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Date : 20030716

Dossier : T-2016-01

Référence : 2003 CF 875

ENTRE :

               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                              demandeur

                                                                    - et -

                                                      MICHAEL SEIFERT

                                                                                                                               défendeur

                                            MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                          (prononcés à l'audience à Vancouver

                                      (Colombie-Britannique), le 9 juillet 2003)

LE JUGE HUGESSEN

[1]                Le défendeur a présenté une requête complexe dans le cadre de cette instance en révocation de la citoyenneté. Certaines parties de la requête ont été réglées par d'autres ordonnances et directives émises par moi; les présents motifs, ainsi que l'ordonnance que je vais émettre, traitent uniquement de la partie de la requête dans laquelle le défendeur sollicite « une ordonnance déclarant que le défendeur n'est pas apte à subir un procès » .


[2]                J'ai interrogé M. Christie sur la base légale qui permettrait d'émettre une telle ordonnance et il n'a pas été en mesure de me la préciser. En fait, je suis tout à fait convaincu qu'il n'est pas juridiquement possible d'émettre une telle ordonnance dans une instance de ce genre. Il s'agit ici, comme l'ont souvent mentionné notre Cour et la Cour d'appel, d'une instance civile et les règles du droit pénal en matière d'aptitude à subir un procès ne sont pas applicables à ce type d'instance.

[3]                Les seules règles de notre Cour qui pourraient être applicables sont les règles 115 et 121 qui traitent des personnes qui n'ont pas la capacité d'ester en justice et les dispositions de ces règles qui visent ces personnes indiquent clairement, d'après moi, que les amis ou la famille de la personne qui est citée devant notre Cour en qualité de défendeur et qui souffre d'une telle incapacité et n'est pas en mesure de donner des directives à son avocat, doivent plutôt demander que soit nommé un tuteur à l'instance pour cette personne. Ce n'est pas ce qui est demandé ici et pour les motifs que je vais fournir dans un instant, ce n'est pas une mesure que je suis de toute façon disposé à accorder.


[4]                Il est apparu au cours des débats relatifs à la requête que M. Christie recherche en fait une ordonnance ayant pour effet de suspendre l'instance. C'est bien sûr l'article 50 de la Loi sur la Cour fédérale qui accorde le pouvoir à notre Cour de prononcer ce type d'ordonnance. Les arrêts Obodzinsky (Canada c. Obodzinsky, [2000] A.C.F. n ° 1675 (12 octobre 2000), (1re inst.), conf. par [2001] A.C.F. n ° 797 (C.A.) (QL)) et Fast (Canada c. Fast [2002] 3 C.F. 373 (1er inst.), 2001 CFPI 1269, [2001] A.C.F. n ° 1730 (QL), conf. [2002] 3 C.F. 400 (C.A.), [2001] A.C.F. n ° 1786 (QL)), décisions confirmées par la Cour d'appel et qui me lient, indiquent très clairement qu'une ordonnance de suspension n'est pas appropriée dans une affaire comme celle-ci, où le défendeur dans une instance en révocation de la citoyenneté prétend être incapable de conduire sa défense ou de demander à un avocat de le faire.

[5]                Mais même en supposant que j'aie le pouvoir d'accorder une suspension de l'instance, je ne l'accorderais pas ici, compte tenu du dossier qui m'a été présenté. Le défendeur s'appuie uniquement sur le témoignage d'un certain Dr Larre et sur les examens neuropsychologiques qu'il a effectués. Les résultats des examens qu'a effectués le Dr Larre sont tout simplement incompatibles avec les preuves objectives qui montrent que le défendeur est capable de se souvenir d'événements qui remontent à près de 60 ans, et qui sont à la base de la présente instance , de les décrire et de donner des directives à un avocat à ce sujet.


[6]                Je ne suis pas arrivé à cette conclusion en me fondant sur ma seule appréciation des faits; je m'appuie sur le témoignage d'autres médecins compétents qui, malgré un contre-interrogatoire poussé, ont conclu que M. Seifert était en fait capable de donner des directives à un avocat et de conduire sa défense. La conclusion à laquelle j'en suis arrivé est également tout à fait compatible, et même identique, avec celle à laquelle est arrivé M. le juge Romilly de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, dans une instance parallèle qui est en cours actuellement aux termes de la Loi sur l'extradition, même si je ne suis pas tenu de suivre cette conclusion. Je cite ici de brefs extraits des paragraphes 129 et 150 de ses motifs :

[traduction] Le Dr Larre paraît cependant tellement convaincu de l'exactitude des chiffres obtenus au cours des examens qu'il a fait passer au défendeur qu'il a paru perdre, par moment, toute objectivité. Dans son témoignage, il semble considérer que les critiques que lui font d'autres experts sont un affront personnel à son intégrité. J'estime que son utilisation servile des résultats des examens a affecté son jugement et partant son opinion sur le cas.

...

Compte tenu du critère peu exigeant utilisé pour déterminer si une personne est apte à subir un procèsl dans un contexte d'extradition, comme cela a été énoncé dans l'arrêt Mustafa, précité, je suis convaincu que le défendeur est apte à participer à l'audience d'extradition. D'après les preuves présentées au cours de l'audience, le défendeur n'a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu'il est à l'heure actuelle inapte à subir un procès. D'après les preuves présentées à l'audience, j'estime que le défendeur comprend la nature et l'objet de l'instance, comprend les conséquences possibles de celle-ci, est en mesure de communiquer avec son avocat et de lui relater les faits concernant l'infraction reprochée, de façon à ce que l'avocat puisse présenter une défense utile.

Conformément à ce qui précède, je déclare que le défendeur est apte à participer à l'audience d'extradition.

1Republic of Italy c. Seifert, 2003 CS CB 501, [2003] B.C. J. No. 726 (QL), paragr. 129, 150 (QL)

[7]                En supposant qu'il soit possible d'accorder une suspension d'instance en l'espèce, et comme je l'ai déjà indiqué, j'estime que le droit ne le permet absolument pas, le critère utilisé pour accorder une telle suspension serait encore moins exigeant que celui qui est applicable à une instance d'extradition et ce critère n'est manifestement pas rempli ici.


[8]                J'ajouterais seulement que, si le neuropsychologue qui a examiné le défendeur, le Dr Larre, est profondément convaincu de la qualité des examens auxquels il a procédé, je partage l'opinion exprimée par M. le juge Romilly selon laquelle le comportement du médecin au cours du contre-interrogatoire qu'il a subi dans cette affaire montre qu'il n'avait pas une attitude suffisamment objective pour que la Cour puisse se fier à son témoignage.

[9]                Par conséquent, la requête sera rejetée.

                                                                                                                  « James Hugessen »             

                                                                                                                                         Juge                          

Ottawa (Ontario)

le 16 juillet 2003

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                       COUR FÉDÉRALE

                                        AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DE GREFFE :                                T-2016-01

INTITULÉ :                                        Le Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c.

Michael Seifert

DATE DE L'AUDIENCE :                le 9 juillet 2003

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Vancouver (Colombie-Britannique)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : MONSIEUR LE JUGE HUGESSEN

DATE DES MOTIFS :                       le 16 juillet 2003

COMPARUTIONS :

Barney Brucker, Beverly Wilton                                                 POUR LE DEMANDEUR

et Helen Park

Douglas Christie                                                                       POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris A. Rosenberg                                                                 POUR LE DEMANDEUR

Sous-procureur général du Canada

M. Douglas Christie                                                                   POUR LE DÉFENDEUR

Victoria (Colombie-Britannique)


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