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                                                                 Date : 20030225

                                                             Dossier : IMM-3548-02

                                                Référence neutre : 2003 CFPI 220

Entre :

                               NAEEM JAWAID

                                                                Demandeur

                                  - et -

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                          ET DE L'IMMIGRATION

                                                                Défendeur

                         MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

   Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section du statut de réfugié, rendue le 20 juin 2002, statuant que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention, tel que défini au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2.

   Le demandeur, Naeem Jawaid, est citoyen pakistanais. Il revendique le statut de réfugié du fait de sa conversion de la religion sunnite à la religion chi'ite.

   Le demandeur allègue avoir été battu à plusieurs reprises par des anciens coreligionnaires àcause de sa conversion à la religion musulmane chi'ite. Il allègue également avoir été détenu et battu par la police de Karachi pendant dix jours, et avoir aussi été accusé d'être un agent du Shiah et un sympathisant du Sippah-e-Muhammad, un parti politique affilié avec le Shiah.


   Il s'agit ici d'un cas où le demandeur m'a satisfait que la Section du statut de réfugié a omis de considérer adéquatement la preuve devant elle. En effet, tant lors de l'audience devant le tribunal que dans sa réponse à la question 37 de son Formulaire de renseignements personnels, le demandeur a exprimésa crainte d'être perçu comme un sympathisant du Sippah-e-Muhammad ou une personne associée à ce groupe; de plus, le demandeur a fait état d'une preuve documentaire reliée au fait qu'il était un transfuge.

   Il appert que la Section du statut de réfugié a basé sa décision sur la seule preuve documentaire concernant les conditions du pays d'origine, particulièrement sur les pièces traitant de la condition générale des musulmans chi'ite. Le tribunal n'a abordé ni la question des soupçons des policiers à l'effet que le demandeur fasse partie du Sippah-e-Muhammad, ni les circonstances spécifiques d'une personne convertie de la religion sunnite àla religion chi'ite. Ces questions étant reliées au fondement même de la crainte exprimée par le demandeur, la Section du statut de réfugié, à mon sens, a erré en omettant de les considérer particulièrement.

   Dans les circonstances, je suis en outre d'avis que la Section du statut de réfugiéa eu tort de ne pas donner de motifs pour préférer la seule preuve documentaire qu'elle a considérée au témoignage du demandeur. Dans Ikyere-Akosah c. M.E.I. (1992), 157 N.R. 387, à la page 389, la Cour d'appel fédérale a exprimé ce qui suit :

. . . Since there is a presumption as to the truth of the appellant's testimony . . ., the Board was bound to state in clear and unmistakable terms why it preferred the documentary evidence over the appellant's testimonial evidence . . .


   Étant donné que la crainte alléguée par le demandeur est basée sur sa conversion de la religion sunnite à la religion chi'ite, et non pas simplement sur le fait d'être chi'ite, la Section du statut de réfugié aurait dû faire un examen plus approfondi de l'histoire de ce dernier. La preuve documentaire sur laquelle la Section du statut de réfugié base sa décision ne traite pas directement des circonstances dans lesquelles le demandeur se trouvait : elle ne contredit donc pas nécessairement son témoignage. Il ne suffit pas d'affirmer que le demandeur « simply does not fit the profile of someone who might be at risk » sans examiner le risque auquel il indique être en réalité exposé. La Section du statut de réfugié a donc aussi erré en préférant la preuve documentaire sur les conditions générales au Pakistan sans clairement expliquer pourquoi elle rejetait la preuve concernant les circonstances particulières du demandeur et sans parler notamment de la pièce A-6 qui, elle, réfère spécifiquement àla situation difficile des transfuges (page 170 du dossier du tribunal).

   L'intervention de cette Cour étant donc justifiée, la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire, renvoyée devant la Section du statut de réfugiépour nouvelle considération par un panel différemment constitué.

                                                                         

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 25 février 2003


                             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                          SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

             NOMS DES AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                              IMM-3548-02

INTITULÉ :                           NAEEM JAWAID c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                   Le 14 janvier 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE :     L'honorable juge Pinard

EN DATE DU :                    25 février 2003                     

ONT COMPARU :

Me Michel Le Brun                     POUR LE DEMANDEUR

Me Daniel Latulippe                         POUR LE DÉFENDEUR

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Michel Le Brun                        POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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