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                                                                                                                                            Date : 20030218

                                                                                                                                  Dossier : IMM-760-02

                                                                                                               Référence neutre : 2003 CFPI 179

ENTRE :

                                                       ZAKRIA MOHAMMED KASHIF

                                                                                                                                                      demandeur

                                                                                   et

                                                 LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                              ET DE l'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

        Cinq minutes après l'heure fixée pour l'audition de cette affaire, l'avocate du demandeur a téléphoné le greffe de la Cour pour indiquer qu'elle ne se sentait pas bien et que, par conséquent, elle demandait une remise de la cause. Comme l'avocat du défendeur s'est objecté, j'ai demandé au greffier de la Cour de téléphoner l'avocate du demandeur, au numéro qu'elle avait laissé au Greffe, dans le but de demander et d'obtenir un engagement de produire rapidement un certificat médical faisant état de son incapacité de se présenter en cour. Malgré plusieurs tentatives, le greffier de la Cour a été incapable de joindre l'avocate du demandeur. Vu les circonstances, j'ai acquiescé à une demande de l'avocat du défendeur de disposer de cette affaire sur dossier, ce qui comprend les observations écrites faites au nom des parties. Les présents motifs au soutien de l'ordonnance rejetant la demande de contrôle judiciaire sont produits conformément à l'article 51 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7.


        Le demandeur cherche à obtenir le contrôle judiciaire d'une décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) portant la date du 28 janvier 2002. Par cette décision, la Commission a conclu que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention suivant la définition contenue au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2.

        Le demandeur est un citoyen du Pakistan âgé de 26 ans. Il prétend craindre avec raison d'être persécuté pour ses opinions politiques et du fait qu'il est membre de la Ligue musulmane du Pakistan, un parti politique.

        La Commission a rejeté la demande de statut de réfugié du demandeur parce qu'elle a conclu qu'il n'était pas un témoin crédible. La Commission appuie sa décision sur les motifs suivants :

-           la réponse du demandeur à la question no 37 de son Formulaire de renseignements personnels (FRP) ne mentionne pas l'existence d'un Premier rapport d'information (PRI) établi contre lui, malgré le fait qu'il l'a présenté comme pièce P-6 à l'appui de sa revendication. L'explication du demandeur qu'il ne l'a pas mentionné parce qu'il n'a eu connaissance de son existence que lorsqu'il se trouvait à Rawat n'est pas satisfaisante;

-           Le demandeur n'a pas mentionné que son père avait été tué par la police dans son FRP, et n'a pas expliqué cette omission;

-           Le demandeur n'a pas pu expliquer l'incohérence entre son propre témoignage selon lequel son père est mort le 8 juillet, et le certificat de décès de son père qui indique qu'il a été admis à l'hôpital le 9 juillet 2000, à 7 h 15 et qu'il avait été tué quelques heures auparavant. Par conséquent, on n'a attribué aucun poids au certificat de décès;


-           le demandeur n'a pas fourni de copie du PRI déposé par son oncle et lui relativement au meurtre de son père. Parce que le PRI était un document très important dans le cadre de sa revendication, il n'aurait pas dû oublier de le présenter avant la date de l'audience, s'il existe bel et bien; et

-           le demandeur a déclaré dans son témoignage que l'ambulance a amené le corps de son père à son domicile avant d'aller à l'hôpital. Son explication selon laquelle lui et son oncle ne savaient que faire dans les circonstances est illogique.

        En matière de crédibilité, la Cour ne peut substituer son opinion à celle de la Commission à moins que le demandeur ne puisse prouver que la décision de la Commission était fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle dispose (paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale). Il est établi que la Commission est un tribunal spécialisé qui est en mesure d'apprécier la plausibilité et la crédibilité d'un témoignage, dans la mesure où les inférences qu'il en tire ne sont pas déraisonnables (Aguebor c. M.E.I. (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.)) et dans la mesure où ses motifs sont exprimés en termes clairs et explicites (Hilo c. M.E.I. (1991), 130 N.R. 236 (C.A.F.)). De plus, comme la Cour d'appel fédérale l'a dit dans l'arrêt Sheikh c. Canada (M.E.I.), [1990] 3 C.F. 238, la perception d'un tribunal que le demandeur ou la demanderesse n'est pas un témoin crédible en ce qui a trait à un élément important de sa demande de statut de réfugié(e) équivaut en fait à la conclusion qu'il n'existe aucun élément de preuve crédible concernant cette demande.


        L'examen de la preuve ne m'a pas convaincu que la Commission ne pouvait raisonnablement arriver à la conclusion à laquelle elle est arrivée. Bien que je ne sois pas d'accord avec la conclusion de la Commission qu'il y a une incohérence entre le témoignage du demandeur et la date indiquée au certificat de décès de son père, cela n'est pas suffisant, étant donné les autres conclusions tirées par la Commission en matière de crédibilité, pour justifier l'intervention de la Cour .

        En ce qui concerne l'allégation du demandeur que la Commission avait l'obligation de faire état dans sa décision des différents documents qu'il a soumis au soutien de sa demande, il s'agit d'un principe élémentaire de droit que l'on doive présumer qu'un tribunal a tenu compte de l'ensemble de la preuve dont il était saisi, et il n'est pas obligé de mentionner dans ses motifs tous les éléments de preuve dont il a tenu compte avant de rendre sa décision (Taher c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le 7 septembre 2000), IMM-5255-99). Dans la présente affaire, le demandeur n'a pas cité d'éléments de preuve qui soient directement en contradiction avec la conclusion de la Commission; par conséquent, la Commission n'était pas tenue d'y référer de manière précise (Cepeda-Gutierrez et al. c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le 6 octobre 1998), IMM-596-98).


        Enfin, le demandeur affirme qu'avant de rejeter sa demande, la Commission avait l'obligation, à tout le moins, de vérifier les documents produits par les autorités pakistanaises en ordonnant une expertise. L'unique document dont la véracité a été remise en question était le certificat de décès, la Commission n'y ayant attribué aucun poids en raison d'une contradiction perçue dans le témoignage du demandeur. La Commission n'a aucune obligation de faire procéder à une vérification officielle de documents dans les cas où il y suffisamment d'éléments de preuve pour permettre de douter de leur authenticité (Culinescu c. Canada (M.C.I.) (1997), 136 F.T.R. 241), et dans les cas où, comme dans la présente affaire, il n'y a pas suffisamment de preuve pour mettre en doute l'authenticité d'un document, il n'appartient pas à la Commission de conclure qu'il n'est pas authentique (Gyimah c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le 10 novembre 1995), IMM-1011-93). Toutefois, l'erreur commise par la Commission en n'attribuant aucun poids au certificat de décès n'est pas déterminante dans cette affaire.

        Étant donné que l'examen de la preuve ne m'a pas convaincu que la Commission avait commis une erreur susceptible de révision, la demande de contrôle judiciaire a été rejetée.

      Puisque cette affaire porte essentiellement sur des questions de faits et de crédibilité, aucune question ne devrait être certifiée.

                                                                                                                                             « Yvon Pinard »             

                                                                                                                                                                 Juge                      

Ottawa (Ontario)

Le 18 février 2003

Traduction certifiée conforme

Caroline Raymond, LL.L.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         IMM-760-02

INTITULÉ :                                                       ZAKRIA MOHAMMED KASHIF

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                              le 5 février 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              monsieur le juge Pinard

DATE DES MOTIFS :                                     le 18 février 2003                                                

COMPARUTIONS:

Absente                                                                 POUR LE DEMANDEUR

Andrea Shahin                                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Styliani Markaki                                                   POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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