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Date : 20010130

Dossier : T-540-99

ENTRE :

TWENTIETH CENTURY FOX FILM CORP.,

demanderesse,

- et -

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

défendeur.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY

[1]                La demanderesse, Twentieth Century Fox Film Corp., demande à la Cour un bref de mandamus afin de contraindre le ministre intimé à lui rembourser l'impôt payé en vertu de la partie XIV de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, modifiée (la « Loi » ) pour les années d'imposition 1991 à 1995, plus l'intérêt. Elle prétend que l'alinéa 164(1)b) de la Loi oblige le ministre à effectuer le remboursement.


Les faits

[2]                Au cours des années d'imposition considérées, la demanderesse était une société américaine dotée d'une succursale non constituée en personne morale au Canada (la « succursale canadienne » ). La succursale s'occupait de la distribution au Canada des films, vidéos et autres produits de la demanderesse.

[3]                Pendant ces années d'imposition, la succursale canadienne a gagné un revenu au Canada. Elle a produit des déclarations au pays et a payé sur ce revenu et en vertu de la partie I de la Loi, un impôt qui n'est pas l'objet du litige en l'espèce. De 1991 à 1995, elle également payé sur le fondement de la partie XIV de la Loi un impôt communément appelé impôt de succursale. Le total de l'impôt de succursale acquitté pour les années d'imposition en cause est de 396 816 $.

[4]                Pour chacune des années d'imposition considérées, la demanderesse a fait l'objet d'une cotisation d'impôt de succursale établie par le défendeur en fonction de la déclaration produite, c'est-à-dire conformément au montant d'impôt de succursale calculé pour la succursale canadienne et figurant dans sa déclaration de revenus. Elle n'a pas demandé d'exonération d'impôt ni produit d'avis d'opposition conformément à la Loi à l'égard de ces cotisations.


[5]                Au cours des années d'imposition en question, l'entreprise principale de la demanderesse comportait deux principales catégories d'activités :

i.                      la production, le financement et l'acquisition de films et la distribution de films aux cinémas, aux locateurs de vidéocassettes, à la télévision payante et commerciale et dans d'autres marchés;

ii.                    la production, le financement et l'acquisition de programmation télévisée et la distribution de cette programmation aux réseaux de télévision commerciale, à d'autres services de programmation, aux entreprises de télédiffusion par câble et par satellite et aux stations indépendantes.

[6]         Pendant les années d'imposition en cause, le sous-alinéa 219(2)b)(ii) de la Loi prévoyait à l'intention, entre autres, des sociétés dont l'entreprise principale était les communications, une exonération de l'impôt de succursale :


219(2) Sociétés exonérées. Aucun impôt n'est payable, en vertu de la présente partie, au titre d'une année d'imposition, par une société qui était, tout au long de l'année:

. . .

b) une société dont l'entreprise principale était

. . .

(ii) les communications,

. . .

219(2) Exempt corporations. No tax is payable under this Part for a taxation year by a corporation that was, throughout the year,

. . .

(b) a corporation whose principal business was

. . .

(ii) communications, or

. . .



[7]         Dans une lettre datée du 23 septembre 1996, la demanderesse a demandé au défendeur de lui rembourser la somme totale de 396 816 $ payée au titre de l'impôt de succursale pour les années 1991 à 1995, plus l'intérêt. La demanderesse invoquait à l'appui le respect des conditions du sous-alinéa 219(2)b)(ii) au cours des années d'imposition considérées en ce que son entreprise principale était alors les communications.

[8]                Dans une lettre datée du 5 mars 1999, le défendeur a refusé d'acquiescer à la demande de remboursement de l'impôt de succursale pour le motif que l'entreprise principale de la demanderesse était le « divertissement cinématographique » , et non les communications. Ce refus est à l'origine de la demande de mandamus.

Les questions en litige

[9]                Les parties soulèvent les questions suivantes :

1.                   À titre de question préjudicielle : l'article 18.5 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch.7, modifiée prive-t-il la Cour de la compétence voulue pour faire droit à la demande?

2.                   Si la Cour conclut qu'elle a la compétence voulue, la demanderesse a-t-elle effectué un « paiement en trop » au sens de l'alinéa 164(7)b) de la Loi de façon à pouvoir demander un remboursement sur le fondement de l'alinéa164(1)b) de la Loi?


3.                   Si la Cour conclut qu'elle a compétence et que la demanderesse a droit à un remboursement suivant l'alinéa 164(1)b), l'entreprise principale de la demanderesse était-elle les « communications » au sens du sous-alinéa 219(2)b)(ii) de la Loi? Une question connexe est soulevée quant à savoir si la preuve d'expert présentée par la demanderesse relativement aux « communications » est recevable en l'espèce?

La compétence de la Cour

[10]       Le défendeur soutient que l'article 18.5 de la Loi sur la Cour fédérale fait obstacle à un contrôle judiciaire en l'espèce. En voici le libellé :


18.5 Par dérogation aux articles 18 et 18.1, lorsqu'une loi fédérale prévoit expressément qu'il peut être interjeté appel, devant la Cour fédérale, la Cour suprême du Canada, la Cour d'appel de la cour martiale, la Cour canadienne de l'impôt, le gouverneur en conseil ou le Conseil du Trésor, d'une décision ou d'une ordonnance d'un office fédéral, rendue à tout stade des procédures, cette décision ou cette ordonnance ne peut, dans la mesure où elle est susceptible d'un tel appel, faire l'objet de contrôle, de restriction, de prohibition, d'évocation, d'annulation ni d'aucune autre intervention, sauf en conformité avec cette loi.

18.5 Notwithstanding sections 18 and 18.1, where provision is expressly made by an Act of Parliament for an appeal as such to the Court, to the Supreme Court of Canada, to the Court Martial Appeal Court, to the Tax Court of Canada, to the Governor in Council or to the Treasury Board from a decision or order of a federal board, commission or other tribunal made by or in the course of proceedings before that board, commission or tribunal, that decision or order is not, to the extent that it may be so appealed, subject to review or to be restrained, prohibited, removed, set aside or otherwise dealt with, except in accordance with that Act.



[11]       Le ministre fait valoir que le paragraphe 219(3) de la Loi rend les dispositions de la Loi relatives à l'avis d'opposition (art. 165) et à l'avis d'appel (section J) expressément applicables à la partie XIV de la Loi, laquelle englobe les dispositions régissant l'impôt de succursale. Le paragraphe 219(3) dispose que les « articles 150 à 152, 154, 158, 159 et 161 à 167 et la section J de la partie I s'appliquent à [la partie XIV], avec les adaptations nécessaires » . Le ministre ajoute que la demanderesse avait le droit de demander l'exonération de l'impôt de succursale au moment où elle a déposé ses déclarations, mais qu'elle ne l'a pas fait. Il lui était également loisible d'en appeler de la cotisation d'impôt, et elle aurait dû déposer des avis d'opposition et des avis d'appel à l'égard des avis de cotisation établis par le défendeur si elle estimait qu'ils n'étaient pas fondés, comme les contribuables le font couramment. La demanderesse a omis de le faire.

[12]       Selon le défendeur, la jurisprudence est claire et il est bien établi que le contribuable ne peut contester une cotisation par voie de contrôle judiciaire lorsqu'il aurait pu se prévaloir, pour le faire, des dispositions de la Loi lui conférant un droit d'appel (voir M.R.N. c. Parsons et al., 84 DTC 6345, à la page 6346 (C.A.F.); Beththold Resources Limited c. M.R.N., 86 DTC 6065, aux pages 6067 à 6068 (C.A.F.); Robert Hart et al. c. M.R.N.,86 DTC 6335, à la page 6339 (C.F. 1re inst.); Bonnie Ellen Danielson c. M.R.N., 86 DTC 6495, aux pages 6496 à 6498 (C.F. 1re inst.); La Reine et al. c. Optical Recording,90 DTC 6647, aux pages 6651 à 6652 (C.A.F.); Ernest W. Haskowich c. Le ministre des Communications et al., 93 DTC 5008 (C.A.F.)).


[13]       La demanderesse soutient qu'il existe une exception à l'application générale de l'article 18.5 de la Loi sur la Cour fédérale et qu'elle découle de l'énoncé final de la disposition, soit « sauf en conformité avec cette loi » . La demanderesse fonde sur une disposition de la Loi de l'impôt sur le revenu sa thèse selon laquelle l'article 18.5 ne fait pas obstacle à sa demande. Sa prétention paraît s'appuyer sur une interprétation de l'article 164 de la Loi, dont l'alinéa b) prévoit que le ministre rembourse toute somme payée en trop; cette disposition offrirait un autre recours que le dépôt d'un avis d'opposition ou d'appel pour le règlement d'un différend relatif à une cotisation en application de la Loi.


[14]       Les dispositions régissant la cotisation, l'opposition à une cotisation et l'appel sont expressément intégrées à la partie XIV de la Loi. Elles s'appliquent donc à l'impôt de succursale. Si l'on retenait l'interprétation de l'alinéa 164(1)b) préconisée par la demanderesse, l'alinéa ne s'appliquerait pas uniquement au contribuable qui ne s'est pas opposé à la cotisation et qui n'a pas interjeté appel, car la disposition précise que le remboursement est effectué après la mise à la poste d'un avis de cotisation lorsque le contribuable en a fait la demande par écrit dans le délai prescrit. Ces conditions s'appliqueraient même s'il y avait eu opposition et appel. J'estime que le législateur n'a pu vouloir établir un autre recours ou un recours parallèle pour contester une cotisation d'impôt. Par conséquent, la demande de remboursement d'un impôt qui aurait été acquitté par erreur ou la demande de remboursement fondée sur une exonération doit suivre les voies normales de l'opposition à la cotisation.

[15]       En résumé, je ne suis pas d'avis que la Loi de l'impôt sur le revenu elle-même prévoit une exception à la procédure habituelle d'opposition à la cotisation et d'appel subséquent lorsque l'opposition est rejetée. Par conséquent, je rejette la demande de mandamus puisque, selon moi, l'article 18.5 de la Loi sur la Cour fédérale fait obstacle à cette voie de recours. La Loi de l'impôt sur le revenu permettant expressément d'en appeler relativement à l'impôt de succursale, l'article 18.5 dispose que la décision du défendeur communiquée dans l'avis de cotisation « ne peut, dans la mesure où elle est susceptible d'un tel appel, faire l'objet de contrôle, de restriction, de prohibition, d'évocation, d'annulation ni d'aucune autre intervention... »

[16]       Cette conclusion est suffisante pour statuer sur la demande. Néanmoins, j'examine les autres questions soulevées en l'espèce pour le cas où ma conclusion selon laquelle la Cour ne peut connaître de la demande serait jugée non fondée en appel.

Paiement d'impôt en trop


[17]       S'il était déterminé que la Cour a compétence pour statuer sur la demande de contrôle judiciaire et de mandamus, il faudrait alors se pencher sur la question de savoir s'il y a eu paiement en trop au titre de l'impôt de succursale de telle sorte que la demande de remboursement soit justifiée.

[18]       Pour déterminer s'il y a eu paiement en trop et si le contribuable a droit à un remboursement, il convient d'examiner le libellé du sous-alinéa 164(1)a)(ii), ainsi que celui des alinéas 164(1)b) et 164(7)b) :



164(1) Si la déclaration de revenu d'un contribuable pour une année d'imposition est produite dans les trois ans suivant la fin de l'année, le ministre:

a) peut:

. . .

(ii) d'autre part, lors de la mise à la poste de l'avis de cotisation pour l'année ou par la suite, rembourser, sans que demande en soit faite, tout paiement en trop pour l'année, dans la mesure où ce paiement en trop n'est pas remboursé en application du sous-alinéa (i);

b) doit effectuer le remboursement visé au sous-alinéa a)(ii) avec diligence après avoir posté l'avis de cotisation, si le contribuable en fait la demande par écrit au cours de la période pendant laquelle le ministre pourrait établir, aux termes du paragraphe 152(4), une cotisation concernant l'impôt payable en vertu de la présente partie par le contribuable pour l'année s'il n'était pas tenu compte de l'alinéa 152(4)a).

. . .

(7) Au présent article, un paiement en trop fait par un contribuable pour une année d'imposition est égal au montant suivant:

. . .

b) si le contribuable est une société, le total des sommes versées sur les montants dont la société est redevable en vertu de la présente partie ou des parties I.3, VI ou VI.1 pour l'année, moins ces mêmes montants.

164(1) If the return of a taxpayer's income for a taxation year has been made within 3 years from the end of the year, the Minister

(a) may,

. . .

(ii) on or after mailing the notice of assessment for the year, refund without application therefor, any overpayment for the year, to the extent that the overpayment was not refunded pursuant to subparagraph (i); and

(b) shall, with all due dispatch, make the refund referred to in subparagraph (a)(ii) after mailing the notice of assessment if application for it is made in writing by the taxpayer within the period within which the Minister would be allowed under subsection 152(4) to assess tax payable under this Part by the taxpayer for the year if that subsection were read without reference to paragraph 152(4)(a).

. . .

(7) In this section, "overpayment" of a taxpayer for a taxation year means

. . .

(b) where the taxpayer is a corporation, the total of all amounts paid on account of the corporation's liability under this Part or Parts I.3, VI or VI.1 for the year minus all amounts payable in respect thereof.


[19]       La formule « ... rembourser, sans que demande en soit faite, tout paiement en trop pour l'année... » incorporée à l'alinéa 164(1)b) à partir du sous-alinéa 164(1)a)(ii) indique comment cette disposition doit être appliquée. À mon avis, pour qu'il ait droit à un remboursement, le contribuable doit faire valoir le paiement en trop dans la déclaration annuelle qu'il transmet au ministre. Si, dans l'avis de cotisation, le ministre convient qu'il y a eu paiement en trop, la somme est remboursée conformément à l'alinéa 164(1)b). Cependant, si aucun paiement en trop n'est invoqué dans la déclaration et que le ministre confirme le montant de l'impôt exigible selon le contribuable, ce dernier n'a droit à aucun remboursement, à moins qu'il n'ait ultérieurement gain de cause dans le cadre d'une opposition ou d'une opposition et d'un appel visant la cotisation établie par le ministre.


[20]       Comme la Cour d'appel fédérale l'a conclu dans La Reine c. Heavyside (1996), 97 D.T.C. 5026, « [i]l est bien établi que la responsabilité fiscale découle de la Loi et non pas de la cotisation... » Dans la présente affaire, la demanderesse a acquitté, après en avoir calculé le montant, l'impôt de succursale exigible suivant l'article 219 et elle a omis de s'opposer à la cotisation établie par le ministre pour chacune des années d'imposition en cause. En tentant d'obtenir un remboursement sans avoir produit d'avis d'opposition comme l'exige la Loi, la demanderesse tente de contourner les dispositions applicables au recouvrement de l'impôt payé.

[21]       La demanderesse fait valoir que l'alinéa164(7)b) définit le paiement en trop comme étant la différence entre « le total des sommes versées sur les montants [d'impôt] dont la société est redevable » et « ces mêmes montants » et que, sous le régime de la Loi, compte tenu de l'exonération prévue au sous-alinéa 219(2)b)(ii), le montant du « paiement en trop » correspond en l'espèce au total de l'impôt de succursale payé. La demanderesse tient pour acquis qu'elle bénéficie de l'exonération prévue à l'intention des sociétés dont l'entreprise principale est « les communications » .

Société dont l'entreprise principale est « les communications »

[22]       À l'appui de sa thèse selon laquelle le sous-alinéa 219(2)b)(ii) l'exonère du paiement de l'impôt de succursale, la demanderesse exhorte la Cour à accepter l'affidavit du Dr Brian Lewis versé au dossier de la demande. Elle soutient que la décision Vancouver Island Peace Society c. Canada, [1994] 1 C.F. 102 (C.F. 1re inst.) est concluante quant à l'argument voulant que la règle 81 ne s'applique pas à la présentation de l'avis d'un expert. Toutefois, dans ses motifs, la Cour a fait les observations suivantes :


Une requête introductive d'instance de contrôle judiciaire, comme celle en l'espèce, n'est pas une requête interlocutoire et les affidavit présentés à l'appui d'une telle requête doivent être conformes à la Règle [81], sauf dans des cas tout à fait exceptionnels.

L'un de ces cas est l'affidavit d'un expert présenté à l'instruction...[non souligné dans l'original]

Mais elle ajoute plus loin, à la page 138 :

La présente instance n'est pas une instruction où des témoins sont entendus et peuvent être contre-interrogés, et les questions exigeant une preuve d'expert n'ont pas été définies par les parties, notamment par voie d'accord. En outre, la preuve d'expert n'a pas rapport aux questions principales dont la Cour est saisie, c'est-à-dire des questions juridiques concernant l'autorité du [décisionnaire] et le processus suivi pour en arriver aux décisions contestées en l'espèce. Ces questions ne sont pas de nature scientifique ou technique, si bien que la preuve d'expert n'est pas admissible pour aider la Cour à les résoudre.

[23]             En ce qui concerne la question générale de savoir si un expert peut donner son avis sur la question devant ultimement être tranchée, dans leur ouvrage intitulé The Law of Evidence in Canada, 2e éd., Butterworths, Markham (Ontario), 1999, Sopinka et Lederman disent ce qui suit aux pages 634 et 635 :

[Traduction]La question se pose de savoir si un témoin peut se prononcer sur la question même que le tribunal est appelé à trancher. Il n'y a plus de règle portant formellement interdiction, mais plus le témoignage se rapporte directement à la question que le juge des faits doit ultimement trancher, plus le tribunal est enclin à l'écarter.

Les auteurs ajoutent à la page 641 :


[Traduction] En dernière analyse, plus le témoignage de l'expert se rapproche d'un avis sur la question devant ultimement être tranchée, plus le tribunal applique strictement les exigences de fiabilité et de nécessité avant d'accepter l'élément de preuve. Il en va ainsi parce que l'élément de preuve empiète dès lors non seulement sur la fonction du tribunal consistant à déterminer les faits, mais également sur l'analyse juridique à laquelle il doit se livrer, à partir de ces faits, pour rendre sa décision finale.

[24]             En l'espèce, l'avis du Dr Lewis ne porte pas sur une question de nature scientifique ou technique et ne vise pas à aider la Cour à rendre une décision éclairée. Il ne s'agit pas d'une instruction où des témoins sont entendus. De plus, l'avis du témoin porte sur la question que la Cour doit trancher en fin de compte, c'est-à-dire si les films, les vidéos et les émissions de télévision produits et distribués par la demanderesse relèvent tout autant des communications que du divertissement, de façon que l'entreprise principale de la demanderesse soit les « communications » au sens du sous-alinéa 219(2)b)(ii) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Le Dr Lewis est un expert dans le domaine de l'étude théorique des communications, et son affidavit vise à étayer les arguments de la demanderesse. Hormis l'avis qui y est exprimé, il ne s'agit pas d'un élément de preuve supplémentaire concernant les activités de la demanderesse. À mon avis, l'affidavit du Dr Brian Lewis n'est pas nécessaire pour résoudre les questions dont la Cour est saisie, et il n'est pas recevable dans le cadre de l'instance.

[25]             J'examine maintenant l'interprétation du sous-alinéa 219(2)b)(ii). La disposition exonère du paiement de l'impôt de succursale payable en application de la partie XIV de la Loi la société dont l'entreprise principale est les « communications » . Même si la demanderesse dit être visée par la disposition, le défendeur prétend le contraire, et la Cour se range à son avis.


[26]             La demanderesse soutient que les définitions figurant dans The Dictionary of Canadian Law, 2e éd., Carswell, Scarborough, 1995, sont instructives à cet égard :

[Traduction] COMMUNICATION ... Implique la transmission de pensées, d'idées, de mots ou de renseignements d'une personne à une autre... R. c. Goldman (1979), 108 D.L.R. (3d) 17, à la page 32.

COMMUNICATIONS.n. 1. Méthode, manière ou moyen par lequel l'information est transmise ou échangée et comprend la transmission ou la réception de sons, d'images, de signes, de signaux, de données ou de messages, grâce à un fil, à un câble, à des ondes ou à un dispositif électrique, électronique, magnétique, électromagnétique ou optique. 2. Domaine d'activité correspondant à la radio-diffusion et à la télédiffusion, ainsi qu'à la fourniture de services d'antenne collective, de service téléphonique et d'autres services électriques ou électroniques.

Le défendeur renvoie aux définitions de « communications » dans les interprétations techniques nos 9421715 et 9520645 de Revenu Canada datées respectivement du 28 février 1995 et du 30 novembre 1995. Ces interprétations mentionnent que la Loi sur les télécommunications, la Loi sur la radiocommunication et la Loi sur la radiodiffusion donnent un aperçu des activités de communications assujetties à la réglementation. Elles ajoutent que la fourniture au public de services de communication ou de télécommunication, moyennant généralement contrepartie, est une activité visée au sous-alinéa 219(2)b)(ii).


[27]             Même si la demanderesse présente une analyse détaillée des volets de son entreprise qui, selon elle, relèvent de la « communication » , la Loi exonère la société dont l'entreprise principale est « les communications » , et non « la communication » . En s'appuyant sur la décision Goldman, précitée et sur les définitions du Dictionary of Canadian Law, op. cit., la demanderesse omet de tenir compte de la distinction qui existe entre l'art de « la communication » et le domaine « des communications » .

[28]             La demanderesse fait valoir que la seconde définition des « communications » donnée dans The Dictionary of Canadian Law, op. cit. englobe le domaine dans lequel elle exerce ses activités. Je ne suis pas d'accord. La seconde définition renvoie au « domaine d'activité correspondant à la radiodiffusion et à la télédiffusion » et ne fait aucune mention de la production, de l'acquisition ou de la distribution d'émissions. La demanderesse ne s'occupe pas de diffusion, mais fournit des émissions aux diffuseurs. Selon moi, son entreprise n'est pas de celles visées par la définition de « communications » retenue par le législateur au sous-alinéa 219(2)b)(ii).

[29]             Partant, je conviens avec le défendeur que l'entreprise principale de la demanderesse n'est pas les « communications » selon le sens donné à ce mot par le législateur. J'arrive donc à la conclusion que la demanderesse ne bénéficie pas de l'exonération prévue au sous-alinéa 219(2)b)(ii) et est donc tenue au paiement de l'impôt de succursale.

Conclusion

[30]             Je rejette donc la demande pour le motif que la Cour n'a pas la compétence voulue pour connaître d'une telle demande.


[31]             Dans le cas où cette conclusion serait jugée erronée en appel, la demande est rejetée parce que la demanderesse n'a pas établi l'existence d'un « paiement en trop » suivant l'alinéa 164(1)b) de la Loi. En outre, au moment de la cotisation, l'entreprise principale de la demanderesse n'était pas les « communications » au sens du sous-alinéa 219(2)b)(ii), de sorte que la demanderesse n'était pas exonérée du paiement de l'impôt de succursale.

              W. Andrew MacKay                    

Juge

OTTAWA (Ontario)

30 janvier 2001

Traduction certifiée conforme

Claire Vallée, LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                 T-540-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :     Twentieth Century Fox Film Corp. c.

Le ministre du Revenu national

LIEU DE L'AUDIENCE :         Vancouver (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :        14 mars 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE MacKAY en date du 30 janvier 2001.

ONT COMPARU :

Me Joel Nitikam

Me Lori Matheson                        Pour la demanderesse

Me William Mah                           Pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Fraser Milner                                Pour la demanderesse

Vancouver (C.-B.)

Me Morris Rosenberg                   Pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (C.-B.)


Date : 20010130

Dossier : T-540-99

Ottawa (Ontario), le 30 janvier 2001

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MacKAY

ENTRE :

TWENTIETH CENTURY FOX FILM CORP.,

demanderesse,

- et -

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

défendeur.

ORDONNANCE

VU la demande fondée sur les articles 18 et 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, modifiée et visant l'obtention d'un bref de mandamus enjoignant au défendeur de rembourser à la demanderesse l'impôt qu'elle aurait payé en trop en application de la Loi de l'impôt sur le revenu;

APRÈS audition des avocats des parties à Vancouver, le 14 mars 2000, où j'ai sursis au prononcé du jugement, et après examen des observations alors formulées;


LA COUR ORDONNE le rejet de la demande, avec dépens.

             W. Andrew MacKay                                                    Juge

Traduction certifiée conforme

Claire Vallée, LL.B.


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