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     Date : 19990609

     Dossier : T-2322-97

OTTAWA (ONTARIO), LE 9 JUIN 1999.

DEVANT : MONSIEUR LE JUGE PELLETIER

         AFFAIRE INTÉRESSANT une décision prise par J.P. Blais, inspecteur, arbitre de niveau II, conformément à l'alinéa 31(2)b) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-9, dans sa forme modifiée,                 

ENTRE

     DIDIER A.R. CUVELÉ,

     demandeur,

     et

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE PELLETIER


[1]      Il s'agit d'une demande présentée par le caporal Didier Cuvelé, qui est maître de chien au sein de la Gendarmerie royale du Canada (la Gendarmerie). Le 28 février 1996, le caporal Cuvelé a présenté un grief dans lequel il alléguait avoir droit à une rémunération de disponibilité pour la période allant du 30 novembre 1985 au 24 février 1996. Le grief découlait du refus de l'officier supérieur du caporal Cuvelé d'autoriser le paiement d'une rémunération de disponibilité en faveur du caporal Cuvelé qui, depuis qu'il était devenu maître de chien en octobre 1985, répondait aux appels en dehors des heures de travail. L'arbitre de niveau I a complètement rejeté la demande du caporal Cuvelé et a statué que celui-ci n'avait pas qualité pour présenter le grief étant donné qu'il s'agissait simplement, selon l'arbitre, d'une attaque contre la politique relative à la disponibilité de la Gendarmerie. L'arbitre de niveau II a statué que le caporal Cuvelé avait le droit de présenter le grief à l'égard de la période pendant laquelle la politique relative à la disponibilité de niveau II était en vigueur, mais il a catégoriquement rejeté la demande que le caporal Cuvelé avait présentée en vue de toucher une rémunération de disponibilité avant cette période, ou après la date à laquelle les supérieurs du caporal Cuvelé avaient informé celui-ci qu'il ne serait pas désigné à l'égard de la rémunération de disponibilité. Le caporal Cuvelé demande donc le contrôle judiciaire de la décision prise par l'arbitre de niveau II.


[2]      Il existe à la Gendarmerie une politique relative à la disponibilité qui est en vigueur depuis que le caporal Cuvelé est maître de chien. Tous les intéressés ont désigné cette politique sous le nom de politique relative à la disponibilité de niveau I. Un membre admissible de la Gendarmerie touche une heure de rémunération au taux des heures supplémentaires pour chaque période de quatre heures pendant laquelle il est en disponibilité. Au milieu des années 1990, un niveau différent de disponibilité a été établi au moyen du bulletin AM-2104 du 30 août 1995, lequel est appelé " disponibilité de niveau II ", le membre admissible touchant une heure de rémunération au taux des heures supplémentaires pour chaque période de huit heures pendant laquelle il est en disponibilité. Avant que la politique de niveau II soit adoptée, il y a eu une période d'essai (conformément au bulletin AM-1885) au cours de laquelle les membres admissibles avaient droit tous les mois à deux jours de congé additionnels à titre de rémunération lorsqu'ils étaient en disponibilité.


[3]      Le caporal Cuvelé n'a jamais été rémunéré au taux de disponibilité de niveau I, et il n'a jamais demandé à être ainsi rémunéré avant les événements qui ont donné lieu à la présentation de son grief. Il a obtenu les jours de congé additionnels en vertu du bulletin AM-1885. Il n'a pas touché de rémunération conformément au bulletin AM-2104. Son grief a été présenté à la suite du refus de ses officiers supérieurs, en février 1996, de reconnaître son admissibilité au taux de disponibilité de niveau II. L'arbitre de niveau II a fait droit au grief dans la mesure où il a accordé au caporal Cuvelé une rémunération au taux de disponibilité de niveau II pour la période allant du 30 août 1995 (soit la date à laquelle le bulletin AM-2104 a pris effet) au 1er février 1996 (soit la date à laquelle le caporal Cuvelé a été informé qu'il ne serait pas désigné aux fins de la disponibilité de niveau II), déduction faite des jours de congé additionnels accumulés au cours de cette période.


[4]      Les deux parties soutiennent que la décision de l'arbitre de niveau II doit être infirmée. Le caporal Cuvelé dit qu'il a le droit d'être rémunéré au taux de disponibilité de niveau I pour toute la période et le défendeur dit que le caporal Cuvelé n'a droit à aucune rémunération pour avoir été en disponibilité. Au début de l'audience relative à cette demande, l'avocate du caporal Cuvelé a souligné que l'arbitre de niveau II avait commis une erreur en ce sens que son client n'avait pas du tout demandé une rémunération de disponibilité de niveau II et que l'arbitre s'était fondé sur le fait que cette rémunération était demandée pour toute la période visée par le grief. Au début des plaidoiries, il était donc clair que la décision devait être infirmée, la seule question en litige étant celle de savoir si la Cour devait entendre des plaidoiries au fond de façon à donner des directives au nouvel arbitre au sujet des principes applicables. Telle était la position que l'avocat du défendeur a prise. L'avocate du caporal Cuvelé a soutenu que l'arbitre serait obligé de tirer des conclusions de fait avant que des principes juridiques entrent en ligne de compte et que cette cour ne pouvait pas tirer ces conclusions de fait ou les prévoir. J'ai décidé d'entendre les plaidoiries au fond de façon à déterminer s'il était possible de donner des directives au nouvel arbitre.


[5]      Certaines questions ont été réglées à l'amiable et ne devraient plus se poser dans l'avenir. Il s'agit des questions suivantes :

     1.      L'avocate du caporal Cuvelé n'a pas concédé qu'il ne convenait pas de désigner le commissaire de la GRC et la Gendarmerie elle-même, mais elle a convenu que même si ceux-ci n'étaient pas parties, son client pourrait néanmoins exercer un recours contre le Conseil du Trésor, qui administre le système de paie de la Gendarmerie. Par conséquent, Philip J.R. Murray, commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, et la Gendarmerie royale du Canada ont été radiés à titre de parties à la présente demande et l'intitulé de la cause a été modifié en conséquence.         
     2.      Une question a également été soulevée au sujet du bien-fondé de certains affidavits déposés dans cette demande, au moyen desquels étaient versés au dossier certains renseignements dont l'arbitre de niveau II ne disposait pas. D'autre part, l'avocat du défendeur s'est opposé à certaines parties de l'affidavit du caporal Cuvelé au moyen duquel des renseignements dont ne disposait pas l'arbitre de niveau II étaient également mis à la disposition de la Cour. Il est de droit constant que la preuve que le tribunal chargé du contrôle judiciaire peut examiner est limitée au dossier dont disposait le décideur initial, à moins que la demande ne soit fondée sur la faute du décideur. J'ai fait savoir que ne je tiendrais pas compte des éléments dont ne disposait pas l'arbitre de niveau II, sauf peut-être en ce qui concerne les documents dont je pourrais prendre connaissance d'office.         
     3.      Il est reconnu qu'à un moment donné au cours de l'examen du grief, l'arbitre de niveau II a demandé des renseignements à un membre de la Gendarmerie sans en informer les parties ou sans leur donner la possibilité d'y répondre. Le défendeur admet que cela constitue une violation des règles de justice naturelle. Étant donné que l'affaire doit être renvoyée, on me demande de simplement noter la violation en vue d'empêcher que la chose se reproduise, et c'est ce que j'ai fait.         
     4.      Étant donné que le caporal Cuvelé confirme qu'il demande uniquement une rémunération de disponibilité de niveau I, la question de l'autorisation relative à la disponibilité de niveau II ne se pose plus.         
     5.      Le caporal Cuvelé a concédé que les demandes en vue de l'obtention d'intérêts à titre de dommages-intérêts et d'intérêts avant et après jugement ont été abandonnées, de sorte que ces questions ne sont plus en litige.         

[6]      L'arbitre de niveau II s'est toujours fondé aux fins de sa décision sur le fait que la rémunération de disponibilité de niveau II était sollicitée. Il semblait croire que le caporal Cuvelé se fondait sur le bulletin AM-2104 en vue d'établir son droit à une rémunération de disponibilité, mais au taux de niveau I en se fondant sur le fait que le taux de niveau II n'avait jamais été approuvé par le Conseil du Trésor. Par conséquent, l'arbitre n'a pas examiné le bien-fondé de l'argument du caporal Cuvelé selon lequel il avait été en disponibilité au niveau I depuis qu'il était maître de chien. Aucune conclusion me permettant d'appliquer la norme de contrôle pertinente n'est tirée au sujet de la question de savoir si le caporal Cuvelé était en disponibilité (à part le statut qui lui était reconnu en vertu du bulletin AM-1885). Il en va de même pour l'applicabilité de tout délai de prescription auquel est assujettie la demande du caporal Cuvelé. Il n'existe aucune conclusion à l'égard de laquelle je peux appliquer la norme de contrôle pertinente.

[7]      Par conséquent, je ne suis malheureusement pas en mesure de donner au nouvel arbitre des directives au sujet du règlement de cette demande, et ce, parce que tout ce que je pourrais dire laisse supposer certaines conclusions de fait. Or, je ne suis pas autorisé à enquêter sur les faits. En fin de compte, je peux uniquement noter l'entente conclue entre les parties sur certains points et renvoyer l'affaire.

     ORDONNANCE

     IL EST PAR CONSÉQUENT ORDONNÉ CE QUI SUIT :

     (1)      L'intitulé de la cause est modifié de façon à radier Philip J.R. Murray, commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, et la Gendarmerie royale du Canada;
     (2)      La décision de l'arbitre de niveau II, Pierre Blais, est par les présentes infirmée et l'affaire est renvoyée pour décision par un autre arbitre.

     " J.D. Denis Pelletier "

     _______________________________

     Juge

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                  T-2322-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :          DIDIER A.R. CUVELÉ ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
LIEU DE L'AUDIENCE :              Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :          Le 7 avril 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DU JUGE PELLETIER en date du 9 juin 1999

COMPARUTIONS :

Martha A. Healy                  pour le demandeur
Dogan D. Akman                  pour le défendeur

David A. Bird                  pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Osler, Hoskin & Harcourt

Ottawa (Ontario)                  pour le demandeur

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada          pour le défendeur

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