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Date : 20030523

Dossier: T-546-03

Référence : 2003 CFPI 645

Ottawa (Ontario), le 23 mai 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SIMON NOËL                                 

ENTRE:

                                                                 GLEN E.P. KEALEY

                                                                                                                                                      demandeur

                                                                                   et

                              SA MAJESTÉ LA REINE, LE MINISTRE DE LA JUSTICE DU

CANADA, JOHN VAISSI NAGY, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, MORRIS ROSENBERG, LE MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES DU CANADA, PAUL MIGUS, SUSAN WILLIAMS, LE COMMISSARIAT À LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE DU CANADA, GEORGE RADWANSKI, GERALD NEARY

                                                                                                                                                       défendeurs

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une requête présentée par les défendeurs requérants, le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, George Radwanski et Gerald Neary, en vue de faire radier la déclaration dirigée contre lesdits défendeurs requérants, qui devait être jugée sur dossier sans comparution des avocats en application du paragraphe 369(1) des Règles de la Cour fédérale (1998).


[2]                 Le demandeur se représente lui-même et, à la réception du dossier de requête, il a répondu brièvement dans une lettre d'une page en disant qu'il était un non-juriste et que le dossier de requête confirme qu'il y avait un complot criminel contre lui impliquant les défendeurs requérants.

[3]                 En application du paragraphe 369(4) des Règles de la Cour fédérale (1998) et en raison de l'importance de la requête, des conséquences sur la requête du demandeur, des réponses limitées qui ont été transmises, il a été jugé qu'une audience serait dans l'intérêt de la justice.

[4]                 Les défendeurs requérants ont soulevé les questions suivantes :

-           La Cour a-t-elle compétence à l'égard des défendeurs requérants?

-           L'article 67 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. 1985, ch. P-21, fait-il obstacle à la réclamation du demandeur contre les défendeurs requérants?

-           La déclaration devrait-elle être radiée au motif qu'elle ne révèle aucune cause d'action valable, qu'elle est scandaleuse, frivole et vexatoire?

-           La déclaration constitue-t-elle un abus des procédures de la Cour vu que le régime exclusif de la Loi sur la protection des renseignements personnels est la seule procédure pour obtenir les renseignements personnels dont la communication est demandée?


[5]                 La déclaration ne contient aucun fait à l'appui des allégations de complot faites contre les défendeurs requérants et il est de jurisprudence bien établie que si aucun fait n'est allégué, aucune cause raisonnable d'action ne peut être révélée (Voir Vojic c. Canada (M.R.N.), [1987] A.C.F. no 811 (C.A.F.).

[6]                 Toute la plainte du demandeur contre le Commissariat à la protection de la vie privée est contenue dans le paragraphe 18 de la déclaration :

[TRADUCTION] Le demandeur a présenté une demande auprès du Commissaire à la protection de la vie privée afin qu'il l'aide à obtenir le nom du professionnel de la santé qui a fait le prétendu « diagnostic » sans s'être jamais soucié de rencontrer le demandeur ou de faire un examen médical. À ce jour, le Commissariat à la vie privée n'a ni fourni le nom du professionnel de la santé, ni, le cas échéant, publié une « conclusion » claire établissant qu'en fait, aucun professionnel de la santé n'a jamais fait un tel « diagnostic » et que, par conséquent, une personne raisonnable pouvait conclure qu'il y avait un vaste complot de la part des cocomploteurs précédemment mentionnés; dont le seul but a été de falsifier les dossiers médicaux du demandeur, en vue de diffamer et de discréditer le demandeur lui-même. Au contraire, le Commissaire à la protection de la vie privée a écrit au demandeur, après avoir publié une prétendue conclusion qui prétend, à tort, avoir réglé la question soulevée par le demandeur.

[7]         Il ressort que le demandeur fait une affirmation générale de complot pour falsification de dossiers médicaux mais sans présenter de faits à l'appui de cette affirmation.

[8]         Cette démarche ne prouve pas qu'il y a complot vu que, pour avoir gain de cause dans une action fondée sur le complot, une partie doit prouver ce qui suit :

-           l'existence d'une entente entre deux ou plusieurs personnes pour nuire au demandeur;


-           les moyens, légaux ou illégaux utilisés par les défendeurs pour nuire au demandeur;

-           le préjudice causé au demandeur;

(Voir Ciments Canada Lafarge Ltée. c. British Columbia Lightweight Aggregate Ltd., [1983] 1 R.C.S. 452, pages 471 et 472).

[9]         La déclaration est muette sur des faits qui pourraient normalement appuyer une allégation de complot dirigée contre les défendeurs requérants. Par exemple, il n'y a aucune allégation relativement à une entente ou aux moyens utilisés pour mettre en oeuvre ledit complot, ni relativement au lien de causalité entre les effets du complot et les dommages-intérêts de 55 millions $ réclamés. La demande expose seulement une allégation générale dénuée de fondement factuel. Pour ce motif, la déclaration peut être radiée. (Voir Pellikaan c. Canada, [2002] 4 C.F. 169 (protonotaire), paragraphes 28 à 30).

[10]       Il y a également d'autres motifs qui appuient une ordonnance radiant la déclaration.


[11]       Par exemple, l'article 67 de la Loi sur la protection des renseignements personnels fait obstacle à la plainte dirigée contre les défendeurs requérants. À moins que la mauvaise foi (la déclaration ne présente aucun fait la démontrant) ne puisse être prouvée, le Commissariat à la protection de la vie privée et les personnes qui y travaillent jouissent d'une immunité légale. Pour ce motif, la déclaration peut être radiée.

[12]       En outre, s'il n'était pas satisfait de la réponse fournie par le Commissariat à la protection de la vie privée, le demandeur aurait pu présenter une demande introductive d'instance devant notre Cour. L'article 41 de la Loi sur la protection des renseignements personnels prévoit une procédure légale, en vue d'une révision de la décision par la Cour d'appel fédérale, pour toute personne physique qui s'est vu refuser par la Commission l'accès à des renseignements personnels. Le demandeur a plutôt décidé de déposer une déclaration réclamant des dommages-intérêts contre les défendeurs requérants malgré l'existence d'une immunité d'origine législative et d'une procédure légale précise à sa disposition. On peut alléguer avec succès qu'une déclaration présentée dans de pareilles circonstances équivaut à un abus de procédure.

[13]       Après avoir été dûment informé à l'audience par l'avocat des défendeurs et par la Cour, des motifs qui fondent la requête et des conséquences sur la déclaration, le demandeur a été invité à y répondre. Il s'est effectivement adressé à la Cour mais il a été incapable d'appuyer l'une ou l'autre de ses allégations par des faits. Il n'a pas pu répondre valablement à l'argument relatif à l'immunité légale contenue au paragraphe 67(1) de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Il n'a pas pu non plus fournir à la Cour de motifs valables de ne pas avoir utilisé l'article 41. En fait, le demandeur a semé plus de confusion dans un long exposé oral quand il a soulevé une nouvelle allégation de complot contre l'humanité.


[14]       Après avoir lu les observations et entendu les plaidoiries des deux parties, la Cour n'a d'autres choix que de radier la déclaration dirigée contre les défendeurs requérants.

[15]       Vu qu'aucuns dépens n'ont été demandés, je n'en accorderai pas.

                                                         

ORDONNANCE

EN CONSÉQUENCE, LA COUR ORDONNE QUE :

L'ordonnance radiant la déclaration contenue dans le dossier de la Cour fédérale no T-546-03 contre le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, George Radwanski et Gerald Neary soit accordée.

« Simon Noël »

           

ligne             Juge

Traduction certifiée conforme

Jean Maurice Djossou, LL.D.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                       T-546-03

INTITULÉ :                      GLEN E.P. KEALEY

c.

SA MAJESTÉ LA REINE ET AL.

LIEU DE L'AUDIENCE :                                OTTAWA

DATE DE L'AUDIENCE :                              LE 15 MAI 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              LE JUGE NOËL

DATE DES MOTIFS : LE 23 MAI 2003

COMPARUTIONS :

GLEN E.P. KEALEY        POUR LE DEMANDEUR POUR SON PROPRE COMPTE

DOUGALD BROWN       POUR LES DÉFENDEURS LE COMMISSARIAT À

LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE,

GEORGE RADWANSKI ET GERALD NEARY

SUZANNE PEREIRA       POUR LES DÉFENDEURS - SA MAJESTÉ LA REINE ET AUTRES

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

GLEN E.P. KEALY          POUR LE DEMANDEUR POUR SON PROPRE

Kemptville (Ontario)          COMPTE


NELLIGAN, O'BRIEN PAYNE LLP              POUR LES DÉFENDEURS - LE COMMISSARIAT À

Ottawa (Ontario)              LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE, GEORGE RADWANSKI ET GERALD NEARY

MORRIS ROSENBERG POUR LES DÉFENDEURS -

Sous-procureur général     SA MAJESTÉ LA REINE ET AUTRES

du Canada                         


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