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Date : 20030127

 

Dossier : T‑2648‑97

 

Référence neutre : 2003 CFPI 83

 

 

ENTRE :

 

                                        JAMES THOMSON et ICHI CANADA LTD.

 

                                                                                                                                        demandeurs

 

                                                                             et

 

 

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

 

                                                                                                                                      défenderesse

 

                                                        MOTIFS DE JUGEMENT

 

LE JUGE LEMIEUX

 

 

A.        INTRODUCTION

 


[1]               James Thomson est un homme d’affaires qui réside à Vancouver. Il est le président d’Ichi Canada Ltd. (Ichi), seule source de ses revenus à l’époque pertinente. Il possède quatre‑vingts pour cent (80 p. 100) des actions de cette société, les vingt pour cent (20 p. 100) restants appartenant à son épouse. Jusqu’en 1981, Ichi vendait de l’équipement à l’industrie des pâtes et papiers. Suite à une baisse des commandes en 1981, Ichi a décidé cette année‑là de diversifier ses activités et de se livrer à l’élevage de chevaux de course et à leur participation à des courses. Cette nouvelle entreprise a lancé ses activités en 1982 et 1983, et elle a consacré des sommes importantes à l’achat de chevaux.

 

[2]               James Thomson et Ichi sont engagés depuis longtemps dans un débat acrimonieux avec Revenu Canada. Le litige trouve sa source dans le dépôt par Ichi, le 1er novembre 1983, d’une déclaration modifiée d’impôt sur le revenu des sociétés pour ses années d’imposition 1980 et 1981. La modification visait à obtenir le report rétrospectif de pertes agricoles pour l’année d’imposition 1983, ce qui devait se solder par l’octroi d’un remboursement d’impôt à Ichi de 33 560,26 $ (le remboursement). Au 13 février 1984, M. Thomson était redevable pour le paiement d’impôts personnels d’à peu près 40 000 $ pour son année d’imposition 1982.

 

[3]               À l’époque, il possédait aussi, conjointement avec son épouse, un compte de prêts de l’actionnaire net d’impôt auprès d’Ichi. Ce compte reflétait les prêts qu’il avait faits à Ichi, pour à peu près le double de ce qu’il devait alors à titre personnel à Revenu Canada.

 

[4]               Ce qu’il voulait accomplir n’était pas compliqué. Le remboursement obtenu, Ichi l’utiliserait pour réduire la valeur du prêt de l’actionnaire Thomson, la somme ainsi dégagée étant versée à Revenu Canada pour le paiement des impôts personnels de M. Thomson pour 1982. Le mécanisme utilisé pour arriver à cette fin était une entente entre Ichi et Revenu Canada, portant que le remboursement d’Ichi serait appliqué par Revenu Canada au solde des impôts personnels de M. Thomson.


[5]               Ce plan n’a pas été réalisé. Il a poursuivi Sa Majesté la Reine en déposant une déclaration le 5 décembre 1997. Son action est fondée sur un contrat et il réclame des dommages‑intérêts pour rupture de ce contrat.

 

[6]               Selon M. Thomson et Ichi, trois ententes sont intervenues avec Revenu Canada, savoir :

1)         Fin 1983 ou début 1984, une entente avec Mark Rondeau, une des personnes chargées du recouvrement des impôts au bureau de Vancouver de Revenu Canada. M. Thomson déclare que M. Rondeau a donné son accord au plan original, savoir que Revenu Canada verserait directement le remboursement dû à Ichi au compte de M. Thomson pour réduire son solde d’impôts personnels (l’entente Rondeau). Cette entente se reflète dans la lettre du 1er mars 1984 envoyée à Revenu Canada par Ichi, autorisant Revenu Canada à faire la compensation du remboursement aux fins de payer la dette de M. Thomson au titre de ses impôts personnels pour 1982. Le 7 mars 1984, M. Rondeau a fait savoir au service de la comptabilité de Revenu Canada que la lettre du 1er mars 1984 constituait l’autorisation requise pour procéder à la compensation.

2)         Une entente conclue le 6 octobre 1987 entre M. Thomson et Robert Roy, alors directeur du bureau de Vancouver de Revenu Canada, porte que si Ichi avait gain de cause devant la Cour canadienne de l’impôt, Revenu Canada prendrait des mesures pour :


i)          verser le remboursement dû à Ichi au crédit du solde des impôts personnels de M. Thomson, tel qu’entendu avec M. Rondeau, ce qui selon lui constituait un engagement rétroactif au 1er mars 1984, et non à la date de la réception du remboursement, pour ensuite recalculer à partir de cette date toutes les entrées dans son compte d’impôts afin d’assurer que le crédit en cause ramènerait le solde à zéro et, étant donné les autres paiements qu’il avait faits, ceci ferait qu’en 1987 il n’aurait pas été nécessaire de liquider son REER puisque son compte d’impôts personnels aurait eu un solde positif lorsqu’on a saisi et liquidé son REER; et

ii)         le compenser pour la liquidation de son REER (l’entente Roy).

3)         Une entente conclue le 13 mars 1989 avec Don Cormack, directeur de la validation et des recouvrements au bureau de Vancouver de Revenu Canada, avant que M. Thomson accepte au nom d’Ichi un chèque de remboursement d’approximativement 46 000 $ après qu’il eut obtenu gain de cause devant la Cour canadienne de l’impôt, chèque qu’il avait d’abord refusé le 6 mars 1989, de réexaminer son dossier d’impôts personnels pour donner effet aux ententes antérieures de Revenu Canada avec lui, savoir l’entente Rondeau et l’entente Roy (l’entente Cormack).

 


[7]               Au vu du témoignage de M. Roy, la défenderesse concède maintenant qu’il y a eu une entente entre M. Roy et M. Thomson portant que si Ichi avait gain de cause devant la Cour canadienne de l’impôt, on procéderait à une compensation entre le remboursement d’Ichi et les impôts personnels dus par M. Thomson. Toutefois, M. Roy nie que cette compensation devait être rétroactive au 1er mars 1984. Il ne se souvient pas non plus avoir déclaré qu’il rembourserait M. Thomson suite à la liquidation de son REER.

 

[8]               La défenderesse conteste l’existence des ententes Rondeau et Cormack.

 

[9]               Les parties conviennent qu’en Colombie‑Britannique, le délai de prescription est de six ans en matière de poursuite contractuelle contre Sa Majesté et, s’agissant d’un contrat soumis à une éventualité, que le délai commence à courir lors de la réalisation de l’éventualité. L’article 39 de la Loi sur la Cour fédérale porte que, sauf disposition contraire d’une autre loi, les règles de droit en matière de prescription de la province où la cause d’action est survenue s’appliquent aux instances devant la Cour fédérale. (Voir aussi l’article 32 de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif.)

 

B.        LES FAITS

 

[10]           Pour bien évaluer la réclamation de M. Thomson visant Revenu Canada, il faut examiner le contexte et les faits pertinents.

 

 


1)         La vérification Palmquist

 

[11]           David Palmquist, un vérificateur de Revenu Canada, a avisé M. Thomson le 27 octobre 1983 qu’il était chargé d’une vérification d’Ichi pour les années d’imposition 1979, 1980 et 1981 (se terminant le 30 avril de chaque année).

 

[12]           C’est en 1981 qu’Ichi a commencé à s’occuper de l’élevage, de l’entretien et de la course de chevaux, ce qui fait qu’elle a réclamé, pour la première fois, des pertes agricoles nettes de cette opération ainsi que des pertes nettes pour les deux entreprises aux fins fiscales, lorsqu’elle a déposé sa déclaration d’impôt sur le revenu T2 (la déclaration T2) pour son année d’imposition se terminant le 30 avril 1982. La déclaration T2 portait sur les deux entreprises : l’entreprise d’équipement et l’entreprise de chevaux.

 

[13]           Lorsqu’Ichi a déposé, le 1er novembre 1983, sa déclaration T2 pour l’année d’imposition se terminant le 30 avril 1983, elle a aussi réclamé des pertes nettes aux fins fiscales fondées sur une perte agricole importante durant son année d’imposition 1983.

 


[14]           Au début de la vérification, M. Palmquist a présenté des demandes de renseignements et Ichi lui a fourni, par l’entremise de M. Thomson, les renseignements liés aux pertes agricoles. M. Thomson a fait savoir à M. Palmquist qu’il se proposait de modifier les déclarations d’Ichi pour les années d’imposition 1980 et 1981, afin de procéder au report rétrospectif des pertes agricoles pour 1982 et 1983. Il ressort de ces échanges qu’il a été question, le 16 janvier 1984, de la possibilité que les pertes agricoles soient limitées. Le 1er février 1984, une proposition préliminaire a été envoyée à Ichi par M. Palmquist à cette fin, ce qui aurait eu comme conséquence d’éliminer le remboursement anticipé par Ichi, qui devait être le résultat des modifications demandées au titre des années d’imposition 1980 et 1981, ce qui avait un impact direct sur l’autorisation donnée par Ichi d’utiliser son remboursement pour diminuer le prêt de l’actionnaire aux fins d’obtenir une contrepartie pour la compensation qui consisterait à payer la dette fiscale courante de M. Thomson.

 

[15]           La vérification Palmquist a été complétée le 1er août 1984 et, en conséquence, le 14 août 1984, le ministre a délivré une nouvelle cotisation pour les années d’imposition 1982 et 1983 d’Ichi. (La déclaration d’Ichi pour l’année fiscale 1983 avait été acceptée et vérifiée par Revenu Canada le 28 novembre 1983, et un avis de cotisation avait été déposé à ce titre le 28 décembre 1983.) Revenu Canada limitait les pertes agricoles déductibles à 5 000 $ pour chaque année en application du paragraphe 31(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu. Ces nouvelles cotisations ont eu deux conséquences :

1)         le compte fiscal d’Ichi est passé de néant à un solde négatif de 74 244,34 $; et

2)         aucun remboursement n’était versé à Ichi pour ses années d’imposition 1980 et 1981 pour compenser les impôts personnels de M. Thomson.

 


[16]           Ichi a déposé des avis d’opposition et, par la suite, elle a fait appel des nouvelles cotisations pour ses années d’imposition 1982 et 1983 à la Cour canadienne de l’impôt.

 

[17]           Avant la vérification Palmquist et lors de son déroulement, Revenu Canada prenait des dispositions pour le recouvrement des impôts personnels dus par M. Thomson, qui était alors exclusivement liés à son année d’imposition 1982. J’ai déjà mentionné qu’au début février 1984, il s’agissait d’à peu près 40 000 $. Le surveillant de M. Rondeau, M. H. Doel, a écrit à M. Thomson le 13 février 1984 aux fins de confirmer une entente portant que M. Thomson se présenterait avec un chèque visé pour le solde dû au titre de ses impôts de 1982. La défenderesse n’a pas cité M. Doel à témoigner. Je ne considère pas que la lettre de M. Doel constitue une preuve que M. Thomson avait convenu de payer le solde de ses impôts, mais simplement comme une preuve que Revenu Canada avait lancé des efforts de recouvrement de la dette de M. Thomson. À cette époque, M. Rondeau était chargé du recouvrement de la dette personnelle de M. Thomson.

 


[18]           Le 1er mars 1984, Ichi a envoyé à Revenu Canada son autorisation [traduction] « de transférer la somme de 33 560,26 $ que Revenu Canada doit à Ichi au titre de ses déclarations d’impôts 1982‑1983 ». La lettre du 1er mars 1984 d’Ichi à Revenu Canada portait l’intitulé suivant : [traduction] « Votre lettre du 13 février 1984 portant sur les arrérages d’impôts de James M. Thomson pour 1982 » [non souligné dans l’original]. Dans la lettre d’autorisation d’Ichi, datée du 1er mars 1984, M. Thomson ajoutait ceci : [traduction] « Je vous envoie cette autorisation parce que je ne sais pas à quel moment vos collègues seront en mesure de verser la somme due à Ichi Canada Ltd. ».

 

[19]           Comme je l’ai fait remarquer, le 7 mars 1984 Mark Rondeau a avisé les services de comptabilité de Revenu Canada que la lettre du 1er mars 1984 constituait [traduction] « l’autorisation de transférer le remboursement T2 au compte T1 du président de la compagnie », savoir de transférer le remboursement d’Ichi directement au compte T1 de M. Thomson. Ceci voulait dire qu’Ichi ne recevrait jamais de chèque de remboursement (M. Thomson ne recevant pas non plus de chèque d’Ichi au titre de la diminution de son prêt d’actionnaire), et que l’autorisation aurait pour résultat que la somme en cause serait inscrite comme un débit au compte de la compagnie auprès de Revenu Canada et comme un crédit au compte de M. Thomson.

 

2)         Les démarches de recouvrement de Revenu Canada et la liquidation du REER de M. Thomson

 


[20]           Nonobstant l’avis d’opposition et l’appel devant la Cour de l’impôt, Revenu Canada a poursuivi ses efforts de recouvrement sur deux fronts : le recouvrement des arrérages d’impôts d’Ichi suite aux nouvelles cotisations d’août 1984, et le recouvrement des arrérages d’impôts personnels de M. Thomson. En 1984, Mark Rondeau a continué d’être chargé du recouvrement de la dette personnelle de M. Thomson et il a reçu la responsabilité de recouvrer la dette d’Ichi. En 1986, c’est M. Bergen qui avait la responsabilité de ces deux dossiers, Mark Gamache assumant la responsabilité du recouvrement de la dette fiscale de M. Thomson en mars 1987. À cette époque, M. Phil McCutchan était chef du recouvrement à Vancouver, chargé à la fois du recouvrement des impôts personnels et des impôts sur le revenu des sociétés.

 

[21]           Fin avril – début mai 1984, M. Rondeau a pris des mesures pour faire certifier la dette personnelle de M. Thomson en Cour fédérale. Il a obtenu un jugement et fait enregistrer un privilège sur la propriété personnelle de M. Thomson, savoir le domicile dont il était copropriétaire avec son épouse.

 

[22]           Le 20 juin 1984, Mark Rondeau, faisant état d’une conversation du 15 juin 1984 avec M. Thomson, écrivait à ce dernier sous l’intitulé suivant : [traduction] « Arrérages d’impôts sur le revenu pour 1982 : 34 413,20 $ », annexant un projet de lettre de crédit bancaire [traduction] « que le Ministère est disposé à accepter en garantie jusqu’à la résolution de votre avis d’opposition ou de votre appel ».

 

[23]           Le 25 juin 1984, le ministre a délivré une nouvelle cotisation à M. Thomson pour son année d’imposition 1983, qui chiffrait les impôts dus et l’intérêt couru à 42 573,97 $. M. Thomson n’a rien versé lorsqu’il a déposé sa déclaration pour 1983, ce qui fait qu’à ce moment‑là le solde de ses impôts dus à Revenu Canada était approximativement de 77 000 $, ce qui comprend les sommes non payées pour ses impôts de 1982 suite au fait que la compensation du remboursement prévu n’était pas disponible.


[24]           Le 29 décembre 1984, M. Thomson a versé une somme de 48 528,51 $ pour diminuer ses arrérages d’impôts. Selon Revenu Canada, et M. Thomson confirme la chose dans son témoignage, il n’a pas précisé que son paiement devait être affecté à une année d’imposition donnée, mais seulement à son compte. Revenu Canada a crédité ce paiement à la dette fiscale la plus ancienne de M. Thomson (1982). Suite au versement d’autres sommes en 1985 et 1986, M. Thomson avait liquidé toute sa dette fiscale auprès de Revenu Canada pour les années d’imposition allant jusqu’à la fin de son année fiscale 1984.

 

[25]           Toutefois, étant donné la nouvelle cotisation d’août 1984, toutes les années d’imposition d’Ichi étaient en cause. De plus, Ichi ne pouvait se prévaloir des dispositions de la loi concernant le montant en litige, ce qui veut dire qu’elle devait payer ou garantir la dette, même si elle avait fait appel.

 

[26]           Il n’est pas nécessaire que je relate en détail l’accélération des efforts de recouvrement de Revenu Canada face à M. Thomson et à sa société durant la période allant de la dernière moitié de 1985 jusqu’à la première moitié de 1987, sauf pour noter qu’il y a eu plusieurs rencontres entre les fonctionnaires de Revenu Canada et M. Thomson, une correspondance active entre eux, des mises en demeure de Revenu Canada de payer dans les 30 jours, des calendriers de paiement non respectés, des paiements partiels sur le compte, et des mises en demeure portant que des mesures de recouvrement seraient prises si les arrérages n’étaient pas payés.

 


[27]           En mars 1987, M. Thomson avait une dette fiscale pour son année d’imposition 1985. Le 19 mars 1987, Revenu Canada a renoncé au certificat de la Cour fédérale portant sur le domicile de M. Thomson, afin que ce dernier puisse obtenir une hypothèque lui permettant de payer ses impôts personnels (pièce D‑41).

 

[28]           En avril 1987, le compte d’Ichi et le compte personnel de M. Thomson à la Banque royale ont été saisis. La saisie du compte d’Ichi a été levée le 6 juin 1987, après que des mesures satisfaisantes eussent été prises pour le paiement de sa dette fiscale.

 

[29]           Toutefois, M. Thomson était vulnérable du fait de sa dette fiscale personnelle pour son année d’imposition 1985 et il n’avait pas d’argent pour payer. Il soutient aussi qu’il ne pouvait plus emprunter, parce qu’il n’avait pas de crédit disponible. Il a contacté les fonctionnaires de Revenu Canada les 9 et 24 juin 1987, afin d’obtenir un délai. Le 19 juin 1987, il a écrit au ministre du Revenu national pour lui demander que les mesures de recouvrement prises contre Ichi, et contre lui à titre personnel, soient suspendues jusqu’à ce que la Cour canadienne de l’impôt ait entendu l’appel d’Ichi.

 

[30]           Le 26 juin 1987, Revenu Canada a liquidé le REER de M. Thomson, saisi début juin. Il s’agissait d’une somme de 62 991,71 $, dont 44 094,20 $ ont été versés au compte d’arrérages de ses impôts, son courtier retenant le reste. Au moment de la saisie, ses arrérages d’impôts personnels étaient de 49 065,86 $.


[31]           Le 31 août 1987, le ministre du Revenu national d’alors, Elmer MacKay, a répondu à la lettre que M. Thomson lui avait expédiée le 19 juin 1987. La première partie de cette lettre traite d’Ichi :

[traduction]

Je comprends votre demande d’obtenir un délai de paiement pour vos impôts jusqu’à l’audition de l’appel, mais le Ministère a la responsabilité de la gestion de la Loi de l’impôt sur le revenu telle qu’adoptée par le Parlement. Avant l’entrée en vigueur de C‑72, fin 1985, le paragraphe 158(1) de la Loi portait que les impôts devaient être payés dans les 30 jours de la délivrance de l’avis de cotisation. Ceci s’appliquait nonobstant toute opposition ou appel d’une cotisation ou nouvelle cotisation. Toutefois, lorsque la chose était acceptable, le Ministère était disposé à accepter une garantie au lieu d’un paiement, jusqu’à la décision portant sur l’objection ou l’appel, comme le prévoyait l’article 220 de la Loi. Étant donné que C‑72 n’avait une application rétroactive qu’au 1er janvier 1985, la dette consécutive à votre nouvelle cotisation est payable immédiatement.

 

Un examen du compte d’Ichi Canada Ltd. vient confirmer que la dette totale est exclue des dispositions de la loi concernant le montant en litige. Une partie de la dette est liée aux nouvelles cotisations dont vous avez fait appel et, pour ces sommes, les fonctionnaires étaient disposés à accepter une lettre de crédit bancaire au lieu d’un paiement. Le reste est lié à la cotisation initiale visant votre déclaration d’impôt sur le revenu de 1985, qui date d’août 1985, et les actions de recouvrement sur cette somme auraient été suspendues sur présentation d’une copie de la déclaration d’impôt sur le revenu de la société pour 1987, déclaration qui selon vous aurait indiqué une perte d’entreprise qui aurait pu être utilisée pour payer votre dette. Malheureusement, malgré deux tentatives pour arriver à une solution acceptable aux deux parties, nous n’avons jamais reçu la documentation nécessaire et c’est à regret que nous avons dû porter l’affaire devant les tribunaux. [non souligné dans l’original]

 

[32]           Dans cette lettre du 31 août 1987, le ministre a ensuite traité de la dette personnelle de M. Thomson. Voici ce qu’il écrit à ce sujet.

[traduction]


Comme vous n’avez pas contesté l’impôt dû à titre personnel, il est exigible immédiatement. Je comprends qu’il était proposé qu’un remboursement d’impôt sur le revenu des sociétés soit utilisé en compensation de cette dette, mais ce remboursement n’est pas disponible présentement. Par conséquent, on vous a demandé de procéder au paiement immédiat et complet du solde dû. Selon les fonctionnaires du bureau de district de Vancouver, vous avez indiqué que vous utiliseriez des biens personnels en garantie afin d’obtenir les fonds nécessaires et, par conséquent, nous vous avons accordé une marge de manoeuvre considérable afin d’obtenir le paiement de la dette. Encore une fois, les fonds n’ont pas été versés et nous avons dû prendre des procédures devant les tribunaux pour obtenir un paiement partiel.

 

Il est toujours malheureux de devoir s’adresser aux tribunaux pour obtenir le paiement d’une dette fiscale, mais votre défaut de coopérer avec les fonctionnaires chargés du recouvrement, ainsi que la disponibilité d’actifs pour garantir le paiement, nous indiquaient qu’il y avait lieu de procéder ainsi. Il est néanmoins regrettable que cette action ait été prise avant qu’on ne vous ait expliqué la procédure de façon acceptable.

 

Je crois savoir que vous devez toujours 5 000 $ au titre de vos impôts personnels et je vous invite à contacter... pour discuter le paiement de cette somme. [non souligné dans l’original]

 

3)   La rencontre du 6 octobre 1987 avec Robert Roy

 

[33]           Le 6 octobre 1987, M. Thomson a rencontré Robert Roy, alors directeur, impôt, au bureau de district de Vancouver. MM. Phil McCutchan et Ken Bergen étaient présents à cette réunion.

 

[34]           Avant la tenue de cette réunion, M. Thomson avait écrit à M. Gamache le 10 juillet 1987 pour se plaindre du fait qu’on avait liquidé son REER. Il faisait état de l’autorisation délivrée par Ichi le 1er mars 1989 [traduction] « de prendre à même le solde auprès de Revenu Canada la somme de 33 560 $ de ce qui était dû à Ichi Canada. Ceci serait ensuite porté aux états financiers d’Ichi Canada et se refléterait dans la rémunération de J. Thomson ».

 


[35]           Le 13 juillet 1987, le bureau du ministre a donné des directives à Revenu Canada de suspendre les efforts de recouvrement jusqu’à ce que le ministre ait pu répondre à la lettre du 19 juin 1987 de M. Thomson. Ses directives arrivaient trop tard, puisque le REER de M. Thomson avait déjà été liquidé. Toutefois, les efforts de recouvrement des sommes dues au compte d’Ichi ont été suspendus.

 

[36]           Les procédures de recouvrement de Revenu Canada ont repris après l’envoi de la lettre du 31 août 1987 du ministre. Le 29 septembre 1987, Ken Bergen a procédé à la saisie du compte d’Ichi à la Banque royale.

 

[37]           Comme je l’ai fait remarquer, la défenderesse concède maintenant qu’à l’occasion de la réunion du 6 octobre 1987, M. Roy a convenu avec M. Thomson de procéder à la compensation du remboursement d’Ichi avec les impôts personnels de M. Thomson, sous réserve qu’Ichi ait gain de cause dans son appel devant la Cour canadienne de l’impôt.

 

[38]           La défenderesse et M. Thomson diffèrent d’avis quant au moment où la compensation devait entrer en jeu (au 1er mars 1984 ou lorsque disponible), ainsi que sur la question de savoir si M. Roy avait convenu que M. Thomson serait remboursé pour la perte de son REER.

 

 


4)         La décision de la Cour canadienne de l’impôt en faveur d’Ichi et les événements subséquents

 

[39]           Le 17 décembre 1987, la juge Kempo, de la Cour canadienne de l’impôt, a accueilli l’appel d’Ichi de la nouvelle cotisation du ministre pour son année d’imposition 1982. Elle a toutefois rejeté l’appel d’Ichi pour son année d’imposition 1983 pour défaut de compétence, puisque l’appel portait sur une cotisation néant. Elle a conclu que les limites imposées aux pertes agricoles par Revenu Canada n’étaient pas conformes à la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

[40]           Le 27 avril 1988, le ministre a porté la décision de la juge Kempo devant la Section de première instance de la Cour fédérale. Les fiscalistes du ministère de la Justice ont convenu avec Ichi que le ministre appliquerait à l’année d’imposition 1983 les résultats de l’appel portant sur l’année d’imposition 1982, et ils ont suggéré certaines mesures à prendre par Ichi pour empêcher que la prescription ne s’applique à ses années d’imposition.

 

[41]           M. Thomson a suivi les conseils des fiscalistes et demander la détermination d’une perte pour l’année d’imposition 1983 d’Ichi. Il a aussi demandé qu’on applique la perte nette de 1983 à l’année 1980.

 


[42]           Après qu’Ichi eut obtenu gain de cause devant la Cour de l’impôt, M. Thomson a discuté avec M. Bergen du remboursement de son REER. Revenu Canada a alors procédé à une nouvelle cotisation d’Ichi pour les années d’imposition 1982 et 1983. Il y a eu des réunions et M. Thomson a présenté des demandes de renseignements et de reddition de compte à Revenu Canada.

 

[43]           Le 15 juillet 1988, le ministre a délivré une nouvelle cotisation pour Ichi au titre de son année d’imposition 1982. Quant à l’année d’imposition 1983 d’Ichi, le ministre a délivré, le 28 septembre 1988, un avis de détermination d’une perte. Ichi a présenté un avis d’opposition à cette détermination le 4 octobre 1988.

 

[44]           Le 7 février 1989, Revenu Canada a accepté la demande d’Ichi pour obtenir un remboursement en vertu du paragraphe 164(1.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

[45]           Revenu Canada a calculé le remboursement dû à Ichi par suite du report rétrospectif des pertes de 1982 et 1983 aux années 1980 et 1981. En mars 1989, Revenu Canada a émis un chèque payable à Ichi pour la somme de 46 657,71 $ (le chèque). Au 7 février 1989, 19 486,22 $ sur cette somme constituaient un revenu imposable pour Ichi.

 

[46]           Le 7 mars 1989, M. Thomson a rencontré M. Bergen qui devait lui remettre le chèque. M. Bergen ne lui a pas remis le chèque, étant donné que M. Thomson n’avait pas de chèque à lui remettre au nom de Revenu Canada pour réduire sa propre dette fiscale. Cette dette fiscale portait sur les années d’imposition 1986 et 1987 de M. Thomson.

 


[47]           M. Thomson a témoigné que comme M. Roy avait convenu le 6 octobre 1987 qu’au cas où Ichi avait gain de cause devant la Cour canadienne de l’impôt, il transférerait le remboursement d’Ichi à la dette personnelle de M. Thomson comme M. Rondeau avait convenu, il n’y avait pas lieu de procéder à un échange de chèques. En d’autres mots, l’entente Rondeau devait être exécutée telle que prévue. Le mécanisme proposé par M. Bergen, qui consistait en un échange de chèques, savoir un chèque remis à Ichi et un chèque émis par M. Thomson à Revenu Canada, ne correspondait pas à l’entente faite avec M. Roy.

 

5)         La rencontre du 13 mars 1989 avec Don Cormack

 

[48]           Le 13 mars 1989, M. Thomson a rencontré Don Cormack. À cette époque, ce dernier était responsable de la validation et des recouvrements et il se rapportait au directeur, impôt, à Vancouver. M. Cormack a donné le chèque à M. Thomson et Ichi l’a déposé dans son compte de banque le même jour. M. Thomson n’a pas donné de chèque en retour à M. Cormack. M. Thomson a témoigné que lorsque M. Cormack l’a appelé pour discuter de la livraison du chèque, il avait demandé un état de son compte d’impôts personnels avant d’accepter le chèque. Ceci voulait dire, à son point de vue, qu’on devait donner suite à l’entente Rondeau et que la compensation devait être faite dans les livres de Revenu Canada au 1er mars 1984, ce qui impliquait un nouveau calcul pour toutes les entrées subséquentes. À ce jour, le chèque est toujours dans le compte d’Ichi et M. Thomson déclare qu’il le conserve en fiducie pour Revenu Canada jusqu’à ce que sa réclamation devant la Cour soit tranchée.


[49]           Le 20 mars 1989, M. Thomson a écrit à M. Cormack pour accuser réception du chèque de 46 447,30 $ et lui indiquer qu’il l’avait déposé dans le compte de banque d’Ichi. Au quatrième paragraphe de cette lettre, il déclare ceci :

[traduction]

Le fait que vous reconnaissez que Revenu Canada devait 33 560,26 $ au 30 avril 1983, ce qui correspond à la somme due à Thomson pour diminuer au même moment son compte de prêts de l’actionnaire, est la première fois depuis longtemps qu’on vient rectifier ce dossier. Je vous en remercie. [non souligné dans l’original]

 

 

 

[50]           Il annexait à sa lettre une pièce de journal tirée des états financiers d’Ichi pour 1983, qui portait sur cette somme.

 

[51]           M. Cormack lui a répondu le 4 avril 1989. Il désirait obtenir des renseignements additionnels pour [traduction] « appuyer la modification de votre déclaration T1 de 1984 ». Il ajoutait qu’il enverrait un vérificateur [traduction] « pour examiner vos dossiers afin de constater que la somme de 33 560,26 $ était inscrite dans votre T4 supplémentaire pour 1984 et que vous n’avez par ailleurs rien reçu à ce titre en espèces ou en nature ». Il rappelait à M. Thomson qu’il lui avait demandé de présenter [traduction] « le T4 RER pour 1987 qu’il avait reçu suite à la liquidation de son REER en juin de la même année ». Il lui indiquait que [traduction] « cette somme devait être portée à votre revenu pour 1987, le crédit pour l’impôt retenu à la source étant pris en compte ». M. Cormack annexait à cette lettre un état de compte des impôts personnels pour les années 1983 à 1988.

 


[52]           M. Cormack a ensuite envoyé une note de service à J.D.K. McGuire, chef des retenues à la source au bureau de Vancouver, au sujet de la T4 supplémentaire délivrée par M. Thomson par Ichi pour son revenu d’emploi de 45 000 $, et de la prétention de M. Thomson que le remboursement de 33 506 $, qui n’avait pas été réalisé, était compris dans ce 45 000 $. Il demandait l’envoi d’un vérificateur pour examiner les livres comptables d’Ichi.

 

[53]           Après avoir reçu la lettre de M. Cormack, datée du 4 avril 1989, M. Thomson l’a appelé pour lui dire qu’il s’était trompé au sujet de sa demande. La somme de 33 000 $ était liée à la diminution du compte de prêts de l’actionnaire en prévision de la réalisation de l’entente Rondeau. M. Cormack a alors envoyé deux vérificateurs de Revenu Canada pour examiner les livres comptables d’Ichi et régler cette question.

 

[54]           Le 5 juillet 1989, M. Cormack a écrit à M. Thomson pour lui transmettre ses conclusions. Il rappelait la visite des deux vérificateurs, ainsi que leur rencontre avec le comptable de M. Thomson. M. Cormack concluait ainsi :

1)         Le revenu de M. et de Mme Thomson avait été majoré de 43 000 $, le comptable minorant leur revenu de 1987 de la même somme pour corriger cette erreur.


2)         La somme de 33 560,26 $ était déclaré dans le revenu de M. Thomson pour 1985, mais s’il y avait réduction, les frais de gestion réclamés par Ichi diminueraient aussi. Il a déclaré que les deux années étaient de toute façon prescrites et réitéré qu’il avait dit à M. Thomson qu’il réexaminerait ses déclarations de 1984 et de 1985 [traduction] « si une erreur avait été commise qui était entièrement de notre fait et si le revenu était imposé injustement en l’absence de la déduction prévue au titre de la compensation ». Comme Ichi avait droit à une réduction au titre de la compensation, il était d’avis qu’il n’y avait pas lieu de réexaminer les déclarations prescrites et d’apporter quelque ajustement que ce soit.

 

[55]           Suite à l’appel du 31 juillet 1989 de M. Thomson, le nouveau directeur, impôt, du bureau de Vancouver, Paul Séguin, a écrit à ce dernier pour l’informer que Revenu Canada ne procéderait pas à la compensation rétroactive demandée. Dans son premier paragraphe, il renvoie à sa conversation téléphonique du 21 juillet 1989 avec M. Thomson [traduction] « au sujet des intérêts facturés sur sa dette fiscale personnelle ». Le deuxième paragraphe de la lettre de M. Séguin est rédigé ainsi :

 

[traduction]

Vous considérez que l’intérêt facturé sur votre dette fiscale personnelle, ainsi que l’intérêt porté au crédit de votre société, devraient être ajustés pour refléter la compensation de la somme réclamée par votre compagnie qui a été contestée par Revenu Canada en 1984.

 

 

[56]           Il continue comme suit :

 

[traduction]


Dans une lettre datée du 1er mars 1984, votre société autorise le transfert d’un remboursement prévu de l’impôt sur le revenu des sociétés en compensation de votre dette fiscale personnelle. Toutefois, comme le ministre vous l’a expliqué dans sa lettre du 31 août 1987, ce remboursement faisait l’objet d’un litige et il n’était pas disponible à ce moment‑là. Le remboursement est devenu disponible récemment, suite à la décision favorable que votre société a obtenue devant la Cour canadienne de l’impôt. Le ministre a fait appel de cette décision devant la Cour fédérale du Canada, mais les déclarations de revenu de votre société ont été modifiées selon les directives de la Cour. À supposer que la décision en cause soit infirmée par la Cour fédérale du Canada, les impôts et l’intérêt qui s’y appliquent seront calculés à nouveau.

 

Avant 1985, tous les impôts en litige devaient être payés et rien n’autorisait l’octroi d’un remboursement. Il est malheureux que le remboursement anticipé ait fait l’objet d’un litige et qu’il ait été exclu des dispositions de la loi concernant les montants en litige, ce qui fait qu’on ne pouvait l’utiliser pour compenser votre dette fiscale personnelle avant que la Cour canadienne de l’impôt n’ait rendu sa décision. C’est à regret que nous ne pouvons effectuer la compensation rétroactive que vous demandez.

 

Suite à la décision de la Cour, je crois savoir que le remboursement, avec intérêts, a été versé à votre société selon votre désir. Votre dette fiscale personnelle, avec intérêts, est toujours impayée et exigible. [non souligné dans l’original]

 

 

 

[57]           Le 9 mars 1990, M. Cormack a écrit à M. Thomson. Voici un extrait de cette lettre :

 

[traduction]

S’agissant du remboursement de l’impôt sur le revenu des sociétés de 33 560,26 $ dont vous demandez l’utilisation en compensation de votre dette fiscale personnelle en date de mars 1984, nous regrettons ne pouvoir donner un effet rétroactif à la compensation. Comme vous l’ont expliqué dans leurs lettres notre ancien ministre, M. Elmer MacKay, et notre directeur, Paul Séguin, le remboursement en cause faisait l’objet d’un litige et il n’était pas disponible à ce moment‑là. De plus, lorsqu’il est devenu disponible vous avez reçu le chèque et avez refusé qu’on applique cette somme à votre dette fiscale personnelle. [non souligné dans l’original]

 

 

[58]           Le 18 mai 1995, M. le juge Joyal de la Section de première instance de la Cour fédérale a rejeté l’appel logé par le ministre de la décision de la juge Kempo. Le ministre n’a pas porté cette décision devant la Cour d’appel fédérale.

 


[59]           En conséquence, Revenu Canada a délivré une nouvelle cotisation à Ichi pour ses années d’imposition 1980 à 1984 et lui a versé un remboursement de l’ordre de 55 000 $.

 

C.        LES QUESTIONS EN LITIGE

 

[60]           Le 7 février 2002, le protonotaire Roger Lafrenière a délivré l’ordonnance suivante au sujet des questions en litige ici.

 

[61]           Premièrement, il a séparé la question de la responsabilité de celle des dommages‑intérêts. La seule question que je dois trancher est celle de la responsabilité.

 

[62]           Il a énuméré les questions de fait relatives à la responsabilité, savoir :

1)         Y a‑t‑il eu une entente entre les demandeurs et Revenu Canada portant que le remboursement serait versé au compte des impôts sur le revenu de M. Thomson?

2)         À supposer qu’il y ait eu entente autorisant cette compensation, était‑elle disponible pour s’appliquer au compte des impôts personnels de M. Thomson le 1er mars 1984?

3)         À supposer que le remboursement n’était pas disponible le 1er mars 1984 pour compenser la dette fiscale personnelle de M. Thomson, quand l’est‑il devenu?

4)         Y a‑t‑il eu entente le 6 octobre 1987 entre M. Thomson et M. Roy, comme on le prétend?


5)         S’il y a eu une entente avec M. Roy, Revenu Canada a‑t‑il violé l’entente?

6)         Y a‑t‑il eu entente le 13 mars 1989, ou vers cette date, entre M. D.B. Cormack de Revenu Canada et M. Thomson, portant qu’on porterait rétroactivement au crédit de la dette fiscale personnelle de M. Thomson la somme du remboursement?

7)         S’il y a eu une telle entente comptable, Revenu Canada a‑t‑il violé l’entente?

 

[63]           Le protonotaire Lafrenière a ensuite énoncé les questions de droit reliées à la question de la responsabilité :

1)         Les demandeurs sont‑ils hors délai pour présenter cette action devant la Cour?

2)         Ichi Canada Ltd. pouvait‑elle céder le remboursement à M. Thomson?

3)         Si Ichi Canada Ltd. ne pouvait céder le remboursement à M. Thomson, existe‑t‑il la possibilité d’une compensation en droit ou en équité entre les parties qui puisse être sanctionnée par la Cour?

4)         Si les ententes invoquées par les demandeurs existent réellement, peuvent‑elles être rendues exécutoires?

 

D.        ANALYSE

 

[64]           Au coeur du litige entre M. Thomson et Revenu Canada on ne trouve pas seulement la question de savoir si certaines ententes ont effectivement été conclues, mais quelle était leur portée en un tel cas.


[65]           C’est certainement le cas de l’entente Roy, étant donné qu’il a avoué que Revenu Canada procéderait à la compensation si Ichi avait gain de cause devant la Cour canadienne de l’impôt.

 

[66]           S’agissant des ententes Rondeau et Cormack, dont on plaide l’existence, la question consiste à savoir s’il y a eu effectivement ententes et, si c’est le cas, quels étaient les termes de ces ententes.

 

[67]           Dans son ouvrage The Law of Contract, 4th edition, Carswell, aux pages 15 à 19, le professeur Fridman déclare que l’accord des parties est le fondement de tout contrat qui peut être rendu exécutoire. Les parties doivent être d’accord sur tous les points essentiels, leur entente profonde devant se manifester expressément ou par déduction nécessaire.

 

[68]           Ces paroles du professeur Fridman veulent dire que l’intention des parties doit être exprimée ouvertement, car il ne suffit pas d’avoir eu une intention dans son for intérieur.

 

[69]           Une des façons d’évaluer si l’accord requis était présent consiste à examiner la conduite des parties suite à la conclusion des prétendus contrats. En l’instance, le fardeau de prouver l’existence de l’une ou l’autre des trois ententes incombe aux demandeurs.

 

[70]           Voici comment le professeur Fridman énonce le critère juridique, aux pages 16 et 17 :

[traduction]


On trouve constamment dans les jugements l’idée que le critère d’une entente à toutes fins que de droit consiste à savoir si les parties ont indiqué au monde extérieur, représenté par un spectateur objectif et raisonnable, leur intention de conclure un contrat ainsi que les termes de ce contrat. Le droit ne s’intéresse pas à l’intention des parties comme telle, mais à l’intention qui est manifeste. Ce n’est pas ce qu’une partie croit ou comprend être le sens de ce que l’autre partie a déclaré ou fait qui est le critère de l’entente, mais bien le fait qu’une personne raisonnable dans la même situation aurait cru ou compris que l’autre partie donnait son consentement en termes identiques. La common law a adopté cette attitude objective face à la détermination des relations contractuelles. Toutefois, des notions d’équité ont infiltré le droit des contrats de manière à autoriser une évaluation plus subjective des circonstances. Par conséquent, dans certaines situations l’existence d’un contrat, ainsi que la nature et le contenu de ses termes, peut être déterminée en utilisant la croyance et la compréhension d’une partie plutôt que la croyance et la compréhension d’une personne raisonnable dont on fait l’hypothèse qu’elle est dans la même situation que cette partie.

 

 

[71]           S’agissant de l’existence du contrat et de l’entente sur ses termes essentiels, tant les demandeurs que la défenderesse ont présenté leur preuve par l’entremise des témoins cités à comparaître. En l’instance, nous sommes concernés essentiellement par de prétendus contrats oraux, nonobstant le fait que dans certains cas les témoignages peuvent être évalués au vu de lettres, notes de service, et notes prises par les fonctionnaires du revenu (les notes de MM. Rondeau et Cormack n’étaient pas disponibles, alors que MM. Roy et Thomson n’ont pas pris de notes), ainsi que par la correspondance de M. Thomson. La conduite des parties, avant comme après les prétendues ententes, évaluée dans le contexte et compte tenu de l’objectif de leur conclusion, constitue un autre élément qui permet de vérifier les témoignages en l’instance et de les soupeser.

 


[72]           Les demandeurs n’ont cité à comparaître qu’un seul témoin, James Thomson. La défenderesse a cité dix témoins, dont certains ont déjà été identifiés, qui, à un moment ou à un autre, ont travaillé sur le dossier Ichi ou sur le dossier des impôts personnels de M. Thomson. Ces personnes sont les suivantes : 1) Robert Roy; 2) Mark Rondeau; 3) Philip W. McCutchan; 4) David Palmquist; 5) Mark Gamache; 6) Kenneth Bergen; 7) Dennis McClure; 8) Donald Cormack; 9) Elizabeth Leong; et 10) Janice Nairn.

 

[73]           Je vais maintenant analyser tour à tour la preuve portant sur la formation et les conditions des trois prétendues ententes.

 

1)         L’entente Rondeau

 

[74]           Selon moi, la preuve établit sans le moindre doute le fait qu’il y a eu entente entre M. Rondeau et M. Thomson pour que le remboursement prévu d’Ichi suite aux modifications apportées à ses années d’imposition 1980 et 1981 servirait à compenser la dette fiscale personnelle de M. Thomson pour 1982.

 

[75]           Cette entente était à l’avantage des deux parties. Revenu Canada pouvait ainsi recouvrer les impôts payables de M. Thomson pour 1982 à un moment où ce dernier avait des difficultés de trésorerie. M. Thomson tirait avantage de la compensation, puisqu’il pouvait ainsi payer les impôts dus de manière efficace en réduisant, sans incidence fiscale, la somme considérable qu’Ichi lui devait dans le cadre de son compte de prêts de l’actionnaire.

 


[76]           Ichi a présenté la demande de compensation le 1er mars 1984 et Mark Rondeau a accepté cette demande et donné instruction au service de comptabilité de Revenu Canada à Surrey (C.‑B.), le 7 mars 1992, de procéder à la compensation.

 

[77]           L’existence de cette entente de compensation a été reconnue par plusieurs témoins de la défenderesse : Robert Roy, Philip McCutchan, Ken Bergen (qui croyait que l’entente était toujours en vigueur), Elizabeth Leong et Janice Nairn. Le ministre du Revenu national de l’époque, Elmer MacKay, a aussi reconnu l’existence de l’entente de compensation dans sa lettre du 31 août 1987 à M. Thomson.

 

[78]           Selon moi, toutefois, l’objectif de l’entente Rondeau était limité, savoir le recouvrement et l’élimination de la dette fiscale personnelle de M. Thomson pour 1982. Elle était sujette à la réalisation d’une condition, savoir l’existence ou la disponibilité du remboursement. S’il n’y avait pas de droit à un remboursement, ou si celui‑ci n’était pas disponible, l’entente était sans objet puisqu’il n’y aurait rien à compenser.

 

[79]           Pour cette raison, il importe peu de déterminer le moment précis de la formation de l’entente. Les demandeurs avancent qu’il s’agit de la fin décembre 1983, pour prendre forme finale fin janvier ou début février 1984. Ce qui est important, c’est de trancher la question de savoir si la condition qui devait déclencher l’entente de compensation a été réalisée.

 


[80]           Je n’accepte pas la prétention des demandeurs que le remboursement a trouvé naissance ou était disponible à la fin de décembre 1983 ou au début de février 1984. Selon moi, la preuve indique que le remboursement n’a jamais pris naissance étant donné que ce qui l’aurait créé, savoir le fait pour Revenu Canada d’accepter les modifications aux déclarations d’impôt d’Ichi pour ses années d’imposition 1980 et 1981, n’a jamais eu lieu, étant donné qu’à ce moment‑là les comptes d’Ichi pour ces années d’imposition faisait l’objet d’une vérification et qu’au début de décembre 1983, M. Palmquist a fait savoir à son surveillant que la T2 d’Ichi pour 1983 devait lui être envoyée [traduction] « dès que vous avez complété la phase initiale, puisqu’il semble que nous allons proposer des modifications pour cette année » (pièce D‑38). L’inexistence du remboursement est de plus confirmé par la note de service aller‑retour du 17 mai 1984, adressée par Mark Rondeau à Linda Higgins (qui lui a répondu le 25 mai 1984), et portant que le remboursement ne serait pas accordé étant donné les limites imposées aux pertes agricoles d’Ichi pour 1983.

 


[81]           L’avocate des demandeurs soutient que parmi les termes de l’entente Rondeau, ou de façon implicite au vu de l’entente, on trouve le fait que lorsque Revenu Canada a délivré une nouvelle cotisation à Ichi limitant ses pertes agricoles de 1983, la réalisation de l’entente Rondeau était mise en suspens jusqu’à ce qu’on ait tranché la question de savoir quelles étaient les pertes agricoles. Au paragraphe 52 de ses prétentions écrites, l’avocate des demandeurs soutient que l’objectif de l’entente Rondeau [traduction] « était d’assurer l’intégrité financière de M. Thomson, ce qui fait que Revenu Canada ne pouvait poursuivre M. Thomson personnellement pour ses arriérés d’impôts au vu de l’entente ». Elle soutient qu’à partir de ce moment‑là, plutôt que d’attendre le résultat en Cour canadienne de l’impôt, Revenu Canada a fait justement ce que l’entente Rondeau devait empêcher [traduction] « savoir, mis sérieusement en cause l’intégrité financière de M. Thomson en procédant à la saisie et à la liquidation de son REER ». L’avocate des demandeurs soutient aussi que la violation de l’entente Rondeau s’est produite lorsqu’on a liquidé le REER de M. Thomson en juin 1987. C’est sur cette base que les demandeurs cherchent à obtenir des dommages‑intérêts pour la liquidation du REER de M. Thomson.

 

[82]           Je ne tire pas d’un examen raisonnable de la preuve qu’elle démontrerait qu’un des termes de l’entente Rondeau, ou qu’une déduction nécessaire au vu de cette entente, était que la réalisation de l’entente était mise en suspens jusqu’à ce que la question des pertes agricoles soit finalement réglée, ce qui aurait voulu dire que Revenu Canada était d’accord pour geler ses efforts de recouvrement contre M. Thomson. J’ai plusieurs raisons pour arriver à cette conclusion.

 


[83]           Premièrement, une telle clause serait contraire à l’esprit et à la lettre de la loi puisqu’à l’époque, le paragraphe 158(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu exigeait du contribuable qu’il paie au receveur général du Canada, dans les trente (30) jours qui suivent la date d’expédition par la poste de l’avis de cotisation, toute fraction de l’impôt demeurant alors impayée, qu’une opposition ou un appel relatif à la cotisation soit ou non en instance. Le dossier indique que M. Thomson n’a jamais contesté la cotisation de ses impôts personnels. Dans sa lettre du 31 août 1987 à M. Thomson, M. MacKay a fait état de cette disposition de la Loi.

 

[84]           Deuxièmement, l’existence d’une telle clause ne correspond pas aux efforts subséquents de recouvrement engagés par M. Rondeau envers M. Thomson.

 

[85]           Troisièmement, l’existence d’une telle clause ne correspond pas aux propres gestes de M. Thomson, qui a fait en 1985 et 1986 des versements à son compte d’impôts personnels qui lui assuraient un solde positif.

 

[86]           Quatrièmement, une telle clause viendrait éliminer l’objectif de l’entente Rondeau, qui était à l’avantage des deux parties, en la transformant en une entente qui n’aurait favorisé que M. Thomson puisque l’appel d’Ichi aurait pu être rejeté.

 

[87]           Cinquièmement, une telle clause serait contraire à l’objectif limité de l’entente, qui était de recouvrer rapidement la dette fiscale personnelle de M. Thomson pour 1982.

 

[88]           Je conclus que l’entente Rondeau était soumise à la réalisation d’une condition, savoir que le remboursement serait disponible assez rapidement pour servir à la compensation. Cette condition ne s’étant pas réalisée, l’entente Rondeau a cessé d’exister.

 


2)         L’entente Roy

 

[89]           L’existence de l’entente Roy est admise. À supposer qu’Ichi ait gain de cause devant la Cour canadienne de l’impôt, la compensation serait réalisée. Il reste à régler deux questions. M. Roy a‑t‑il convenu que la compensation serait réalisée au 1er mars 1984, ce qui lui donnait une application rétroactive et amenait nécessairement à un nouveau calcul du compte de M. Thomson auprès de Revenu Canada à ce jour? La deuxième question consiste à savoir si M. Roy a convenu de compenser M. Thomson pour la liquidation de son REER.

 

[90]           Selon moi, il est important de replacer l’entente Roy dans son contexte. L’entente Roy a été conclue à la réunion du 6 octobre 1987, réunion qui s’est tenue peu de temps après la lettre que M. MacKay a adressé à M. Thomson le 31 août 1987 (pièce D‑2) et après que Revenu Canada eut liquidé le REER de M. Thomson le 26 juin 1987, fait qui était porté à la connaissance du ministre MacKay au moment où il a répondu à la plainte de M. Thomson.

 


[91]           L’objectif de la lettre de M. MacKay était de porter trois choses à l’attention de M. Thomson : 1) comme il n’avait pas contesté l’impôt dû à titre personnel, la somme en cause était exigible immédiatement; 2) le fait qu’il savait que le remboursement d’impôt sur le revenu de la société devait servir à compenser sa dette fiscale personnelle, mais [traduction] « ce remboursement n’est pas disponible présentement »; 3) étant donné qu’il n’y avait pas eu d’arrangements satisfaisants de conclus, des mesures avaient été prises devant les tribunaux pour obtenir un paiement partiel suite à [traduction] « votre défaut de coopérer avec les fonctionnaires chargés du recouvrement, ainsi que la disponibilité d’actifs pour garantir le paiement, nous indiquaient qu’il y avait lieu de procéder ainsi ». Je considère que cette déclaration du ministre MacKay indique à M. Thomson que la liquidation de son REER était appropriée dans les circonstances.

 

[92]           L’essentiel du témoignage de Robert Roy porte sur la rencontre du 6 octobre 1987 à laquelle assistaient aussi MM. Thomson, McCutchan et Bergen. Au vu du témoignage de M. Roy, je constate qu’il est un témoin fort crédible. Son témoignage était clair et direct et on peut en résumer les points principaux comme suit :

1)         Au sujet du remboursement d’Ichi et de sa compensation prévue avec la dette fiscale personnelle de M. Thomson, il a convenu que Revenu Canada procéderait ainsi si Ichi avait gain de cause devant la Cour de l’impôt. Pour l’essentiel, il a déclaré que cette compensation avait été acceptée par les fonctionnaires de Revenu Canada, ainsi qu’implicitement par le ministre MacKay.

2)         Il a nié catégoriquement que la compensation devait être effectuée au 1er mars 1984. Il a témoigné que la compensation ne pouvait en aucune façon être rétroactive et qu’elle ne pouvait être réalisée que lorsque le remboursement était connu, disponible et délivré. Il a déclaré que rien dans la Loi de l’impôt sur le revenu ne permettait une application rétroactive et il ne pouvait se souvenir d’avoir utilisé le terme « rétroactif » au vu de sa compréhension de la Loi.


3)         Il a reconnu qu’on avait discuté à la réunion de la liquidation du REER de M. Thomson, mais il ne pouvait se souvenir d’avoir pris quelque engagement que ce soit de rembourser M. Thomson au cas où Ichi avait gain de cause devant la Cour de l’impôt. Il a témoigné qu’une telle indemnisation ne serait justifiée que si la liquidation du REER avait été illégale, ce qui n’était pas le cas dans le dossier de M. Thomson. Revenu Canada n’avait pas le choix et se devait de saisir le REER et, en l’absence d’un paiement ou du versement d’une garantie, de le liquider.

4)         Il a reconnu que l’entente de compensation était soumise à l’obtention d’une décision favorable devant les tribunaux, étant donné que cette question était liée aux pertes agricoles. Il a confirmé ne pas avoir prévu que le ministre ferait appel à la Cour fédérale du Canada et convenu qu’une des conditions de l’entente de compensation était qu’en définitive la question des pertes agricoles soit réglée, quel que soit le niveau de la cour qui l’a trancherait.

5)         Il a confirmé le fait que la lettre d’Ichi datée du 1er mars 1984 était une autorisation suffisante pour procéder à la compensation.

 

[93]           M. McCutchan a aussi assisté à la réunion du 6 octobre 1987 et je suis d’avis que son témoignage au sujet de la question du REER vient corroborer celui de M. Roy. Il a témoigné bien se rappeler de la question du REER, puisqu’il se souvient d’avoir dû, avec M. Bergen, corriger leur supérieur, Robert Roy, sur la question juridique de savoir si la Loi de l’impôt sur le revenu autorisait la remise en état d’un REER qui avait été liquidé.


[94]           Il se souvenait de ce qu’il a appelé une discussion hypothétique au sujet de ce que Revenu Canada pourrait faire au cas où un REER aurait été liquidé illégalement. Il se souvient que M. Roy avait répondu qu’on pouvait remettre le REER en état et que M. Bergen avait alors informé M. Roy qu’il n’y avait pas de disposition dans la Loi de l’impôt sur le revenu qui permettait la remise en état d’un REER. Il se souvient que M. Roy a alors demandé ce que le ministère pouvait faire et qu’il avait alors déclaré, avec l’appui de M. McCutchan, qu’en cas de liquidation illégale d’un REER Revenu Canada pouvait rembourser les sommes prises avec intérêts, étant donné que la loi prévoyait l’octroi d’intérêts. M. Roy a donc répété ceci à M. Thomson.

 

[95]           M. McCutchan a catégoriquement nié que M. Roy aurait promis à M. Thomson de l’indemniser pour la liquidation de son REER, en lui remboursant les sommes en cause avec intérêts si Ichi avait gain de cause devant la Cour canadienne de l’impôt.

 

[96]           M. Bergen a pris des notes à la réunion du 6 octobre 1987. Toutes ses notes portent sur des questions liées à Ichi. On ne trouve rien dans ses notes au sujet de la situation fiscale personnelle de M. Thomson, qu’il s’agisse de l’entente de compensation, de sa rétroactivité à 1984 ou d’un quelconque remboursement du REER.

 


[97]           Les désaccords entre M. Thomson, d’une part, et MM. Roy et McCutchan, d’autre part, quant à la question de savoir si M. Roy s’était engagé à rembourser M. Thomson pour la liquidation de son REER au cas où Ichi avait gain de cause devant la Cour de l’impôt sont clairement illustrés par la conversation que M. Thomson a eue avec M. McCutchan le 26 février 2001, conversation que M. Thomson a enregistré à l’insu de son interlocuteur.

 

[98]           Cette conversation téléphonique enregistrée suivait de près la conversation du 22 février 2001, que M. Thomson avait eue avec M. McCutchan, qui était alors rattaché au bureau de district de Calgary. Dans cette conversation, M. Thomson demandait à M. McCutchan de signer la télécopie que M. Thomson lui avait envoyée le 22 février 2001, dans laquelle on trouvait une déclaration portant que M. Roy aurait dit, lors de la réunion du 6 octobre 1987, qu’il [traduction] « me rembourserait [le REER] à condition que la décision de la CCI donne gain de cause à Ichi Canada Ltd. ». Lors de la deuxième conversation, M. McCutchan n’avait pas signé la confirmation que M. Thomson lui demandait.

 

[99]           Durant la conversation du 26 février 2001, qui a été enregistrée, M. McCutchan a clairement nié deux fois la suggestion que M. Thomson aurait compris qu’à la réunion du 6 octobre 1987 avec M. Roy, ce dernier avait promis de lui verser une indemnisation pour la liquidation de son REER si Ichi avait gain de cause devant la Cour de l’impôt. M. McCutchan a déclaré que M. Roy essayait de faire comprendre à M. Thomson que ce genre d’indemnisation pour un REER n’était possible que dans la mesure où Revenu Canada l’aurait liquidé illégalement.

 


[100]       Durant son interrogatoire principal, M. McCutchan a témoigné que la liquidation du REER de M. Thomson avait été faite dans le respect de la loi, ainsi que des politiques et procédures.

 

[101]       Il était au courant de l’entente Rondeau visant la compensation et il a déclaré [traduction] « ceci date de plusieurs années. Mais comme il n’y a eu aucun remboursement, la question est maintenant de nature théorique... en ce qui me concerne, ceci ne s’applique plus » (transcription, p. 756). Il a convenu que, dans une société privée, une personne pouvait décider d’appliquer un remboursement dû à la société à une dette fiscale personnelle et il a déclaré que les agents chargés du recouvrement avaient le pouvoir discrétionnaire d’autoriser une telle entente. Il a précisé que le remboursement devait être prévu [traduction] « très rapidement, et qu’un remboursement aussi important serait normalement accompagné d’une vérification » (transcription, p. 756).

 

[102]       Il a témoigné qu’il ne se souvenait pas que la question de la compensation ait été soulevée à la réunion du 6 octobre 1987.

 

[103]       Au sujet de l’entente prévoyant que la compensation serait rétroactive au 1er mars 1984, voici ce qui ressort du témoignage de M. Thomson :

1)         il a reconnu que M. Roy n’a pas utilisé le terme rétroactive en discutant de l’entente de compensation (transcription, p. 448);


2)         il a reconnu qu’il [M. Thomson] ne lui a pas dit [à M. Roy] que [traduction] « si Ichi a gain de cause devant la Cour de l’impôt et obtient son remboursement, il sera appliqué rétroactivement à la dette fiscale de 1982 » (transcription, p. 448);

3)         M. Thomson a déclaré que M. Roy comprenait qu’il y avait lieu de procéder comme M. Rondeau l’avait prévu (transcription, p. 449); et

4)         à la question suivante en contre‑interrogatoire : [traduction] « Bon, peut‑on raisonnablement dire que vous avez supposé du fait qu’on aurait dit ‘nous procéderons à la compensation comme l’agent chargé du recouvrement l’a prévu’, que vous avez supposé que la chose serait faite rétroactivement; est‑il raisonnable de dire cela? » M. Thomson a répondu [traduction] « Oui, il faut que compensation soit rétroactive »;

5)         à une autre question en contre‑interrogatoire, savoir [traduction] « Êtes‑vous d’accord avec moi qu’à la réunion du 6 octobre 1987, on n’a pas discuté la façon dont la compensation serait appliquée?; on n’a pas discuté la procédure qui serait adoptée », M. Thomson a répondu : [traduction] « Non, on a simplement parlé de l’agent chargé du recouvrement, en disant que ce serait comme il l’avait prévu et ce sont là les termes utilisés par M. Roy ».

 

[104]       En me fondant sur toute la preuve, j’arrive à la conclusion qu’il n’y a pas eu d’entente entre M. Roy et M. Thomson prévoyant qu’on comptabiliserait la compensation au 1er mars 1984.

 


[105]       La question de l’application rétroactive de la compensation n’a jamais été présentée par M. Thomson d’une façon suffisamment claire pour que M. Roy puisse comprendre son intention à ce sujet, ce qui fait qu’il n’a pas donné son consentement. Il n’y a tout simplement pas eu d’entente profonde sur cette question. Le fait de dire [traduction] « comme l’agent chargé du recouvrement [Mark Rondeau] a convenu de le faire » ne dénote pas à sa face même un élément de rétroactivité, au sens où le remboursement aurait été porté au crédit du compte fiscal de M. Thomson à une date antérieure à celle où la compensation a eu lieu. M. Thomson a admis qu’il n’avait pas utilisé le mot rétroactive et qu’il avait présumé qu’il y aurait rétroactivité lorsqu’il a entendu les mots [traduction] « comme l’agent chargé du recouvrement a convenu de le faire ». Selon moi, l’entente Roy ne comportait aucune disposition relative à la rétroactivité et la compensation devait être inscrite aux livres au moment de sa réalisation.

 

[106]       J’accepte le témoignage de M. Roy portant qu’il n’y a rien dans la Loi qui autorise la rétroactivité dans l’inscription d’un remboursement ou d’un paiement, et personne n’a attiré mon attention sur une disposition de la Loi qui irait dans ce sens. J’accepte aussi son témoignage voulant que les paiements sont inscrits le jour où le ministère reçoit l’argent (transcription de la déposition de M. Roy, p. 553 et 554) et que les remboursements sont portés au crédit des comptes le jour où ils sont délivrés.

 


[107]       Il y a une autre raison permettant de conclure à l’absence de rétroactivité dans l’application de la compensation. Une telle rétroactivité aurait pour effet qu’on traiterait M. Thomson comme si le remboursement avait été disponible en 1984, alors qu’il ne l’était pas et que c’est pourquoi l’on n’y a pas procédé. Il n’est pas plausible que les fonctionnaires de Revenu Canada accepteraient une telle entente, qui permettrait de faire indirectement ce qu’y ne pouvait l’être directement, savoir procéder à la compensation.

 

[108]       Je suis arrivé à la conclusion qu’il n’y avait rien dans l’entente entre M. Roy et M. Thomson qui portait que M. Thomson serait remboursé suite à la liquidation de son REER, du simple fait qu’Ichi obtenait gain de cause devant la Cour de l’impôt, savoir qu’on ne tiendrait pas compte de si Revenu Canada l’avait liquidé illégalement ou non.

 

[109]       Selon moi, une telle clause aurait été contraire à la position prise antérieurement par Revenu Canada voulant que le REER de M. Thomson avait été liquidé légalement, point de vue qui a été réitéré à M. Thomson dans la lettre que lui adressait le ministre MacKay le 31 août 1987.

 


[110]       J’accepte le témoignage de M. Roy, qui est corroboré par celui de M. McCutchan et, indirectement, par celui de M. Bergen, qui n’a rien noté à ce sujet dans ses notes, que Revenu Canada n’avait pas comme politique d’accorder une forme d’indemnisation suite à la liquidation du REER d’un individu, sauf si cette liquidation avait été faite illégalement, par exemple s’il n’y avait pas eu de dette fiscale. M. Thomson a semblé reconnaître ce point, puisqu’il était d’avis qu’en 1987 il n’avait pas de dette fiscale. Il n’arrive toutefois à cette conclusion qu’à partir de son point de vue que le remboursement aurait dû être appliqué rétroactivement à mars 1984, afin de liquider sa dette fiscale pour 1982. Il passe à côté de la question, puisque le remboursement n’était pas disponible pour qu’on puisse procéder à la compensation prévue, tel que l’avait demandé Ichi et que l’avait autorisé M. Rondeau.

 

[111]       Finalement, je veux mentionner ici la pièce P‑1 des demandeurs (dossier de documents des demandeurs, onglet 89), qui est un document de Revenu Canada ne portant ni titre ni date et où l’on trouve ceci : [traduction] « Historique d’Ichi Canada Ltd. ... James Thomson et Heidi Thomson ». Voici un extrait de ce document :

[traduction]

Le ministre a signifié son accord pour donner suite à la décision [de la Cour de l’impôt] au sujet de l’année d’imposition 1983 d’Ichi. Ceci permet que le remboursement de 33 560 $ soit appliqué à la dette fiscale de M. Thomson, rendant le paiement tiré de la liquidation du REER inutile. Le REER serait donc remis à M. Thomson.

 

 

 

[112]       En supposant, sans toutefois en décider, que ce document est recevable en vertu de l’article 30 de la Loi sur la preuve au Canada, je ne lui donne aucun poids parce qu’il présume une application rétroactive de la compensation qui est erronée en droit et qui est contraire à la preuve.

 

3)         L’entente Cormack

 


[113]       M. Thomson a refusé d’accepter le chèque offert par M. Bergen le 6 mars 1989. Selon son témoignage, M. Thomson a accepté le chèque de remboursement de 46 000 $ de M. Cormack parce que ce dernier lui avait promis un état de compte pour son dossier personnel, après avoir procédé à la compensation prévue par l’entente Rondeau (transcription, p. 162). Il souligne ceci dans sa lettre du 20 mars 1989 à M. Cormack, dont l’avant‑dernier paragraphe est rédigé comme suit :

[traduction]

Le fait que vous reconnaissez que Revenu Canada devait 33 560,26 $ au 30 avril 1983, ce qui correspond à la somme due à Thomson pour diminuer au même moment son compte de prêts de l’actionnaire, est la première fois depuis longtemps qu’on vient rectifier ce dossier. Je vous en remercie. [non souligné dans l’original]

 

 

 

[114]       Plus tôt dans mes motifs, j’ai traité de la lettre du 4 avril 1989 de M. Cormack à M. Thomson, en réponse à la lettre du 20 mars 1989 de ce dernier, des notes de service internes et de la lettre finale de M. Cormack datée du 5 juillet 1989. Entre parenthèses, les renseignements de M. Thomson sont clairement faux. Le remboursement n’a jamais été dû à Ichi et la date du 30 avril 1983 n’a aucun sens, étant donné que les modifications qui devaient donner lieu au remboursement n’ont été déposées qu’en novembre 1983.

 

[115]       M. Cormack a témoigné qu’il a pris connaissance du dossier à la demande de son directeur après la réunion du 6 mars 1989, au cours de laquelle le chèque de 46 000 $ payable à Ichi n’a pas été remis à M. Thomson car il ne l’avait pas accepté. Le directeur voulait que M. Cormack s’assure que M. Thomson recevait le chèque au nom d’Ichi, étant donné que Revenu Canada n’avait aucune raison de le garder. Comme il l’a dit, c’était là le mandat étroit qu’il avait reçu.

 


[116]       Il n’avait pas rencontré M. Thomson avant la réunion du 13 mars 1989 et ne lui avait parlé qu’une ou deux fois. Avant de le rencontrer, il n’a pas examiné les dossiers d’Ichi ou de M. Thomson (transcription, p. 1345).

 

[117]       Nonobstant le fait qu’il ne pouvait rafraîchir sa mémoire à l’aide de notes et qu’il ne se souvenait pas exactement de ce qu’il avait dit au cours de sa réunion avec M. Thomson, M. Cormack :

1)         a reconnu qu’au cours de la réunion, M. Thomson a probablement soulevé la question d’un état de compte pour ses impôts personnels ainsi que de la liquidation de son REER, puisque dans la lettre qu’il a envoyée le 4 avril 1989 à M. Thomson, il a annexé un état de compte et a demandé à M. Thomson de produire son T4 RER pour 1987 afin qu’on puisse porter l’impôt retenu à son crédit;

2)         il a nié la déclaration que l’on trouve dans la lettre du 20 mars 1989 que lui adresse M. Thomson voulant que la somme de 33 560,26 $ était due rétroactivement en 1983. Il a témoigné que cette somme correspondait au remboursement qui n’était pas dû, en ce que Revenu Canada n’avait aucune obligation de le payer du fait qu’il n’était pas disponible en l’absence d’une nouvelle cotisation;

3)         il était certain qu’il n’avait pas accepté de créditer le chèque rétroactivement parce que [traduction] « nous ne procédons pas de cette façon » (transcription, p. 1373);


4)         l’avocate de M. Thomson lui a posé la question suivante : [traduction] « Je suggère que vous avez donné votre accord pour présenter un état de compte de la dette fiscale personnelle de M. Thomson après y avoir appliqué le remboursement à titre de crédit au 30 avril 1983, ou vers cette date, qui serait utilisé pour rembourser... de M. Thomson – et qu’il paierait les impôts encore dus après que ce crédit aurait été porté à son compte d’impôts personnel ». M. Cormack a répondu : [traduction] « Non, je crois que probablement ce qui s’est produit est que si – j’ai donné mon accord pour qu’après mon enquête, si les choses étaient comme il l’avait déclaré et que nous versions le crédit à Ichi, ce serait – il s’agissait d’un remboursement lié au report rétrospectif d’une perte. Et le remboursement n’aurait pas été porté à son crédit au 30 avril 1983, mais bien à la date de son dépôt. Toutefois, les intérêts seraient ajustés rétroactivement » (transcription, p. 1373). À la page 1375 de la transcription, il a réaffirmé son point de vue que le remboursement est porté au crédit d’un compte le jour où la nouvelle cotisation est délivrée;

5)         il a nié avoir promis de rembourser M. Thomson pour la liquidation de son REER, puisque [traduction] « le remboursement ou la réactivation d’un REER n’était pas de ma compétence. C’est probablement quelque chose qui n’était pas possible et je n’aurais pas promis de le faire » (transcription, p. 1348).

 


[118]       Au cours de son contre‑interrogatoire (transcription, p. 532), on a demandé à M. Thomson s’il avait expliqué à M. Cormack que sa vision d’apurer son compte [traduction] « voulait dire que vous vouliez que le remboursement s’applique rétroactivement au 1er mars 1984? ». M. Thomson a répondu [traduction] « Oui, il avait compris l’entente Rondeau. Il avait vu l’autorisation que M. Rondeau avait délivré le 7 mars ».

 

[119]       Questionné plus longuement, M. Thomson a reconnu qu’il n’avait pas utilisé le terme « rétroactive », mais il a ajouté [traduction] « j’ai supposé que je parlais de rétroactivité lorsque j’ai mentionné l’entente Rondeau » (transcription, p. 532).

 

[120]       À la page 533 de la transcription, M. Thomson a reconnu qu’il n’avait pas nécessairement parlé avec M. Cormack du fait que les 33 000 $ avaient été appliqués en réduction de son prêt d’actionnaire.

 

[121]       Après avoir évalué et soupesé la preuve qui m’est présentée, j’arrive à la conclusion qu’il n’y avait pas entente entre M. Cormack et M. Thomson portant que M. Cormack porterait le remboursement délivré en 1989 au crédit de M. Thomson rétroactivement au 30 avril 1983 ou au 1er mars 1984, non plus que M. Cormack aurait déclaré qu’il rembourserait M. Thomson pour la liquidation de son REER.

 


[122]       Encore une fois, le problème est causé par le peu de preuve pour corroborer les témoignages, mais le peu qui existe appuie le point de vue de M. Cormack. Il en va de même de son mandat limité et du contexte dans lequel il est intervenu dans ce dossier pour chercher à obtenir le résultat du 13 mars 1989. Cette rencontre ne portait pas sur le fond pour M. Cormack, elle avait pour seul objectif de remettre le chèque de remboursement d’Ichi à M. Thomson.

 

[123]       La lettre adressée par la suite par M. Cormack à M. Thomson démontre que l’entente invoquée par M. Thomson n’avait pas eu lieu. Le point de vue de M. Cormack au sujet de l’état de compte à établir pour le compte d’impôt personnel de M. Thomson auprès de Revenu Canada ne correspond pas à ce que M. Thomson croyait. Dans sa lettre du 4 avril 1989, M. Cormack annexe un document qu’il considère répondre à son engagement, savoir un état de compte. L’idée que se faisait M. Thomson à ce sujet était très différente et il ne l’a pas précisée clairement à M. Cormack.

 

[124]       De la même façon, le fait que M. Cormack ait demandé à M. Thomson de produire son T4 RER ne vient pas appuyer la proposition voulant qu’il aurait convenu de rembourser M. Thomson pour la liquidation de son REER. En fait, c’est à déduction contraire qu’on peut raisonnablement arriver, savoir que la liquidation du REER ne peut être remise en cause, mais que M. Thomson doit bénéficier de toutes les retenues d’impôts à ce titre.

 


[125]       Finalement, la façon dont M. Cormack a abordé la question du remboursement de 33 000 $ ne cadre pas avec l’idée qu’il aurait convenu de porter cette somme rétroactivement au crédit du compte d’impôts personnels de M. Thomson, savoir au 1er mars 1984. Selon moi, M. Cormack avait une perception totalement différente de la nature du problème soulevé par M. Thomson et, en fin de compte, il a conclu qu’il n’y avait rien d’autre à faire et qu’il n’y avait pas lieu d’apporter de modification. M. Thomson n’est pas revenu à la charge.

 

[126]       De plus, il a témoigné que Revenu Canada ne fait aucune application rétroactive des paiements et j’accepte ce témoignage.

 

5)         Les questions en litige restantes – la rupture de contrat et la fin de non‑recevoir

 


[127]       Suite à mes conclusions de fait, la seule entente sur laquelle les demandeurs peuvent appuyer leur réclamation est l’entente Roy, dont l’existence a été admise par la défenderesse. Cette entente portait que si Ichi avait gain de cause devant la Cour canadienne de l’impôt, elle pourrait utiliser le remboursement en compensation de la dette fiscale personnelle de M. Thomson. L’entente Roy ne contient aucun élément qui permettrait de retourner à 1984, ce qui veut dire que la compensation devait être réalisée lorsque le remboursement était disponible, M. Thomson obtenant le crédit du remboursement le jour où la compensation était réalisée. De plus, l’entente Roy n’engage aucunement Revenu Canada à rembourser M. Thomson pour la liquidation de son REER au cas où Ichi avait gain de cause.

 

[128]       Il reste donc à décider trois questions : 1) à quel moment le remboursement était‑il disponible pour procéder à la compensation; 2) la façon par laquelle Revenu Canada a traité le remboursement constitue‑t‑elle une violation de l’entente Roy; et 3) les demandeurs peuvent‑ils se voir opposer une fin de non‑recevoir, soit parce que la compensation n’était pas autorisée par la Loi de l’impôt sur le revenu au moment pertinent, soit parce que leur réclamation est prescrite?

 

(i)         À quel moment le remboursement est‑il devenu disponible?

 

[129]       La Cour de l’impôt a tranché l’affaire en faveur d’Ichi le 17 décembre 1987, alors que la juge Kempo a ordonné au ministre de procéder à une nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 1982 d’Ichi sans appliquer de limites aux pertes agricoles. Elle a rejeté l’appel d’Ichi pour son année d’imposition 1983, au vu d’une cotisation néant. Toutefois, comme je l’ai déjà mentionné, le ministre a convenu d’aligner sa nouvelle cotisation d’Ichi pour l’année d’imposition 1983 sur le résultat de l’appel qu’il portait à la Section de première instance de la Cour fédérale au sujet de l’année d’imposition 1982 d’Ichi.

 


[130]       Le 13 mars 1989, Ichi a reçu un chèque de 46 657,71 $ de Revenu Canada. Ce chèque suivait la demande d’Ichi pour obtenir le remboursement des montants en litige en vertu du libellé du paragraphe 164(1.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu – une disposition qui est ultérieure à 1984, moment où Ichi s’est opposée aux nouvelles cotisations d’août 1984 au vu des limites imposées à ses pertes agricoles. La somme du paiement en vertu du paragraphe 164(1.1) est calculée sur la somme cotisée en litige.

 

[131]       Le ministre a dû traiter la nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 1982 d’Ichi d’une manière différente du traitement accordé à l’année 1983, étant donné que la Cour de l’impôt avait rejeté l’appel d’Ichi pour cette dernière année. Ichi a donc dû solliciter la détermination d’une perte pour son année d’imposition 1983 et manifester son opposition, afin de déclencher l’application du paragraphe 164(1.1).

 

[132]       Comme je l’ai fait remarquer, le ministre a délivré une nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 1982 d’Ichi en juillet 1988, Ichi déposant son avis d’opposition à la détermination des pertes par le ministre pour 1983 le 4 octobre 1988.

 

[133]       Je partage l’avis de l’avocate de la défenderesse que ce n’est qu’après ces dates que les pertes étaient disponibles aux fins du report rétrospectif des pertes qui est à la source du remboursement. Après qu’on eut procédé aux calculs, processus qui à mon avis a pris beaucoup trop de temps, comme l’admet d’ailleurs M. Bergen, le ministre a émis le chèque de remboursement le 2 mars 1989. C’est à cette date que la somme est devenue disponible aux fins de la compensation.


(ii)        Les gestes de Revenu Canada respectaient‑ils l’entente Roy?

 

[134]       Quant à la deuxième question, je conclus que la façon par laquelle Revenu Canada a traité le remboursement en mars 1989 ne respectait pas l’entente Roy, qui ne prévoyait pas l’émission de chèques mais plutôt, par suite de l’autorisation fournir par Ichi, des écritures équivalentes faites par Revenu Canada dans les comptes d’impôt d’Ichi et de M. Thomson. Il s’agissait en fait d’un débit au compte fiscal d’Ichi pour la somme du remboursement, suivi d’un crédit pour la même somme dans le compte fiscal personnel de M. Thomson (voir l’interrogatoire préalable de Ken Bergen, 18 janvier 2000, questions 865 à 868).

 

[135]       C’est de cette façon que M. Roy envisageait la chose (transcription de la déposition de M. Roy, p. 120) et aussi ce que M. Thomson avait compris, bien qu’il y ajoutait un élément de rétroactivité jusqu’en 1984 que j’ai jugé ne pas être applicable.

 

[136]       Je reconnais la préoccupation énoncée par Revenu Canada comme motivation d’un échange de chèques (voir la note de service du 30 août 1988 de M. McClure, pièce D‑5), savoir que Revenu Canada ne désirait pas déclencher l’application des articles 15.1 ou 15.2 de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 


[137]       Selon moi, cette préoccupation n’était pas suffisante pour justifier qu’on impose unilatéralement à M. Thomson une modification à l’entente Roy. M. Thomson avait informé Revenu Canada qu’Ichi avait diminué, en 1985, son prêt d’actionnaire au vu du remboursement anticipé. M. Roy a convenu que si M. Thomson avait effectivement droit au remboursement d’un prêt de l’actionnaire et que la somme était correctement comptabilisée par Ichi, la question de l’à propos de la procédure adoptée ne se posait pas (voir la transcription de la déposition Roy, p. 124).

 

[138]       Lors de son interrogatoire préalable, M. Bergen a admis qu’il venait tout juste d’être informé de la directive de Mark Rondeau au service comptable de Revenu Canada à Surrey, portant que la lettre du 1er mars 1984 d’Ichi constituait l’autorisation requise pour la compensation. Il a déclaré en contre‑interrogatoire qu’il avait eu tort de donner le chèque de remboursement à M. Thomson en mars 1989 et que Revenu Canada aurait dû appliquer directement cette somme à la dette fiscale personnelle de M. Thomson le 6 mars 1989, selon la lettre d’autorisation d’Ichi (voir la transcription des témoignages, p. 587).

 

[139]       Ma conclusion à ce sujet est que je préfère le témoignage de M. Thomson qu’il n’était pas d’accord pour accepter un échange de chèques. Il est vrai qu’Ichi a reçu un chèque, mais à la condition spécifique qu’on comptabilise la compensation. Tous les contacts de M. Thomson avec les fonctionnaires de Revenu Canada indiquent que M. Thomson n’acceptait pas ce chèque, qui est d’ailleurs toujours dans le compte d’Ichi où il équilibre la réduction du prêt de l’actionnaire au crédit de M. Thomson.

 


(iii)       L’entente Roy est‑elle contraire à la Loi de l’impôt sur le revenu?

 

[140]       En présence d’une violation, la défenderesse soulève deux empêchements législatifs face à la réclamation des demandeurs : 1) l’interdiction énoncée aux articles 67 et 68 de la Loi sur la gestion des finances publiques de céder toute « créance sur Sa Majesté », telle que cette notion est définie à l’article 66 de cette loi comme une « créance existante ou future, échue ou à échoir, de Sa Majesté, ainsi que tout autre droit incorporel dont le recouvrement peut être poursuivi en justice contre Sa Majesté », le tout selon l’interprétation donnée à ces articles par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt  Marzetti c. Marzetti, [1994] 2 R.C.S. 765; et 2) le fait que la réclamation des demandeurs avait été introduite hors délai, la prescription étant de six ans.

 

[141]       L’arrêt Marzetti, précité, porte sur la détermination d’une priorité entre le directeur de l’exécution des ordonnances de soutien de l’Alberta (le directeur), qui avait ordonné en décembre 1988 qu’on lui verse 250 $ par mois au titre de pensions alimentaires aux enfants et à l’épouse et qui avait produit, le 15 février 1990, une saisie‑arrêt en vertu de la Loi d’aide à l’exécution des ordonnances et des ententes familiales, une loi fédérale, enjoignant à Sa Majesté de lui verser toutes les sommes par ailleurs payables à M. Marzetti en vertu de toute loi du Parlement, et le syndic de faillite nommé suite à la cession volontaire de ses biens par M. Marzetti.

 


[142]       La question consistait à savoir qui avait droit à un remboursement postfaillite d’impôt, sachant que M. Marzetti avait, le 7 juin 1989, autorisé le syndic à remplir et à produire sa déclaration postfaillite d’impôt sur le revenu pour l’année 1989, déclarant en sus que : [traduction] « Je consens de plus à ce que tout remboursement résultant de cette déclaration soit posté à... comme étant un élément d’actif conformément à l’article 47 de la Loi sur la faillite, afin d’être partagé entre mes créanciers » (p. 770).

 

[143]       Avant que le remboursement ne soit effectué, le syndic a demandé un jugement déclarant que le remboursement était à bon droit payable à lui et non au directeur. La Cour suprême du Canada a conclu que l’autorisation en cause « ne pouvait, aux termes de la loi, créer une cession valide » (p. 805).

 

[144]       Selon moi, l’interprétation donnée par la Cour suprême du Canada des articles 67 et 68 de la Loi sur la gestion des finances publiques dans l’arrêt Marzetti, précité, ne permet pas d’opposer une fin de non‑recevoir à l’entente Roy.

 

[145]       Voici ce qu’a déclaré le juge Iacobucci, au nom de la Cour, aux pages 802 et 803 du Recueil :

[84] . . .dans la mesure où le protocole d’entente est rendu inopérant par l’art. 67 de la Loi sur la gestion des finances publiques. Cet article prévoit notamment que « [s]ous réserve des autres dispositions de la présente loi ou de toute autre loi fédérale [. . .] les créances sur Sa Majesté sont incessibles » . Selon la définition de l’art. 66, l’expression « créances sur Sa Majesté » s’entend non seulement des créances existantes, mais également des créances futures « échue[s] ou à échoir ». Comme je l’ai déjà indiqué, Marzetti n’a acquis une créance légale relativement à son remboursement postfaillite d’impôt qu’à la date de la production de sa déclaration d’impôt sur le revenu. Mais son intérêt dans ce remboursement peut légitimement être qualifié d’intérêt dans une créance future à échoir sur Sa Majesté.


[85] Cette assimilation à une créance sur Sa Majesté signifie que la Loi sur la gestion des finances publiques a pour effet d’interdire la cession d’un remboursement d’impôt sur le revenu échu ou à échoir, à moins que cette cession ne soit permise par cette loi ou toute autre « loi fédérale ». Or, il est certain que la Loi sur la gestion des finances publiques ne permet pas une telle cession, et aucune autre loi fédérale ne contient d’autorisation expresse à cet égard.

 

 

[146]       En l’instance, les faits sont différents. Par sa nature, l’entente Roy ne constituait pas la cession d’une obligation de Sa Majesté de payer le remboursement d’impôt sur le revenu d’Ichi, mais bien l’engagement d’appliquer le remboursement accordé à Ichi au paiement du compte d’impôt de M. Thomson. En termes simples, la compensation ne pouvait être réalisée que lorsque le remboursement ne constituait plus une dette de Sa Majesté parce qu’il était devenu la propriété d’Ichi.

 

[147]       La nature de l’entente Roy est illustrée par ce qui s’est réellement produit. Revenu Canada a émis un chèque de remboursement à Ichi le 2 mars 1989 et se proposait de le remettre à Ichi pour qu’elle l’encaisse. Ensuite, dans une autre transaction, Revenu Canada recevrait un chèque en échange, ou peut‑être simplement que M. Thomson endosserait le chèque d’Ichi à Revenu Canada (ce qu’il a refusé de faire) pour payer ses impôts personnels. Le remboursement s’étant transformé en un chèque remis à Ichi venait régler la dette que la Couronne avait envers Ichi parce qu’elle lui devait ladite somme. M. Roy a témoigné que selon lui il n’y avait guère de différence entre des écritures croisées (ce qu’il avait prévu avec M. Thomson) et un échange de chèques (voir la transcription du témoignage Roy, p. 125).

 


[148]       La nature de l’entente Roy est aussi illustrée par ce que Revenu Canada a toujours déclaré à M. Thomson pour lui expliquer pourquoi on n’avait pas réalisé la compensation en 1984. Cette compensation n’a jamais été réalisée parce que le remboursement n’était pas disponible, n’étant pas encore déterminé.

 

[149]       Plusieurs fonctionnaires de Revenu Canada ont témoigné qu’ils étaient au courant du type d’autorisation de compensation envisagée dans l’entente entre M. Rondeau et M. Thomson et j’en déduis de leurs réponses qu’ils ne considéraient pas cette pratique comme illégale. Pour les motifs que j’ai exprimés, je crois que les fonctionnaires de Revenu Canada avaient raison sur ce point.

 

(iv)       L’action des demandeurs est‑elle hors délai?

 

[150]       Je vais maintenant traiter de la dernière question. La défenderesse soutient que les demandeurs ont agi hors délai en présentant cette action le 5 décembre 1997. Le fardeau de démontrer que les demandeurs ont commencé l’action hors délai incombe à la défenderesse.

 

[151]       La question consiste à savoir si la mise en oeuvre de l’entente Roy est prescrite du fait que l’action intentée pour l’obtenir a été présentée trop tard. Le délai court à la réalisation de la cause d’action et, en droit contractuel, de la date de la violation (sous réserve d’éléments découverts en interrogatoire préalable). (Voir Mew, The Law of Limitations, Butterworths, 1991 edition, p. 133).


[152]       Dans ses prétentions écrites, aux paragraphes 188 à 206, l’avocate de la défenderesse a fait porter ses arguments sur le moment où M. Thomson a su que Revenu Canada n’avait pas l’intention de procéder rétroactivement à la compensation. Étant donné que j’ai conclu que l’entente Roy ne contenait pas une clause prévoyant que la compensation serait appliquée rétroactivement, non plus qu’une clause visant un remboursement à M. Thomson suite à la liquidation de son REER, la prescription ne s’applique pas à ces questions.

 

[153]       Toutefois, la question demeure celle de savoir à quel moment le délai a commencé à courir pour la réalisation de l’entente de compensation telle qu’envisagée à l’origine par Mark Rondeau et confirmée par la suite à M. Thomson par M. Roy. La question se complique du fait que la preuve démontre qu’après la décision de la Cour de l’impôt, un chèque de remboursement payable à Ichi a été remis à M. Thomson par M. Cormack le 13 mars 1989, chèque qu’Ichi a encaissé et qu’elle déclare détenir en fiducie, sans toutefois l’appliquer au paiement des impôts dus de M. Thomson qui, auparavant, en 1985, avait procédé à la diminution du compte de prêts de l’actionnaire d’une somme de 33 560 $, savoir le remboursement anticipé.

 

[154]       L’avocate de la défenderesse déclare que rien ne laisse supposer que c’était la décision finale de la Cour fédérale sur la question des pertes agricoles d’Ichi [traduction] « qui était la condition de la mise en oeuvre de l’entente Roy – c’était en fait la décision de la Cour de l’impôt ».

 


[155]       Elle souligne les mesures prises par Revenu Canada et par M. Thomson pour obtenir le remboursement, qui se sont soldées par la remise du chèque le 13 mars 1989.

 

[156]       L’avocate des demandeurs soutient que l’entente Roy est implicitement fondée sur la décision relative aux pertes agricoles, ce qui ne s’est produit que lorsque le ministre a décidé de ne pas porter la décision du juge Joyal en appel. Toutefois, elle fonde son argument de la même façon que l’avocat de la défenderesse, savoir que l’entente Roy contenait une clause sur l’application rétroactive et une clause de remboursement du REER, ce qui n’est pas le cas.

 

[157]       Le témoignage de M. Roy vient appuyer le point de vue que la réalisation de l’entente avec M. Thomson était conditionnelle à l’obtention d’une décision favorable des tribunaux, étant donné le fait que le remboursement était lié à la question des pertes agricoles. Je partage ce point de vue. C’est pourquoi M. Bergen a déclaré, lors de son interrogatoire préalable, que le remboursement du 13 mars 1989 était un versement provisoire (voir l’interrogatoire préalable de Ken Bergen, 18 janvier 2000, questions 809 à 813), mais il n’a pas dit à M. Thomson qu’il s’agissait d’un remboursement provisoire (interrogatoire préalable, précité, p. 821). Selon ce point de vue, l’action des demandeurs est hors délai et j’en conclus ainsi.

 

[158]       Je penche vers un autre point de vue, savoir que l’entente Roy a en fait été violée lorsqu’on n’a pas procédé à la compensation en mars 1989, comme on aurait dû le faire, personne n’étant informé de cette violation avant qu’on ait complété la présentation de la preuve au procès.


[159]       Du côté de la défenderesse, la preuve à l’appui de ce point de vue est la suivante : 1) personne à Revenu Canada n’a noté par écrit les clauses de l’entente Roy, et on ne trouve notamment rien à ce sujet dans les notes très importantes des agents ou ailleurs dans le dossier de recouvrement; 2) l’aveu portant sur l’existence de l’entente Roy n’a été présenté que lors de son témoignage au procès; et 3) l’admission de M. Bergen voulant que s’il avait connu l’entente de compensation Rondeau, que vient confirmer pour l’essentiel l’entente Roy, Revenu Canada n’aurait pas émis de chèque à Ichi en 1989 mais aurait procédé à la compensation.

 

[160]       Du point de vue des demandeurs, ils étaient aussi dans les ténèbres : 1) Revenu Canada admet n’avoir jamais présenté à M. Thomson un état précis justifiant le libellé du chèque; 2) Revenu Canada n’a jamais dit à M. Thomson qu’il s’agissait uniquement d’un versement provisoire; 3) M. Thomson avait une mauvaise compréhension de l’entente Roy.

 

[161]       Selon ce point de vue, bien que la violation de l’entente Roy se soit produite en mars 1989, elle n’est devenue réelle pour les parties que lors de l’interrogatoire préalable de M. Bergen et durant le procès. Selon ce point de vue, l’action des demandeurs n’est pas hors délai.

 

[162]       En définitive, la justice exige que l’entente Roy soit exécutée comme elle avait été envisagée originalement, la compensation étant effectuée au moment où le remboursement était disponible, savoir le 6 mars 1989, même s’il ne s’agissait que d’un « remboursement provisoire ».


[163]       Les demandeurs ont droit à une déclaration portant que la défenderesse est tenue de procéder, le 6 mars 1989, à la compensation du montant principal du remboursement obtenu suite aux modifications des années d’imposition 1980 et 1981 d’Ichi, pour obtenir le report rétrospectif des pertes pour ses années d’imposition 1982 et 1983, avec les impôts que M. Thomson devait à Revenu Canada à cette date.

 

[164]       Je ne délivrerai pas d’ordonnance prévoyant une reddition de comptes, cette question étant liée à celle des dommages‑intérêts qui n’est pas de mon ressort. Je veux simplement dire qu’en évaluant ces dommages, il va falloir tenir compte du chèque de remboursement qui se trouve au compte d’Ichi depuis mars 1989.

 

[165]       Chaque partie ayant eu partiellement gain de cause, les dépens sont à la charge de chacune d’elles.

 

 

                                                                                                                            « François Lemieux »            

                                                                                                                                                     Juge                        

 

 

OTTAWA (ONTARIO)

Le 27 janvier 2003

 

 

Traduction certifiée conforme

 

 

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                            SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

 

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

 

DOSSIER :                                       T‑2648‑97

 

INTITULÉ :                                      James Thomson et Ichi Canada Ltd.

                                                           c.

Sa Majesté la Reine

                                                   

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :               Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :              Le 9 avril 2002

 

MOTIFS DE JUGEMENT DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

 

DATE DES MOTIFS :                    Le 27 janvier 2003

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mme Lana Li                                                                             POUR LES DEMANDEURS

 

Mmes Linda Bell et Victoria Bryan                                              POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Mme Lana Li                                                                             POUR LES DEMANDEURS

Douglas Symes & Brissenden

Vancouver (C.‑B.)

 

M. Morris Rosenberg                                                               POUR LA DÉFENDERESSE

Sous‑procureur général du Canada

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