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Date: 20000823


Dossier : IMM-4707-99

Toronto (Ontario), le mercredi 23 août 2000

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MacKAY


ENTRE :

     HASAN KULLA

     demandeur


     - et -



     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION


     défendeur




ORDONNANCE


     VU la demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada a statué, le 31 août 1999, que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention;

     ET APRÈS avoir entendu les avocats des parties aujourd'hui à Toronto et accueilli oralement la demande;


     LA COUR STATUE ET CONFIRME QUE :


  1. .      La demande est accueillie.
  2. .      La décision contestée est infirmée.
  3. .      La demande du demandeur est renvoyée à la Section du statut de réfugié pour réexamen par un tribunal différemment constitué.

     « W. Andrew MacKay »

                                 J.C.F.C

Traduction certifiée conforme



Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a..




Date: 20000824


Dossier : IMM-4707-99

ENTRE :

     HASAN KULLA

     demandeur

     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION

    

     défendeur

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MACKAY

[1]          Les présents motifs confirment ceux prononcés oralement à la fin de l'audition de la demande de contrôle judiciaire tenue à Toronto (Ontario), le 23 août 2000.

[2]          À la fin de l'audition, j'ai ordonné que la décision contestée, portant que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention, soit infirmée et que sa demande soit renvoyée pour réexamen par un tribunal différemment constitué.

[3]          Le demandeur est un Albanais de 56 ans qui est arrivé au Canada en février 1988 muni d'un visa de visiteur. Il a par la suite présenté une demande aux fins d'être reconnu comme réfugié au sens de la Convention. Lorsque sa revendication a été examinée, le tribunal de la SSR a fait remarquer ce qui suit, dans sa décision en date du 31 août 1999 :

[Traduction] Le tribunal reconnaît que le demandeur et sa famille ont été persécutés par l'ancien régime communiste, mais elle ne reconnaît pas que le demandeur serait persécuté par le régime socialiste actuel.

[4]          Après avoir examiné la preuve produite devant lui, le tribunal a tenu les propos qui suivent à la page 4 de sa décision :

[Traduction] ... Par conséquent, nous concluons que le demandeur n'a pas de crainte bien fondée d'être persécuté en Albanie. L'avocat du demandeur a soulevé des raisons impérieuses découlant des actes de persécution antérieurs subis par le demandeur. Le tribunal est conscient qu'une catégorie limitée de personnes qui ont subi des actes de persécution « atroces » ou « épouvantables » seraient reconnus comme des réfugiés du seul fait de leurs expériences antérieures. Toutefois, l'internement du demandeur dans différents camps ou le traitement subi par sa famille, bien que cruels et sévères, de l'avis du tribunal, ne peuvent être qualifiés d' « atroces » et « épouvantables » . Pour rendre cette décision, le tribunal a tenu compte du rapport psychologique présenté par le demandeur. Il relate les expériences vécues par le demandeur et conclut que le demandeur a développé, à la suite des actes de persécution antérieurs qu'il a subis sous le régime communiste, des symptômes compatibles avec un diagnostic de dépression clinique chronique et profonde. Le tribunal ne met pas en doute les conclusions médicales incluses dans le rapport. Toutefois, étant donné que le tribunal estime que la disposition relative aux raisons impérieuses ne s'applique pas en l'espèce, l'état de santé du demandeur ne devrait pas avoir d'incidence sur le sort de la revendication.

     La Section du statut de réfugié statue donc que le demandeur, Hasan Kulla, n'est pas un réfugié au sens de la Convention.


[5]          Les avocats des deux parties conviennent que, dans cet extrait, le tribunal se reportait à l'argument présenté au nom du demandeur, selon lequel sa revendication devait être examinée à la lumière du paragraphe 2(3) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, modifiée. À la suite de la définition de l'expression « réfugié au sens de la Convention » , au paragraphe 2(1), le paragraphe 2(3) prévoit :

(3) A person does not cease to be a Convention refugee by virtue of paragraph (2)(e) if the person establishes that there are compelling reasons arising out of any previous persecution for refusing to avail himself of the protection of the country that the person left, or outside of which the person remained, by reason of fear of persecution.

(3) Une personne ne perd pas le statut de réfugié pour le motif visé à l'alinéa

(2)e) si elle établit qu'il existe des raisons impérieuses tenant à des persécutions antérieures de refuser de se réclamer de la protection du pays qu'elle a quitté ou hors duquel elle est demeurée de crainte d'être persécutée.

[6]          Cette disposition a été interprétée comme exigeant des autorités canadiennes qu'elles accordent la reconnaissance du statut de réfugié pour des raisons d'ordre humanitaire à cette catégorie spéciale et limitée de personnes, c'est-à-dire celles qui ont souffert au point que leur seule expérience constitue une raison impérieuse pour ne pas les renvoyer, lors même qu'elles n'auraient plus aucune raison de craindre une nouvelle persécution dans leur pays d'origine; voir les motifs du juge Hugessen, de la Cour d'appel, dans l'affaire Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) v. Obstoj, [1992] 2 C.F. 739, 93 D.L.R. (4th) 144, 142 N.R. 81 (C.A.F.). En l'espèce, je suis persuadé que la conclusion du tribunal, qui estimait que l'expérience antérieure du demandeur était cruelle et dure, sans être atroce et épouvantable, n'est pas bien expliquée, mais je suis d'avis que le tribunal n'a pas tranché, en définitive, la question qui lui était soumise. Cette question consistait non pas à déterminer si l'expérience antérieure du demandeur pouvait être qualifiée d' « atroce » et « épouvantable » , selon les qualificatifs utilisés dans d'autres décisions, mais à se demander, conformément au critère applicable en vertu du paragraphe 2(3) énoncé par madame le juge Reed dans l'affaire Dini c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1054 (C.F. 1re inst.), si la partie demanderesse :

établit qu'il existe des raisons impérieuses tenant à des persécutions antérieures de refuser de se réclamer de la protection du pays qu'elle a quitté...

[7]          De plus, le tribunal souligne, dans sa décision, qu'il a « tenu compte du rapport psychologique présenté par le demandeur » et n'a pas mis en doute les conclusions médicales incluses dans le rapport, mais que, comme des raisons impérieuses découlant de l'expérience antérieure du demandeur ne s'appliquaient pas en l'espèce, son « état de santé ne devrait pas avoir d'incidence sur le sort de la revendication » . Cela ne peut signifier rien d'autre que le tribunal n'a pas considéré l'état de santé du demandeur comme un facteur pour déterminer si des raisons impérieuses donnaient ouverture à l'application du paragraphe 2(3). Bien que ce soit là ce que visait la production du rapport médical, il est évident que le tribunal ne l'a pas examiné à cette fin. La jurisprudence semble établir clairement que le tribunal commet une erreur lorsqu'il ne tient pas compte d'une telle preuve; voir Biakona c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 391 (C.F. 1re inst.); A.S. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 492 (C.F. 1re inst.), Bhardwaj c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1117 C.F. (1re inst.).

[8]          Étant donné que le tribunal a, selon moi, commis une erreur en appliquant le paragraphe 2(3), je ne me prononcerai pas sur les autres arguments invoqués par le requérant. La demande de contrôle judiciaire a été accueillie, la décision infirmée et l'affaire renvoyée pour réexamen par un tribunal différemment constitué, en raison des erreurs commises relativement à l'application du paragraphe 2(3).

[9]          Une ordonnance dans ce sens, prononcée oralement à la fin de l'audition, a été confirmée par écrit. Les avocats n'ont proposé aucune question à certifier en vertu du paragraphe 83(1) de la Loi sur l'immigration et la Cour n'en certifie donc aucune.

     « W. Andrew MacKay »


     J.C.F.C.

Toronto (Ontario)

24 août 2000

Traduction certifiée conforme



Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et avocats inscrits au dossier

NUMÉRO DU GREFFE :          IMM-4707-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :      HASAN KULLA

     requérant

                     - et -
                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     intimé

DATE DE L'AUDIENCE :          LE MERCREDI 23 AOÛT 2000
LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE MacKAY

                        

EN DATE DU :              JEUDI 24 AOÛT 2000

ONT COMPARU :               Me Micheal T. Crane
                         Pour le demandeur
                        
                     M e Ian Hicks

                    

                         Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :     

                     Micheal Crane

                     166, rue Pearl, bureau 200
                     Toronto (Ontario)
                     M5H 1L3

                    

                         Pour le demandeur

                     Morris Rosenberg

                     Sous-procureur général du Canada

                         Pour le défendeur

                     COUR FÉDÉRALE DU CANADA


                                 Date : 20000824

                        

         Dossier : IMM-4707-99


                     ENTRE :


                     HASAN KULLA

     demandeur


                     - et -



                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur





                    


                     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                    

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