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Date : 20021030

Dossier : T-2090-91

Référence : 2003 CF 1270

ENTRE :

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                              - et -

                                                             LEON CHARBONNEAU

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE von FINCKENSTEIN

[1]                 La demanderesse fait appel d'une ordonnance de la protonotaire Tabib en date du 7 octobre 2003, qui rejetait l'action principale et la demande reconventionnelle dans cette affaire pour cause de retard.

[2]                 La norme applicable aux appels interjetés contre les décisions des protonotaires est exposée dans l'arrêt Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425, et le critère applicable au rejet d'une action pour cause de retard selon l'alinéa 382(2)a) des Règles de la Cour fédérale (1998) est exposé dans l'affaire Baroud c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 160 F.T.R. 91.

[3]                 Il est clair que, selon l'arrêt Aqua-Gem, précité, je dois exercer mon pouvoir discrétionnaire en reprenant l'affaire depuis le début puisque la décision de la protonotaire était essentielle pour l'issue du litige.

[4]                 Pour réussir, la demanderesse doit remplir le critère énoncé dans l'affaire Baroud, précitée, où le juge Hugessen écrivait :


En décidant de la façon dont elle doit exercer le large pouvoir discrétionnaire qu'elle tient de la règle 382 à la fin d'un examen de l'état de l'instance, la Cour doit, à mon avis, se préoccuper principalement de deux questions :

(1)           Quelles sont les raisons pour lesquelles l'affaire n'a pas avancé plus vite et justifient-elles le retard qui a eu lieu?

(2)           Quelles mesures le demandeur propose-t-il maintenant pour faire avancer l'affaire?

Les deux questions sont clairement en corrélation en ce sens que s'il existe une excuse valable justifiant que l'affaire n'ait pas progressé plus rapidement, il n'est pas probable que la Cour soit très exigeante en requérant un plan d'action du demandeur. D'autre part, si aucune raison valable n'est invoquée pour justifier le retard, le demandeur devrait être disposé à démontrer qu'il reconnaît avoir envers la Cour l'obligation de faire avancer son action. De simples déclarations de bonne intention et du désir d'agir ne suffisent clairement pas. De même, le fait que la défenderesse puisse avoir été négligente et ne s'être pas acquittée de ses obligations procédurales est, dans une grande mesure, sans rapport : la principale obligation de voir à ce que l'affaire se déroule normalement incombe au demandeur et, à un examen de l'état de l'instance, la Cour lui demandera des explications.

[5]                 La chronologie des événements dans cette affaire se présente ainsi :

1 -         la demanderesse a déposé une déclaration contre le défendeur le 12 août 1991, en vue de recouvrer certains paiements anticipés de céréales;

2 -         la demanderesse avait sollicité un jugement par défaut contre le défendeur et avait obtenu ce jugement par défaut en juin 1998;

3 -        en novembre 2001, le défendeur introduisait une requête pour que soit rendue une ordonnance annulant le jugement par défaut au motif que des preuves nouvelles avaient été découvertes. L'ordonnance annulant le jugement par défaut avait été accordée par monsieur le juge Campbell le 17 décembre 2001;

4 -        le défendeur a déposé une défense le 4 janvier 2002, en même temps qu'une demande reconventionnelle à l'encontre de la demanderesse;

5 -        la demanderesse a signifié et déposé le 11 février 2002 sa réponse ainsi que sa défense à l'encontre de la demande reconventionnelle;

6 -        un avis d'examen d'état de l'instance a été délivré le 18 juin 2003, quelque 15 mois plus tard. Aucun acte de procédure n'avait été déposé entre le 11 février 2002 et le 18 juin 2003.

[6]                 En réponse à l'avis d'examen d'état de l'instance déposé le 17 juillet 2003, la demanderesse n'a donné aucune raison pour expliquer le retard, affirmant simplement qu'elle avait le 10 mai 2002 demandé certains documents et ne les avait pas encore reçus. Elle a aussi exposé un calendrier détaillé pour les étapes restantes.


[7]                 En réponse à l'avis d'examen d'état de l'instance, le défendeur a dit que, par inadvertance, les documents demandés par la demanderesse n'avaient été délivrés que le 18 juillet 2003. Ces documents ont été envoyés à la suite d'un rappel signifié par l'avocat de la demanderesse en date du 17 juillet 2003, c'est-à-dire un mois après la date de l'avis d'examen d'état de l'instance.

[8]                 La protonotaire Tabib faisait observer ce qui suit dans son ordonnance du 7 octobre 2003 :

[traduction] L'action principale et la demande reconventionnelle sont au point mort depuis mai 2002. Seul le défendeur a tant soit peu tenté d'expliquer ce délai, en invoquant un « oubli » de sa part dans l'envoi à la demanderesse d'une copie des documents demandés par elle en mai 2002. Manifestement, l'oubli concernait non seulement la production des documents demandés, mais l'existence même de cette action de part et d'autre, attestant une indifférence manifeste de la part des deux parties à voir cette affaire progresser.

[9]                 Je partage ce point de vue. Aucune des parties, dans cette affaire, ne répond au premier volet du critère exposé dans le jugement Baroud. Cette affaire n'a pas progressé entre mai 2002 et juillet 2003. Aucune explication n'est donnée pour le délai, si ce n'est l'attente des documents (pour la demanderesse) et un oubli (pour le défendeur). Pendant plus d'un an, la demanderesse ne s'est jamais informée des documents manquants que le défendeur devait produire; et le défendeur, en raison d'un oubli, ne les a jamais produits ni n'a jamais fait aucun effort pour faire avancer cette affaire. Aucune justification n'a été donnée pour légitimer le délai. Je ne vois donc aucune raison d'infirmer la décision de la protonotaire Tabib.

[10]            Par conséquent, cet appel est rejeté.

_ K. von Finckenstein _

ligne

Juge

Ottawa (Ontario)

le 30 octobre 2003

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                       COUR FÉDÉRALE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         T-2090-91

INTITULÉ :                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

- et -

LEON CHARBONNEAU

REQUÊTE JUGÉE SUR PIÈCES, SANS LA COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              LE JUGE von FINCKENSTEIN

DATE DES MOTIFS :                                     LE 30 OCTOBRE 2003

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Chris Bernier

POUR LA DEMANDERESSE

Richard R. Holeton

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

POUR LA DEMANDERESSE

Richard R. Holeton, Corporation professionnelle

St. Paul (Alberta)

POUR LE DÉFENDEUR


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