Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20041028

 

Dossier : IMM‑479‑04

 

Référence : 2004 CF 1492

 

Ottawa (Ontario), le 28 octobre 2004

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SIMON NOËL

 

ENTRE :

 

                                                      MOHINDER SINGH GILL

                                                                                                                                         demandeur

et

 

LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                           défendeur

 

 

                               MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 


[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision du 3 décembre 2003 par laquelle une agente de Citoyenneté et Immigration Canada (l’agente et CIC) a conclu en l’absence de risque pour le demandeur par suite d’une évaluation des risques avant renvoi (ERAR) effectuée en vertu de l’article 112 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR) et a refusé d’accorder une dispense ministérielle. Le demandeur demande l’annulation de cette décision et son renvoi pour que soit rendue une nouvelle décision tenant compte des directives jugées utiles par la Cour. Le demandeur demande en outre à la Cour de déclarer que le processus d’ERAR consistant en une analyse des risques en cas de renvoi enfreint, vu le manque d’indépendance du décideur, les dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés ainsi que les obligations internationales du Canada.

 

[2]               Le défendeur demande pour sa part qu’on modifie l’intitulé de la cause en substituant le Solliciteur général du Canada au ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration.

 

QUESTIONS EN LITIGE

a)         Le régime d’ERAR est‑il conforme aux obligations internationales et découlant de la Charte du Canada?

b)         L’agente a‑t‑elle commis une erreur de droit ou de fait dans son appréciation de la preuve dont elle disposait?

 

[3]               On ne traitera pas de la première question, puisqu’aucun avis de question constitutionnelle n’a été signifié au procureur général du Canada et à ceux des provinces, tel que l’exige l’article 57 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7.

 

CONCLUSION

 

[4]               Pour les motifs énoncés ci‑après, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 


LES FAITS

 

[5]               Le demandeur, Mohinder Singh Gill (M. Gill ou le demandeur), est un citoyen de l’Inde du début de la quarantaine. Il est sikh. Il est marié et père de trois enfants. Son épouse et ses enfants résident toujours en Inde. M. Gill est originaire du village de Folara, dans la province du Jammu‑et‑Cachemire, situé à environ deux kilomètres de la frontière pakistanaise. Il y est propriétaire de terrains. Il affirme n’avoir toutefois pu cultiver ses terres que pour un laps de temps limité, en raison du manque de confiance, de fouilles et d’abus de policiers depuis 1980.

 

[6]               M. Gill soutient qu’en un peu moins de deux ans, des policiers l’ont arrêté, détenu et torturé au moins à deux reprises, des garde‑frontières ont fait de même au moins en une occasion et des policiers l’ont soumis au moins quatre fois à des fouilles et à des actes de brutalité. Le frère de M. Gill aurait également été arrêté, détenu et torturé par des policiers en de nombreuses occasions, et on n’a plus aucune trace de lui depuis qu’on l’a arrêté à la fin de mars 1997. M. Gill a habité pour un certain temps à la résidence de son oncle, où les policiers ont également procédé à une descente et à une fouille. Sa famille demeurant à Folara a aussi été victime de harcèlement policier. À chaque arrestation, M. Gill n’était libéré qu’après versement d’un pot‑de‑vin. La seconde fois qu’on a emprisonné M. Gill – parce qu’il aurait aidé des Pakistanais à franchir illégalement la frontière (ce qu’il dément avoir fait) – on l’a obligé à accepter, avant de le libérer après environ deux semaines, d’aller espionner au Pakistan les activités de militants.

 

[7]               Le père de M. Gill craignait pour la vie de son fils et il a donc pris des mesures pour qu’une personne l’aide à quitter l’Inde et à partir pour le Canada. Le 21 novembre 1998, le demandeur est allé se cacher à New Delhi jusqu’à son départ pour le Canada le 30 décembre 1998. Pendant qu’il se tenait caché, M. Gill a appris que son père avait été détenu et torturé par la police, apparemment en raison de la disparition de M. Gill. Par la suite, M. Gill apprenait le décès de son père survenu le 29 décembre 1998 et ce, dû aux actes de torture infligés par la police (selon les prétentions de M. Gill).

 

[8]               La Section de la protection des réfugiés (SPR) de CIC a rejeté la revendication du statut de réfugié du demandeur le 22 octobre 1999, au motif que ce dernier n’était pas crédible. La SPR a également conclu que la situation dans la province indienne du Punjab avait changé à un point tel que, même si le récit de M. Gill était véridique, il était raisonnable de croire qu’il ne risquait pas de subir la torture ou une peine cruelle et inhabituelle s’il devait retourner en Inde. L’autorisation pour la révision judiciaire de cette décision fut rejetée.

 

[9]               Le 11 novembre 1999, M. Gill a présenté une demande de résidence permanente fondée sur des considérations humanitaires (demande pour CH). Suite à cette demande, l’ERAR a eu lieu, et une décision défavorable rendue le 3 décembre 2003. La demande pour CH a également été rejetée le 9 décembre 2003, et le renvoi du demandeur fixé au 28 janvier 2004.

 

[10]           Le 26 janvier 2004, la juge Tremblay‑Lamer a accordé suspension de l’exécution de la mesure de renvoi visant le demandeur dans l’attente de l’issue du présent contrôle judiciaire.


 

DÉCISION À L’EXAMEN

 

[11]           L’agente a accordé très peu de poids à une bonne part de la preuve à l’appui présentée par le demandeur dans le cadre de l’ERAR. Selon deux rapports médicaux, M. Gill était atteint du syndrome de stress post‑traumatique (SSPT). Toutefois, on ne faisait que suggérer la possibilité de l’existence du SSPT dans le premier rapport, tandis que le second, se fondait sur un examen de M. Gill que l’agente d’ERAR croyait être très sommaire. L’agente a en outre relevé le fait que, malgré l’existence de ces rapports, M. Gill n’a semblé faire l’objet d’aucun suivi (sous forme, p. ex., d’administration de médicaments) pour le traitement de son prétendu SSPT. L’agente a également relevé une certaine contradiction, puisque le demandeur avait déclaré n’avoir jamais souffert de maladie mentale dans sa demande pour CH, alors que deux rapports médicaux faisaient état du contraire. Cette contradiction dénotait, selon l’agente, un certain manque de crédibilité.

 


[12]           L’agente a également conclu que les documents produits par le demandeur, comme preuve des soins médicaux reçus en Inde après les détentions infligées par les policiers, n’étayaient pas sans conteste ses allégations de torture. Rien ne démontrait, en effet, que les blessures subies par M. Gill résultaient d’actes de torture commis par des policiers plutôt que de toute autre cause (p. ex. un accident lors d’activités à la ferme). De la même manière, le certificat de décès du père de M. Gill ne précisait pas la cause de son décès, et alors l’agente ne lui a donc pas reconnu non plus une grande force probante quant à la persécution policière alléguée par M. Gill. L’agente n’a pas accordé un grand poids non plus à d’autres documents présentés par M. Gill à l’appui de sa demande, tels que des documents provenant de la Punjab Human Rights Organization (l’Organisation de défense des droits de la personne du Punjab), la lettre d’un membre de l’assemblée législative locale de M. Gill ainsi que l’affidavit d’un sarpanch de village, puisque ces documents, en effet, ne corroboraient pas de manière indépendante la version des faits de M. Gill.

 

[13]           L’agente a conclu, sur le fondement de la preuve présentée par M. Gill ainsi que de la preuve documentaire relative au respect des droits de la personne en Inde, qu’il était « [traduction] improbable » que les autorités indiennes pourchassent M. Gill en tant que militant. L’agente a ainsi conclu que contredisait la preuve documentaire la déposition de M. Gill portant que les policiers ne l’avaient remis en liberté qu’après avoir obtenu des pots‑de‑vin. Selon la preuve documentaire, en effet, les policiers maintiennent les militants en détention même lorsqu’on leur offre des pots‑de‑vin. L’agente a également jugé peu vraisemblables d’autres explications fournies par M. Gill. Lorsque celui‑ci a soutenu, par exemple, avoir été persécuté par la police, cela semblait contredire une autre déclaration (faite par lui à l’audience de la CISR) selon laquelle les policiers évacuent les habitants des villages où ils s’attendent à des confrontations. De même, rien ne laisse voir pourquoi M. Gill devait franchir fréquemment la frontière, et il est donc invraisemblable qu’on l’ait détenu et torturé à la frontière tel qu’il le prétend. En raison de la nature de la région en cause de l’Inde, enfin, les policiers auraient dû connaître M. Gill et savoir combien était invraisemblable son soutien aux militants.

 

[14]           L’agente a conclu que, selon ce que la preuve documentaire révélait clairement, être sikh ne peut plus justifier la crainte d’être persécuté, et comme M. Gill n’était pas un présumé militant important (s’il était un militant vraiment), il ne courait pas actuellement de risques en Inde. L’agente a déclaré, enfin, que M. Gill n’avait pas démontré – seule la déposition de membres de la famille l’attestant – que cette dernière était prise pour cible. Le fait en outre que M. Gill a laissé sa famille derrière lui à Folara, où elle est censée risquer de subir des actes de brutalité et du harcèlement aux mains de la police, prouvait plus avant qu’il ne craignait pas véritablement une telle persécution.

 

ARGUMENTATION DES PARTIES

Le demandeur

 

[15]           Le demandeur soutient qu’il y a de grands risques pour sa vie et sa sécurité en Inde parce que la police l’y soupçonne à tort d’être un terroriste et un sympathisant des militants du Cachemire. Lorsqu’elle a procédé à l’évaluation des risques avant renvoi, l’agente (le demandeur soutient‑il) n’a pas tenu valablement compte de la preuve présentée et a donc commis des erreurs flagrantes quant à la situation prévalant en Inde, tout particulièrement en ce qui concerne le respect des droits de la personne. Le demandeur prétend en outre que l’agente n’a pas tenu compte de l’article 3 de la Convention contre la torture lorsqu’elle a pris sa décision.

 

[16]           Le demandeur allègue trois erreurs spécifiques de l’agente :

a)         elle a apprécié la preuve de manière manifestement déraisonnable;


b)         elle n’a reconnu qu’une faible valeur probante, voire aucune, à la preuve présentée;

c)         elle a refusé d’accorder protection au demandeur, bien qu’elle ait conclu qu’il avait été victime d’extorsion et de brutalité policière.

 

[17]           Premièrement, le demandeur soutient que l’agente a interprété erronément la preuve dont elle disposait de sorte qu’ont été tirées des conclusions manifestement déraisonnables. L’un des documents disponibles faisait ressortir, par exemple, comme les policiers n’en reconnaissent jamais l’existence et qu’elles échappent donc au contrôle des tribunaux, combien il y avait d’arrestations et détentions illégales et arbitraires. Alors qu’auparavant c’était les sikhs qu’on détenait de la sorte, maintenant c’est davantage dans le cadre d’enquêtes criminelles qu’on a recours à des détentions, bien souvent, selon le demandeur, en vue d’obtenir de l’argent de manière inappropriée (le versement de pots‑de‑vin pour la mise en liberté soutient‑il). Le demandeur prétend que, lorsqu’elle a apprécié cette preuve documentaire, l’agente s’est penchée sur la situation des sikhs en général plutôt que sur la situation de M. Gill en particulier.

 

[18]           Selon le demandeur, la Cour devrait garder à l’esprit les principes énoncés par la juge Tremblay‑Lamer dans Shahi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 1826, au paragraphe 23, ainsi que l’interprétation qu’elle y a donnée d’une décision de la Cour européenne des droits de l’homme :


En outre, contrairement aux conclusions tirées par l’agente d’immigration, je suis d’avis que la décision rendue dans l’affaire Chahal v. United Kingdom appuie en effet la conclusion selon laquelle une personne ciblée comme le demandeur serait en danger si elle devait retourner en Inde. Bien que la Cour européenne des droits de l’homme ait noté une diminution de la mortalité liée au terrorisme dans la région du Punjab, de même qu’une progression dans l’effort de changer la culture d’abus de pouvoir et de corruption qui prévaut au sein de la police, il importe de souligner que l’affaire Chahal établit que l’absence de preuves concrètes d’une réforme en profondeur de la police punjabi ces dernières années cadre bien avec la présomption selon laquelle la corruption policière demeure un problème constant au Punjab.

 

 

 

[19]           Le demandeur soumet que, compte tenu de la preuve présentée à l’agente que la situation n’avait pas véritablement changé en Inde – particulièrement au Punjab – pour ce qui est de la corruption et de la détention arbitraire et de la mise à la torture de personnes innocentes, l’agente a commis une erreur révisable en concluant que la crainte de persécution du demandeur ne cadrait pas avec la preuve documentaire matérielle. Le demandeur ajoute que l’agente a également commis une erreur en concluant qu’il existait pour le demandeur une possibilité de refuge intérieur (PRI) en Inde.

 

[20]           Deuxièmement, le demandeur est d’avis que l’agente n’a pas tenu compte de la preuve soumise et qu’elle a commis une erreur en ne reconnaissant qu’une faible valeur probante à la plupart des éléments de preuve, tels les rapports médicaux, qu’il avait présentés au soutien de sa demande. Il s’agit là, selon le demandeur, d’une violation de son droit à une audition équitable, et la preuve d’ordre médical doit être admise à moins que le tribunal n’ait des raisons valables de l’écarter. Pour étayer cette prétention, le demandeur cite de longs extraits de décisions où la Cour a déclaré que la SPR doit prendre en compte tout élément de preuve qui, en sus de la déposition du revendicateur, laisse croire que ce dernier a fait l’objet de persécution, ainsi que des répercussions qu’un événement traumatisant a pu avoir sur le revendicateur. En outre, la preuve médicale qui corrobe le récit d’un revendicateur ne doit pas être rejetée sans motif valable.


 

[21]           Finalement, le demandeur prétend que, vu la conclusion de l’agente (page 10 de la décision) que M. Gill aurait été tout comme de nombreux autres sikhs au Punjab, victime d’extorsion et de brutalité policière, l’agente n’aurait pas pu ensuite rejeter sa revendication. Le demandeur ajoute que l’existence d’un lien entre le risque et un motif prévu à la Convention n’est pas requise aux fins d’une évaluation des risques avant renvoi, et que l’agente laisserait entendre exactement le contraire dans sa décision.

 

Le défendeur

 

[22]           Premièrement, le défendeur que la décision de l’agente en regard de l’ERAR s’est fondée sur de nombreuses sources de preuve documentaire, dont bon nombre des documents présentés par le demandeur lui‑même, et que sa conclusion selon laquelle ce dernier ne courrait pas de risque s’il devait retourner en Inde était raisonnable, la preuve documentaire sur la situation au Punjab n’étant des plus claires. C’est en outre à l’agente qu’il incombe, à titre de principal juge des faits, d’apprécier la preuve en vue d’établir s’il y a risque pour le demandeur en cas de retour forcé dans son pays; la Cour ne doit donc pas intervenir à la légère afin de substituer son analyse à celle de l’agente. Le défendeur soutient de plus que l’article 3 de la Convention contre la torture a été respecté, puisque le demandeur a eu droit à une instruction approfondie de sa revendication du statut de réfugié puis à une évaluation des risques avant renvoi.

 

[23]           Deuxièmement, le défendeur soutient que l’agente a dûment tenu compte de l’ensemble de la preuve documentaire présentée et a précisé par de nombreux motifs pourquoi elle ne reconnaissait guère de force probante à cette preuve. L’agente souligne en ce qui concerne les rapports médicaux que, dans le premier de ceux‑ci, on fait état du SSPT mais sans établir de diagnostic comme tel, et que le deuxième rapport semble peu digne de foi de par sa nature même. Il était donc loisible à l’agente, le défendeur soutient‑il, d’accorder une valeur probante restreinte à ces rapports, de même qu’aux autres documents produits par le demandeur.

 

[24]           Finalement, le défendeur soutient que le demandeur a mal compris ou mal cité les motifs de l’agente lorsqu’il a prétendu que cette dernière avait reconnu le fait, pour lui, d’avoir été victime d’extorsion et de brutalité policière. L’agente n’en aurait fait état, selon le défendeur, qu’aux fins d’évaluer si était justifiée ou non la crainte de persécution du demandeur; comme il a été conclu que ce dernier n’était pas un militant en vue (ou peut‑être même pas militant du tout), les risques de persécution étaient faibles.

 

ANALYSE

La norme de contrôle judiciaire

 


[25]           Le demandeur soutient que, puisque les erreurs présumées de l’agente sont des erreurs de droit, la norme de contrôle devrait être celle de la décision correcte ou à tout le moins, comme on a affaire à une décision d’agent d’ERAR, celle de la décision raisonnable simpliciter. Le demandeur affirme que la décision n’est pas en lien avec sa crédibilité, comme le défendeur le laisse entendre, mais bien avec la vraisemblance de plusieurs des prétentions du demandeur.

 

[26]           Il semblerait toutefois plus exact de décrire la décision de l’agente comme se fondant sur l’appréciation de la crédibilité, et les problèmes soulevés par le demandeur comme ayant trait à la valeur attribuée par l’agente à certains des éléments de preuve. Alors, la norme de la décision raisonnable devra s’appliquer en l’espèce.

 

L’appréciation par l’agente de la preuve dont elle était saisie était‑elle entachée d’une erreur de droit ou de fait?

 

[27]           Le demandeur soutient que la décision de l’agente est entachée de trois types d’erreurs :

 

a)         elle a apprécié la preuve de manière manifestement déraisonnable;

b)         elle n’a reconnu qu’une faible valeur probante, voire aucune, à la preuve présentée; et

c)         elle a refusé d’accorder protection au demandeur, bien qu’elle ait conclu qu’il avait été victime d’extorsion et de brutalité policière.

 


[28]           Les deux premiers éléments ci‑hauts sont liés. Il ne semble toutefois pas, après examen préliminaire du dossier, que l’agente ait apprécié la preuve de manière déraisonnable. Il était raisonnable qu’elle tire les conclusions qui ont été les siennes à l’égard de chacun des éléments de preuve. Elle a conclu, sur la foi de la preuve dont elle disposait, qu’il n’y avait pas de raison valable de croire M. Gill lorsqu’il racontait avoir été victime de persécution de la part de policiers parce qu’il était un militant ou qu’il appuyait des militants. Elle a également conclu que, même si le demandeur avait véritablement été persécuté à un moment ou un autre par des policiers, il n’y avait pas de raison valable de croire qu’une telle persécution persisterait, compte tenu de l’évolution de la situation en Inde et particulièrement au Punjab ces dernières années. Cela serait encore plus le cas si M. Gill pouvait en prendre avantage de refuge dans une autre partie de son pays.

 

[29]           Les rapports médicaux ne démontrent pas de manière concluante que M. Gill a bel et bien été victime de torture; on y déclare simplement que les cicatrices du demandeur et le SSPT dont il semble souffrir sont compatibles avec l’infliction d’actes de torture. Il était donc loisible à l’agente de rejeter ces éléments de preuve ou de ne leur reconnaître qu’une faible valeur probante. On peut en dire autant des autres éléments de preuve auxquels l’agente a accordé peu de poids.

 

[30]           Quant au troisième type d’erreur de l’agente allégué par le demandeur, il n’est pas claire dans la décision si l’agente a vraiment reconnu ou non que M. Gill fût victime d’extorsion et de brutalité policière. Le demandeur cite à cet égard le troisième paragraphe de la page 10 de la décision de l’agente, dont voici le début :

[traduction]

D’après la preuve matérielle consultée, le demandeur aurait été – tout comme de nombreux autres sikhs au Punjab – victime d’extorsion et de brutalité policière.


 

 

[31]           Le défendeur réplique que ce qui est cité par le demandeur n’est pas cité dans son propre contexte. Le défendeur cite, à son tour, le passage suivant de la décision de l’agente (à la page 8) :

[traduction]

La mise en liberté du demandeur après qu’on l’a arrêté sans l’inculper de terrorisme et après le versement d’un pot‑de‑vin constitue, selon la preuve documentaire consultée, un moyen pour les agents de la police locale d’arrondir leur maigre salaire. Le simple fait que le demandeur a été libéré à chaque fois fait bien voir que la police ne le soupçonnait d’être ni un militant ni un terroriste.

 

 

 

[32]           Selon le défendeur, ce paragraphe ne visait qu’à illustrer comment il se faisait que, bien qu’on l’ait arrêté et détenu à quelques occasions, M. Gill n’a jamais été soupçonné d’être un terroriste ou un militant et n’avait donc nullement à craindre la persécution s’il devait retourner en Inde. J’abonde dans le sens du défendeur. Il faut lire une décision en son entier pour bien la comprendre, et un tel exercice fait voir en l’espèce qu’est logique l’explication fournie par le défendeur.

 

[33]           Tant la SPR que l’agente d’ERAR ont conclu que le demandeur n’était pas crédible. Il n’y a pas lieu pour notre Cour d’intervenir; la décision est claire et elle est raisonnable en son ensemble.

 


[34]           On a demandé à l’avocat de chacune des parties de proposer des questions en vue de leur certification. L’avocat du demandeur a sollicité un peu de temps pour examiner l’à‑propos d’une telle question. La Cour a refusé, puisqu’on avait eu amplement de temps avant l’audience pour y réfléchir. L’avocate du défendeur a fait valoir pour sa part que la présente affaire ne comportait aucun élément pouvant justifier d’envisager la certification d’une question. Je suis du même avis. La présente affaire n’a trait qu’à la crédibilité du demandeur.

 

                                       ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

 

-           La demande de contrôle judiciaire est rejetée et aucune question n’est certifiée.

-           L’intitulé de la cause est modifié en substituant comme défendeur le Solliciteur général du Canada au ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration.

 

                                                                                   « Simon Noël »              

                                                                                                     Juge                       


                                    COUR FÉDÉRALE

 

                     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :               IMM‑479‑04

 

INTITULÉ :            MOHINDER SINGH GILL

 

                                                                                         demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

                                                                                           défendeur

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         LE 20 OCTOBRE 2004

 

MOTIFS DE

L’ORDONNANCE :                                    Le juge Simon Noël

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 28 octobre 2004

 

 

COMPARUTIONS :

 

Stewart Istvanffy                                            POUR LE DEMANDEUR

 

Diane Lemery                                                 POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Stewart Istvanffy                                            POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

 

Morris Rosenberg                                            POUR LE DÉFENDEUR

Sous‑procureur général du Canada

Montréal (Québec)


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.