Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

                                                                                                                                           Date : 20030408

                                                                                                                             Dossier : IMM-2345-02

                                                                                                           Référence neutre : 2003 CFPI 406

Toronto (Ontario), le mardi 8 avril 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY

ENTRE :

                                                                 MAJEED HUSSAIN

                                                                                                                                                      demandeur

                                                                              - et -

                          LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                            MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]                 M. Hussain est un musulman chiite. Il vivait paisiblement dans le quartier Sanda Kalar de Lahore au Pakistan jusqu'à ce qu'il déménage dans un autre quartier de la même ville, en 1990. Une fois là-bas, il a continué à pratiquer sa religion mais, en 1995, il a commencé à avoir des ennuis avec le Sipah-e-Sahaba of Pakistan (SSP), une organisation de musulmans sunni extrémistes. Il a été harcelé au moyen de menaces téléphoniques et d'avertissements.


[2]                 M. Hussain avait l'habitude d'organiser chez lui des rassemblements religieux appelés majilis. En avril 1999, alors qu'il tenait un majilis, le SSP a interrompu la cérémonie en tirant des coups de feu dans les airs. Heureusement, personne n'a été blessé. Le SSP a averti le demandeur de mettre fin à ces rassemblements, sinon on ferait exploser sa maison. Évidemment, M. Hussein a rapporté l'incident à la police. La police lui a conseillé de ne pas déposer de plainte officielle, parce que cela risquerait d'aggraver sa situation. Il serait peut-être victime de représailles de la part du SSP. La police lui a également dit qu'elle aurait pris les mesures appropriées s'il y avait eu des blessés.

[3]                 M. Hussain a continué à faire l'objet de menaces et a décidé de se cacher. Toutefois, à l'occasion, il rendait visite à sa famille à la maison. Une nuit en novembre 1999, après l'une de ces visites, il a été attaqué et battu par des membres du SSP. Il a décidé de quitter le Pakistan.

[4]                 M. Hussain est arrivé au Canada en décembre 1999 et a déposé une demande de statut de réfugié. La Commission de l'immigration et du statut de réfugié a refusé sa demande en avril 2002. La Commission a convenu du fait que M. Hussain avait été maltraité par le SSP mais a tiré la conclusion qu'il aurait dû profiter davantage de la protection que l'État pakistanais était en mesure de lui offrir. Le demandeur cherche à faire annuler cette décision et à obtenir un nouvel examen de sa demande.

I. Question en litige

[5]                 Il n'y a qu'une seule question en litige dans la présente affaire. Il s'agit de savoir si la Commission a commis une erreur grave lorsqu'elle a conclu que, dans les circonstances, l'État était en mesure d'offrir une protection à M. Hussain.


[6]                 La Commission a fait état d'une preuve documentaire importante ainsi que de la jurisprudence de la Cour qui démontrent que les autorités pakistanaises prennent des mesures importantes pour freiner la violence sectaire. (Voir les décisions Syed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1556 (QL) (1re inst.), et Ahmad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 1re inst. 171, [2002] A.C.F. no 217 (QL) (1re inst.). Selon M. Hussain, peu importe les mesures prises par le Pakistan, celles-ci n'avaient aucun effet dans son cas. Il avait tenté, mais en vain, de faire en sorte que l'État soit intéressé à le protéger.

A. Le fardeau incombant au demandeur


[7]                 Dans une situation où un demandeur démontre qu'il a une crainte légitime de persécution, la question se pose de savoir si l'État peut ou veut fournir une protection adéquate. Pour qu'une demande de statut de réfugié soit acceptée dans de telles circonstances, le demandeur doit fournir « de façon claire et convaincante » la preuve que la protection de l'État n'est pas disponible (Canada (Procureur général ) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689). On peut y arriver en examinant les expériences personnelles du demandeur ou celles d'individus qui se trouvent dans une situation semblable. La preuve doit aller au-delà d'une description de la situation locale; en effet, l'incapacité ou le refus de fournir une protection dans une région donnée ne permet pas nécessairement de conclure à l'absence de protection dans l'ensemble de l'État (Zhuravlvev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 507, au paragraphe 31). Les États peuvent, bien sûr, faire de leur mieux pour protéger leurs citoyens et ne pas y arriver. Ils ne sont pas tenus à une norme de perfection : (Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c. Villafranca, [1992] A.C.F. no 1189 (QL) (C.A.)). La véritable question est de savoir s'il eût été raisonnable dans les circonstances de s'attendre à ce que la personne tente de se prévaloir de la protection offerte par son propre gouvernement, plutôt que de chercher refuge au Canada : (Ward, précité).

B. La tentative de M. Hussain d'obtenir la protection de l'État

[8]                 Dans la présente affaire, M. Hussain souligne sa tentative d'obtenir l'aide des autorités policières à la suite de l'incident où des coups de feu ont été tirés à l'extérieur de sa demeure en avril 1999. Il dit que la réponse passive de la police lors de cet incident a démontré l'absence de volonté de l'État de le protéger.

[9]                 La Commission a examiné cette question. Elle a dit que la réponse de la police témoignait de « prudence de la part de la police, afin de ne pas enflammer une situation délicate » . La Commission aurait pu choisir un meilleur terme que « prudence » . Mais ce qu'elle voulait exprimer est que, dans certaines circonstances, l'intervention de la police peut nuire à la cause plutôt que l'aider. Les autorités policières doivent faire des choix, en tenant compte des priorités, des tactiques et des relations à l'intérieur de la collectivité. Parfois, elles peuvent raisonnablement conclure qu'il vaut mieux ne pas intervenir dans certains événements.


C. Y avait-il absence de protection de l'État?

[10]            Il ne fait aucun doute que l'incident où des coups de feu ont été tirés à la résidence de M. Hussain était un incident grave. Mais, eu égard à toutes les circonstances, la réponse de la police ne se traduisait pas par un refus définitif d'offrir sa protection. M. Hussain a témoigné que la police lui avait dit que s'il y avait eu des blessés [traduction] « il se serait agit d'une tout autre affaire » . Il avait songé à aller voir quelqu'un de plus haut placé à la police, comme le chef de police, mais a senti que ce serait inutile à la lumière de la réponse précédente.

[11]            Il est révélateur que malgré le fait que la police a dit qu'elle serait intervenue s'il y avait eu des blessés, M. Hussain n'a pas rapporté l'incident où il a été attaqué. Il a dit qu'en se basant sur son premier échange avec la police, il croyait qu'une deuxième visite serait inutile.

[12]            Toutefois, la police a précisé qu'elle serait intervenue s'il y avait eu des blessés. Par conséquent, il incombait à M. Hussain de rapporter ses blessures. Il a présumé trop rapidement que la protection de l'État ne lui était pas disponible. Il ne fait aucun doute qu'il était découragé et frustré, pour ne pas dire davantage, après sa première visite à la police. Néanmoins, ses expériences ne se traduisent pas par une preuve « claire et convaincante » que la protection de l'État ne lui était pas disponible. Dans les circonstances, il eut été raisonnable de s'attendre à ce qu'il cherche à se prévaloir de la protection de son État d'origine plutôt que de chercher refuge au Canada.


II. Conclusion

[13]            Vu la preuve qui lui a été soumise, il était loisible à la Commission de conclure que M. Hussain n'avait pas démontré l'absence de protection de l'État à la suite du mauvais traitement qu'il a subi. Je ne peux conclure que la Commission a commis une erreur dans son raisonnement ou dans sa décision.

[14]            Aucune question grave de portée générale n'a été soulevée ou proposée pour certification .

                                                                        JUGEMENT

LA COUR ORDONNE QUE la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question grave de portée générale n'est formulée.

« James W. O'Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

Caroline Raymond, LL.L.

        


COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                           IMM-2345-02

                                                                                   

INTITULÉ :                                        MAJEED HUSSAIN     

c.                                                                                                      

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

L' IMMIGRATION

                                                                                                                                                                       

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :              le mercredi 19 mars 2003

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                               le juge O'Reilly

DATE DES MOTIFS :                      le mardi 8 avril 2003

COMPARUTIONS :

Max Berger                                        POUR LE DEMANDEUR

Michael Butterfield                                POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Max Berger                                            POUR LE DEMANDEUR

Max Berger & Associates

1033, rue Bay, bureau 207

Toronto (Ontario)

M5S 3A5                                                                                       

Morris Rosenberg                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                                                                           


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                             Date : 20030408

                              Dossier: T-2345-02

ENTRE :

MAJEED HUSSAIN     

                                                                        demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

L'IMMIGRATION

                                                                          défendeur

                                                                                      

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT

                                                                                      

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.