Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20040225

Dossier : IMM-4074-02

Référence : 2004 CF 333

Toronto (Ontario), le 25 février 2004

En présence de Monsieur le juge Mosley

ENTRE :

                                                                RAJVIR SINGH

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), dont les motifs sont datés du 25 juillet 2002. La Commission a conclu que Rajvir Singh (le demandeur) n'était pas un réfugié au sens de la Convention. Monsieur Singh sollicite une ordonnance annulant la décision de la Commission ainsi qu'une ordonnance renvoyant l'affaire pour qu'elle soit réexaminée par un tribunal différent de la Commission.

HISTORIQUE

[2]                Monsieur Singh, un citoyen de l'Inde, allègue craindre avec raison d'être persécuté du fait de ses opinions politiques. Monsieur Singh est un Sikh qui vient de la région de Patiala, dans le Panjab, en Inde. En 1992, il a joint un parti politique, l'Akali Dal (Mann) (l'ADM), également connu sous le nom de Shiromani Akali Dal (Amritsar) et d'Akali Dal (Amritsar). Selon son Formulaire de renseignements personnels (le FRP), il a d'abord eu des problèmes avec la police du Panjab en 1992, lorsqu'il agissait comme tuteur du fils d'un présumé militant du Khalistan. Il a été arrêté par la police, il a été interrogé et il a été détenu pendant deux jours. Il a été mis en liberté après que son père eut payé un pot-de-vin.

[3]                Au mois de mai 1994, M. Singh a participé à un rassemblement paisible destiné à attirer l'attention sur la conduite excessive de la police; il a été arrêté, avec quatorze autres manifestants. Il affirme avoir été détenu pendant une semaine, avoir été battu et avoir été mis en liberté sur paiement d'un pot-de-vin.


[4]                Monsieur Singh a de nouveau été arrêté le 10 septembre 1995, à la suite de mesures de répression prises par la police contre les gens qui se livraient à des activités politiques après l'assassinat de Beant Singh, ministre en chef du Panjab. Il affirme avoir été battu régulièrement pendant les trois mois où il a été détenu. Il n'a jamais été accusé et il n'a jamais comparu devant un magistrat et toutes les tentatives qu'un avocat a faites pour le faire libérer ont échoué tant que son père n'a pas payé un pot-de-vin et que le demandeur n'a pas promis de se présenter toutes les deux semaines pendant un an.

[5]                Entre la fin de l'année 1996 et la fin de l'année 1997, le demandeur a habité chez son oncle en Uttar Pradesh. À la fin de l'année 1997, il est retourné au Panjab. Monsieur Singh affirme avoir été arrêté de nouveau au mois de septembre 1998 et avoir été accusé d'avoir des liens avec les militants. Il a été détenu et maltraité pendant dix jours et il a de nouveau été mis en liberté sur paiement d'un pot-de-vin; il devait se présenter toutes les deux semaines, le lundi, pendant un an.

[6]                Le demandeur affirme que la police a fait une descente à sa ferme la veille du Jour de l'Indépendance, en 1999, pour l'arrêter. Pendant les quatre mois qui ont suivi, il s'est caché et il est ensuite allé en Uttar Pradesh, où il est resté tant que des dispositions n'ont pas été prises par son père et par son oncle pour qu'il vienne au Canada. Il est arrivé au Canada le 27 mars 2001; il a revendiqué le statut de réfugié le lendemain. À l'audience, qui a eu lieu le 27 mai 2002, M. Singh a dit à la Commission que, pendant qu'il se cachait en Inde et depuis qu'il était arrivé au Canada, la police s'était rendue chez lui pour se renseigner sur ses allées et venues.


La décision de la Commission

[7]                La Commission a conclu que M. Singh n'était pas crédible et que sa demande devrait être rejetée pour des motifs subjectifs et objectifs. La Commission a également conclu à l'absence de minimum de fondement, conformément au paragraphe 69.1(9.1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2 (l'ancienne Loi), étant donné qu'elle a conclu qu'il n'y avait aucun élément de preuve crédible ou digne de foi permettant de rendre une décision favorable. Le témoignage du demandeur était incohérent, invraisemblable et, sur plusieurs points cruciaux, il ne correspondait pas à la preuve objective présentée à l'audience. La Commission a fait remarquer qu'elle trouvait M. Singh évasif et que, dans certains cas, il n'avait pas répondu aux questions qui lui étaient posées.

[8]                Par ailleurs, la Commission a conclu que M. Singh disposait d'une possibilité de refuge intérieur viable. Elle n'a pas donné de précisions au sujet de cette autre conclusion; elle s'est contentée de dire qu'il était inutile de le faire étant donné les conclusions défavorables qu'elle avait tirées au sujet de la crédibilité.


[9]                En particulier, la Commission a conclu que le compte rendu que le demandeur avait fait au sujet de son arrestation, le 10 septembre 1995, n'était pas crédible parce qu'il n'était pas fait mention de la preuve documentaire relative à la participation ou à l'arrestation de membres de l'ADM à la suite de l'assassinat de Beant Singh. La Commission a donc conclu que les événements du mois de septembre 1995 relatés par le demandeur, notamment le fait que la police le harcelait et qu'il avait perdu des clients à cause de la police, constituaient une preuve non digne de foi.

[10]            La Commission a conclu qu'il n'était pas vraisemblable que l'oncle du demandeur ait demandé à celui-ci de filer doux parce que cet oncle ne voulait pas que son séjour prolongé, en 1996 et 1997, éveille les soupçons des voisins. La preuve documentaire étayait la thèse selon laquelle il était fort peu probable qu'un citoyen local signale un nouveau venu à la police locale même s'il y avait lieu de soupçonner que la police cherchait ce nouveau venu. De plus, aucune loi ne restreint le déplacement des Sikhs en Inde.

[11]            La Commission a également conclu que le témoignage que M. Singh avait présenté au sujet de la descente que la police avait faite à sa ferme la veille du Jour de l'Indépendance, en 1999, était incohérent. À l'audience, le demandeur a témoigné que la police s'était rendue à la ferme de son voisin, ce qui était incompatible avec l'exposé circonstancié figurant dans le FRP et ce qui était en outre invraisemblable étant donné que le demandeur était encore tenu de se présenter au poste de police toutes les deux semaines, le lundi. Il n'était donc pas crédible que la police ait à se rendre à la ferme de son voisin pour l'arrêter étant donné qu'elle l'aurait vu lorsqu'il se présentait au poste.

[12]            La Commission a signalé un certain nombre de cas dans lesquels le demandeur avait été évasif et n'avait pas répondu et elle a fait une inférence défavorable par suite de l'omission de répondre à des questions légitimes. À l'appui des conclusions défavorables qu'elle a tirées au sujet de la crédibilité, la Commission a également signalé le fait que le demandeur ne savait pas grand-chose du parti ADM et de la politique au Panjab et le fait que des membres reconnus du parti ADM étaient restés au Panjab sans avoir de problème. La Commission doutait également de l'authenticité de certains documents soumis par M. Singh, à savoir son permis de conduire et les lettres d'un avocat et d'un président de l'ADM, décrivant les problèmes qu'il avait eus avec la police. La Commission n'a accordé aucune valeur probante à ces documents.

PRÉTENTIONS DU DEMANDEUR


[13]            Le demandeur soutient que la Commission a fondé ses conclusions relatives à sa crédibilité sur des inférences erronées ou par ailleurs déraisonnables qui n'étaient pas étayées par la preuve. La Commission a commis une erreur en ne parlant pas de la persécution à laquelle le demandeur avait fait face entre les mains de la police, non à cause de son appartenance au parti ADM, mais simplement parce que la police était corrompue et brutale et qu'elle ne respectait pas la loi. Le demandeur soutient que son allégation de persécution était étayée par la preuve, et notamment par les mentions figurant dans son FRP et dans le témoignage, en ce qui concerne le fait que la police l'accusait d'avoir des liens avec les terroristes. Il soutient également qu'à cinq reprises au moins, la Commission n'a pas tenu compte de la preuve qu'il avait soumise et que ses conclusions n'étaient donc pas étayées par la preuve.

[14]            Le demandeur affirme que la Commission a également commis une erreur en omettant de tenir compte de la preuve documentaire qu'il avait soumise, laquelle était pertinente et pouvait réfuter les conclusions d'invraisemblance que la Commission avait tirées. Le demandeur invoque ici notamment les décisions Leung c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994), 81 F.T.R. 303 et Sivasamboo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] 1 C.F. 741 (1re inst).

[15]            Enfin, le demandeur affirme que la conduite de la Commission donne à entendre qu'elle avait déjà décidé du résultat de l'affaire. Il dit qu'il n'a pas été tenu compte de sa preuve, que la Commission a interprété cette preuve d'une façon erronée et qu'elle l'a déformée outre mesure pour la concilier avec sa résolution de le juger non crédible. Le demandeur se demande si la Commission avait raison de croire qu'il s'était présenté à titre de réfugié du Panjab afin d'entrer au Canada ou si, compte tenu de la façon dont elle a par le passé traité le cas des demandeurs venant du Panjab, la Commission a inconsciemment imposé un degré de crédibilité quelque peu plus élevé que ce qui était par ailleurs justifié. À l'appui de cette prétention, le demandeur cite la décision Abubaker c. Canada (Solliciteur général) (1993), 70 F.T.R. 74.


PRÉTENTIONS DU DÉFENDEUR

[16]            Le défendeur soutient que les conclusions défavorables que la Commission a tirées au sujet de la crédibilité n'étaient pas erronées. En l'absence de conclusions de fait abusives ou arbitraires tirées par la Commission, conclusions qui influeraient sur la décision de refuser une demande d'asile, la Cour ne doit pas modifier ces conclusions : Miranda c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 437 (1re inst) (QL). Le défendeur soutient également, en se fondant sur l'arrêt Sheikh c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1990] 3 C.F. 238 (C.A.), que les conclusions défavorables que la Commission a tirées au sujet de la crédibilité s'appliquaient à tous les éléments de preuve et à toutes les allégations du demandeur.

[17]            En outre, le défendeur soutient que la façon dont le demandeur a qualifié la conclusion de crédibilité tirée par la Commission ne tient pas compte des conclusions défavorables de crédibilité fondées sur le comportement du demandeur. Les conclusions de crédibilité tirées par suite de l'observation par la Commission du comportement du demandeur au cours de son témoignage sont inattaquables dans le cadre d'un contrôle judiciaire en l'absence d'abus : Sun c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 636 (1re inst) (QL); Ankrah c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 385 (1re inst.) (QL).

[18]            Le défendeur soutient que, compte tenu du caractère évasif du témoignage du demandeur ainsi que des nombreuses incohérences graves relevées dans ce témoignage, il était avec raison loisible à la Commission de conclure que M. Singh n'avait pas fourni de preuve crédible et digne de foi permettant de conclure qu'il était un réfugié au sens de la Convention.

[19]            Enfin, le défendeur soutient que les allégations de partialité du demandeur sont conjecturales et ne peuvent pas être sérieusement retenues sur la foi d'une simple allégation selon laquelle la Commission a commis une erreur susceptible de révision.

POINTS LITIGIEUX

[20]                                    1. La Commission a-t-elle commis une erreur en interprétant mal la preuve ou en ne tenant pas compte de la preuve ou encore en omettant de mentionner toute la preuve documentaire lorsqu'elle a tiré ses conclusions défavorables au sujet de la crédibilité?

2. Les conclusions de crédibilité tirées par la Commission sont-elles manifestement déraisonnables et, dans l'affirmative, étaient-elles importantes lorsqu'il s'est agi de rendre une décision défavorable?

3. Existe-t-il une crainte raisonnable de partialité de la part de la Commission?


ANALYSE

[21]            À mon avis, la Commission n'a pas commis d'erreur en ne mentionnant pas expressément la preuve documentaire mise de l'avant par le demandeur. Une erreur commise par la Commission sur ce point est notée ci-dessous, mais je ne suis pas convaincu qu'elle ait influé sur le résultat final. La Commission n'a pas à mentionner chaque élément de preuve et il est présumé qu'elle a tenu compte de l'ensemble de la preuve dont elle disposait, même si elle n'en a pas expressément fait mention, à moins que le contraire ne puisse être démontré : voir Hassan c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1992), 147 N.R. 317 (C.A.) et Florea c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 598 (C.A.) (QL).


[22]            Les décisions invoquées par le demandeur sur ce point ne s'appliquent pas en l'espèce, et ce, pour plusieurs raisons. Dans la décision Leung, précitée, la Cour a statué que les conclusions de crédibilité défavorables tirées par la Commission étaient fondées presque exclusivement sur des conclusions d'invraisemblance, plutôt que sur des conclusions fondées sur les incohérences et contradictions relevées dans le témoignage du demandeur ou sur la façon dont le demandeur s'était comporté lorsqu'il avait témoigné. Tel n'est pas ici le cas. En outre, il est possible de faire des distinctions entre des décisions telles que la décision Ahortor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 65 F.T.R. 137, et la présente espèce étant donné que, dans ces décisions, la cour a conclu que les inférences défavorables faites par la Commission n'étaient pas fondées sur la preuve elle-même et que la Commission n'avait pas fourni de motifs valables à l'appui du fait qu'elle ne croyait pas le témoignage et les explications du demandeur.

[23]            Enfin, dans des décisions telles que les décisions Markovskaia c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994), 86 F.T.R. 74 et Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 157 F.T.R. 35, il a été conclu qu'une décision de la Commission est viciée lorsque la Commission ne mentionne pas des éléments probants qui influent tellement sur la demande et qui contredisent les propres conclusions de la Commission à un point tel que l'omission de mentionner ces éléments dans les motifs permet de craindre que la décision ne soit fondée sur des conclusions factuelles que la Commission a tirées sans tenir compte de la preuve dont elle disposait. Le juge Evans (tel était alors son titre) résume bien les principes en cause, aux paragraphes 14 à 17 de la décision Cepeda-Gutierrez, précitée :

Il est bien établi que l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale n'autorise pas la Cour à substituer son opinion sur les faits de l'espèce à celle de la Commission, qui a l'avantage non seulement de voir et d'entendre les témoins, mais qui profite également des connaissances spécialisées de ses membres pour évaluer la preuve ayant trait à des faits qui relèvent de leur champ d'expertise. En outre, sur un plan plus général, les considérations sur l'allocation efficace des ressources aux organes de décisions entre les organismes administratifs et les cours de justice indiquent fortement que le rôle d'enquête que doit jouer la Cour dans une demande de contrôle judiciaire doit être simplement résiduel. Ainsi, pour justifier l'intervention de la Cour en vertu de l'alinéa 18.1(4)d), le demandeur doit convaincre celle-ci, non seulement que la Commission a tiré une conclusion de fait manifestement erronée, mais aussi qu'elle en est venue à cette conclusion « sans tenir compte des éléments dont [elle disposait] » : voir, par exemple, Rajapakse c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) [1993] A.C.F. no 649 (C.F. 1re inst.); Sivasamboo c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) [1995] 1 C.F. 741 (C.F. 1re inst.).


La Cour peut inférer que l'organisme administratif en cause a tiré la conclusion de fait erronée « sans tenir compte des éléments dont il [disposait] » du fait qu'il n'a pas mentionné dans ses motifs certains éléments de preuve dont il était saisi et qui étaient pertinents à la conclusion, et en arriver à une conclusion différente de celle de l'organisme. Tout comme un tribunal doit faire preuve de retenue à l'égard de l'interprétation qu'un organisme donne de sa loi constitutive, s'il donne des motifs justifiant les conclusions auxquelles il arrive, de même un tribunal hésitera à confirmer les conclusions de fait d'un organisme en l'absence de conclusions expresses et d'une analyse de la preuve qui indique comment l'organisme est parvenu à ce résultat.

Par ailleurs, les motifs donnés par les organismes administratifs ne doivent pas être examinés à la loupe par le tribunal (Medina c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1990) 12 Imm. L.R. (2d) 33 (C.A.F.)), et il ne faut pas non plus les obliger à faire référence à chaque élément de preuve dont ils sont saisis et qui sont contraires à leurs conclusions de fait, et à expliquer comment ils ont traité ces éléments de preuve (voir, par exemple, Hassan c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1992), 147 N.R. 317 (C.A.F.)). Imposer une telle obligation aux décideurs administratifs, qui sont peut-être déjà aux prises avec une charge de travail imposante et des ressources inadéquates, constituerait un fardeau beaucoup trop lourd. Une simple déclaration par l'organisme dans ses motifs que, pour en venir à ses conclusions, il a examiné l'ensemble de la preuve dont il était saisi suffit souvent pour assurer aux parties, et au tribunal chargé du contrôle, que l'organisme a analysé l'ensemble de la preuve avant de tirer ses conclusions de fait.

Toutefois, plus la preuve qui n'a pas été mentionnée expressément ni analysée dans les motifs de l'organisme est important, et plus une cour de justice sera disposée à inférer de ce silence que l'organisme a tiré une conclusion de fait erronée « sans tenir compte des éléments dont il [disposait] » : Bains c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 63 F.T.R. 312 (C.F. 1re inst.). Autrement dit, l'obligation de fournir une explication augmente en fonction de la pertinence de la preuve en question au regard des faits contestés. Ainsi, une déclaration générale affirmant que l'organisme a examiné l'ensemble de la preuve ne suffit pas lorsque les éléments de preuve dont elle n'a pas discuté dans ses motifs semblent carrément contredire sa conclusion. Qui plus est, quand l'organisme fait référence de façon assez détaillée à des éléments de preuve appuyant sa conclusion, mais qu'elle passe sous silence des éléments de preuve qui tendent à prouver le contraire, il peut être plus facile d'inférer que l'organisme n'a pas examiné la preuve contradictoire pour en arriver à sa conclusion de fait.


[24]            En l'espèce, la Commission a conclu que le témoignage du demandeur était contradictoire, incohérent et évasif. Elle n'a pas cru le demandeur lorsqu'il a témoigné que la police le ciblait et qu'il avait été arrêté à plusieurs reprises. La preuve qui, selon le demandeur, n'a pas été prise en considération par la Commission ne peut pas compenser les nombreuses conclusions défavorables claires que cette dernière a tirées au sujet de la crédibilité, de sorte que le fait qu'il n'en a pas été fait mention dans les motifs de la Commission ne constitue pas une erreur susceptible de révision. En outre, la preuve dont la Commission n'a pas tenu compte, selon le demandeur, est de nature générale et ne mine pas directement les conclusions de crédibilité tirées par la Commission et ne correspond pas à la situation décrite dans la décision Cepeda-Gutierrez, précitée.

[25]            Le demandeur affirme que la Commission a commis une erreur en omettant de parler de la persécution à laquelle il faisait face entre les mains de la police, laquelle était étayée par la preuve documentaire et par le témoignage qu'il avait présenté, à savoir que la police l'accusait d'avoir des liens avec des terroristes chaque fois qu'elle l'arrêtait. À mon avis, contrairement à sa prétention, le demandeur n'a pas déclaré, dans son FRP, qu'il était accusé d'avoir des liens terroristes chaque fois qu'il était arrêté. Il a plutôt déclaré qu'après son arrestation, au mois de septembre 1998, il avait été accusé d'avoir des liens avec des militants. Il n'est pas fait mention d'autres accusations de ce genre dans son FRP. Dans le témoignage qu'il a présenté à la Commission, page 144 du dossier du tribunal, le demandeur a déclaré que la police croyait qu'il avait des liens avec les terroristes, mais il n'était pas expressément fait mention d'accusations de la police.

[26]            À mon avis, la Commission a examiné la question comme il convenait de le faire. Le passage suivant des motifs de la Commission indique qu'elle s'est demandé si le demandeur craignait avec raison d'être persécuté par la police en Inde et elle a conclu qu'il n'y avait tout simplement pas de preuve crédible à l'appui de cette allégation. À la page 9 de ses motifs, la Commission a déclaré ce qui suit :


Ayant examiné l'ensemble de la preuve, le tribunal conclut que le revendicateur manque totalement de crédibilité et que sa revendication est rejetée en fonction de critères subjectifs et objectifs. Son manque de crédibilité réfute sa crainte subjective [...] et des parties importantes de son témoignage sont démenties par la preuve objective. Il est vrai que la police arrête parfois de jeunes Sikhs afin d'obtenir des pots-de-vin (et de compléter un revenu dérisoire), comme l'a fait remarquer le conseil dans ses observations et comme le confirme la preuve documentaire, mais le revendicateur n'a pas convaincu le tribunal qu'il était l'un de ces jeunes Sikhs [...]

[27]            Monsieur Singh affirme ensuite que la Commission a commis une erreur en ne tenant pas compte de la preuve selon laquelle la police, afin de maintenir l'ordre, arrête en masse avant des jours importants les individus qui ont des casiers judiciaires. À l'audience, le demandeur a témoigné que la police avait commencé à arrêter les gens la veille du Jour de l'Indépendance, en 1999, afin d'empêcher le terrorisme. Lorsqu'il a entendu parler de ces descentes, le demandeur s'est caché à la ferme de son voisin pour que la police ne puisse pas le trouver. Dans son FRP, le demandeur a omis de mentionner qu'il était chez son voisin lorsque la police est venue l'arrêter.

[28]            La Commission a fait une inférence défavorable à partir du témoignage incohérent que le demandeur avait présenté au sujet du fait que, cette fois-là, la police avait tenté de l'arrêter. La Commission a conclu que si le demandeur était à la ferme de son voisin, il ne pouvait pas savoir que la police venait l'arrêter. De plus, la Commission a jugé non crédible le fait que la police devrait se rendre à la ferme du demandeur pour l'arrêter étant donné que celui-ci devait encore se présenter au poste. La police pouvait donc le voir lorsqu'il se présentait.


[29]            À mon avis, l'argument du demandeur a invoqué sur ce point est également dénué de fondement. Le demandeur mentionne un élément de preuve documentaire disant que les [traduction] « personnes fichées par la police » et les « récidivistes » sont [traduction] « arrêtés en masse dès qu'il se passe de fâcheux » (réponse à la demande d'information IND30757.E, dossier du demandeur, page 38). Les mêmes renseignements figurent dans la réponse à la demande d'information IND26376.EX, page 57 du dossier du demandeur. Selon ce document, [traduction] « tous les postes de police ont à leur disposition une liste des personnes fichées par la police ou des suspects locaux, de sorte que lorsque la sécurité est gravement compromise, comme dans le cas de l'assassinat de Beant Singh, la police arrête normalement tous les individus dont le nom figure sur la liste » .

[30]            Monsieur Singh n'a pas signalé la preuve documentaire qui étaye la thèse selon laquelle la police arrête en masse les individus qui ont des casiers judiciaires avant les jours importants. L'examen de la preuve documentaire ne révèle rien qui étaye la proposition du demandeur.

[31]            La Commission a bien commis une erreur, et elle a omis de tenir compte de la preuve dont elle disposait relativement à l'arrestation des membres du parti ADM ou elle a mal interprété cette preuve. La Commission a conclu que le demandeur n'avait pas allégué que d'autres membres reconnus du parti ADM avaient été arrêtés. À la page 9 de ses motifs, la Commission a fait les remarques suivantes :

[...] Il faut souligner que, malgré tous les problèmes qu'il aurait prétendument éprouvés à cause de ses activités dans le parti Akali Dal (Mann), il n'a jamais fait état, ni dans son FRP ni dans sa déposition, d'autres membres reconnus de ce parti qui auraient été arrêtés en même temps que lui, pas même le soi-disant auteur de la lettre mentionnée ci-dessus. Il paraît très étrange que ce monsieur demeure au Panjab sans mentionner les dangers qui le menacent mais expose ceux que court le revendicateur qui, à ce que je sache, ne joue aucun rôle particulier dans le parti.


[32]            Dans son FRP, le demandeur a déclaré que de nombreux membres du parti ADM avaient été arrêtés après l'assassinat de Beant Singh. À l'audience, le demandeur a témoigné qu'auprès l'assassinat de Beant Singh, le chef de son parti, Simarjit Singh Mann, et tous les membres actifs de l'ADM avaient été arrêtés. À la page 142 du dossier du tribunal, le demandeur a déclaré que la police, en Inde, cherchait de nombreux membres de l'ADM. Le membre qui présidait l'audience a réagi comme suit, aux pages 142 et 143 :

[traduction] LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE : Avez-vous... Monsieur, veuillez limiter votre témoignage à ce qui vous concerne. C'est vous qui demandez l'asile. Nous n'avons vu aucune de ces gens. Veuillez limiter vos réponses aux questions qui sont posées à votre sujet.

Compte tenu du commentaire susmentionné du président de l'audience ainsi que du témoignage que le demandeur a présenté au sujet d'autres membres de l'ADM, je suis d'avis que la Commission a commis une erreur en faisant remarquer que le demandeur ne maintenait pas que d'autres membres reconnus du parti ADM avaient été arrêtés avec lui.


[33]            Toutefois, à mon avis, les remarques que la Commission a faites sur ce point n'influaient pas sur sa décision finale défavorable. Je suis convaincu que les autres conclusions de crédibilité tirées par la Commission, que le demandeur conteste dans le cadre de ce contrôle judiciaire, ne sont pas manifestement déraisonnables et qu'elles ne sont donc pas susceptibles de révision. De telles conclusions étayent la décision finale de la Commission; il n'appartient pas à la Cour d'intervenir lorsqu'elle constate que la Commission a commis une erreur qui ne tire pas à conséquence. On ne saurait donc pas dire que la Commission a fondé sa décision sur cette conclusion ou que cette erreur était essentielle à la décision finale : Miranda, précité.

[34]            Quant aux prétentions du demandeur selon lesquelles la Commission a commis une erreur en tirant ses conclusions relatives à la crédibilité, je suis d'accord avec le défendeur pour dire qu'il était avec raison loisible à la Commission de tirer les conclusions défavorables auxquelles elle est arrivée au sujet de la crédibilité. Il faut faire preuve d'un degré élevé de retenue à l'égard des décisions de la Commission qui sont fondées sur des conclusions de crédibilité : Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.). Par conséquent, la norme de contrôle qui s'applique est celle de la décision manifestement déraisonnable, ce qui veut dire que les conclusions de crédibilité ne doivent pas être fondées sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou sans tenir compte des éléments dont la Commission dispose : Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, alinéa 18.1(4)d), Sivasamboo, précité, et Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 173 F.T.R. 280.


[35]            S'il n'est pas démontré que les inférences et conclusions de la Commission sont si déraisonnables qu'elles ne pouvaient pas être tirées, ou que la Commission semble les avoir tirées de façon arbitraire ou sans tenir compte de la preuve, la Cour ne doit pas intervenir, et ce, qu'elle souscrive ou non à l'avis de la Commission : Oduro c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 66 F.T.R. 106 et Aguebor, précité. En outre, la Commission doit énoncer des motifs à l'appui de cette conclusion en termes clairs et non équivoques : Hilo c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] A.C.F. no 228 (C.A.) (QL).

[36]            En l'espèce, la Commission pouvait à bon droit se prononcer d'une façon défavorable sur la crédibilité du demandeur en se fondant sur les contradictions et incohérences relevées dans son témoignage ainsi qu'entre son témoignage et les autres éléments de preuve dont elle disposait : Aguebor, précité. La Commission a également fourni des motifs clairs et détaillés au sujet de la raison pour laquelle elle avait tiré des conclusions défavorables à l'égard de la crédibilité.

[37]            La Commission a conclu que M. Singh était évasif et qu'il n'avait pas répondu à certaines des questions qui lui étaient posées, par exemple, lorsqu'on lui avait demandé pourquoi ses hôtes s'exposeraient à un danger en le cachant (transcription, dossier du tribunal, pages 114 et 115), la question de savoir si la police le considérait comme un terroriste notoire (transcription, dossier du tribunal, pages 115 et 116) et la question de savoir s'il possédait de nouveaux renseignements au sujet du parti ADM (transcription, dossier du tribunal, page 150).


[38]            Le demandeur affirme que la Commission a fait du zèle en doutant de sa crédibilité étant donné en particulier qu'il témoignait par l'entremise d'un interprète : Attakora c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1989), 99 N.R. 168 (C.A.F). À mon avis, bien qu'il importe de se rappeler l'avertissement donné par le juge Hugessen, la situation décrite dans l'arrêt Attakora, précité, ne se présentait pas dans ce cas-ci. Je ne suis pas convaincu qu'en l'espèce, la Commission ait fait du zèle ou ait fait un examen à la loupe en interrogeant le demandeur. Dans l'arrêt Attakora, précité, le juge Hugessen a dit ce qui suit, aux pages 168 et 169 :

Après son arrestation, le requérant a prétendu s'être évadé en passant par un trou de la plate-forme qui constituait une toilette primitive dans le lieu où il se trouvait détenu. Il a dit au sujet de ce trou qu'il avait à peu près la dimension d'un ballon de soccer. C'est là une comparaison toute simple qui se prête difficilement à un examen à la loupe. La Commission s'en est toutefois saisie avec enthousiasme, pour conclure qu'elle ne pouvait être vraie. [...]

[...]

J'ai parlé du zèle mis par la Commission à déceler des contradictions dans le témoignage du requérant. Bien que la Commission ait une tâche difficile, elle ne devrait pas manifester une vigilance excessive en examinant à la loupe les dépositions de personnes qui, comme le présent requérant, témoignent par l'intermédiaire d'un interprète et rapportent des horreurs dont il existe des raisons de croire qu'elles ont une réalité objective.

[39]            À mon avis, la Commission n'a pas examiné à la loupe le témoignage du demandeur lorsqu'elle a conclu qu'il était évasif et qu'il ne répondait pas aux questions. Les réponses évasives et vagues du demandeur ressortent plutôt de la transcription. La Cour a déjà statué que les conclusions défavorables qui sont tirées au sujet de la crédibilité par suite de l'observation par les membres du tribunal de la façon dont le demandeur s'était comporté en témoignant sont « en l'absence d'abus, [...] inattaquable[s] dans le cadre d'un contrôle judiciaire » : Sun, précité, paragraphe 7. Comme il en a ci-dessus été fait mention, les observations des membres du tribunal sont étayées par la transcription et elles ne sont pas abusives.


[40]            Le demandeur déplore également le fait que la Commission n'a pas retenu les explications qu'il a données au sujet de la date d'expiration lointaine de son permis de conduire. La Commission a conclu que le témoignage que le demandeur avait présenté sur ce point n'était pas crédible. Le permis de conduire du demandeur était censément valide pour une période de vingt-quatre ans.

[41]            À l'audience, le demandeur a témoigné que les permis de conduire sont habituellement valides pour une période de cinq à dix ans, mais que dans certains cas, ils sont valides pour une période de vingt ans (dossier du tribunal, page 129). Lorsqu'il a été interrogé au sujet de la longue période de validité de son propre permis de conduire, le demandeur a expliqué que c'était comme cela pour les permis (dossier du tribunal, page 130). Il a précisé que les permis étaient délivrés pour une période de dix ans ainsi que pour des périodes plus longues. Il a pu obtenir un permis qui était valide pour une période de vingt-quatre ans parce que quelqu'un l'avait recommandé et qu'il avait versé de l'argent (dossier du tribunal, pages 130 et 131). Le demandeur n'a pas précisé ce qu'il entendait par [traduction] « quelqu'un » . Lorsqu'on lui a demandé si les permis étaient habituellement délivrés pour une période qui était un multiple de cinq ans, M. Singh a déclaré qu'il n'en était pas certain (dossier du tribunal, page 132). Il a ensuite déclaré que son permis avait par erreur été délivré pour une période de vingt-quatre ans (dossier du tribunal, page 133), qu'il n'avait pas remarqué cette erreur ou qu'il ne savait pas pour combien d'années le permis était valide (dossier du tribunal, pages 133-134), qu'il avait demandé un permis de longue durée (dossier du tribunal, page 134) et qu'il devait avoir vu la date d'expiration en recevant le permis (dossier du tribunal, page 134).

[42]            Je suis d'accord avec le défendeur pour dire qu'étant donné le grand nombre d'incohérences figurant dans le témoignage du demandeur, pour ce qui est du permis de conduire, la Commission n'était pas obligée d'accepter les explications que le demandeur avait fournies au sujet de la date d'expiration lointaine de ce permis. La Commission pouvait à bon droit fonder ses conclusions défavorables relatives à la crédibilité sur les contradictions et les incohérences relevées dans le témoignage que le demandeur avait présenté au sujet de son permis de conduire : Aguebor, précité; Alizadeh c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 11 (C.A.) (QL).

[43]            La Commission n'a attribué aucune valeur probante aux deux lettres soumises par le demandeur à l'appui de son identité et des problèmes qu'il avait eus avec la police. En plus de conclure que ces lettres étaient intéressées, la Commission a conclu que les renseignements qu'elles renfermaient étaient faux. En particulier, les lettres étayent censément le compte rendu que le demandeur a fait au sujet de ses deux arrestations, mais la Commission a conclu que la preuve documentaire réfutait l'une des arrestations et que, selon la prépondérance des probabilités, l'autre arrestation avait été fabriquée par le demandeur. La Commission a également fait remarquer que, selon la preuve documentaire, il était relativement facile d'obtenir de faux documents en Inde.


[44]            Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur en rejetant ces lettres parce qu'elles étaient intéressées et qu'elle a également commis une erreur en n'accordant pas le poids approprié à un avis juridique professionnel : Zapata c. Canada (Solliciteur général), [1994] A.C.F. no 1303 (1re inst.) (QL). Toutefois, contrairement aux prétentions du demandeur, ces lettres n'ont pas été rejetées uniquement parce qu'elles étaient intéressées. En fait, la Commission n'a pas accordé de poids à ces lettres parce qu'elle a conclu qu'elles renfermaient de faux renseignements. Étant donné les contradictions existant entre le témoignage du demandeur, la preuve documentaire et les incohérences et invraisemblances relevées dans son témoignage, je suis d'avis qu'il était avec raison loisible à la Commission de tirer cette conclusion.

[45]            Je souscris à l'avis du défendeur selon lequel la décision Zapata, précitée, est ici peu utile. Dans cette décision, le juge Gibson a dit, au paragraphe 17, que la Commission avait commis une erreur « lorsqu'elle a[vait] écarté de façon cavalière l'opinion professionnelle » d'un psychiatre et le document. Toutefois, en l'espèce, la Commission avait de bonnes raisons de douter de la véracité de la lettre de l'avocat puisqu'elle avait déjà conclu que la version que le demandeur avait donnée au sujet de son arrestation était fabriquée et compte tenu, en outre, de la preuve documentaire relative aux faux documents. Le fait que le demandeur ne souscrit pas à l'avis de la Commission, quant au poids accordé à la preuve, ne donne pas lieu à une erreur susceptible de révision : Brar c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1986] A.C.F. no 346 (C.A.) (QL).


[46]            À la page deux de ses motifs, la Commission a conclu que M. Singh disposait d'une possibilité de réfugié intérieur viable (la PRI). À la page 9 de ses motifs, la Commission a dit ce qui suit : « Le tribunal a pensé à la PRI mais n'a pas estimé nécessaire de se pencher sur la question étant donné les conclusions défavorables auxquelles il est parvenu. Le tribunal considère, selon la prépondérance des probabilités, que le revendicateur peut retourner au Panjab en toute sécurité et qu'il n'existe là-bas pas plus qu'une simple possibilité qu'il soit persécuté pour un motif lié à la Convention » .

[47]            Le demandeur affirme que cette conclusion est erronée parce que la Commission n'a pas tenu compte de la preuve documentaire, qui montre que les Sikhs ne peuvent pas se déplacer sans crainte. Le défendeur affirme que la Commission n'a pas commis d'erreur dans la conclusion qu'elle a tirée au sujet de la PRI puisqu'elle a conclu qu'il n'était pas nécessaire d'apprécier cette preuve, étant donné la nature des conclusions défavorables qu'elle avait tirées au sujet de la crédibilité.

[48]            À mon avis, étant donné que la Commission a énoncé plusieurs motifs clairs à l'appui de la conclusion selon laquelle le témoignage du demandeur n'était pas crédible et qu'elle a conclu que le demandeur ne craignait pas avec raison d'être persécuté en Inde, il n'était pas nécessaire pour la Commission d'examiner la question d'une PRI possible.


[49]            Enfin, je suis d'accord avec le défendeur lorsqu'il a dit que les prétentions de M. Singh, pour ce qui est de la partialité, sont conjecturales. Le demandeur semble fonder son argument sur les allégations selon lesquelles la Commission n'a pas tenu compte de la preuve dont elle disposait ou qu'elle a mal interprété cette preuve et qu'elle a tiré au sujet de la crédibilité des conclusions qui n'étaient pas étayées par la preuve dont elle disposait. La décision Abubaker, précitée, invoquée par le demandeur n'est pas utile; en effet, elle se rapporte à des conclusions de crédibilité qui avaient erronément été tirées et elle ne traite pas de la question de la partialité.

[50]            À mon avis, l'allégation du demandeur selon laquelle la Commission a commis une erreur susceptible de révision n'est absolument pas suffisante pour qu'il soit possible de répondre par l'affirmative au critère bien établi qui s'applique à la crainte raisonnable de partialité, à savoir si une personne bien renseignée, qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, croirait que, selon toute vraisemblance, la Commission n'a pas abordé la question de l'appréciation de la demande avec un esprit ouvert et impartial : Committee for Justice and Liberty et al. c. Office national de l'énergie et al. [1978] 1 R.C.S. 369, pages 394 et 395 et Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, pages 849 et 850. L'examen de la transcription et des motifs ne révèle rien qui étaye l'allégation du demandeur selon laquelle il existe une crainte raisonnable de partialité de la part de la Commission.

[51]            Compte tenu de l'analyse qui précède, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Aucune question ne se pose aux fins de la certification.


                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

Aucune question n'est certifiée.

                                                                          « Richard G. Mosley »               

                                                                                                     Juge                              

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                           IMM-4074-02

INTITULÉ :                                                         RAJVIR SINGH

                                                                                           demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                             défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                                    TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                  LE 24 FÉVRIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                        LE JUGE MOSLEY

DATE DES MOTIFS :                                         LE 25 FÉVRIER 2004

COMPARUTIONS :

Lawrence L. Band                                                   POUR LE DEMANDEUR

Lisa Hutt                                                                 POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lawrence L. Band                                                   POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                    POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)


COUR FÉDÉRALE

                                 Date : 20040225

                    Dossier : IMM-4074-02

ENTRE :

                RAJVIR SINGH

                                          demandeur

                             et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                           défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.