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Date : 20000324


Dossier : IMM-1812-99

ENTRE :


CHITHIRA SINNIAH

SINNIAH VELUPPILLAI


demandeurs


- et -



LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION


défendeur




MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE McGILLIS

[1]      Les demandeurs contestent par voie de contrôle judiciaire la décision en date du 5 mars 1999 par laquelle la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (Commission) a rejeté leurs revendications du statut de réfugié. Les demandeurs, un père et sa fille, sont citoyens du Sri Lanka. Ils ont revendiqué le statut de réfugié en raison de leur appartenance au groupe ethnique des Tamouls et de leurs opinions politiques présumées.

[2]      Dans sa décision, la Commission a conclu que la demanderesse n'était pas crédible et a fourni des motifs détaillés à l'appui de sa conclusion. Quant au demandeur de 76 ans, la Commission a conclu que sa demande n'avait aucun fondement objectif. À l'appui de cette conclusion, la Commission a écrit :

         [traduction]
         Il a été demandé au demandeur pourquoi l'armée sri-lankaise (ASL) s'intéresserait à un homme de 76 ans qui retourne chez lui pour y vivre. Il a répondu que l'armée le considérait comme un membre des Tigres libérateurs de l'Eelam tamoul (TLET) et qu'elle pourrait l'abattre. Quand il lui a été demandé comment il était arrivé à cette conclusion, le demandeur a répondu qu'il avait quitté un bon emploi et que l'armée allait se demander pourquoi et qu'elle allait en conclure qu'il aidait et assistait les Tigres. Le tribunal ne trouve aucun fondement objectif à la crainte du demandeur. Bien qu'il soit possible, quoique peu probable, que l'armée à Colombo tire une telle conclusion, vu qu'il vient du nord, aucun élément de preuve n'a été présentée selon laquelle il ait vécu à Jaffna après la prise de contrôle de la région par l'ASL en 1995. Le tribunal ne trouve aucun élément de preuve convaincant qui indique que l'ASL à Jaffna pourrait s'intéresser au demandeur ou qu'elle le considère autrement que comme un vieux Tamoul qui retourne chez lui. Bien qu'il puisse être soutenu que les jeunes gens courent de plus grands risques dans la région de Jaffna, ce n'est pas le profil du demandeur. En l'absence d'éléments de preuve convaincant selon lesquels l'ASL cible en vue de les persécuter les Tamouls âgés qui ont, ou au moins qui ont possédé des biens dans la région de Jaffna, le tribunal conclut que la demande du demandeur n'a aucun fondement valable, malgré les suppositions du demandeur, qui ne constituent pas un fondement valable pour une décision.

[3]      La Commission a aussi conclu, en se fondant sur la preuve documentaire, que les deux demandeurs pourraient retourner chez eux dans la région de Jaffna sans risquer sérieusement d'être persécutés. La Commission n'a rendu aucune conclusion défavorable quant à la crédibilité du demandeur.

[4]      L'avocat des demandeurs a tenté de démontrer dans ses arguments que la conclusion défavorable de la Commission quant à la crédibilité de la demanderesse était sans fondement. Je ne suis pas d'accord. À mon avis, les motifs détaillés et convaincants donnés par la Commission à l'appui de sa conclusion défavorable quant à la crédibilité de la demanderesse sont appuyés par la preuve au dossier. Je suis donc convaincue, compte tenu de la preuve au dossier, que la Commission pouvait raisonnablement conclure que la demanderesse n'était pas un témoin crédible.

[5]      L'avocat des demandeurs a aussi soutenu, entre autres choses, qu'il était déraisonnable de la part de la Commission de conclure que le demandeur pouvait retourner à Jaffna, une région contrôlée par l'armée sri-lankaise. Plus particulièrement, l'avocat a allégué que s'il était « possible » que l'armée basée à Colombo ait considéré le demandeur comme quelqu'un ayant aidé et assisté les TLET pour le motif qu'il « venait du nord » , la Commission ne pouvait pas conclure que le demandeur pouvait retourner à Jaffna, dans le nord du Sri Lanka, une région contrôlée par l'armée. À l'appui de ce moyen, l'avocat se fonde sur l'arrêt Sharbdeen c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994), 23 Imm. L.R. 300 (C.A.F.), dans lequel le juge Mahoney, s'exprimant au nom de la Cour, a affirmé à la page 302 :

         Une fois établi le bien-fondé de la crainte du revendicateur d'être persécuté par l'armée nationale dans une partie du pays qu'elle contrôle, il n'était pas raisonnable de s'attendre que l'intimé cherche refuge dans une autre partie du Sri Lanka contrôlée par la même armée. Pareille conclusion devrait s'appuyer sur des éléments de preuve dont le juge de première instance a constaté, à juste titre, l'inexistence.

[6]      À mon avis, le principe énoncé dans l'arrêt Sharbdeen ne s'applique pas dans la présente affaire car le demandeur n'a pas présenté d'éléments de preuve suffisants à l'audience pour établir une crainte fondée de persécution à Colombo [Voir aussi Karthikesu c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 772, IMM-2998-93, (le 26 mai 1994), (C.F. 1re inst.), aux paragraphes 5 et 6].

[7]      L'avocat des demandeurs prétend également que la Commission n'avait pas tenu compte de la preuve documentaire favorable aux demandeurs pour parvenir à la conclusion qu'ils pouvaient retourner chez-eux dans la région de Jaffna sans risquer sérieusement d'être persécutés. Je ne peux retenir cet argument. Je conclus, sur le fondement de la preuve au dossier, que la Commission pouvait raisonnablement tirer cette conclusion.

[8]      Pour parvenir à ma décision dans la présente affaire, j'ai examiné attentivement la preuve au dossier, ainsi que toutes les questions soulevées par l'avocat des demandeurs. À mon avis, il était raisonnablement loisible à la Commission de rendre la décision qu'elle a rendu compte tenu de la preuve au dossier.

[9]      La demande est rejetée. Les avocats des parties pourront présenter une requête pour faire certifier une question grave d'importance générale. L'avocat des demandeurs déposera ses observations écrites, s'il en est, au plus tard le 27 mars 2000, quant à la certification d'une question précise. L'avocate du défendeur déposera une réponse écrite, s'il en est, au plus tard le 28 mars 2000. Un jugement sera rendu au plus tard le 29 mars 2000.


D. McGillis

Juge

Ottawa

Le 24 mars 2000.


Traduction certifiée conforme

Martin Desmeules, LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



No DU GREFFE :                  IMM-1812-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :              CHITHIRA SINNIAH ET AUTRES c. MCI
LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :              Le mercredi 22 mars 2000
MOTIFS DE L'ORDONNANCE :          Madame le juge McGillis
EN DATE DU :                  24 mars 2000



ONT COMPARU :

M. Kumar Sriskanda                  POUR LES DEMANDEURS
Mme Marianne Zoric                  POUR LE DÉFENDEUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


M. Kumar Sriskanda

Scarborough (Ontario)              POUR LES DEMANDEURS

M. Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada          POUR LE DÉFENDEUR
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