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 28 (C.A.F.) (QL). Comme il en a ci-dessus été fait mention, la Commission pouvait à juste titre arriver à la conclusion qu'elle a tirée au sujet de la crédibilité du demandeur. L'ayant fait, elle pouvait à bon droit déterminer la valeur probante qu'elle accorderait ou qu'elle n'accorderait pas aux documents offerts à l'appui du témoignage du demandeur.


[42]            Le défendeur soutient que la Commission n'a pas commis d'erreur en expliquant pourquoi elle n'a pas accordé d'importance aux documents offerts pour tenter de justifier les allégations qui étaient jugées non crédibles. Cet argument est valable, mais il n'est pas nécessaire. À la page 5 de ses motifs, la Commission a statué qu'elle rejetait des éléments de preuve tels que la lettre que le PPP avait remise au demandeur en 2001 parce qu'elle estimait non crédibles les allégations que le demandeur avait essayé de corroborer au moyen de cette lettre. La Commission ne croyait pas que l'accident de 1993 soit lié aux efforts que la LMP faisait pour harceler ou menacer le demandeur. Elle a donc statué ce qui suit :

[...] La seule preuve à l'appui de la thèse du revendicateur voulant qu'un complot ait été ourdi contre lui en 1993 est une lettre du PPP datée du 16 février 2001 et de toute évidence produite à la demande du revendicateur. On ne saurait accorder une grande valeur probante à cette preuve intéressée compte tenu du fait que les allégations du revendicateur ne sont ni crédibles ni plausibles.

Avant de faire ces remarques, la Commission avait expliqué les motifs pour lesquels elle concluait que les allégations du demandeur n'étaient pas crédibles ou vraisemblables. Elle pouvait donc à bon droit rejeter le document à l'appui de ces allégations.

[43]            Le demandeur a soutenu que la preuve documentaire se rapportant au Pakistan montre d'une façon générale qu'il y règne un régime militaire plein de conflits politiques. Toutefois, il ne suffit pas de mentionner la situation générale qui existe dans un pays. Il faut établir l'existence d'un lien entre cette situation et une probabilité précise de préjudice pour le demandeur s'il retournait dans ce pays. La Commission a tiré une conclusion valable, à savoir que pareil lien n'existait pas en l'espèce.

La Charte


[44]            La décision de la Commission aura probablement des conséquences sérieuses pour le demandeur, y compris son renvoi du Canada. Ceci dit, la détermination du statut de réfugié au sens de la Convention est une question fort restreinte. D'autres procédures peuvent être engagées par le demandeur ou par le défendeur, telles que des procédures permettant de déterminer si le demandeur doit être renvoyé dans son pays d'origine. En pareil cas, la Charte et la CCT peuvent s'appliquer; Sandhu, précité. Toutefois, en ce moment, il est prématuré de tenter d'invoquer la Charte ou la CCT. La Charte et la CCT ne s'appliquent donc pas en l'espèce.

[45]            La demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée.

[46]            Les avocats n'ont pas proposé la certification d'une question grave de portée générale. Aucune question n'est certifiée.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.          Aucune question grave de portée générale n'est certifiée.

« Michel Beaudry »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                      IMM-1332-02

INTITULÉ :                                                                     BABAR WAHEED

c.

LE MINISTRE DE LA

CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                             Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                                           le 12 mars 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE                             

ET ORDONNANCE :                                                   Monsieur le juge Beaudry

DATE DES MOTIFS :                                                  le 20 mars 2003

COMPARUTIONS :

Me Stewart ISTVANFFY                                                POUR LE DEMANDEUR

Me Michel SYNNOTT                                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Stewart ISTVANFFY                                                POUR LE DEMANDEUR

503-1070, rue Bleury

Montréal (Qc) H2Z 1N3                                                 

M. Morris Rosenberg                                                        POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada                                 

Montréal (Qc) H2Z 1X4

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