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                                                                                                                                            Date : 20011207

                                                                                                                                         Dossier : T-477-01

                                                                                                             Référence neutre : 2001 CFPI 1346

Entre :

                                                                      JOHN McCOY

                                                                                                                                                    Demandeur

                                                                              - et -

                                              PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                                     Défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

[1]         La présente demande de contrôle judiciaire vise l'annulation de la décision du président du tribunal disciplinaire de l'Établissement Port-Cartier, Me Michel Dorval (le « président » ), rendue le 22 février 2001, trouvant le demandeur coupable de l'infraction disciplinaire prévue au paragraphe 40g) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. (1992), ch. 20 (la « Loi » ).

[2]         Le demandeur est détenu au pénitencier à sécurité maximale de Port-Cartier. Le 16 novembre 2000, alors qu'il venait d'être condamné par la Cour disciplinaire à une amende de quinze dollars (15 $), il a dit à l'agent de correction Francis Pelletier ( « l'agent » ), tel qu'il appert du rapport d'infraction : « Tu me doit (sic) quinze dollars et je vais m'arranger pour que tu me le rendre (sic) » .


[3]         L'agent lui a demandé alors s'il s'agissait de menaces. Le demandeur lui a confirmé qu'il s'agissait bien de menaces. L'agent a rédigé un autre rapport d'infraction où il a indiqué que le détenu était accusé en vertu du paragraphe 40g) de la Loi.

[4]         Le 22 février 2001, le demandeur a subi son procès disciplinaire. Le président l'a alors effectivement trouvé coupable de l'infraction prévue au paragraphe 40g) de la Loi, lequel se lit comme suit :


40. An inmate commits a disciplinary offence who

[. . .]

(g) is disrespectful or abusive toward any person in a manner that is likely to provoke a person to be violent;

40. Est coupable d'une infraction disciplinaire le détenu qui :

[. . .]

g) agit de manière irrespectueuse ou outrageante envers toute personne au point d'inciter à la violence;


[5]         Il s'agit ici essentiellement de déterminer si la preuve devant le président établissait bien les éléments de l'infraction disciplinaire reprochée au demandeur.

[6]         À mon avis, considérés de façon objective et dans leur juste contexte, les termes prononcés par le demandeur, en leur attribuant la signification que leur donnerait une personne raisonnable, permettaient au président de le trouver coupable de l'infraction disciplinaire prévue au paragraphe 40g) de la Loi (voir, par analogie, R. c. McGraw, [1991] 3 R.C.S. 72, et R. c. Clemente, [1994] 2 R.C.S. 758, aux paragraphes 9, 12 et 13).

[7]         En effet, la transcription relative à l'audition devant le président, en dépit de quelques passages dits inaudibles, est suffisamment claire et révélatrice à cet égard, tel qu'il appert, notamment, des extraits suivants :

PAR M. FRANCIS PELLETIER :


Oui, le 16 novembre 2000, à quatorze heures dix (14 h 10), monsieur McCoy après avoir reçu une sentence disciplinaire de quinze dollars (15 $) suite à un rapport disciplinaire que je lui avais émis auparavant pour une autre chose, a réclamé les quinze dollars (15 $) d'une façon menaçante, et ce, à plusieurs reprises.

PAR M. LE PRÉSIDENT :

Alors, pouvez-vous nous dire quelles ont été ses paroles? De quelle façon il vous a demandé ça?

PAR M. FRANCIS PELLETIER :

« Tu me dois quinze dollars (15 $) puis tu dois me les rendre. »

PAR M. LE PRÉSIDENT :

Qu'est-ce que vous avez répondu à ça?

PAR M. FRANCIS PELLETIER :

Je lui ai dit que c'était des menaces. Il m'a confirmé le tout.

PAR M. LE PRÉSIDENT :

Qu'est-ce qu'il a répondu?

PAR M. FRANCIS PELLETIER :

« Oui, c'est des menaces. »

PAR M. LE PRÉSIDENT :

Ça s'est passé à quel moment, ça, Monsieur Pelletier?

PAR M. FRANCIS PELLETIER :

À la Cour disciplinaire (inaudible).

Puis :

PAR Me GAUDREAULT :

Et ce que vous avez prononcé, disons, incitait à la violence?

PAR M. FRANCIS PELLETIER :

Non, du tout, je n'avais pas incité à la violence. Par contre lui a fait des menaces.

Et plus loin, le président reprend ainsi les admissions faites par le demandeur :

. . . « C'est vrai ce qu'il dit. C'est vrai que je l'ai menacé. Puis non seulement c'est vrai que je l'ai menacé, j'ai l'intention de continuer. »


[8]         Il est vrai qu'un peu plus tard, devant le président, le demandeur a voulu laisser croire qu'il avait l'intention de poursuivre le Gouvernement pour le montant de 15 $ et même d'avantage. Cette explication est peu convaincante, d'autant plus qu'il ne l'avait antérieurement jamais fournie à qui que ce soit.

[9]         Il importe aussi de considérer le contexte où les paroles reprochées au demandeur ont été prononcées : (1) elles ont été adressées à un agent correctionnel à la sortie d'une cour disciplinaire; (2) elles ont été confirmées par le demandeur à l'agent correctionnel comme constituant des menaces; (3) elles ont été dites dans un pénitencier à sécurité maximale où l'on retrouve une tension particulière entre détenus et représentants des autorités carcérales; et (4) aucune explication sérieuse ou crédible n'a été offerte par le demandeur pour justifier ses propos.

[10]       Dans les circonstances, je suis d'avis qu'une personne raisonnable aurait considéré les paroles prononcées par le demandeur comme une véritable menace, soit une façon d'agir irrespectueuse ou outrageante envers un agent correctionnel, incitant à la violence. Faut-il préciser que l'incitation à la violence n'implique pas nécessairement l'exercice de la violence.

[11]       Par ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée, avec dépens.

                                                                    

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 7 décembre 2001

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