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Date : 20031113

Dossier : T-2569-96

Référence : 2003 CF 1335

Ottawa (Ontario), le jeudi 13 novembre 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DAWSON

ENTRE :

                                            LOUIS VUITTON MALLETIER, S.A. et

LOUIS VUITTON CANADA INC.

                                                                                                                                  demanderesses

                                                                             et


BAGS O'FUN INC., VEE BOUTIQUE & CLEANERS, HALLMARK GROUP, NEW WORLD FASHION, KUN KOOK CHUN ET PYONG LIM CHUNG, FAISANT AFFAIRES SOUS LE NOM COMMERCIAL DE DAISY GIFT CENTRE, VIRGINIA CAMPBELL, FAISANT AFFAIRES SOUS LE NOM COMMERCIAL DE LEG-IN BOOTIQUE, MIDOPA GIFT SHOP, 174886 CANADA INC., FAISANT AFFAIRES SOUS LE NOM COMMERCIAL DE A. RINA CHAUSSURES, M. UNTEL ET LES AUTRES PERSONNES INCONNUES DES DEMANDERESSES, FAISANT AFFAIRES SOUS LE NOM COMMERCIAL DE CALIFORNIA SUNGLASSES, S & M SALES, FRANÇOIS VILLON, M. UNTEL ET LES AUTRES PERSONNES INCONNUES DES DEMANDERESSES, FAISANT AFFAIRES SOUS LE NOM COMMERCIAL DE TIM YOUNG FASHIONS, M. UNTEL ET LES AUTRES PERSONNES INCONNUES DES DEMANDERESSES QUI FONT AFFAIRES SOUS LE NOM COMMERCIAL DE AKA FASHIONS, LA SCARPA EUROPEAN FASHION LIMITED, PATRICK CHAN, M. UNTEL, MME UNETELLE ET LES AUTRES PERSONNES INCONNUES DES DEMANDERESSES FAISANT AFFAIRES DANS UN MARCHÉ EN PLEIN AIR SITUÉ À PROXIMITÉ DES RUES PENDER ET KEEFER À VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE), CANADIAN QUALITY OUTLET, ALL BAGS DISCOUNT HANDBAGS LTD., ALL BAGS DISCOUNT (SPÉCIALISTE DE MARQUES), PAUL CHUN (ALIAS SUI KEUNG), PUN CHUN, PO KING LAM, K.H. SUEN, M. UNTEL, MME UNETELLE ET LES AUTRES PERSONNES INCONNUES DES DEMANDERESSES, FAISANT AFFAIRES SOUS LE NOM COMMERCIAL DE ALL BAGS DISCOUNT (SPÉCIALISTE DE MARQUES), OU FAISANT AFFAIRES SOUS LE NOM COMMERCIAL DE CANADIAN QUALITY OUTLET OU FAISANT AFFAIRES DANS UN MARCHÉ EN PLEIN AIR SITUÉ À PROXIMITÉ DU CENTRE COMMERCIAL CONTINENTAL À RICHMOND (COLOMBIE-BRITANNIQUE), BOSSI TRADERS, ET M. UNTEL ET Mme UNETELLE ET LES AUTRES PERSONNES INCONNUES DES DEMANDERESSES, FAISANT AFFAIRES SOUS LE NOM COMMERCIAL DE BOSSI TRADER, DE MÊME QUE LES AUTRES PERSONNES INCONNUES DES DEMANDERESSES QUI METTENT EN VENTE, VENDENT, IMPORTENT, FABRIQUENT, IMPRIMENT, ANNONCENT, PROMEUVENT, EXPÉDIENT, ENTREPOSENT ET METTENT EN ÉTALAGE DES ARTICLES LOUIS VUITTON CONTREFAITS OU EN FONT AUTREMENT LE COMMERCE

défendeurs

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LA JUGE DAWSON

[1]                Il s'agit d'une procédure fondée sur les Règles 466 et 467 des Règles de la Cour fédérale (1998) (Règles), par laquelle le défendeur Paul Chun a été sommé par une ordonnance d'exposé de moyens de comparaître devant un juge afin de présenter sa preuve et toute défense qu'il pourrait avoir au sujet d'une allégation d'outrage au tribunal. M. Chun ne s'est pas présenté devant la Cour pour répondre à l'allégation d'outrage au tribunal énoncée dans l'ordonnance en question.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE


[2]                Le 10 juillet 2000, le juge Rouleau a rendu une ordonnance Anton Piller contre un certain nombre de personnes nommément désignées, dont M. Chun. Selon cette ordonnance, il était explicitement interdit à M. Chun de mettre en vente, de vendre, d'entreposer ou de mettre en étalage des articles contrefaits en liaison avec un certain nombre de marques de commerce déposées précisées appartenant à Louis Vuitton Malletier, S.A. (marques de commerce Vuitton).

[3]                Par la suite, les demanderesses ont présenté une requête en révision de l'exécution de l'ordonnance Anton Piller à l'endroit de M. Chun. À ce moment-là, en plus de la preuve par affidavit concernant la signification de la déclaration et l'exécution de l'ordonnance Anton Piller, un consentement écrit signé par Paul Chun a été déposé auprès de la Cour. Selon ce document, M. Chun consentait au maintien des conditions de l'ordonnance Anton Piller.

[4]                Sur la foi de la preuve présentée à la Cour, j'ai rendu une ordonnance (ordonnance) dans cette affaire le 31 juillet 2000. La présente procédure pour outrage au tribunal découle de l'allégation de manquement à cette ordonnance. Voici le texte du paragraphe un de l'ordonnance :

1.              [traduction] Il est interdit à Paul Chun, à All Bags Discount Handbags Ltd. et à All Bags Discount (spécialiste de marques) (ensemble les défendeurs) de faire ce qui suit jusqu'à ce que l'action soit instruite ou que la Cour en dispose autrement par ordonnance :

(i)             mettre en vente, vendre, importer, distribuer, fabriquer, imprimer, annoncer, promouvoir, expédier, entreposer ou mettre en étalage tout article VUITTON contrefait en liaison avec l'une ou l'autre des marques de commerce déposées VUITTON suivantes :

Marque de commerce                           N ° d'enregistrement

LV & Design                                          352,916

LV Logo                                  326,814

LV Logo                                  287,463

Keepall Bag                                            407,881


Noe Bag                                                  407,882

Flower Design                                       401,088

L'Ame du Voyage (mots)                    372,032

Louis Vuitton (mot)                              288,667

Louis Vuitton (mot)                              327,219

Cuir Epi + Logo                                     384,607

Cuir Epi Noir                                          484,588

Cuir Epi                                                   484,488

Cuir Epi Vert                                           448,621

Cuir Epi Jaune                                        455,587

Cuir Epi Fauve                                       455,586

Cuir Epi Gold                                          455,588

Cuir Epi Rouge                                      484,489

Cuir Epi Bleu                                          455,585

Toile Damier                                           492,021

TAIGA (mot)                                         443,895

TAIGA + Logo                                      384,882

ou toute autre marque de commerce similaire au point de créer de la confusion;

(ii)            porter atteinte aux droits des demanderesses en vertu des marques de commerce déposées VUITTON;

(iii)           porter atteinte aux droits des demanderesses à l'emploi de la présentation exclusive VUITTON;

(iv)           diminuer la valeur de l'achalandage attaché aux marques de commerce déposées VUITTON;

(v)            attirer l'attention du public sur leurs marchandises de façon à créer de la confusion avec les marchandises des demanderesses;

(vi)           faire passer leurs marchandises pour celles des demanderesses.

[5]                L'ordonnance d'exposé de moyens visant M. Chun a été rendue par le protonotaire Morneau le 6 décembre 2002. Selon le libellé de la Règle 467(1)b), les actes qui étaient reprochés à M. Chun étaient les suivants :

(i)          Le défendeur Paul Chun a désobéi à l'ordonnance de la juge Dawson datée du 31 juillet 2000 en mettant en vente, distribuant, annonçant, promouvant, entreposant et mettant en étalage des produits Louis Vuitton contrefaits les 2 et 10 septembre 2000 au Richmond Week-End Night Market (C.-B.);


(ii)         Le défendeur Paul Chun a désobéi à l'ordonnance de la juge Dawson datée du 31 juillet 2000 en entreposant des produits Louis Vuitton contrefaits le 28 octobre 2000 à 2288 No. 5 Road, Unit 140, à Richmond (C.-B.);

(iii)        Le défendeur Paul Chun a désobéi à l'ordonnance de la juge Dawson datée du 31 juillet 2000 en mettant en vente, vendant, distribuant, promouvant, entreposant, mettant en étalage et annonçant des produits Louis Vuitton contrefaits le 8 août 2001 dans le terrain de stationnement de Fantasy Gardens Steveston et à No. 5 Road, à Richmond (C.-B.);

(iv)        Le défendeur Paul Chun a agi de façon à entraver la bonne administration de la justice ou à porter atteinte à l'autorité ou à la dignité de la Cour en désobéissant à l'ordonnance de la juge Dawson datée du 31 juillet 2000 en mettant en vente, distribuant, annonçant, promouvant, entreposant et mettant en étalage des produits Louis Vuitton contrefaits les 2 et 10 septembre 2000 au Richmond Week-End Night Market (C.-B.);

(v)         Le défendeur Paul Chun a agi de façon à entraver la bonne administration de la justice ou à porter atteinte à l'autorité ou à la dignité de la Cour en désobéissant à l'ordonnance de la juge Dawson datée du 31 juillet 2000 en entreposant des produits Louis Vuitton contrefaits le 28 octobre 2000 au 2288 No. 5 Road, Unit 140, à Richmond (C.-B.);

(vi)        Le défendeur Paul Chun a agi de façon à entraver la bonne administration de la justice ou à porter atteinte à l'autorité ou à la dignité de la Cour en désobéissant à l'ordonnance de la juge Dawson datée du 31 juillet 2000 en mettant en vente, vendant, distribuant, promouvant, entreposant, mettant en étalage ou annonçant des produits Louis Vuitton contrefaits le 8 août 2001 dans le terrain de stationnement de Fantasy Gardens Steveston et à No. 5 Road, à Richmond (C.-B.).

PRINCIPES DE DROIT APPLICABLES

[6]                La Règle 466b) énonce qu'une personne qui « désobéit à un moyen de contrainte ou à une ordonnance de la Cour » est coupable d'outrage au tribunal.

[7]                Les principes pertinents et applicables sont les suivants :


1.          Il incombe à la partie qui allègue l'outrage de prouver celui-ci et la partie accusée d'outrage n'est pas tenue de présenter de preuve à la Cour.

2.          Les éléments constitutifs de l'outrage doivent être établis hors de tout doute raisonnable.

3.          En cas de désobéissance à une ordonnance de la Cour, les éléments à prouver sont l'existence de l'ordonnance, la connaissance de celle-ci par la personne accusée d'outrage et la désobéissance consciente à ladite ordonnance.

4.          La mens rea et la bonne foi sont pertinentes uniquement comme circonstances atténuantes relativement à l'application de sanctions.

Voir les Règles 469 et 470 et Télé-Direct (Publications) Inc. c. Canadian Business Online Inc. (1998), 151 F.T.R. 271.

[8]                L'outrage au tribunal est une question très sérieuse. L'objet fondamental du pouvoir de la Cour en matière d'outrage au tribunal est d'assurer le respect des procédures judiciaires et, de ce fait, le fonctionnement efficace et régulier de l'appareil judiciaire.


CONCLUSIONS DE FAIT

[9]                Je conclus d'abord que M. Chun a reçu signification en bonne et due forme de l'ordonnance d'exposé de moyens du protonotaire Morneau.

[10]            Les demanderesses ont déposé auprès de la Cour un certificat dans lequel l'huissier a attesté qu'il a signifié à M. Paul Chun l'ordonnance d'exposé de moyens le 7 décembre 2002 à Laval (Québec). Les demanderesses ont également déposé une déclaration solennelle dans laquelle l'huissier a affirmé ce qui suit :

[traduction]

4.              J'ai ensuite communiqué avec Me Dussault, de Léger Robic Richard, et j'ai appris que M. Chun pourrait se trouver à un autre endroit, soit au 2900 boulevard Le Carrefour, suite 613, à Laval (Québec);

5.              Je me suis alors rendu à cet endroit et, à mon arrivée, j'ai demandé à la personne responsable au comptoir de l'hôtel si un certain M. Paul Chun se trouvait là; je me suis alors fait dire qu'une personne de ce nom se trouvait à la suite 613;

6.              Je me suis alors rendu à la suite, où j'ai vu une personne d'origine asiatique. Comme je le fais habituellement lorsque je signifie des documents, j'ai demandé à cette personne si son nom était Paul Chun et cet homme m'a répondu par l'affirmative; je lui ai donc signifié une copie de l'ordonnance du protonotaire Morneau datée du 6 décembre 2002 ainsi qu'une copie de l'ordonnance du juge Pelletier datée du 24 janvier 2002;

[...]

8.              Avant que je signe l'affidavit, on m'a montré une copie d'une photographie qui, d'après ce qu'on m'a dit, a été déposée dans la procédure pour outrage comme pièce P-1 et dont une copie est jointe en annexe « B » . L'homme qui figure au coin droit de ladite photographie et dont le bras gauche est levé est effectivement la même personne à laquelle j'ai signifié les ordonnances susmentionnées et qui s'est identifié sous le nom de Paul Chun.

[11]            La photographie à laquelle l'huissier a fait allusion était une pièce déposée en preuve dans la procédure pour outrage au tribunal. La personne qui a pris la photographie a témoigné. Elle a identifié cette photographie et confirmé que M. Chun est la personne qui figure au coin droit.

[12]            Même si la Règle 470(1) prévoit généralement que, sauf directives contraires de la Cour, les témoignages présentés dans le cadre d'une requête pour outrage au tribunal sont donnés oralement, la Règle 146(1) permet que la preuve de signification soit établie par un procès-verbal de signification d'un huissier, lorsque la signification en question est faite au Québec. Compte tenu du procès-verbal de l'huissier et des éléments de preuve supplémentaires qui se trouvent dans la déclaration solennelle et qui ont pour effet de confirmer la façon dont l'huissier a identifié M. Chun et le fait que la personne ayant reçu signification des documents en question est celle qui figure sur une photographie de M. Chun, je suis convaincue hors de tout doute raisonnable que l'ordonnance d'exposé de moyens a été signifiée en bonne et due forme à M. Chun.

[13]            En ce qui concerne la connaissance que M. Chun avait de l'existence de l'ordonnance, les demanderesses n'ont pu prouver que l'ordonnance a été remise physiquement à M. Chun. Je suis cependant d'avis que M. Chun était effectivement au courant de ladite ordonnance et qu'il a appris l'existence de celle-ci vers le 16 août 2000. Je suis convaincue de ce fait hors de tout doute raisonnable, compte tenu des éléments de preuve suivants :


1.          En juillet et août 2000, M Chun résidait au 25-8591 Blundell Road, à Richmond (C.-B.). Tant M. Snidanko, enquêteur privé, que l'avocate qui a surveillé l'exécution de l'ordonnance Anton Piller ont dit au cours de leur témoignage que cette dernière ordonnance a été signifiée à personne à M. Chun et exécutée à cet endroit, et qu'il s'agissait bel et bien de la résidence de M. Chun.

2.          Un huissier a dit au cours de son témoignage que, le 16 août 2000, il s'est rendu au 25-8591 Blundell Road, à Richmond (C.-B.) et a parlé à l'épouse de M. Chun. Il savait que cette personne était l'épouse de M. Chun, parce qu'elle s'était identifiée à ce titre précédemment. Après lui avoir remis l'ordonnance ainsi qu'une enveloppe adressée à M. Paul Chun, l'huissier est retourné à son bureau et a posté une autre copie de l'ordonnance à M. Chun, à cette même adresse.


3.          Monsieur Chun avait déjà reçu signification de l'ordonnance Anton Piller le 11 juillet 2000. Tel qu'il a été mentionné plus haut, l'avocate qui a surveillé l'exécution de l'ordonnance a témoigné en ce sens et ajouté qu'à ce moment-là, elle a expliqué l'ordonnance à M. Chun, qui lui a dit qu'il en comprenait la teneur. Elle a ensuite rencontré M. et Mme Chun dans son bureau le 18 juillet 2000 et a dit à M. Chun qu'elle comptait retourner devant la Cour pour obtenir une autre ordonnance interdisant à celui-ci de faire le commerce d'articles qui constituaient une contrefaçon des marques de commerce de Louis Vuitton. M. Chun a répondu à l'avocate qu'il comprenait. Par la suite, le 20 juillet 2000, l'avocate a téléphoné à M. Chun et lui a dit qu'elle lui envoyait une lettre par télécopieur, ce qu'elle a fait. Voici le texte de cette lettre :

[traduction] Par suite de notre conversation téléphonique et de notre rencontre du 18 juillet 2000, veuillez signer le document ci-joint dans l'espace prévu afin d'indiquer que, sous réserve de l'approbation de la Cour fédérale, vous reconnaissez et acceptez ce qui suit :

1.              l'audition de l'affaire est reportée jusqu'à la date que fixera un juge de la Cour fédérale et, en tout état de cause, jusqu'à une date ne pouvant dépasser le 2 octobre 2000;

2.              au cours de la période de l'ajournement, l'ordonnance que le juge Rouleau a rendue le 10 juillet 2000 et qui vous a été signifiée le lendemain sera prorogée et demeurera en vigueur.

Une copie de la lettre comportant les mots [traduction] « Reconnu et accepté le 20 juillet 2000 par Paul Chun » a ensuite été envoyée à l'avocate par télécopieur. L'avocate a comparé la signature à celle de M. Chun qui apparaissait sur un document obtenu lors de l'exécution de l'ordonnance Anton Piller.

4.          L'enquêteur privé a dit au cours de son témoignage que, le 10 septembre 2000, il s'est rendu au Richmond Night Market, où il a vu M. Chun placer des marchandises et les vendre. M. Chun a parlé à l'enquêteur, qui lui a demandé s'il savait que cette vente de produits Louis Vuitton contrefaits constituait un outrage au tribunal. L'enquêteur a dit que M. Chun [traduction] « a simplement haussé les épaules et m'a demandé si je revenais avec des avocats » . M. Chun a ensuite remis à l'enquêteur sa carte d'affaires et lui a dit [traduction] « Téléphonez-moi si vous avez l'intention de le faire » .


[14]            Dans Bhatnager c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1990] 2 R.C.S. 217, la Cour suprême du Canada a examiné l'exigence selon laquelle une personne doit être au courant de l'existence d'une ordonnance avant de pouvoir être déclarée coupable d'outrage au tribunal relativement à cette ordonnance. Voici comment la Cour s'est exprimée au paragraphe 16 :

D'après la jurisprudence, il n'y a aucun doute que la common law a toujours exigé la signification à personne ou la connaissance personnelle réelle de l'ordonnance d'un tribunal comme condition préalable à la responsabilité pour outrage au tribunal. Il y a près de deux siècles, dans l'arrêt Kimpton c. Eve (1813), 2 V. & B. 349, 35 E.R. 352, le lord chancelier Eldon a conclu qu'une partie ne pouvait être tenue responsable d'outrage au tribunal compte tenu de la preuve non contestée qu'elle n'avait jamais eu connaissance de l'ordonnance. Dans l'arrêt Ex parte Langley (1879), 13 Ch. D. 110 (C.A.), le lord juge Thesiger a énoncé le principe suivant à la p. 119 :

[traduction] . . . la question dans chaque cas, et selon les circonstances particulières de l'affaire, doit être : y a-t-il eu un avis donné à la personne accusée d'outrage au tribunal qui permette de déduire des faits qu'elle a effectivement reçu un avis de l'ordonnance qui avait été rendue? Et dans une affaire de ce genre, compte tenu du fait qu'il peut y avoir atteinte à la liberté de la personne, je suis d'avis que ceux qui affirment qu'il y a eu un tel avis sont tenus de le démontrer hors de tout doute raisonnable.

Plus récemment, notre Cour a examiné l'exigence en matière de connaissance, relativement à l'outrage au tribunal, dans l'arrêt Baxter Travenol Laboratories of Canada Ltd. c. Cutter (Canada), Ltd., [1983] 2 R.C.S. 388, le juge Dickson (maintenant juge en chef), aux p. 396 et 397.

[15]            La Cour a ensuite fait remarquer que la connaissance est souvent prouvée de manière circonstancielle et que, « dans les affaires d'outrage au tribunal, on peut toujours inférer la connaissance lorsque les faits permettant d'appuyer cette inférence sont prouvés : voir Avery c . Andrews (1882), 51 L.J. Ch. 414 » .

[16]            Dans la présente affaire, j'ai conclu que la version des témoins était crédible. Leur témoignage était raisonnable et, dans chaque cas, franc et dénué de toute hésitation ou contradiction flagrante. Les témoins ont été exclus de la salle d'audience jusqu'à ce qu'ils soient appelés à témoigner. Je considère le témoignage de chaque personne qui a témoigné comme un témoignage sincère. C'est la raison pour laquelle j'en arrive à la conclusion que la preuve exposée ci-dessus appuie indéniablement la déduction selon laquelle M. Chun était effectivement au courant de l'ordonnance. Il est raisonnable de déduire qu'il a acquis cette connaissance vers le 16 août 2000, lorsque l'ordonnance a été remise à son épouse, chez lui, en plus d'être envoyée par la poste à ce même endroit. Le 18 juillet 2000, M. et Mme Chun avaient été informés qu'une autre ordonnance serait obtenue contre M. Chun et, le 20 juillet 2000, il a consenti au maintien des conditions d'une injonction prononcée contre lui. Le 10 septembre 2000, M. Chun n'a pas protesté lorsque ses activités ont été décrites comme un outrage au tribunal. Cette preuve permet de déduire que M. Chun était au courant de l'ordonnance.

[17]            En ce qui a trait à la question de savoir si l'ordonnance a été respectée, je suis convaincue hors de tout doute raisonnable qu'elle ne l'a pas été, pour les raisons qui suivent.


[18]            En ce qui concerne les allégations précises d'outrage, même s'il existe six allégations, les points 4, 5 et 6 portent sur la même conduite que les points 1, 2 et 3. La seule différence réside dans le fait que les trois premières allégations concernent la désobéissance à une ordonnance de la Cour, tandis que les trois dernières portent sur l'entrave à la bonne administration de la justice ou à l'autorité ou à la dignité de la Cour par suite de la désobéissance à une ordonnance. À mon avis, les trois dernières allégations n'ajoutent rien. Ce qui importe, c'est la question de savoir si l'ordonnance a été violée selon les allégations des points 1, 2 et 3 de l'ordonnance d'exposé de moyens.

a) M. Chun a-t-il mis en vente, distribué, annoncé, promu, entreposé ou mis en étalage des produits Louis Vuitton contrefaits les 2 et 10 septembre 2000 au Richmond Night Market?

[19]            L'enquêteur privé a déclaré au cours de son témoignage que, le 2 septembre 2000, il s'est rendu à l'emplacement du Richmond Night Market, où il a vu M. Chun exploiter trois kiosques [traduction] « chargés de marchandises, dont au moins une centaine de sacs à main Louis Vuitton contrefaits, et ses affaires marchaient rondement. Il avait deux ou trois personnes avec lui pour l'aider; ça dépendait » .


[20]            L'enquêteur est retourné le 10 septembre 2000 à l'emplacement du Richmond Night Market et a alors vu M. Chun arriver et décharger sa camionnette avec l'aide de deux adjoints et placer ses marchandises aux kiosques pour les vendre. L'enquêteur a dit que les marchandises comprenaient des sacs à main Louis Vuitton contrefaits. Il a photographié les kiosques et pris une photo de près des petits articles de cuir qui semblent porter quelques-unes des marques de commerce Vuitton. L'enquêteur a identifié dix photographies qu'il avait prises et les a présentées en preuve. C'est à cette occasion qu'il a demandé à M. Chun s'il savait qu'il désobéissait à une ordonnance de la Cour. L'enquêteur a dit que M. Chun lui a alors demandé [traduction] « pourquoi m'ennuyez-vous? Je ne fais pas d'argent. L'argent va à eux » , montrant ses adjoints qui se trouvaient à l'extrémité du kiosque.

[21]            L'enquêteur s'est fait demander comment il a su que les marchandises étaient contrefaites. Il a dit qu'il savait que les marchandises Louis Vuitton authentiques étaient vendues uniquement à deux endroits à Vancouver, soit le magasin Holt Renfrew et la boutique Louis Vuitton de Vancouver. Il a ajouté que l'avocat de Louis Vuitton lui avait fait voir les marchandises contrefaites pour lui démontrer à quel point la qualité des coutures, du laiton et de la fermeture éclair des produits originaux était différente de celle des articles contrefaits.

[22]            De plus, M. Emmanuel Barbault a témoigné au cours de l'audience relative à la procédure pour outrage au tribunal. M. Barbault est un avocat spécialisé dans le domaine des marques de commerce qui a joint Louis Vuitton en janvier 2001. Le 10 septembre 2001, Louis Vuitton l'a envoyé à New York pour mettre en oeuvre son programme de lutte contre la contrefaçon. M. Barbault a donné un témoignage détaillé au sujet de la nature de sa formation qui lui permet de différencier les produits Louis Vuitton authentiques des articles contrefaits. Il a dit que les produits Louis Vuitton authentiques se vendent uniquement dans les points de vente et boutiques de Louis Vuitton. Paul Chun n'a jamais été un commerçant autorisé à vendre les produits Louis Vuitton.

[23]            Cette preuve me convainc hors de tout doute raisonnable que, les 2 et 10 septembre 2000, M. Chun a mis en vente, promu, entreposé et mis en étalage des produits Louis Vuitton contrefaits au Richmond Night Market.

b) M. Chun a-t-il entreposé des produits Louis Vuitton contrefaits le 28 octobre 2000 au 2288 No. 5 Road, unit 140, à Richmond (C.-B.)?

[24]            L'enquêteur privé a dit au cours de son témoignage que, le 28 octobre 2000, après avoir [traduction] « été informé que M. Chun continuait à vendre des produits Louis Vuitton » , il a suivi M. Chun jusqu'à un complexe d'entreposage situé au 2288 No. 5 Road. M. Chun s'est rendu au local 140. L'enquêteur a alors témoigné comme suit :

[traduction]Il y avait du papier recouvrant les fenêtres qui donnaient sur ce local d'entreposage; cependant, je suis retourné plus tard avec une lampe de poche pour jeter un coup d'oeil à l'intérieur et j'ai pu voir, par la fissure, j'ai pu examiner le local et j'ai vu le même type d'accessoires qu'utilise M. Chun, les étals, les supports ainsi que des articles de cuir. Parmi les articles de cuir, j'ai vu trois sacs à main sur lesquels le monogramme de Louis Vuitton apparaissait et plusieurs autres sacs à main sur lesquels le dessin Damier semblait figurer.

[25]            Je ne suis pas convaincue que ce témoignage établit hors de tout doute raisonnable que M. Chun était propriétaire de ces marchandises ou qu'il les entreposait. Je ne suis pas convaincue non plus qu'une preuve obtenue par l'examen de l'intérieur d'un local à travers la fissure d'une fenêtre couverte de papier établit hors de tout doute raisonnable que des marchandises contrefaites portant les marques de commerce Vuitton étaient entreposées à cet endroit. En conséquence, cette allégation d'outrage n'est pas retenue.


c) Paul Chun a-t-il mis en vente, vendu, distribué, promu, entreposé, mis en étalage ou annoncé des produits Louis Vuitton contrefaits le 8 août 2001 dans le terrain de stationnement de Fantasy Gardens?

[26]            Au cours de son témoignage, l'enquêteur privé a déclaré que, le 4 août 2001, il a demandé à une autre enquêteure privée, Heather Walker, et à sa bru, Nicole Snidanko, de téléphoner à M. Chun sur son téléphone cellulaire et de fixer un rendez-vous au cours duquel Nicole Snidanko pourrait acheter un sac à main contrefait. Il a dit que, le 8 août 2001, il a remis à sa bru une somme de 200 $ et lui a montré une photographie de M. Chun. Il s'est ensuite rendu à l'endroit où la rencontre devait avoir lieu, selon ce que lui avait dit Mme Walker ou Mme Snidanko. Lorsqu'il se trouvait là, l'enquêteur a pu voir arriver à l'entrepôt une camionnette portant une plaque d'immatriculation dont le numéro correspondait à la plaque de M. Chun. Une demi-heure plus tard, l'enquêteur a vu sa bru et Mme Walker arriver. Le chauffeur de la camionnette a ensuite fait signe à ces deux personnes de suivre son véhicule jusqu'à une section plus privée du terrain de stationnement. À ce moment-là, l'enquêteur a pu constater que le chauffeur de la camionnette était Paul Chun. Par la suite, sa bru lui a remis un montant de 100 $ ainsi qu'un sac à main à l'intérieur duquel elle-même, Mme Walker et M. Snidanko ont apposé leur signature et la date. L'enquêteur a fait parvenir le sac à main à New York pour le faire examiner par des représentants de Louis Vuitton. Le sac à main lui a plus tard été retourné et il l'a produit et identifié au cours de l'audience relative à l'outrage au tribunal afin de pouvoir le présenter en preuve.

[27]            La bru de l'enquêteur, Nicole Snidanko, a dit au cours de son témoignage qu'elle a téléphoné à M. Chun le 4 août 2001 afin de lui acheter un sac à main Louis Vuitton. Elle a fixé un rendez-vous avec lui pour le 8 août 2001. À cette date, elle a rencontré son beau-père, qui lui a donné des renseignements ainsi qu'un montant de 200 $ devant servir à l'achat d'un sac à main. Elle a également passé en revue la procédure à suivre avec une autre enquêteure, Mme Walker, afin que celle-ci puisse filmer la rencontre au moyen d'un caméscope. Elle s'est ensuite rendue avec Mme Walker jusqu'au terrain de stationnement de Fantasy Gardens, où elle avait convenu de rencontrer M. Chun. Mme Snidanko a pu identifier M. Chun à partir d'une photographie que son beau-père lui avait précédemment montrée. Elle a suivi M. Chun jusqu'à un endroit plus isolé du terrain de stationnement et celui-ci a alors ouvert la portière latérale de la camionnette qu'il conduisait. C'est à ce moment qu'elle a vu six contenants dans lesquels se trouvaient les articles que M. Chun voulait vendre. Une centaine de ces articles portaient l'insigne Louis Vuitton. M. Chun lui a dit que, si elle pouvait réunir 25 amis, il serait en mesure d'organiser une présentation Louis Vuitton au cours de laquelle chaque personne aurait la possibilité d'acheter des produits. Il a dit qu'il aurait environ 200 articles si on lui donnait un mois d'avis. Mme Snidanko a trouvé un sac à main à acheter. Le prix demandé s'élevait à 110 $, mais elle a pu négocier et faire baisser le prix à 100 $. Après avoir payé, elle a quitté les lieux en compagnie de Mme Walker. Toutes deux ont rencontré M. Snidanko et les trois ont apposé leur signature et la date à l'intérieur du sac à main qu'elle avait acheté.

[28]            Madame Walker a également témoigné. Elle devait accompagner Mme Snidanko au rendez-vous qui avait été fixé avec M. Chun et elle avait pour tâche de filmer la rencontre à l'aide d'un caméscope dissimulé dans son propre sac à main. Après avoir rencontré M. Snidanko, Mme Snidanko et elle-même sont allées voir M. Chun à l'endroit appelé Fantasy Gardens. M. Chun s'est identifié sous le nom de « Paul » lorsqu'il les a rencontrées et leur a demandé de le suivre jusqu'à une partie plus privée du terrain de stationnement. À l'intérieur de la camionnette qu'il conduisait, Mme Walker a pu voir deux boîtes de carton, deux sacs de poubelle en plastique et deux valises. M. Chun a commencé à ouvrir chaque contenant et a montré les articles, dont la plupart portaient l'insigne Louis Vuitton. Lorsqu'elle a posé des questions au sujet d'un article précis, Mme Walker s'est fait remettre par M. Chun un catalogue à feuilleter. M. Chun lui a dit qu'elle pouvait commander n'importe quel article du catalogue, mais qu'elle devrait payer à l'avance et qu'il faudrait compter deux semaines avant l'arrivée de l'article commandé. Lorsqu'il s'est fait demander s'il avait une salle de montre, M. Chun a répondu qu'il n'en avait plus, parce qu'il s'était fait voler des marchandises d'une valeur de 35 000 $ au cours d'une descente. Si Mme Snidanko pouvait réunir un groupe de 25 femmes, il leur montrerait au moins 200 articles Louis Vuitton. Mme Walker a identifié une bande vidéo qui reproduisait fidèlement le déroulement de la rencontre et qui a été déposée en preuve.


[29]            En ce qui concerne le sac à main qui, d'après les trois témoins, a été acheté à M. Chun, M. Barbault a déclaré qu'il lui avait été envoyé pour qu'il l'examine. Il a pu constater que le sac à main était un article contrefait, parce qu'il ne fait pas partie de la collection Louis Vuitton : le grain de la toile n'était pas le même, la fabrication était de qualité inférieure à celle qu'exigeait Louis Vuitton et l'étiquette était mal fixée. Après avoir analysé le sac, il l'a retourné à M. Snidanko. Lorsqu'il s'est fait demander le prix d'un sac semblable au sac à main qu'il avait examiné, M. Barbault a dit qu'un sac authentique semblable se vendrait à environ 800 $ en monnaie canadienne dans une boutique Louis Vuitton.

[30]            Cette preuve ainsi que le témoignage de M. Barbault qui est décrit ci-dessus au sujet des points de vente des marchandises Louis Vuitton authentiques me convainc hors de tout doute raisonnable que, le 8 août 2001, M. Chun a mis en vente, vendu, promu, entreposé, mis en étalage et annoncé des produits Louis Vuitton contrefaits.

LA DÉCISION APPROPRIÉE

[31]            L'avocat des demanderesses soutient qu'il s'agit d'un cas d'outrage très sérieux. Il appert d'autres éléments de preuve que M. Snidanko s'est rendu dans une suite de la Sandman Inn, à Richmond, le 17 janvier 2002, où il a vu M. Chun vendre des marchandises et lui a parlé. Selon M. Snidanko, il y avait des articles de cuir partout dans la suite et environ 150 articles étaient des produits Louis Vuitton contrefaits.


[32]            De plus, Mme Isabel Sallé, qui a été directrice de quelques boutiques de vente au détail de produits Louis Vuitton pendant cinq ans et demi, a témoigné. Elle a appris que des produits Louis Vuitton étaient vendus dans un hôtel de Montréal. Elle s'est rendue à l'hôtel et a parlé à un homme qui lui a remis sa carte d'affaires. Elle a identifié la carte, qui a été produite en preuve. La carte portait le nom de « Paul Chun » , qui était décrit comme un « Brand Name Specialist » (spécialiste de marques). Une enseigne à l'hôtel portait également la mention « Brand Name Specialist, Paul Chun » (spécialiste de marques, Paul Chun). Mme Sallé a confirmé que l'homme à qui elle a parlé était la même personne figurant sur la photographie que M. Snidanko avait prise et que celui-ci a identifiée. Elle a vu de 75 à 100 articles comportant des marques qui semblaient être des marques de commerce Vuitton. M. Chun lui a dit que le produit n'était pas un produit Louis Vuitton authentique. Il a précisé que les produits venaient de la Corée et qu'il pourrait lui fournir mille sacs dans un délai d'un mois.

[33]            Madame Sallé a acheté un étui pour téléphone cellulaire et un porte-clé pour lesquels elle a payé respectivement 40 $ et 15 $ et qui ont été produits en preuve. Les deux articles portaient une marque Louis Vuitton; cependant, Mme Sallé a dit que l'étui de téléphone ne fait pas partie de la collection Louis Vuitton et qu'un porte-clé authentique se vend 190 $ (en monnaie canadienne).


[34]            L'avocat des demanderesses fait valoir [traduction] « qu'il n'y a pas de place pour des personnes de ce genre dans notre société » et que, si cette conduite est tolérée, tous se donneront le mot pour ignorer les ordonnance de la Cour. La gravité de la conduite nécessiterait donc une sanction des plus sévères. Les demanderesses ont demandé une ordonnance condamnant M. Chun à être incarcéré et à payer une amende et les dépens ainsi qu'à purger une autre peine d'emprisonnement en cas de défaut de paiement.

[35]            La Règle 472 concerne la pénalité pouvant être imposée à une personne reconnue coupable d'outrage au tribunal :


Lorsqu'une personne est reconnue coupable d'outrage au tribunal, le juge peut ordonner :

a) qu'elle soit incarcérée pour une période de moins de cinq ans ou jusqu'à ce qu'elle se conforme à l'ordonnance;

b) qu'elle soit incarcérée pour une période de moins de cinq ans si elle ne se conforme pas à l'ordonnance;

c) qu'elle paie une amende;

d) qu'elle accomplisse un acte ou s'abstienne de l'accomplir;

e) que les biens de la personne soient mis sous séquestre, dans le cas visé à la règle 429;

f) qu'elle soit condamnée aux dépens.

Where a person is found to be in contempt, a judge may order that

(a) the person be imprisoned for a period of less than five years or until the person complies with the order;

(b) the person be imprisoned for a period of less than five years if the person fails to comply with the order;

(c) the person pay a fine;

(d) the person do or refrain from doing any act;

(e) in respect of a person referred to in rule 429, the person's property be sequestered; and

(f) the person pay costs.


[36]            Dans Lyons Partnership, L.P. c. MacGregor (2000), 5 C.P.R. (4th) 157 (C.F. 1re inst.), le juge Lemieux a examiné les principes applicables à la détermination d'une peine à imposer à l'égard de l'outrage au tribunal et s'est exprimé comme suit aux paragraphes 21, 22 et 23 :

21. Dans l'arrêt Cutter (Canada) Ltd., précité, le juge Urie a dit que ce qui était pertinent au moment d'évaluer le montant de l'amende était « la gravité de l'outrage, appréciée en fonction des faits particuliers de l'espèce sur l'administration de la justice. » (à la page 562). La Cour d'appel fédérale a souscrit aux motifs du juge de première instance selon lesquels le montant de l'amende devrait refléter « la sévérité de la loi et suffisamment modérée pour démontrer la clémence de la justice » (p. 563).

Le juge Urie a indiqué que le montant de l'amende ne devrait pas être une amende symbolique parce ce que cela « serait incompatible avec la gravité des infractions reprochées et risquerait d'encourager d'autres personnes à se moquer de la loi s'il y va de leur intérêt pécuniaire » (p. 567-568).


22. Cette dernière citation du juge Urie rappelle les propos du juge Rouleau de notre Cour dans l'affaire Montres Rolex S.A. et autres c. Herson et autres, 15 C.P.R. (3d) 368 (C.F. 1re inst.) : « le but principal des sanctions imposées est d'assurer le respect des ordonnances du tribunal » . Le juge Dubé de notre Cour a également souligné dans l'affaire Louis Vuitton S.A. c. Tokyo-Do Enterprises Inc. et autres, 37 C.P.R. (3d) 8, (C.F. 1re inst.), l'importance de la dissuasion en tant que facteur principal pour s'assurer que ces ordonnances ne seront pas violées de nouveau parce que « si ceux ou celles qui se font prendre en sortent sans égratignures, ça a pour effet d'encourager ces activités et de détruire, en conséquence, l'effet visé par les lois qui sont édictées » (à la page 15, ligne 20). Le juge Dubé a, dans l'évaluation du montant de l'amende, tenu compte de la valeur de la marchandise contrefaite qui a été vendue. Il a également ordonné qu'un montant maximal soit fixé pour les dépens sur la base procureur-client.

23. Pour conclure sur la question des principes directeurs, d'autres facteurs pertinents qui doivent être pris en compte sont la question de savoir si l'infraction d'outrage constitue une première infraction (R. c. De L'Isle et autres (1994), 54 C.P.R. (3d) 371 (C.A.F.)) et la présence de facteurs atténuants tels la bonne foi ou des excuses (Baxter Travenol Laboratories, précité).

[37]            Je ne puis voir aucun facteur atténuant la gravité de l'outrage.

[38]            En revanche, il existe certains facteurs qui aggravent l'importance de l'outrage. D'abord, M. Chun a consenti à la poursuite de l'application de l'injonction après avoir reçu des explications d'un avocat au sujet des conditions de ladite injonction. Par conséquent, lorsqu'il a désobéi par la suite à l'ordonnance, il l'a fait de façon délibérée. Lorsqu'il s'est fait dire qu'il était en situation d'outrage au tribunal, il a répondu par un haussement d'épaule. En deuxième lieu, M. Chun a ignoré l'injonction afin d'obtenir un avantage financier.


[39]            Il y a lieu de craindre en l'espèce qu'une ordonnance exigeant uniquement le paiement d'une amende ne constitue pas une réparation efficace, parce qu'il sera difficile d'exécuter cette ordonnance et que certains éléments de preuve indiquent qu'il est difficile de trouver M. Chun et de lui signifier des documents. Cependant, la Cour fédérale a également décidé qu'une personne ne peut être condamnée à être incarcérée en son absence par suite d'un outrage au tribunal de nature civile. Voir La Société canadienne des compositeurs, auteurs et éditeurs de musique c. Trillion Investment Corp. (exploitant son entreprise sous le nom de Copper John's Tavern), [1999] A.C.F. n ° 319. De plus, je ne suis pas convaincue que l'application du facteur de dissuasion nécessite l'imposition d'une peine d'incarcération dans le cas d'une première infraction.

[40]            En conséquence, compte tenu de la gravité de l'outrage dans le contexte de l'ensemble des circonstances, je conclus qu'il convient de condamner Paul Chun à payer une amende de 25 000 $ à l'égard de chacune des deux accusations d'outrage pour lesquelles je l'ai déclaré coupable. Si ces montants ainsi que les dépens de la présente instance ne sont pas payés dans les 90 jours suivant la date de la signification à personne de l'ordonnance à M. Chun, les demanderesses pourront, sans autre avis à celui-ci, solliciter une ordonnance fondée sur la Règle 471 en vue de demander au procureur général du Canada d'aider la Cour en amenant M. Chun devant elle pour qu'elle puisse décider s'il y a lieu de rendre une ordonnance d'incarcération pour une période d'au plus 60 jours par suite du défaut de paiement des sommes d'argent exigées aux présentes.


[41]            En ce qui concerne les dépens, lorsqu'une demande d'ordonnance déclarant une personne coupable d'outrage au tribunal est accueillie, la pratique habituelle consiste à accorder des dépens avocat-client raisonnables à la partie qui cherche à faire exécuter l'ordonnance. Cette pratique illustre la philosophie de la Cour selon laquelle celui qui l'aide à faire exécuter les décisions et à assurer le respect de ses ordonnances ne devrait pas être pénalisé sur le plan pécuniaire. Voir, par exemple, la décision Coca-Cola Ltée c. Pardhan (faisant affaires sous la raison sociale de Universal Exporters), 5 C.P.R. (4th) 333 (C.F. 1re inst.), décision confirmée (2003) 23 C.P.R. (4th) 173 (C.A.F.) pour d'autres motifs, ainsi que les autorités que le juge Lutfy (alors juge en chef adjoint de la Cour fédérale) a passées en revue dans cet arrêt.

[42]            Je suis convaincue en l'espèce que cette pratique générale devrait s'appliquer et que M. Chun devrait payer aux demanderesses les dépens avocat-client raisonnables de celles-ci. Après avoir entendu le témoignage de l'enquêteur privé et de M. Barbault au sujet des dépens engagés jusqu'à maintenant, je suis disposée à fixer ces dépens au montant de 35 000 $ qu'a proposé l'avocat des demanderesses.

ORDONNANCE

[43]            LA COUR ORDONNE :

1.          Le défendeur Paul Chun est déclaré coupable d'outrage au tribunal par suite de sa désobéissance à l'ordonnance de la Cour datée du 31 juillet 2000.

2.          Le défendeur Paul Chun est tenu de verser une amende totalisant 50 000 $.


3.          Le défendeur Paul Chun est tenu de verser aux demanderesses leurs dépens raisonnables, que j'ai fixés au montant de 35 000 $ en ce qui concerne l'audition de la demande d'ordonnance d'exposé de moyens ainsi que de la procédure pour outrage au tribunal.

4.          Si ces montants ne sont pas payés dans les 90 jours suivant la date de la signification à personne de la présente ordonnance à M. Chun, les demanderesses pourront solliciter, sans autre avis à celui-ci, une ordonnance demandant au procureur général du Canada d'aider la Cour en amenant cette personne devant elle pour qu'elle puisse décider s'il y a lieu de rendre une ordonnance d'incarcération pour une période d'au plus 60 jours. Afin que M. Chun reçoive lui-même signification des présents motifs et de la présente ordonnance, il est nécessaire qu'une copie du document lui soit laissée comme le prévoit la Règle 128(1)a).

                                                                                                                         « Eleanor R. Dawson »            

                                                                                                                                                     Juge                           

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     T-2569-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :                          Louis Vuitton Malletier, S.A. et al. c. Bags O'Fun Inc. et al.

LIEUX DES AUDIENCES :             1) Ottawa (Ontario)

2) et 3) Vancouver (Colombie-Britannique)

DATES DES AUDIENCES :                          1) 18 juin 2003

2) 21 mars 2003

3) 17 mars 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    MADAME LA JUGE DAWSON

DATE DES MOTIFS :                                   13 novembre 2003

COMPARUTIONS :

1) Jacques A. Léger                                                      POUR LES DEMANDERESSES

Léger Robic Richard

Montréal (Québec)

2) Robert Lesperance

Lesperance Mendes

Vancouver (C.-B.)

3) Jacques A. Léger

Léger Robic Richard

Montréal (Québec)

Personne n'a comparu                                                   POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Léger Robic Richard                                                      POUR LES DEMANDERESSES

Montréal (Québec)

Lesperance Mendes

Vancouver (C.-B.)

Personne n'a comparu                                                   POUR LES DÉFENDEURS

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