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Date : 20020613

Dossier : IMM-5384-01

Référence neutre : 2002 CFPI 671

Toronto (Ontario), le 13 juin 2002

EN PRÉSENCE de Monsieur le juge Campbell

ENTRE :

                                                   SIDKI SAAB, MOUNTAHA SAAB,

                                                        MONA SAAB, YOUSEF SAAB

                                                                       et MAI SAAB

                                                                                                                                                     demandeurs

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire qui vise la décision du 26 octobre 2001 de la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (SAI) ayant pour effet de rejeter l'appel interjeté par les demandeurs en vertu de l'alinéa 70(1)b) de la Loi sur l'immigration relativement aux mesures de renvoi prises contre eux.


[2]                 Les demandeurs adultes sont mari et femme et ils sont citoyens du Liban et de la Suède. Les demandeurs mineurs sont les enfants de ces derniers et ils sont citoyens suédois de naissance. Les demandeurs adultes ont également trois autres enfants qui sont nés au Canada.

[3]                 Les demandeurs sont entrés au Canada en 1989 et leur statut de réfugiés au sens de la Convention y a été reconnu. Lorsqu'ils ont présenté leur revendication, ils ont omis de déclarer qu'ils étaient citoyens de la Suède. Lorsqu'on a découvert cette fausse indication, on a dépouillé les demandeurs de leur statut de réfugiés et un arbitre a prononcé contre eux une mesure de renvoi. Les demandeurs en ont appelé à la SAI de cette mesure.

[4]                 La SAI a rejeté l'appel au motif que les demandeurs n'avaient pas démontré que, eu égard à toutes les circonstances de l'affaire, ils ne devraient pas être renvoyés du Canada.

[5]                 L'avocate des demandeurs a soutenu que la SAI avait commis une erreur de droit, comme elle a minimisé l'intérêt supérieur des enfants des demandeurs adultes en n'appliquant pas les principes énoncés par la Cour suprême du Canada dans Baker c. M.C.I., [1999] 2 R.C.S. 817; avait commis une erreur de droit en fondant uniquement sa décision sur la gravité de la violation; avait commis une erreur en concluant que les demandeurs n'avaient manifesté d'aucun remords pour avoir contrevenu à la Loi sur l'immigration.

[6]                 La SAI pouvait conclure, « eu égard aux circonstances particulières de l'affaire » , dans le cadre de l'appel sous étude interjeté en vertu de l'alinéa 70(1)b) de la Loi sur l'immigration, que les demandeurs devaient être renvoyés du Canada. Le critère applicable n'est donc pas le même que dans le cas d'une décision relative à une dispense d'application du Règlement sur l'immigration de 1978 rendue en vertu de l'article 114(2) pour « des raisons d'ordre humanitaire » . La SAI s'est malgré tout fondée sur l'arrêt Baker pour rendre sa décision, et a cité textuellement le paragraphe 75 de ses motifs :

La question certifiée demande s'il faut considérer l'intérêt supérieur des enfants comme une considération primordiale dans l'examen du cas d'un demandeur sous le régime du par. 114(2) et du règlement. Les principes susmentionnés montrent que, pour que l'exercice du pouvoir discrétionnaire respecte la norme du caractère raisonnable, le décideur devrait considérer l'intérêt supérieur des enfants comme un facteur important, lui accorder un poids considérable, et être réceptif, attentif et sensible à cet intérêt. Cela ne veut pas dire que l'intérêt supérieur des enfants l'emportera toujours sur d'autres considérations, ni qu'il n'y aura pas d'autres raisons de rejeter une demande d'ordre humanitaire même en tenant compte de l'intérêt des enfants. Toutefois, quant l'intérêt des enfants est minimisé, d'une manière incompatible avec la tradition humanitaire du Canada et des directives du ministre, la décision est déraisonnable. [Souligné par la SAI.]

(Dossier des demandeurs, à la page 9.)

[7]                 La SAI a ainsi jugé admissible, pour rendre une décision en vertu de l'alinéa 70(1)b), la norme juridique de diligence exigée dans Baker pour la prise en compte de l'intérêt supérieur des enfants. Ni l'avocate des demandeurs ni celle du défendeur n'ont soutenu que ce n'était pas là l'approche appropriée.

[8]                 La SAI s'est exprimée comme suit au sujet de l'intérêt supérieur des enfants :


J'ai accordé un poids considérable à l'intérêt supérieur des enfants et j'ai été réceptif, attentif et sensible à leur intérêt. Les enfants subiront un préjudice s'ils doivent quitter le Canada, lieu de naissance des plus jeunes membres de la famille et lieu de résidence des aînés depuis longtemps. Toutefois, il reste que l'appelant et son épouse ont donné des fausses indications importantes qui visaient à induire en erreur les autorités canadiennes de l'immigration. [Non souligné dans l'original.]

(Décision de la SAI, à la page 4.)

[...]

Je reconnais que les appelants sont bien établis au Canada et qu'ils vivent dans ce pays depuis plusieurs années. Les enfants ont fréquenté l'école ici, et les plus jeunes de la famille sont nés dans ce pays.

(Décision de la SAI, à la page 5.)

[9]                 Dans Legault c. M.C.I., [2002] A.C.F. n ° 457, la Cour d'appel fédérale s'est récemment penchée sur la question du respect de la norme énoncée dans Baker. En réponse à la question certifiée quant à savoir si « la simple mention des enfants » suffit, le juge Décary a répondu comme suit, au paragraphe 13 de ses motifs :

Non. La simple mention des enfants ne suffit pas. L'intérêt des enfants est un facteur qui doit être examiné avec soin et soupesé avec d'autres facteurs. Mentionner n'est pas examiner et soupeser.

[10]            Malgré le renvoi explicite à Baker et la preuve abondante produite concernant la vie des enfants, y compris leur propre déposition à l'audience, la SAI ne mentionne que de manière superficielle dans son analyse l'intérêt supérieur des enfants. À mon avis, on ne peut considérer que cela équivaut à accorder un « poids considérable » et à être « réceptif, attentif et sensible » à cet intérêt, tel que le requiert l'arrêt Baker.

[11]            Les motifs de la SAI montrent clairement que la fausse indication des demandeurs au sujet de leur citoyenneté a constitué une considération importante et déterminante, qui a entraîné le défaut de prendre en compte de manière valable l'intérêt supérieur des enfants. À mon avis, la SAI n'a pas soupesé avec soin tous les facteurs ressortant de la preuve, tel que Legault le requiert, et il en résulte que la décision rendue est entachée d'une erreur révisable.

[12]            En toute déférence pour la conclusion de la SAI selon laquelle les demandeurs adultes n'ont manifesté aucun remords, la preuve au dossier me convainc qu'il s'agit là d'une erreur de fait. Il y a amplement de preuve au dossier quant aux remords des demandeurs adultes et, en l'absence d'énoncé clair des motifs pour lesquels on n'a pas prêté foi à cette preuve, je conclus que la conclusion de la SAI est entachée d'une importante erreur révisable.

                                           ORDONNANCE

Par conséquent, la décision de la SAI est annulée et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour nouvel examen.

« Douglas R. Campbell »

ligne

                                                                                                             Juge                        

   

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

DOSSIER :

IMM-5384-01

INTITULÉ :

SIDKI SAAB, MOUNTAHA SAAB,

MONA SAAB, YOUSEF SAAB et

MAI SAAB

                                                              demandeurs

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                 défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :

LE JEUDI 13 JUIN 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :

LE JUGE CAMPBELL

DATE DES MOTIFS ET DE L'ORDONNANCE :

LE JEUDI 13 JUIN 2002

COMPARUTIONS :

Mme Barbara Jackman

POUR LES DEMANDEURS

Mme Allison Phillips

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jackman, Waldman & Associates

Avocats

281, avenue Eglinton Est

Toronto (Ontario)

M5H 1L3

POUR LES DEMANDEURS

M. Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

         Date : 20020613

        Dossier : IMM-5384-01

ENTRE :

SIDKI SAAB, MOUNTAHA SAAB,

MONA SAAB, YOUSEF SAAB et

MAI SAAB

                                           demandeurs

- et -

    

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                              défendeur

                                                                                     

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

                                                                                     

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