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Date : 20031023

Dossier : IMM-5345-02

Référence : 2003 CF 1243

Toronto (Ontario) le 23 octobre 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LEJUGE LEMIEUX                           

ENTRE :

                                                            ABDULLAH OYMAK

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (le tribunal) a refusé de reconnaître Abdullah Oymak (le demandeur) comme réfugié au sens de la Convention dans sa décision datée du 8 octobre 2002. M. Oymak est un citoyen de la Turquie âgé de 23 ans, d'origine kurde et de religion Alevi.                  


[2]                Le tribunal, dont les motifs de la décision sont rédigés en français puisque c'était la langue utilisée à l'audience, n'a pas cru le récit de persécution du demandeur, fondé sur du harcèlement à répétition, centré sur les allégations suivantes : (1) son arrestation le 1er mai 1995 en compagnie de sept de ses amis pour avoir participé à une réunion au cours de laquelle les autorités ont été critiquées. Il a été relâché deux jours plus tard mais menacé de mort s'il reprenait ses activités; (2) il a été battu le 1er janvier 2000 par son commandant alors qu'il faisait son service militaire parce qu'il a été surpris à consommer de l'alcool avec son ami; la violence du commandant s'est intensifiée après que le demandeur eut révélé qu'il était un Kurde Alevi; et (3) il a été victime de violence physique aux mains de la police lorsqu'il a tenté d'empêcher l'arrestation de son frère.

[3]                Le motif pour lequel le tribunal n'a pas cru le récit du demandeur est fondé sur ce qui suit : (1) l'existence de deux contradictions entre les notes prises au point d'entrée (PDE) et ce que le demandeur a mentionné dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP) et son témoignage; (2) la conclusion du tribunal selon laquelle, si le demandeur avait été ciblé par la police, on ne lui aurait pas délivré un passeport, conclusion que tire le tribunal en se fondant sur sa connaissance d'office du fait qu'en Turquie, les passeports sont délivrés uniquement après une enquête exhaustive et; (3) le demandeur a résidé aux États-Unis pendant sept mois sans revendiquer le statut de réfugié.


[4]                Pour ce qui est des contradictions exprimées par le demandeur dans ses notes du PDE, il est dit qu'il n'avait jamais été arrêté en Turquie. Cela contredit son FRP et son témoignage. Deuxièmement, pendant son entrevue au PDE, l'essentiel de sa crainte de retourner en Turquie était exprimé en des termes reliés à la discrimination et au désavantage économique ainsi qu'à la pression exercée par la police et non aux attaques physiques contre lui dont il est question dans son témoignage et dans son FRP.

[5]                La Cour a statué que les conclusions sur la crédibilité sont au coeur de la compétence du tribunal et peuvent être écartées uniquement lorsqu'elles sont tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont le tribunal dispose.

[6]                Les décisions de la Cour reconnaissent depuis longtemps l'existence de deux outils utiles dans l'évaluation de la crédibilité, soit l'existence de contradictions entre les notes du PDE et d'autres éléments de preuve présentés ainsi que l'omission de demander le statut de réfugié dans un pays comme les États-Unis.

[7]                L'avocat du demandeur prétend que le tribunal a commis une erreur en n'acceptant pas les explications du demandeur concernant les contradictions. Le demandeur a témoigné du traitement qu'il a subi lorsqu'il est arrivé par minibus en même temps que 11 autres revendicateurs du statut de réfugié turcs à Lacolle (Québec) dans le but de demander le statut de réfugié. L'arrivée soudaine de ces nombreuses personnes a eu comme résultat qu'elles ont été détenues un ou deux jours dans l'attente de leur entrevue au PDE et qu'on leur a passé les menottes pendant leur transport vers l'endroit où elles devaient attendre de subir leur entrevue. Il a témoigné que ce traitement l'avait effrayé au point qu'il ne pouvait pas penser de façon claire pendant l'entrevue au PDE et cela lui a rappelé ce qu'il avait souffert en Turquie.


[8]                Il a donné deux raisons pour expliquer le retard pris avant de venir au Canada : la nécessité de travailler aux États-Unis pour gagner de l'argent pour entrer au Canada et la maladie aux États-Unis (d'une durée d'un mois) d'un des membres du groupe arrivé par minibus.

[9]                J'ai examiné la transcription de l'audience et étudié les motifs pour lesquels le tribunal a rejeté les explications. À mon avis, le rejet par le tribunal des explications n'était ni arbitraire ni abusif (déraisonnable) au point de justifier l'intervention de la Cour. Comme le veut son mandat, le tribunal a essentiellement évalué les explications et les contradictions relativement au retard.

[10]            De plus, selon moi, l'avocat du demandeur n'a pas réussi à réfuter de manière satisfaisante l'opinion exprimée par l'agent au PDE selon laquelle la peur du demandeur était essentiellement reliée à la discrimination économique.

[11]            L'avocat du défendeur a reconnu que le tribunal avait commis une erreur en se fondant sur sa connaissance d'office de la façon dont les antécédents d'une personne sont examinés avant que ne soit délivré un passeport en Turquie. Si cela avait constitué l'élément central du rejet de la demande du demandeur, la décision du tribunal aurait été rejetée. Cependant, il m'apparaît clair que le renvoi par le tribunal à la question du passeport était supplémentaire, distinct et indépendant du vrai fondement de sa décision, soit qu'il ne croyait pas le récit du demandeur à cause des contradictions et du retard.


                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n'a été soulevée pour certification.

                                                                                                                            _ François Lemieux _           

                                                                                                                                                      Juge                         

Traduction certifiée conforme

Caroline Raymond, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

                                               AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-5345-02

INTITULÉ :                                                    ABDULLAH OYMAK

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)        

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 21 OCTOBRE 2003          

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LE JUGE LEMIEUX

DATE DES MOTIFS :                                   LE 23 OCTOBRE 2003          

COMPARUTIONS :                                     

Brena Parnes                                                     POUR LE DEMANDEUR

Stephen Jarvis                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :      

Waldman and Associates                                   POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                    POUR LE DÉFENDEUR


COUR FÉDÉRALE

                                 Date : 20031023

                                Dossier : IMM-5345-02

ENTRE :

ABDULLAH OYMAK                      

                                                                  demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                    défendeur

                                                                                   

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

                                                                                   


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