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Date : 20030527

Dossier : IMM-3035-03

Référence : 2003 CFPI 666

Toronto (Ontario), le 27 mai 2003

En présence de Monsieur le juge O'Keefe

ENTRE :

                                                             MAGDOLNA SZEGEDI,

                                                                 ISTVAN BOGDAN

demandeurs

et

LE MINISTRE DE

LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une requête présentée par Istvan Bogdan (le demandeur) visant à obtenir une ordonnance de sursis d'exécution quant à son renvoi du Canada devant être effectué en application d'une mesure de renvoi datée du 13 mai 2003. Le demandeur doit être renvoyé du Canada le 29 mai 2003.

[2]                 La demanderesse, Magdolna Szegedi, est la femme du demandeur Istvan Bogdan.

Le contexte

[3]                 Le demandeur est entré au Canada le 11 janvier 2001 et a revendiqué le statut de réfugié. Le 27 novembre 2001, il a été décidé qu'il y avait eu désistement de sa demande du statut de réfugié au sens de la Convention et une demande qui n'avait pas été mise en état visant à obtenir l'autorisation de contester la décision défavorable de la Section du statut de réfugié a été rejetée le 1er mai 2002.

[4]                 Le demandeur et Magdolna Szegedi se sont mariés en mars 2002. En septembre 2002, Magdolna Szegedi a obtenu un formulaire de demande, l'a rempli et l'a transmis au défendeur. Elle croyait qu'elle avait envoyé une demande de parrainage de son mari pour considération humanitaire (CH), alors qu'en fait le formulaire utilisé servait à faire une demande pour devenir résident permanent dans la catégorie d'époux ou de conjoint de fait au Canada. Le demandeur ne pouvait pas être accepté dans cette catégorie parce qu'il ne possédait pas le statut de résident temporaire au Canada.


[5]                 Lorsque la demanderesse, Magdolna Szegedi, a rencontré un avocat en décembre 2002 au sujet d'une demande d'évaluation des risques avant le renvoi (ERAR), elle l'a informé qu'elle avait parrainé son mari de l'intérieur du Canada pour considération humanitaire. L'avocat l'a avisée que des observations devraient être faites en rapport avec la demande CH au sujet du bien-fondé de leur mariage et des difficultés auxquelles le demandeur ferait face s'il retournait dans son pays.

[6]                 L'avocat a eu le mandat de faire les observations au sujet de la demande CH. Elles ont été expédiées au défendeur le 20 décembre 2002 par Xpresspost.

[7]                 Le défendeur affirme qu'il a reçu les observations de la demanderesse à l'appui d'une demande CH le 20 janvier 2003.

[8]                 Le 24 janvier 2003, la demande de résidence permanente du demandeur a été rejetée du fait qu'il ne satisfaisait pas à la définition de membre de la catégorie d'époux ou de conjoint de fait au Canada, parce qu'il n'avait en aucun temps possédé de statut de résident temporaire au Canada.

[9]                 Avant de recevoir la lettre de refus du 24 janvier 2003, les demandeurs n'étaient pas au courant qu'ils n'avaient pas expédié le bon formulaire de demande pour le parrainage pour considération humanitaire.


[10]            L'avocat des demandeurs a écrit au défendeur à de nombreuses reprises pour demander que l'agent réexamine la demande du demandeur en tant que demande CH à la lumière des nouveaux éléments de preuve. Les réponses aux deux premières demandes ont été faites sous forme de lettre type et étaient les mêmes, sauf quant aux dates des lettres échangées par les parties. Il y a eu une lettre de réponse additionnelle envoyée aux demandeurs le 20 mars 2003, laquelle était plus détaillée, mais ne traitait pas vraiment de la demande de réexamen. Il n'y a eu aucune réponse aux trois dernières lettres de l'avocat des demandeurs, sauf que le 10 avril 2003, l'avocat des demandeurs a reçu un appel téléphonique d'un agent affirmant qu'il n'y aurait aucun réexamen de la décision à titre de demande CH sur la base des observations de l'avocat des demandeurs.

[11]            Le demandeur, Istvan Bogdan, a fait une demande de résidence permanente pour considération humanitaire. Le défendeur a reçu cette demande le 4 février 2003.

[12]            La question en litige

La Cour devrait-elle délivrer une ordonnance de sursis à l'exécution de la mesure de renvoi?

Analyse et décision

[13]            Le défendeur a présenté deux arguments préliminaires :

1.          Est-ce que la demande de contrôle judiciaire des demandeurs a été déposée hors délai?


2.          Est-ce que Magdolna Szegedi est valablement constituée partie à l'instance de contrôle judiciaire?

[14]            Est-ce que la demande de contrôle judiciaire des demandeurs a été déposée hors délai?

Je remarque, en examinant la demande, que la décision contestée a été communiquée aux demandeurs le 10 avril 2003 et que la demande de contrôle judiciaire a été déposée le 25 avril 2003. Au vu des documents dont je dispose, je ne peux, selon toute apparence, faire droit à cet argument.

[15]            Est-ce que Magdolna Szegedi est valablement constituée partie à l'instance de contrôle judiciaire?

Je suis d'avis que, pour les fins de la présente requête, je n'ai pas à trancher cette question, parce qu'il n'y a pas de doute que Istvan Bogdan est valablement constitué partie pour la contestation de la mesure de renvoi et, à ce titre, la requête peut être traitée sur cette base.

[16]            Il est maintenant accepté qu'un agent possède un certain pouvoir discrétionnaire et qu'il peut, dans certaines circonstances, surseoir à l'exécution du renvoi du demandeur (voir Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] 3 C.F. 682 (1re inst.)).

[17]            Pour obtenir un sursis d'exécution, le demandeur doit satisfaire aux exigences énoncées dans l'arrêt Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1988] F.C.J. no 587 (QL) (C.A.) :

Notre Cour, tout comme d'autres tribunaux d'appel, a adopté le critère relatif à une injonction provisoire et énoncé par la Chambre des lords dans l'arrêt American Cyanamid Co. v. Ethicon Ltd., [1975] A.C. 396. Ainsi que l'a déclaré le juge d'appel Kerans dans l'affaire Black précitée :

[traduction] Le critère à triples volets énoncé dans Cyanamid exige que, pour qu'une telle ordonnance soit accordée, le requérant prouve premièrement qu'il a soulevé une question sérieuse à trancher; deuxièmement qu'il subirait un préjudice irréparable si l'ordonnance n'était pas accordée; et troisièmement que la balance des inconvénients, compte tenu de la situation globale des deux parties, favorise l'octroi de l'ordonnance.

Le demandeur doit remplir les trois conditions du critère.

[18]            La question sérieuse

Je suis convaincu que le demandeur, Istvan Bogdan, a soulevé des questions sérieuses. Ces questions comprennent :

1.          Est-ce que l'agent avait l'obligation de se renseigner quant à savoir si les demandeurs faisaient, dans les faits, une demande CH après qu'il eut reçu les observations CH de l'avocat des demandeurs?

2.          Est-ce que l'agent peut réexaminer la décision en se basant sur les nouveaux renseignements?

[19]            Le préjudice irréparable

Le rapport d'évaluation psychologique des demandeurs mentionne, en partie, ce qui suit :


[traduction]

Conclusions

Les trois membres de la famille Bogdan-Szegedy sont des gens responsables et ils constituent ensemble une famille harmonieuse qui fonctionne adéquatement avec un engagement à long terme les uns pour les autres et avec des liens affectifs mutuels entre ses membres. Ils ont changé et se sont développés à tel point que leurs responsabilités envers la famille ont la priorité sur leurs préoccupations pour leurs intérêts individuels. Leur but dans la vie est maintenant de servir la famille. En raison de cette unité fonctionnelle parfaitement établie, ce serait une tragédie de les séparer. Selon mon analyse et les résultats des tests, une séparation forcée, même pour un an ou deux, pourrait affecter, et affecterait probablement, la vie des membres de la famille, occasionnant un préjudice irréparable aux trois personnes. Le troisième membre de la famille est Robert Szegedi, fils de Magdolna Szegedi, et il a une bonne relation avec son beau-père.

En me basant sur le rapport médical, je suis d'avis que Istvan Bogdan subirait un préjudice irréparable s'il était renvoyé du Canada.

[20]            La prépondérance des inconvénients

Je suis d'avis que la prépondérance des inconvénients favorise le demandeur, Istvan Bogdan. Il ne représente pas une menace pour le public et le défendeur peut mettre à exécution la mesure de renvoi à l'encontre du demandeur si sa demande est rejetée.

[21]            Le sursis à l'exécution de la mesure de renvoi prise à l'encontre du demandeur, Istvan Bogdan, est par conséquent accordé jusqu'à ce que la Cour ait statué sur sa demande de contrôle judiciaire.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE qu'il soit sursis à l'exécution du renvoi du demandeur, Istvan Bogdan, du Canada jusqu'à ce qu'elle ait rejeté sa demande d'autorisation ou, si elle l'accueille, jusqu'à ce qu'elle ait statué sur sa demande de contrôle judiciaire.

                                                                                                        « John A. O'Keefe »                  

                                                                                                                                       Juge                                

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                             Section de première instance

                                               Avocats inscrits au dossier

DOSSIER :                                            IMM-3035-03

INTITULÉ :                                           MAGDOLNA SZEGEDI

ISTVAN BOGDAN

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L'IMMIGRATION

défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                   TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                 LE LUNDI 26 MAI 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                         LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                        LE MARDI 27 MAI 2003

COMPARUTIONS :                           Harvey Savage

Pour les demandeurs

John Loncar

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Harvey Savage

                                                                Avocat

Toronto (Ontario)

Pour les demandeurs

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Pour le défendeur


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                   Date : 20030527

           Dossier : IMM-3035-03

ENTRE :

MAGDOLNA SZEGEDI

ISTVAN BOGDAN

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                              défendeur

                                                           

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                           

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