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Date : 20030130

Dossier : T-415-02

Référence neutre : 2003 CFPI 107

Vancouver (Colombie-Britannique), le jeudi 30 janvier 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLANCHARD

ENTRE :

                             BURBERRY LIMITED

demanderesse

                                  - et -

                     HOWARD COLTON, 546332 B.C. LTD.

          et autres inconnus faisant affaires sous le nom de

                        COLTON INTERNATIONAL et

                             THE HOWARD GROUP

défendeurs

                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]    Il s'agit d'une requête des défendeurs, présentée en vertu de l'article 51 des Règles de la Cour fédérale (1998), portant en appel l'ordonnance du protonotaire Lafrenière rendue le 4 novembre 2002, laquelle disposait :

[TRADUCTION]Les défendeurs sont requis de fournir les précisions exigées par l'ordonnance du 17 avril 2002 et par l'ordonnance du 9 juillet 2002. Sans que soit limitée la portée générale de l'ordonnance du 17 avril 2002, les précisions devront comprendre toutes les opérations auxquelles peuvent avoir participédes détaillants américains.


La défense modifiée datée du 18 juillet 2002 est, par la présente, radiée.

Les défendeurs ne peuvent déposer d'autres actes de procédure sans l'autorisation de la Cour.

Les défendeurs sont tenus de fournir les précisions dans les 30 jours suivant la date de l'ordonnance, faute de quoi la défense sera radiée sans autre avis.

Les dépens afférents à la présente requête sont adjugés en faveur de la demanderesse sans égard à l'issue de l'instance.

[2]    Les défendeurs demandent une ordonnance infirmant l'ordonnance du 4 novembre 2002. Ils demandent également que leur soient adjugés en leur faveur les dépens afférents à la présente requête ainsi qu'à la requête devant le protonotaire entendue le 21 octobre 2002.

[3]    Il s'agit en l'occurrence d'une affaire d'usurpation de marque de commerce. Dans sa déclaration, la demanderesse soutient que les défendeurs ont fait le commerce de copies de vêtements et d'accessoires portant les marques de commerce déposées BURBERRY et la marque de commerce déposée BURBERRY CHECK appartenant à la demanderesse. Celle-ci prétend que lesdites copies sont de qualitéinférieure aux originaux.


[4]    Les défendeurs nient ces prétentions et allèguent, aux paragraphes 6 et 7 de leur défense, qu'ils n'ont exercéau Canada aucune activitétouchant des marchandises portant une marque de commerce de la demanderesse et qu'en conséquence, la Loi sur les marques de commerce ne s'applique pas. Les défendeurs allèguent en outre, au paragraphe 8 de leur défense, que [TRADUCTION] « ... les marchandises portant une marque de commerce appartenant à la demanderesse, qui sont de quelque façon passées entre les mains des défendeurs, avaient étéconfectionnées par la demanderesse ou avec sa permission » .

[5]    La demanderesse a demandédes précisions concernant les paragraphes 6, 7 et 8 de la défense. Le protonotaire Lafrenière, dans son ordonnance du 17 avril 2002, a ordonnéaux défendeurs de fournir des précisions, comme suit :

[TRADUCTION]

(a)      Des précisions quant aux marchandises portant la marque de commerce de la demanderesse, que les défendeurs ont eues entre les mains;

(b)      Des précisions quant aux gestes que les défendeurs ont accomplis à l'égard des marchandises, quant à la nature de l'opération ou des opérations visant ces marchandises, quant aux parties à ces opérations et quant à toute modification apportée aux marchandises;

(c)      Des précisions quant à l'origine de ces marchandises, quant à leur confection avec la permission de la défenderesse, quant aux personnes les ayant confectionnées et quant aux parties aux divers transferts précédant leur détention par les défendeurs.


[6]    Dans une ordonnance subséquente rendue le 9 juillet 2002, le protonotaire Lafrenière a considéréque les défendeurs avaient fait défaut de se conformer à l'ordonnance du 17 avril. Le protonotaire écrivait : [TRADUCTION] « ... Au paragraphe 8 de leur défense, les défendeurs font énigmatiquement allusion à un certain commerce de marchandises portant la marque de commerce de la demanderesse. Par conséquent, les défendeurs sont mal placés pour refuser de fournir des précisions sur lesdites marchandises en invoquant leur non-pertinence, puisqu'ils ont eux-mêmes mis ces marchandises en cause. De plus, les défendeurs ne peuvent se soustraire à une demande en déterminant unilatéralement quels faits débordent du cadre des actes de procédure ou ne relèvent pas de la compétence de cette Cour » . Le protonotaire a accueilli une requête présentée au nom de la demanderesse et ordonnéaux défendeurs de fournir les précisions exigées dans son ordonnance du 17 avril.

[7]    Les défendeurs n'ont pas portéles ordonnances du 17 avril et du 9 juillet 2002 en appel. Ils ont plutôt déposé, le 19 juillet 2002, une défense modifiée. Les défendeurs soutiennent que cette défense modifiée a étédéposée de plein droit conformément à la règle 200 des Règles de la Cour fédérale (1998), laquelle prévoit ce qui suit :

Modification de plein droit - Malgréles règles 75 et 76, une partie peut, sans autorisation, modifier l'un de ses actes de procédure à tout moment avant qu'une autre partie y ait répondu ou sur dépôt du consentement écrit des autres parties.

[8]        Les défendeurs allèguent qu'ils avaient le droit de modifier le paragraphe 8 de leur défense. Ils soutiennent que ce paragraphe constituait un moyen de défense subsidiaire visant à remplir l'obligation imposée par les Règles, de plaider les questions qui pourraient entraîner le rejet de la cause d'action ou pourraient prendre la demanderesse par surprise, si elles n'étaient pas plaidées. Les défendeurs allèguent en conséquence qu'il n'existait aucun fondement juridique ou factuel à une ordonnance radiant la défense modifiée.


[9]         Les défendeurs prétendent également que le protonotaire a commis une erreur de droit et a mal apprécié les faits lorsqu'il a ordonné que des précisions soient fournies relativement aux opérations auxquelles peuvent avoir participé des détaillants américains.

[10]       Le juge saisi de l'appel contre l'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les cas suivants : l'ordonnance est entachée d'erreur, en ce sens que le protonotaire a exercéson pouvoir en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits, ou l'ordonnance portait sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue de la cause. Dans ces cas, le juge saisi de l'appel doit exercer son pouvoir discrétionnaire en reprenant l'affaire depuis le début (Canada c. Aqua Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425).

[11]       L'ordonnance du protonotaire du 4 novembre 2002 pourrait avoir une influence déterminante sur l'issue de la cause puisque la défense pourrait être radiée dans l'éventualité où les défendeurs omettraient de fournir les précisions qui font l'objet de l'ordonnance. En conséquence, j'exercerai mon pouvoir discrétionnaire en reprenant l'affaire depuis le début.


[12]       Je suis convaincu que cet appel ne saurait être accueilli. Je suis en substance d'accord avec les prétentions écrites de la demanderesse, notamment les paragraphes 6 à 13. Les défendeurs doivent se conformer à l'ordonnance du 17 avril 2002. Les opérations américaines que mentionne le protonotaire dans l'ordonnance du 4 novembre 2002 entrent dans le cadre de son ordonnance du 17 avril 2002. Je suis en outre d'avis que le protonotaire n'a pas commis d'erreur de droit en refusant de recevoir la défense modifiée et en statuant que la défense soit radiée si les défendeurs omettent de se conformer à l'ordonnance. La Cour délivre régulièrement des ordonnances radiant des actes de procédures par suite de l'omission de se conformer à une ordonnance.

[13]       Je suis tout à fait d'accord avec l'opinion exprimée par écrit par le protonotaire dans son ordonnance du 4 novembre 2002, à savoir que [TRADUCTION] « ... Les défendeurs ont constamment soutenu que les opérations auxquelles des détaillants américains peuvent avoir participé ne sont pas pertinentes et ne relèvent pas de la compétence de la Cour. L'argument des défendeurs a été rejeté et ceux-ci semblent maintenant vouloir éviter de se conformer à l'ordonnance antérieure de la Cour en revenant sur leur position initiale » .


[14]       Dans son ordonnance du 9 juillet 2002, le protonotaire a conclu que les marchandises mentionnées au paragraphe 8 de la défense sont pertinentes et peuvent faire l'objet d'une demande de précisions de la part de la demanderesse puisque les défendeurs ont eux-mêmes mis ces marchandises en cause. Puisque cette conclusion n'a pas été portée en appel, elle demeure valide. Les défendeurs ne peuvent éviter de se conformer à une ordonnance valablement délivrée par la Cour simplement en modifiant leurs actes de procédure. Dans de pareilles circonstances, les défendeurs ne peuvent non plus invoquer la règle 200 comme fondement juridique pour se soustraire à une demande. La Cour a compétence pour gérer les instances dont elle est saisie et, par voie de conséquence, pour ordonner des mesures appropriées aux circonstances. Considérant les faits de la présente affaire, l'ordonnance du protonotaire radiant la défense était appropriée.

[15]       J'ai examiné la preuve documentaire qui a été produite. J'ai également pris en considération les arguments soumis par les avocats des parties lors de l'audience par téléconférence. Enfin, j'ai étudié l'ordonnance du 4 novembre 2002 qui fait l'objet du présent appel. Je conclus de la preuve que la décision du protonotaire n'était pas entachée d'erreur flagrante en ce sens que le protonotaire n'a pas exercéson pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits.

[16]       En conclusion, j'aurais exercé mon pouvoir discrétionnaire comme le protonotaire a exercé le sien.

[17]       L'appel sera donc rejeté.


                                                              ORDONNANCE

IL EST ORDONNÉque :

1.         L'appel soit rejeté avec dépens en faveur de la demanderesse.

(Signé) « Edmond P. Blanchard »

JUGE

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                       SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                           AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                       T-415-02

INTITULÉ :                                      Burberry Limited. c. Howard Colton et al.                          

LIEU DE L'AUDIENCE :              Vancouver (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :            Le 27 janvier 2003

MOTIFS DE

L'ORDONNANCE :                       Le juge Blanchard

DATE DES MOTIFS :                    Le 30 janvier 2003

COMPARUTIONS :

M. Michael Charles                                                               POUR LA DEMANDERESSE

M. Brian Samuels                                                                    Agent de marques de commerce des DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bereskin & Parr                                                                       POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

Keiran Bridge                                                                         POUR LES DÉFENDEURS

Avocats

Richmond (Colombie-Britannique)

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