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Date : 20041102

Dossier : IMM-1582-04

Référence : 2004 CF 1544

Ottawa (Ontario) le 2 novembre 2004

Présent:           Monsieur le juge Harrington

ENTRE :

                                                JOSE LUIS MOBARAK ROSALES

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                             

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                M. Rosales, un ressortissant du Mexique, est arrivé au Canada au mois de décembre 2002.    Il fonde sa demande d'asile sur sa préférence sexuelle; il est homosexuel. Il dit toujours avoir habité avec une famille traditionnelle mexicaine dans un pays et une culture qui n'accepte pas facilement les différences. Son père, humilié par la situation, l'a battu et l'a mis à la porte. Le demandeur a subit des mauvais traitements à l'école en forme de moqueries et insultes pendant plusieurs années.

[2]                Une fois terminé le secondaire, il déménage de Tehuacan à Puebla pour compléter ses études au préparatoire.   

[3]                Après ses trois années à Puebla, et ayant complété son préparatoire, il voulait retourner à Tehuacan pour retrouver sa mère qui lui manquait. Pendant quelque temps jusqu'en 2002, il n'a pas eu de gros problèmes. Au mois de février, le demandeur a commencé à sortir avec un copain qui était fils d'un homme très bien placé dans la communauté.

[4]                Le demandeur allègue que son père a contacté le père de son copain. Celui-ci a interdit aux deux hommes de se voir et a par la suite confronté le demandeur en personne pour lui dire qu'il allait le tuer. Quelques semaines plus tard, lorsque le demandeur sortait de chez-lui, il dit avoir été confronté par deux hommes qui l'ont battu et qui lui ont dit que s'il ne quittait pas il serait bientôt mort.

[5]                Suite à cet incident le demandeur a reçu un appel de sa mère qui lui informait que son père venait d'être battu par la police qui recherchait le demandeur. Le demandeur s'est caché chez un autre membre de la famille pour quelques semaines avant de partir pour le Canada.

DÉCISION CONTESTÉE

[6]         Après avoir analysé la preuve, le Tribunal conclut en l'absence de crédibilité du demandeur et de ses allégations.

[7]                Dans son témoignage, le demandeur décrit : des agressions verbales, et d'être poussé, bousculé et insulté sur la rue. Toutefois, le Tribunal est étonné de découvrir que le demandeur, lorsqu'il est au travail le soir, n'éprouve aucune difficulté et n'est nullement embêté.

[8]                Bien qu'il allègue être menacé de mort, le demandeur continue toujours d'habiter à Tehuacan et ne prend aucun moyen pour vivre ailleurs dans son pays.

[9]                Le demandeur témoigne qu'il retourne à Tehuacan pour être plus près de sa mère. Toutefois, le Tribunal est surpris par cette partie de son témoignage car dès son arrivée, il entreprend des démarches pour venir au Canada.

QUESTION EN LITIGE

[10]       La Section de la protection des réfugiés a-t-elle rendu une décision fondée sur des conclusions de fait et/ou de droit erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve dont elle dispose?

PRÉTENTIONS DU DEMANDEUR

[11]       Le demandeur soumet que le Tribunal a rendu une décision entachée de plusieurs erreurs. Il a tiré des conclusions de fait contraire à la preuve.


PRÉTENTIONS DU DÉFENDEUR

[12]       Le défendeur est d'avis que le Tribunal n'a pas agi de façon manifestement déraisonnable. De plus, comme le Tribunal est seul à avoir vu et entendu le demandeur, son appréciation du témoignage de ce dernier doit faire l'objet d'une extrême retenue. Le défendeur s'appuie sur l'arrêt Aguebor c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F.No 732 (C.A.) (QL).

[13]            Le défendeur soumet également que si le demandeur avait aperçu des contradictions, il aurait dû les avoir indiquées au Tribunal par voie de son avocate durant l'audience.

ANALYSE

[14]       Le Tribunal a rendu une analyse très courte, entâchée d'erreurs.

[15]            Il est évident à la lecture de transcription des témoignages oraux que le demandeur n'a jamais énoncé qu'il avait travaillé le soir et qu'il n'a eu aucun problème.

[16]            Il est aussi évident à la lecture de transcription que le Tribunal a mal compris les dates pertinentes entre le retour de M. Rosales à Tehuacan pour retrouver sa mère et son arrivée au Canada. Il est difficile à comprendre comment le Tribunal aurait interprété sept ans comme étant « dès son arrivée » . M. Rosales est retourné à Tehuacan en 1995, pour ensuite partir pour le Canada en 2002.

[17]            Étant donné les erreurs précédentes, le Tribunal a rendu des conclusions de fait sans tenir compte des éléments de preuve dont il disposait.

[18]            Par ailleurs, le Tribunal a commis une erreur en concluant que M. Rosales avait une possibilité de refuge intérieur (PRI), sans indiquer quelle possibilité il envisageait. Le Tribunal indique tout simplement dans sa décision que « le demandeur continue toujours à habiter à Tehuacan et ne prend aucun moyen pour vivre ailleurs dans son pays » . Il est donc impossible pour cette Cour de savoir si le Tribunal a même évalué la possibilité de refuge intérieur.

[19]            Selon la preuve documentaire soumise à la Cour, plus particulièrement le document "Question & Answer Series Mexico: Update on Treatment of Homosexuals". La page 30 indique : "There are three types of groups for whom internal relocation would be difficult, if not impossible. One is effeminate men [...]".

[20]            Étant donné que la possibilité de refuge interne est une conclusion de fait, l'impossibilité de la Cour de substituer sa décision pour celle du Tribunal et l'impossibilité de la Cour de tenir pour fait notoire la situation au Mexique, il est nécessaire de conclure que le Tribunal a rendu des conclusions de fait sans tenir compte des éléments de preuve dont il disposait.


ORDONNANCE

La Cour ordonne que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie. La décision de la Commission est rejetée et l'affaire renvoyée à un tribunal différemment constitué pour que celui-ci procède à une nouvelle audition et statue à nouveau sur l'affaire. Aucune question grave de portée générale n'est certifiée.

« Sean Harrington »

                                                                                                                                                     Juge                       


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                             

DOSSIER :                                                                             IMM-1582-04

INTITULÉ :                                                                            JOSE LUIS MOBARAK ROSALES

ET

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                                      MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                                                     LE 26 OCTOBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE:                                                           LE JUGE HARRINGTON

DATE DES MOTIFS :                                                           LE 2 NOVEMBRE 2004

COMPARUTIONS :

Michelle Langelier                                                                      POUR LE DEMANDEUR

Simone Truong                                                                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Michelle Langelier                                                                      POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                                                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-Procureur Général du Canada


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