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Date : 20030129

Dossier : T-1249-01

Référence neutre : 2003 CFPI 99

Toronto (Ontario), le mercredi 29 janvier 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE HENEGHAN

ENTRE :

                                                        MAURICE E. ADAMS

demandeur

et

                                    LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

LE COMITÉ D'APPEL DE LA COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE

et LE MINISTÈRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS

défendeurs

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

INTRODUCTION


[1]                 M. Maurice E. Adams (le demandeur) sollicite le contrôle judiciaire de la décision interlocutoire rendue par la présidente Giffin le 4 juin 2001. Dans sa décision, qu'elle a rendue en sa qualité de présidente d'un comité d'appel constitué conformément à l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-33, dans sa forme modifiée (la Loi), la présidente Giffin a rejeté l'appel interjeté par le demandeur à la suite d'un concours de recrutement se rapportant à une nomination au poste de directeur, Services des communications et du trafic maritimes, ministère des Pêches et des Océans (le ministère). La présidente Giffin a conclu que le comité d'appel n'avait pas compétence à l'égard de la plupart des allégations faites par le demandeur, conformément au paragraphe 21(4) de la Loi.

LES FAITS

[2]                 Le demandeur est un employé du ministère. Au début du mois de mars 1999, le concours de recrutement numéro 99-DFO-CCID-NFC-47, pour le poste de directeur, Services des communications et du trafic maritimes, a été affiché. Le demandeur s'est porté candidat au poste le 22 mars 1999.

[3]                 Le 6 juillet 1999, un jury de sélection, composé de Mme Donna O'Driscoll, de M. Ray Browne et du capitaine Alan Rowsell, a eu une entrevue avec le demandeur. Mme O'Driscoll agissait à titre de présidente.


[4]                 Le 2 août 1999, le demandeur a reçu une notification écrite de la liste d'admissibilité établie par le jury de sélection. Il s'est classé cinquième dans le concours et il n'a pas été inclus sur la première liste d'admissibilité. Par la suite, il a demandé un examen postérieur à la sélection et la communication de tous les renseignements se rapportant au concours ainsi que des renseignements concernant la procédure d'appel. Le 20 août 1999, le demandeur a déposé un avis d'appel auprès du greffier, Direction générale des appels et des recours, Commission de la fonction publique, conformément au paragraphe 21(1) de la Loi.

[5]                 Le demandeur a fait plusieurs demandes pour obtenir communication des renseignements se rapportant au concours, y compris les notes manuscrites rédigées par les membres du jury de sélection au cours des entrevues. Il a reçu des réponses contradictoires au sujet de la disponibilité des notes et a finalement été informé par Mme O'Driscoll que les notes manuscrites avaient été [TRADUCTION] « détruites » , mais que des notes dactylographiées regroupées étaient disponibles. Les notes dactylographiées ont été communiquées au demandeur en temps et lieu.

[6]                 Le demandeur a fait diverses demandes, par l'entremise de la Commission de la fonction publique, en vue d'obtenir du jury de sélection une communication plus complète des renseignements se rapportant à la destruction des notes manuscrites et à la création de la version dactylographiée. Il a également fait des demandes en vue d'obtenir une ordonnance de communication et une ordonnance prorogeant la période de communication. La Commission de la fonction publique a refusé les deux demandes.


[7]                 Le 4 novembre 1999, le demandeur a déposé ses allégations initiales auprès du ministère. Les allégations ont par la suite été modifiées avant le début de l'audience, le 25 novembre 1999. L'audience a duré trois jours, soit les 25 et 26 novembre ainsi que le 13 décembre 1999.

[8]                 La présidente du jury de sélection, Mme O'Driscoll, a présenté des observations pour le compte du ministère, mais elle n'a pas été contre-interrogée par le demandeur, même s'il en avait fait la demande.

[9]                 Le 6 janvier 2000, M. Michael Sloan, président du comité d'appel, a fait connaître sa décision et a accueilli l'appel en se fondant sur des irrégularités décelées dans deux questions qui avaient été posées pendant l'entrevue. Le comité d'appel a conclu que deux questions n'étaient pas claires et que le jury de sélection n'avait pas évalué l'habileté à communiquer par écrit. Le comité d'appel a recommandé la prise de mesures correctives à ce sujet et a accueilli l'appel.

[10]            Le 9 février 2000, le demandeur a présenté une demande de contrôle judiciaire devant la Section de première instance de la Cour fédérale à l'égard de la décision de M. Sloan. Le 13 février 2000, il a également déposé une plainte formelle auprès du Commissariat à la protection de la vie privée en alléguant que des renseignements personnels le concernant, c'est-à-dire les notes manuscrites prises par le jury de sélection dans le cadre de la procédure d'entrevue relative au concours de recrutement, avaient été détruits d'une façon illégitime.

[11]            Par une lettre en date du 25 mars 2000, la Commission de la fonction publique a pris des mesures correctives au sujet des deux questions identifiées par le comité d'appel et au sujet de l'appréciation des communications écrites. Dans cette lettre, la Commission de la fonction publique ordonnait également qu'aucune nomination ne soit effectuée à l'aide de la liste d'admissibilité.

[12]            Le 31 mars 2000, le Règlement sur l'emploi dans la fonction publique (1993) a été abrogé et remplacé par le Règlement sur l'emploi dans la fonction publique (2000) (le REFP 2000). Ce règlement accordait aux candidats inscrits sur une deuxième liste d'admissibilité résultant de la prise de mesures correctives un nouveau droit légal, selon le rang occupé, à des nominations intérimaires PM-06 pour une durée prolongée si des possibilités acceptables se présentaient au cours de la période de validité de la liste.

[13]            Le 5 mai 2000 ou vers cette date, à la suite de la mise en application des mesures correctives, une nouvelle liste d'admissibilité (la deuxième liste d'admissibilité) a été affichée. Cette liste incluait le nom de trois candidats, par ordre de mérite. Il s'agissait de Gary Rose, de Dennis Pike et du demandeur.


[14]            Le 21 mai 2000, en réponse à l'établissement de la deuxième liste d'admissibilité et conformément au paragraphe 21(1) de la Loi, le demandeur a interjeté appel contre les nominations proposées mentionnées dans cette liste. Un deuxième comité d'appel (le deuxième comité d'appel) a été constitué conformément au paragraphe 21(1) de la Loi. Une audience a débuté le 26 septembre 2000, mais à la demande de l'avocat du demandeur, elle a été ajournée par la présidente Judith H. Giffin, en attendant la conclusion de la procédure de contrôle judiciaire que le demandeur avait engagée devant la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada à l'encontre de la décision rendue par le premier comité d'appel le 6 janvier 2000.

[15]            À la suite d'un avis d'examen de l'état de l'instance, cette demande de contrôle judiciaire a été rejetée par une ordonnance en date du 19 décembre 2000 sans être tranchée au fond.

[16]            Les procédures du deuxième comité d'appel ont repris le 22 février 2001. Au début de l'audience, le représentant ministériel a soutenu que la plupart des allégations que le demandeur avait faites dans son avis d'appel ne traitaient pas des mesures correctives que le ministère avait prises et qu'à une exception près, les autres allégations n'étaient pas visées par la portée du contrôle prévu au paragraphe 21(4) de la Loi.

[17]            Des arguments ont été présentés par les parties, qui ont eu la possibilité de préparer des arguments écrits, y compris des arguments portant sur l'interprétation des paragraphes 21(3) et 21(4) de la Loi. À la suite de la réception et de l'examen de ces arguments, le deuxième comité d'appel a rendu une décision interlocutoire le 4 juin 2001.

[18]            Dans sa décision, la présidente Giffin a tiré la conclusion suivante :


[TRADUCTION] Lorsque l'audition de l'appel a repris le 22 février 2001, on a demandé à l'appelant d'indiquer les allégations, parmi les neuf allégations qu'il avait faites, qui pouvaient être considérées comme résultant des mesures correctives prises par la Commission conformément au paragraphe 21(3) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. L'appelant a refusé d'indiquer les allégations en cause.

J'ai examiné les conclusions que le président Sloan, du comité d'appel, a tirées dans sa décision du 6 janvier 2000 et les allégations avancées par l'appelant dans la lettre qu'il avait envoyée au représentant ministériel le 13 juillet 2000; je suis d'accord avec le ministère pour dire que seule une partie de la huitième allégation portant sur la cinquième (5) question utilisée dans l'évaluation des qualités personnelles se rapportait aux irrégularités décelées par le président Sloan dans sa décision et comprend une partie des mesures correctives prises par la Commission conformément au paragraphe 21(3) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

Décision interlocutoire (4 juin 2001), comité d'appel de la fonction publique. Dossier du demandeur, vol. 1 onglet 2, page 43. [non souligné dans l'original]

[19]            Le demandeur sollicite maintenant le contrôle judiciaire de la décision selon laquelle seule une partie de la huitième allégation peut être examinée par le deuxième comité d'appel. La décision rendue par le deuxième comité d'appel a pour effet de régler les autres allégations que le demandeur a faites dans son appel.

ARGUMENTS DU DEMANDEUR


[20]            Le demandeur soutient que le deuxième comité d'appel a commis une erreur en refusant de tenir compte de l'effet réel qu'avait eu pour lui la dénégation de son droit de contre-interroger un témoin au sujet des notes regroupées, à l'audience tenue par le premier comité d'appel. Le demandeur reconnaît ici que la décision Johnson c. Canada (Procureur général) (1998), 145 F.T.R. 108, confirmée (1999), 249 N.R. 136 (C.A.F.) étaye la thèse selon laquelle les appels interjetés conformément au paragraphe 21(4) de la Loi sont limités à une appréciation des mesures correctives mises en application conformément au principe de la sélection au mérite.

[21]            Le demandeur soutient que le droit a l'équité procédurale va plus loin [TRADUCTION] qu' « une allégation liée aux mesures correctives » au sens de la décision Johnson, précitée, ainsi que des paragraphes 21(3) et (4) de la Loi et que ce droit est différent de pareille allégation. Il affirme également qu'il y a eu manquement continu aux principes de justice naturelle lorsque le deuxième comité d'appel a rendu sa décision au sujet de la compétence. Il dit que l'omission du premier comité d'appel de traiter de l'inclusion de la preuve par ouï-dire, c'est-à-dire des notes regroupées, constitue également un manquement aux principes d'équité procédurale.

[22]            Le demandeur soutient que l'omission du deuxième comité d'appel de traiter de la question de l'équité procédurale qui s'était posée dans le cadre du premier appel constitue une erreur susceptible de révision. Il se fonde sur la décision Tsatsakis c. Canada (Procureur général) (1998), 152 F.T.P. 146, à l'appui de l'argument selon lequel cette admission de la preuve par ouï-dire dans une audience sans que l'autre partie ait le droit de procéder à un contre-interrogatoire viole les principes de justice naturelle. Dans cette affaire-là, où une procédure prévue par la Loi avait également été engagée, un rapport d'enquête compilé à l'aide de notes prises lors d'une entrevue avait été utilisé à l'audience. La Cour a statué que le fait que les membres du jury de sélection ne s'étaient pas présentés pour être contre-interrogés allait à l'encontre des principes de justice naturelle.


[23]            Le demandeur affirme en outre que, compte tenu de l'arrêt Danyluk c. Ainsworth Technologies, [2001] 2 R.C.S. 460, la préclusion découlant d'une question déjà tranchée (issue estoppel) ne s'applique pas lorsque le manquement aux principes de justice naturelle est continu. Les principes régissant la préclusion découlant d'une question déjà tranchée visent à établir l'équilibre, pour ce qui est de l'intérêt public, lorsqu'il s'agit d'assurer qu'un litige en arrive à une solution définitive d'une part et de veiller à ce que justice soit faite d'autre part. En l'espèce, le demandeur dit que la structure administrative donnait lieu à une injustice et que les principes de la préclusion découlant d'une question déjà tranchée ne devraient pas s'appliquer rigoureusement.

[24]            Le demandeur mentionne en outre les décisions Jain c. Canada (Procureur général) (1999), 173 F.T.R. 92 et Murphy c. Canada (Procureur général), [1999] 2 C.F. 326 (1re inst.), où il a été jugé que l'omission de communiquer le guide de l'examinateur utilisé dans le cadre d'un concours de recrutement constituait une erreur susceptible de révision.


[25]            Le demandeur affirme qu'il n'a pas pu participer d'une façon valable à l'audience tenue par le premier comité d'appel parce qu'il a été privé de la possibilité d'obtenir les notes manuscrites. Il soutient également que la destruction de ces notes manuscrites porte atteinte aux droits personnels qui lui sont reconnus par la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P-21, dans sa forme modifiée, et au droit à la sécurité de la personne protégé par l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, qui constitue l'annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), ch. 11 [ci-après la Charte].

[26]            Le demandeur affirme que les notes dactylographiées regroupées n'indiquent pas complètement ou avec exactitude ce qui s'est passé à l'entrevue. Il dit que le refus du premier comité d'appel de lui permettre de contre-interroger Donna O'Driscoll a porté encore plus atteinte à son droit à l'équité procédurale.

[27]            Enfin, le demandeur affirme que la décision interlocutoire qui est ici en cause constitue la décision définitive effective rendue à l'égard du deuxième appel. Il lui est maintenant loisible de solliciter le contrôle judiciaire de la décision du deuxième comité d'appel même si cette décision est qualifiée de décision [TRADUCTION] « interlocutoire » .

ARGUMENTS DES DÉFENDEURS

[28]            La position prise par les défendeurs se rapporte à la norme de contrôle qui s'applique à la décision d'un comité d'appel constitué conformément au paragraphe 21(4) de la Loi. Les défendeurs affirment que la norme qu'il convient d'appliquer est celle de la décision correcte, dans les cas où un comité d'appel interprète la compétence qui lui est conférée par la Loi. À cet égard, les défendeurs se fondent sur la décision Johnson, précitée.

[29]            De plus, les défendeurs soutiennent que la décision de la présidente Giffin est correcte. Le demandeur n'a pas énoncé ses allégations dans le contexte des mesures correctives prises par la Commission, en réponse à son premier appel, et les questions soulevées dans le deuxième appel ne relevaient pas de la compétence du deuxième comité d'appel.

[30]            Quoi qu'il en soit, les défendeurs disent que les arguments avancés par le demandeur dans le cadre de la procédure de contrôle judiciaire se rapportent aux présumées irrégularités commises lors de l'audience tenue par le premier comité d'appel. Le demandeur demande en fait au deuxième comité d'appel d'examiner la décision du premier comité d'appel, soit un organisme jouissant du même statut. Cela excède clairement le pouvoir du deuxième comité d'appel.

[31]            La marche que le demandeur devait suivre pour contester les erreurs procédurales découlant de l'audience tenue par le premier comité d'appel consistait à présenter une demande de contrôle judiciaire à l'égard de l'audience antérieure. C'est ce que le demandeur a fait, mais la demande a été rejetée pour le motif qu'elle était tardive, au moyen d'une ordonnance rendue le 19 décembre 2000 par Monsieur le juge Blais, de la Section de première instance de la Cour fédérale.


[32]            Les défendeurs soutiennent également que même si la décision du premier comité d'appel avait un effet continu sur l'appel subséquent, le paragraphe 21(4) de la Loi impose une limite aux motifs possibles d'appel en définissant clairement la compétence restreinte que possède un comité d'appel lorsqu'il s'agit d'examiner les mesures correctives prises en vertu du paragraphe 21(3) de la Loi.

[33]            Enfin, les défendeurs notent que cette restriction, en ce qui concerne d'autres appels, permet de mettre un terme à la procédure de sélection, comme il en est fait mention dans la décision Johnson, précitée, au paragraphe 14.

ANALYSE

[34]            La demande ici en cause est présentée conformément à la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, dans sa forme modifiée. Le paragraphe 18.1(4) énonce les motifs de contrôle comme suit :


(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises par la Section de première instance si elle est convaincue que l'office fédéral, selon le cas :

(4) The Trial Division may grant relief under subsection (3) if it is satisfied that the federal board, commission or other tribunal

a) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l'exercer;

(a) acted without jurisdiction, acted beyond its jurisdiction or refused to exercise its jurisdiction;

b) n'a pas observé un principe de justice naturelle ou d'équité procédurale ou toute autre procédure qu'il était légalement tenu de respecter;

(b) failed to observe a principle of natural justice, procedural fairness or other procedure that it was required by law to observe;

c) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier;

(c) erred in law in making a decision or an order, whether or not the error appears on the face of the record;

d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

(d) based its decision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it;

e) a agi ou omis d'agir en raison d'une fraude ou de faux témoignages;

(e) acted, or failed to act, by reason of fraud or perjured evidence; or

f) a agi de toute autre façon contraire à la loi.

(f) acted in any other way that was contrary to law.


[35]            En règle générale, on ne peut demander le contrôle judiciaire de décisions interlocutoires : voir Szczeka c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 116 D.L.R. (4th) 334, 170 N.R. 58 (C.A.F.). La décision ici en cause est qualifiée par le décideur, soit le deuxième comité d'appel, de [TRADUCTION] « décision interlocutoire » , mais il a en fait été statué que la plupart des allégations qui sont énoncées dans l'avis d'appel ne relèvent pas de la compétence du comité d'appel. Par conséquent, cette décision est fondamentalement une décision définitive se rapportant aux questions qui, selon le comité d'appel, ne relevaient pas de sa compétence. La demande de contrôle judiciaire a donc été présentée à bon droit.

[36]            La conclusion tirée par le deuxième comité d'appel sur le plan de la compétence découle de l'article 21 de la Loi. Cette disposition régit le droit d'appel se rapportant à certains concours et à certaines nominations au sein de la fonction publique fédérale. L'article 21 est ainsi libellé :



21. (1) Dans le cas d'une nomination, effective ou imminente, consécutive à un concours interne, tout candidat non reçu peut, dans le délai fixé par règlement de la Commission, en appeler de la nomination devant un comité chargé par elle de faire une enquête, au cours de laquelle l'appelant et l'administrateur général en cause, ou leurs représentants, ont l'occasion de se faire entendre.

21. (1) Where a person is appointed or is about to be appointed under this Act and the selection of the person for appointment was made by closed competition, every unsuccessful candidate may, within the period provided for by the regulations of the Commission, appeal against the appointment to a board established by the Commission to conduct an inquiry at which the person appealing and the deputy head concerned, or their representatives, shall be given an opportunity to be heard.(1.1) Dans le cas d'une nomination, effective ou imminente, consécutive à une sélection interne effectuée autrement que par concours, toute personne qui satisfait aux critères fixés en vertu du paragraphe 13(1) peut, dans le délai fixé par règlement de la Commission, en appeler de la nomination devant un comité chargé par elle de faire une enquête, au cours de laquelle l'appelant et l'administrateur général en cause, ou leurs représentants, ont l'occasion de se faire entendre.

(1.1) Where a person is appointed or about to be appointed under this Act and the selection of the person for appointment was made from within the Public Service by a process of personnel selection, other than a competition, any person who, at the time of the selection, meets the criteria established pursuant to subsection 13(1) for the process may, within the period provided for by the regulations of the Commission, appeal against the appointment to a board established by the Commission to conduct an inquiry at which the person appealing and the deputy head concerned, or their representatives, shall be given an opportunity to be heard.

(2) Sous réserve du paragraphe (3), la Commission, après avoir reçu avis de la décision du comité visé aux paragraphes (1) ou (1.1), doit en fonction de celle-ci :

(2) Subject to subsection (3), the Commission, on being notified of the decision of a board established under subsection (1) or (1.1), shall, in accordance with the decision,

a) si la nomination a eu lieu, la confirmer ou la révoquer;

b) si la nomination n'a pas eu lieu, y procéder ou non.

(a) if the appointment has been made, confirm or revoke the appointment; or

(b) if the appointment has not been made, make or not make the appointment.

(2.1) En cas de révocation de la nomination, la Commission peut nommer la personne visée à un poste qu'elle juge en rapport avec ses qualifications.

(2.1) Where the appointment of a person is revoked pursuant to subsection (2), the Commission may appoint that person to a position within the Public Service that in the opinion of the Commission is commensurate with the qualifications of that person.

(3) La Commission peut prendre toute mesure qu'elle juge indiquée pour remédier à toute irrégularité signalée par le comité relativement à la procédure de sélection.

(3) Where a board established under subsection (1) or (1.1) determines that there was a defect in the process for the selection of a person for appointment under this Act, the Commission may take such measures as it considers necessary to remedy the defect.


(4) Une nomination, effective ou imminente, consécutive à une mesure visée au paragraphe (3) ne peut faire l'objet d'un appel conformément aux paragraphes (1) ou (1.1) qu'au motif que la mesure prise est contraire au principe de la sélection au mérite.

(4) Where a person is appointed or is about to be appointed under this Act as a result of measures taken under subsection (3), an appeal may be taken under subsection (1) or (1.1) against that appointment only on the ground that the measures so taken did not result in a selection for appointment according to merit.(5) L'article 10 et le droit d'appel prévu au présent article ne s'appliquent pas dans le cas où la nomination est faite en vertu des paragraphes 29(1.1) ou (3), 30(1) ou (2) ou 39(3) ou des règlements d'application de l'alinéa 35(2)a), ou en vertu du paragraphe 11(2.01) de la Loi sur la gestion des finances publiques.

(5) Section 10 and the rights of appeal provided by this section do not apply to appointments made under subsection 29(1.1) or (3), 30(1) or (2) or 39(3) of this Act or subsection 11(2.01) of the Financial Administration Act or any regulations made under paragraph 35(2)(a) of this Act.


[37]            L'article 21 vise à assurer que les nominations au sein de la fonction publique sont effectuées selon le mérite. Je me reporterai à l'arrêt Charest c. Canada (Procureur général), [1973] C.F. 1217 (C.A.), dans lequel la Cour a fait les remarques suivantes, aux pages 1220 et 1221 :

Suivant l'article 10 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, « les nominations à des postes de la Fonction publique [...] doivent être faites [...] selon une sélection établie au mérite » . La tenue d'un concours est un des moyens que prévoit la loi pour atteindre cet objectif de la sélection au mérite. Or, il est important de voir que c'est également dans le but d'assurer le respect du principe de la sélection au mérite que l'article 21 accorde un droit d'appel aux candidats qui n'ont pas été reçus à un concours. Lorsqu'un candidat malheureux exerce ce droit, il n'attaque pas la décision qui l'a déclaré non qualifié, il appelle, comme le dit l'article 21, de la nomination qui a été faite ou qui est sur le point d'être faite en conséquence du concours. Si l'article 21 prévoit un droit d'appel, ce n'est donc pas pour protéger les droits de l'appelant, c'est pour empêcher qu'une nomination soit faite au mépris du principe de la sélection au mérite. Tel étant le but que, à mon avis, le législateur avait en vue en édictant l'article 21, il m'apparaît clair qu'un comité nommé en vertu de cet article n'agit pas irrégulièrement si, constatant qu'un concours a été tenu dans des conditions telles qu'on puisse douter qu'il permette de juger du mérite des candidats, il décide qu'aucune nomination ne devra être faite suite à ce concours. Une pareille décision peut certes causer un certain préjudice à des candidats qualifiés qui n'ont rien à se reprocher. Mais, outre que ce préjudice est bien minime (puisque les candidats pourront toujours se présenter à un autre concours), il serait anormal d'admettre, pour l'éviter, que des nominations se fassent dans la Fonction publique sans que l'on soit assuré que le principe de la sélection au mérite est respecté.


[38]            En l'espèce, le demandeur a partiellement eu gain de cause en interjetant appel à l'égard da la liste d'admissibilité créée au moyen de la procédure de sélection. L'allégation que le demandeur a faite dans son premier appel portait sur le fait que les notes manuscrites qui avaient été prises lors des entrevues avaient été détruites et remplacées par les notes dactylographiées regroupées, mais l'appel qu'il a interjeté a été accueilli pour le motif que deux questions posées aux candidats n'étaient pas claires et que le jury de sélection n'avait pas évalué les compétences sur le plan de la communication écrite. Le demandeur a sollicité le contrôle judiciaire de cette décision, mais la demande a été rejetée pour cause de retard.

[39]            À mon avis, le fait que la procédure de contrôle judiciaire relative à la décision du premier comité d'appel a été rejetée pour cause de retard sans qu'une décision soit rendue au fond ne change rien aux conséquences de cette décision. Le résultat de cette décision est que la Cour n'est plus saisie des questions qui ont été soulevées dans cette demande-là et que ces questions ne sont pas justiciables dans le cadre de la présente instance. La Cour peut uniquement examiner les questions soulevées dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire dont elle est maintenant saisie qui se rapportent à la décision du deuxième comité d'appel.

[40]            Le paragraphe 21(3) de la Loi prévoit que la Commission de la fonction publique peut exercer son pouvoir discrétionnaire pour prendre les mesures nécessaires en vue de corriger une irrégularité dans le cadre d'une procédure de sélection, à condition que ces mesures donnent lieu à une nomination fondée sur le mérite.


[41]            En l'espèce, la Commission de la fonction publique a ordonné que des mesures correctives soient prises et qu'aucune nomination ne soit effectuée à l'aide de la liste d'admissibilité. Une nouvelle liste d'admissibilité a été créée et le demandeur a interjeté un autre appel à l'égard de la nouvelle liste.

[42]            Le paragraphe 21(4) prévoit le droit d'interjeter un appel subséquent une fois qu'il a été remédié aux irrégularités commises dans le cadre d'une procédure de sélection. Toutefois, le droit d'interjeter pareil appel, à la suite de la prise de mesures correctives, n'est pas absolu. Ce point a été examiné dans la décision Johnson, précitée, trois appels successifs ayant été interjetés à l'égard de certaines nominations et de mesures correctives prises par la Commission de la fonction publique.

[43]            Dans l'affaire Johnson, précitée, les appelants avaient cherché à invoquer de nouveaux motifs d'appel qui n'avaient pas été soulevés dans les premier et deuxième appels. Ces motifs avaient été rejetés par le comité d'appel pour le motif qu'ils n'avaient rien à voir avec les mesures réparatrices adoptées par la Commission de la fonction publique. En confirmant la décision rendue par le comité d'appel dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire, Monsieur le juge Hugessen a dit ce qui suit au paragraphe 11 :

[...] il est tout à fait clair, à mon sens, que seules les mesures qui ont été prises ou omises en application du paragraphe 21(3), c'est-à-dire les mesures visant à remédier à une irrégularité signalée par un comité d'appel, peuvent faire l'objet d'un appel supplémentaire. En d'autres termes, le paragraphe 21(3) concerne les irrégularités et les mesures prises pour y remédier. Un appel supplémentaire fondé sur le paragraphe 21(4) porte uniquement sur les répercussions de ces mesures sur les irrégularités en question. Les trois nouveaux motifs que les requérants ont invoqués devant le troisième comité d'appel et qu'ils soulèvent à nouveau en l'espèce ne respectent manifestement pas ce critère.

[44]            En outre, au paragraphe 14 de la décision Johnson, précitée, le juge Hugessen a parlé du rapport existant entre les paragraphes 21(3) et 21(4) de la Loi; voici ce qu'il a dit :

[...] les paragraphes 21(3) et 21(4) ne comportent aucun élément très draconien ou radical. Ils énoncent simplement que, lorsque la Commission décide de prendre des mesures correctives plutôt que de revenir au point de départ et de lancer un nouveau concours, le moment pertinent pour l'évaluation du mérite des candidats demeure le même. Lors du deuxième appel, les mesures correctives sont évaluées sur le plan de leur conformité avec le principe de la sélection au mérite, mais aucune autre question, qu'elle ait pu ou non être soulevée lors du premier appel, ne peut être examinée. Le législateur a décidé de mettre un terme de cette façon à la procédure de nomination. [Non souligné dans l'original.]

[45]            La décision que la présidente Giffin a rendue lorsque le deuxième comité d'appel a examiné l'affaire traite exclusivement de la question de savoir si les allégations que le demandeur a faites devant ce comité se rapportaient aux mesures correctives prises conformément au paragraphe 21(3) de la Loi ainsi que de la question de savoir si elles relèvent de la compétence du comité, conformément au paragraphe 21(4). La présidente a conclu que les allégations, à une exception près, n'avaient rien à voir avec les mesures correctives qui avaient été prises à la suite du premier appel dans lequel le demandeur avait en partie eu gain de cause.


[46]            Je me reporte encore une fois à la décision Johnson, précitée, dans laquelle la Cour a conclu, au paragraphe 15, que la norme de contrôle qui s'applique à cette question de compétence est celle de la décision correcte. À mon avis, le deuxième comité d'appel a correctement identifié la question en cause et y a répondu. La plupart des allégations que le demandeur avait faites dans le deuxième appel n'ont rien à voir avec les mesures correctives qui ont été prises à la suite du premier appel. Il n'y a rien dans la conclusion tirée par le deuxième comité d'appel qui justifie une intervention judiciaire.

[47]            Quant aux arguments que le demandeur a invoqués au sujet des présumés manquements à la Loi sur la protection des renseignements personnels, ils se rapportent à l'entrevue qu'il a eue devant le jury de sélection. Le dossier montre que le demandeur a été informé que le ministère avait ajusté ses politiques relatives aux renseignements portant sur l'évaluation des candidats qui devaient être versés au dossier, conformément à une lettre en date du 7 avril 2000 du directeur général intérimaire, Direction de la législation et des politiques de renouvellement du personnel. La lettre confirmait que le but visé par la Commission de la fonction publique, en ce qui concerne les notes qui étaient prises par les membres du jury au cours des entrevues, était de s'assurer que les nominations soient effectuées selon le principe de la sélection au mérite.

[48]            À mon avis, les questions qui se posent à l'égard de la Loi sur la protection des renseignements personnels ne sont pas ici pertinentes et doivent être soulevées devant un autre ressort.

[49]            La dernière question à examiner se rapporte à l'argument relatif à l'atteinte aux droits reconnus au demandeur à l'article 7 de la Charte, qui est ainsi libellé :

Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

[50]            Les arguments invoqués par le demandeur à l'égard d'une présumée violation de la Charte se rapportent encore une fois à la destruction des notes manuscrites. La Cour n'est pas saisie de la question d'une façon régulière dans la présente instance parce que cela n'a rien à voir avec les questions qui ont été soulevées et correctement examinées par le deuxième comité d'appel.

[51]            En outre, cette question-là n'en est pas une à laquelle s'applique la protection assurée par l'article 7. Les circonstances donnant lieu à une violation de l'article 7 de la Charte ont récemment été examinées par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), [2000] 2 R.C.S. 307, où Monsieur le juge Bastarache a fait l'observation suivante, aux paragraphes 57 et 97 :

Les atteintes de l'État à l'intégrité psychologique d'une personne ne font pas toutes intervenir l'art. 7. Lorsque l'intégrité psychologique d'une personne est en cause, la sécurité de la personne se limite à la « tension psychologique grave causée par l'État » [...] Selon l'expression « tension psychologique grave causée par l'État » , deux conditions doivent être remplies pour que la sécurité de la personne soit en cause. Premièrement, le préjudice psychologique doit être causé par l'État, c'est-à-dire qu'il doit résulter d'un acte de l'État. Deuxièmement, le préjudice psychologique doit être grave. Les formes que prend le préjudice psychologique causé par le gouvernement n'entraînent pas toutes automatiquement des violations de l'art. 7.

[...]

En résumé, le stress et l'angoisse que l'intimé a éprouvés et la stigmatisation dont il a été victime n'ont pas porté atteinte à son droit à la liberté ou à la sécurité de sa personne. Les rédacteurs de la Charte ont choisi d'utiliser les termes « vie, [...] liberté et [...] sécurité de [l]a personne » , de sorte que l'art. 7 ne garantit que ces trois droits. [...] La protection contre le genre d'angoisse et de stress que l'intimé a éprouvés et contre le genre de stigmatisation dont il a été victime en l'espèce ne devrait pas être élevée au rang de droit constitutionnel garanti par l'art. 7.

[52]            En l'espèce, le demandeur affirme que la destruction des notes manuscrites lui a personnellement causé du stress. Ce stress, quoique réel, ne constitue pas une violation de l'article 7 de la Charte. Le demandeur a déposé une plainte conformément à la Loi sur la protection des renseignements personnels. Il s'agissait du moyen approprié aux fins de la poursuite du grief ici en cause. Rien ne permet de conclure à la violation d'un droit constitutionnel.

[53]            Par conséquent, la présente demande est rejetée. Si les parties n'arrivent pas à s'entendre sur la question des dépens, les défendeurs pourront signifier et déposer de brefs arguments à ce sujet dans un délai de dix (10) jours et le demandeur pourra signifier et déposer ses arguments dans un délai de dix (10) jours, les défendeurs pouvant de leur côté signifier et déposer une réponse concise dans les cinq (5) jours qui suivront la réception des arguments du demandeur.

                                                 ORDONNANCE


La demande est rejetée. Si les parties n'arrivent pas à s'entendre sur la question des dépens, les défendeurs pourront signifier et déposer de brefs arguments à ce sujet dans un délai de dix (10) jours et le demandeur pourra signifier et déposer ses arguments dans un délai de dix (10) jours, les défendeurs pouvant de leur côté signifier et déposer une réponse concise dans les cinq (5) jours qui suivront la réception des arguments du demandeur.

                                                                                                    « E. Heneghan »             

                                                                                                                          Juge                      

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                          SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                     T-1249-01

INTITULÉ :                                    MAURICE E. ADAMS

                                                                                                               demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, LE COMITÉ D'APPEL DE LA COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE et LE MINISTÈRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS

                                                                                                                défendeurs

LIEU DE L'AUDIENCE :            ST. JOHN'S (TERRE-NEUVE) ET LABRADOR

DATE DE L'AUDIENCE :          LE MARDI 30 JUILLET 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                  MADAME LE JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :                  LE MERCREDI 29 JANVIER 2003

COMPARUTIONS :

M. Maurice E. Adams                      POUR SON PROPRE COMPTE

M. Scott McCrossin                         POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Maurice E. Adams                      POUR SON PROPRE COMPTE

Ministère de la Justice                       POUR LES DÉFENDEURS

Bureau 1400, Duke Tower

5251, rue Duke

Halifax (N.-É.), B3J 1P3


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

Date : 20030129

Dossier : T-1249-01

ENTRE :

MAURICE E. ADAMS

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, LE COMITÉ D'APPEL DE LA COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE et LE MINISTÈRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS

défendeurs

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

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