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Date : 20050502

Dossier : IMM-8951-04

Référence : 2005 CF 600

Ottawa (Ontario), le 2 mai 2005

Présent :          Monsieur le juge Blanchard

ENTRE :

                                                                 LE VAN DUNG

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                       ET DE L'IMMIGRATION

                                                                             

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

INTRODUCTION

[1]                Le demandeur se pourvoit devant cette Cour dans le contexte d'une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de laLoi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (la LIPR), à l'encontre de la décision de la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Section d'appel) datée du 6 octobre 2004. Par cette décision, le demandeur a vu son appel rejeté.


[2]                La Section d'appel a rejeté la demande de parrainage du demandeur en raison de sa détermination que le fils mineur du demandeur n'appartient pas à la catégorie du regroupement familial.

[3]                À titre de remède, le demandeur réclame l'annulation de la décision rejetant son appel et une déclaration que son fils mineur appartient à la catégorie du regroupement familial.

CONTEXTE FACTUEL

[4]                Le demandeur est originaire du Vietnam. Il cohabite en union de fait avec madame Nguyen Thi Thu Nga de 1977 à 1987. Deux fils naissent de cette union, Le Vinh Nguyen Duy (Duy) le 16 décembre 1978 et Le Vinh Nguyen Du (Du) le 9 août 1987.

[5]                En 1994, parrainé par sa seconde conjointe, le demandeur devient résident permanent au Canada. Dans sa demande de résidence permanente, le demandeur mentionne l'existence de deux enfants, soit une fille, Le Tran Hong Thuy, née le 25 février 1990, et un fils, Le Du Van Tran, né le 11 septembre 1988. Aucune mention n'est faite de Du, le fils cadet du demandeur.

[6]                Le 17 décembre 2002, la demande de parrainage de Du, le fils cadet du demandeur, est refusée par le Haut Commissariat du Canada à Singapour. Puisque le demandeur a omis de déclarer l'existence de Du dans sa demande de résidence permanente, il ne pouvait le parrainer en vertu des dispositions de l'alinéa 117(9)d) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-230 (le Règlement).


[7]                Le demandeur porte cette décision en appel devant la Section d'appel. Il se désiste toutefois de cet appel le 10 juillet 2003. Le 12 août 2003, le demandeur dépose une demande de rétablissement de cet appel qui est rejetée par la Section d'appel, le 5 septembre 2003.

[8]                Le 5 novembre 2003, une nouvelle demande de parrainage du demandeur en faveur de son fils cadet Du parvient aux bureaux de Citoyenneté et Immigration Canada. Cette demande est également refusée le 5 mai 2004 par le Haut Commissariat du Canada à Singapour pour les mêmes motifs que la première demande. Le 21 mai 2004, le demandeur dépose un appel contre cette décision qui est rejeté le 4 octobre 2004 au motif que Du n'appartient pas à la catégorie du regroupement familial en vertu de l'alinéa 117(9)d) du Règlement.

[9]                Le 20 janvier 2005, la demande d'autorisation pour entamer le présent contrôle judiciaire fut accordée.

DÉCISION CONTESTÉE

[10]            La brève décision de la Section d'appel est ainsi formulée :

L'appel est rejeté parce que [le demandeur] n'a pas démontré que le refus de l'agent des visas était non fondé en droit. D'après les renseignements fournis et la décision rendue par la Cour fédérale du Canada dans l'affaire Guzman c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l'immigration), [2004] C.F. 1276, la personne parrainée par [le demandeur], en l'occurrence son fils, n'appartient pas à la catégorie du regroupement familial.

Par conséquent, aux termes de l'article 65 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, la SAI n'a pas la compétence discrétionnaire requise pour examiner les motifs d'ordre humanitaire.


QUESTIONS EN LITIGE

[11]            Le demandeur énonce ainsi ce qu'il conçoit comme étant le point litigieux soulevé dans la présente affaire : « Le motif de refus n'a aucune base juridique car l'article 65 ne s'applique pas au cas du demandeur. » Le demandeur explique que puisqu'il a obtenu la résidence permanente en 1994, soit avant l'entrée en vigueur de la LIPR, l'alinéa 117(9)d) du Règlement de la LIPR ne s'applique pas à lui. À ce titre, le demandeur invoque les dispositions transitoires énoncées aux articles 352 et suivants du Règlement.

[12]            Subsidiairement, le demandeur maintient que la conclusion de la Section d'appel, à l'effet que la demande de parrainage de son fils cadet était irrecevable en vertu de l'alinéa 117(9)d), est erronée dans la mesure où cette disposition n'est entrée en vigueur que le 28 juin 2002, alors que la demande d'engagement a été déposée en avril 2000. Il soutient que la demande doit être étudiée sous l'égide de l'ancienne loi, soit la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. 1-2.

[13]            Il s'agit donc en l'espèce de déterminer si la Section d'appel a erré dans son interprétation de ces dispositions de la loi et des règlements et de leur application au présent dossier. La norme de contrôle appropriée pour ce faire a été établie dans l'affaire Collier c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1209, où la juge Snider a décidé qu'une telle détermination constitue une question mixte de fait et de droit. Par conséquent, la norme de contrôle de la décision raisonnable simpliciter s'impose.


ANALYSE

[14]            L'alinéa 117(9)d) du Règlement prévoit l'exclusion de certaines personnes de la catégorie du regroupement familial, plus précisément, les membres de la famille du répondant étant devenus résidents permanents qui n'ont pas été déclarés par ce dernier dans sa demande de résidence permanente. L'alinéa 117(9)d) du Règlement dispose :


117. Restrictions

(9) Ne sont pas considérées comme appartenant à la catégorie du regroupement familial du fait de leur relation avec le répondant les personnes suivantes :

d) sous réserve du paragraphe (10), dans le cas où le répondant est devenu résident permanent à la suite d'une demande à cet effet, l'étranger qui, à l'époque où cette demande a été faite, était un membre de la famille du répondant n'accompagnant pas ce dernier et n'a pas fait l'objet d'un contrôle.

117. Excluded relationships

(9) A foreign national shall not be considered a member of the family class by virtue of their relationship to a sponsor if

(d) subject to subsection (10), the sponsor previously made an application for permanent residence and became a permanent resident and, at the time of that application, the foreign national was a non-accompanying family member of the sponsor and was not examined.


[15]            Dans De Guzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 C.F. 1276, au paragraphe 35, le juge Kelen a ainsi circonscrit l'objectif sous-tendant cette disposition législative :

[35] Je suis convaincu que l'alinéa 117(9)d) du Règlement a pour objet la bonne administration de la législation canadienne en matière d'immigration. Il est raisonnable que la législation en matière d'immigration exige qu'un demandeur de résidence permanente divulgue, dans sa demande, l'existence de tous les membres de sa famille. Autrement, la demande de résidence permanente ne pourrait pas être évaluée correctement aux fins de la législation en matière d'immigration. Par conséquent, l'alinéa 117(9)d) du Règlement existe à des fins pertinentes, à savoir aux fins de prévenir la dissimulation frauduleuse de circonstances importantes qui peuvent empêcher le demandeur d'être admis au Canada.


[16]            Il existe une situation d'exception à l'application de l'alinéa 117(9)d) du Règlement. Elle est établie dans les dispositions transitoires, plus précisément aux articles 352 et 355 du Règlement, dont le texte se lit comme suit :


352. Mention dans la demande non obligatoire

La personne qui, avant l'entrée en vigueur du présent article, a fait une demande au titre de l'ancienne loi n'est pas tenue de mentionner dans sa demande, s'il ne l'accompagne pas, son conjoint de fait ou tout enfant -- qui est un enfant à charge au sens du paragraphe 2(1) du présent règlement -- qui n'est pas une « fille à charge » ou un « fils à charge » au sens du paragraphe 2(1) de l'ancien règlement.

355. Membres de la famille non exclus

L'alinéa 117(9)d) du présent règlement ne s'applique pas aux enfants à charge visés à l'article 352 du présent règlement ni au conjoint de fait d'une personne qui n'accompagnent pas celle-ci et qui font une demande au titre de la catégorie du regroupement familial ou de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada si cette personne les parraine et a fait une demande au titre de l'ancienne loi avant le 28 juin 2002.

352. Not required to be included

A person is not required to include in an application a non-accompanying common-law partner or a non-accompanying child who is not a dependent son or a dependent daughter within the meaning of subsection 2(1) of the former Regulations and is a dependent child as defined in section 2 of these Regulations if the application was made under the former Act before the day on which this section comes into force.

355. Family members not excluded from family class

If a person who made an application under the former Act before June 28, 2002 sponsors a non-accompanying dependent child, referred to in section 352, who makes an application as a member of the family class or the spouse or common-law partner in Canada class, or sponsors a non-accompanying common-law partner who makes such an application, paragraph 117(9)(d) does not apply in respect of that dependent child or common-law partner.


[17]            La limite d'âge d'un enfant à charge est passée de 18 ans en vertu du paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172 (ancien Règlement) à 21 ans en vertu de l'article 2 du Règlement actuel.


[18]            Jumelées, ces dispositions prévoient pour l'essentiel qu'il n'était pas nécessaire d'inclure un enfant âgé entre 19 et 21 ans, même s'il est une personne à charge en vertu du nouveau Règlement, à titre de fils ou fille à charge n'accompagnant pas le répondant dans la demande de résidence permanente de ce dernier présentée en vertu de l'ancien Règlement : Collier, précité.

[19]            Je suis d'avis que les dispositions transitoires pertinentes en l'espèce ont été adoptées pour remédier à une situation qui ne cadre pas avec les faits du présent dossier. En effet, tel que précédemment exposé, le jeu de ces dispositions couvre les situations étroites où un « enfant à charge » en vertu de la LIPR n'était pas un « fils à charge » ou une « fille à charge » au sens de la Loi sur l'immigration : Natt, précité; Collier, précité. En l'espèce, le demandeur a obtenu sa résidence permanente en 1994, alors que son fils Du n'était âgé que de 7 ans. Il n'entrait donc pas dans l'exception. Même si, tel que le prétend le demandeur, la date pertinente pour les fins de cette détermination est celle de la demande de parrainage et non celle de résidence permanente, ce que je ne conclus pas en l'espèce, les dispositions transitoires pertinentes ici ne s'appliqueraient toujours pas à la situation de Du, puisqu'en 2000, lors du dépôt de la demande de parrainage, il était âgé de 13 ans.

[20]            Ayant revu le dossier, je suis d'avis que la décision de la Section d'appel est bien fondée dans la mesure où le demandeur a effectivement fait défaut de mentionner l'existence de Du dans sa propre demande de résidence permanente, en 1994, ce qui a pour effet d'exclure son fils cadet de la catégorie du regroupement familial en vertu de l'alinéa 117(9)d) du Règlement.

[21]            Il s'ensuit conséquemment que je ne peux accepter la prétention du demandeur voulant que l'article 65 de la LIPR ne s'applique pas en l'espèce.


[22]            Dans les cas où la Section d'appel est saisie d'un appel du refus de délivrer le visa de résident permanent, en vertu du paragraphe 63(1) de la LIPR, l'article 65 de la LIPR fera en sorte qu'elle ne pourra étudier des considérations d'ordre humanitaire dans les cas où l'alinéa 117(9)d) du Règlement s'applique, c'est-à-dire, que la personne ne fait pas partie de la catégorie du regroupement familial.


63. Droit d'appel : visa

(1) Quiconque a déposé, conformément au règlement, une demande de parrainage au titre du regroupement familial peut interjeter appel du refus de délivrer le visa de résident permanent.

65. Motifs d'ordre humanitaire

Dans le cas de l'appel visé aux paragraphes 63(1) ou (2) d'une décision portant sur une demande au titre du regroupement familial, les motifs d'ordre humanitaire ne peuvent être pris en considération que s'il a été statué que l'étranger fait bien partie de cette catégorie et que le répondant a bien la qualité réglementaire.

63. Right to appeal - visa refusal of family class

(1) A person who has filed in the prescribed manner an application to sponsor a foreign national as a member of the family class may appeal to the Immigration Appeal Division against a decision not to issue the foreign national a permanent resident visa.

65. Humanitarian and compassionate considerations

In an appeal under subsection 63(1) or (2) respecting an application based on membership in the family class, the Immigration Appeal Division may not consider humanitarian and compassionate considerations unless it has decided that the foreign national is a member of the family class and that their sponsor is a sponsor within the meaning of the regulations.


[23]            Eu égard à ma conclusion que la Section d'appel n'a pas erré dans sa détermination quant à l'application de l'alinéa 117(9)d) du Règlement aux faits du présent dossier, il découle nécessairement que l'article 65 de la LIPR s'applique en l'espèce. La Section d'appel ne pouvait donc pas se pencher sur des considérations d'ordre humanitaire en statuant sur l'appel du demandeur interjeté en vertu du paragraphe 63(1) de la LIPR. D'ailleurs, à l'audience devant cette Cour, le procureur du demandeur a reconnu que les considérations d'ordre humanitaire n'ont pas été soulevées devant la Section d'appel.


CONCLUSION

[24]            En somme, la décision de la Section d'appel n'est aucunement entachée d'une erreur. Il n'existe pas matière à intervention pour cette Cour. La demande de contrôle judiciaire est de ce fait rejetée.

[25]            Les parties n'ont pas proposé la certification d'une question grave de portée générale telle qu'envisagée à l'article 74(d) de la LIPR. Aucune question grave de portée générale ne sera certifiée.


                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE QUE:

1.          La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.          Aucune question n'est certifiée.

                                                                     « Edmond P. Blanchard »      

                            juge                   


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-8951-04

INTITULÉ :                                        LE Van Dung c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                le 20 avril 2005

MOTIFS[de l'ordonnance ou du jugement] : L'honorable Edmond P. Blanchard

DATE DES MOTIFS :                       le 2 mai 2005

COMPARUTIONS:

Me Hoai Thu Tran Nguyen                                             POUR LE DEMANDEUR

Me Daniel Latulippe                                                       POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Hoai Thu Tran Nguyen                                      POUR LE DEMANDEUR

John J. Sims, c.r.                                                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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