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Date : 20000531


Dossier : IMM-2403-99




ENTRE :


     KUN-CHENG TSENG


demandeur


     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION


défendeur




     MOTIFS DE L'ORDONNANCE




LE JUGE O'KEEFE

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire que Kun-Cheng Tseng (le demandeur) a présentée contre la décision de l'agente des visas Amy Ma, datée du 8 avril 1999, dans laquelle sa demande de résidence permanente au Canada a été rejetée.

[2]      Le demandeur, un résident de Taïwan, a fait la demande d'un visa d'immigrant le 24 juin 1996 en tant que membre de la catégorie des investisseurs. Le demandeur a inscrit sa femme et ses deux enfants à titre de personnes à charge qui l'accompagnent.

[3]      Le demandeur a indiqué dans sa demande qu'il avait déjà dirigé et contrôlé trois compagnies.

[4]      Pour évaluer son savoir-faire et son expérience en matière d'exploitation d'une entreprise, l'agente des visas a reçu le demandeur en entrevue au consulat canadien à Los Angeles, le 10 mars 1997. À ce moment, elle avait approuvé la demande temporairement, en attendant de recevoir des documents du gouvernement de Taïwan qui avaient été demandés pour vérifier l'expérience du demandeur en matière d'exploitation d'entreprise. Ces documents ont été demandés étant donné que l'agente des visas avait conclu qu'il y avait une incompatibilité dans les documents qui lui avait déjà été fournis. Une lettre datée du 7 juin 1997 invitait le demandeur à fournir des certificats [certificat du gouvernement de Taïwan attestant l'achat d'actions] faisant état des actions qu'il possède dans les compagnies mentionnées dans la demande, de même que des certificats qui démontrent ses premiers achats d'actions et tout changement important quant à son portefeuille d'actions. Le demandeur devait présenter une demande au bureau du gouvernement taïwanais qui a procédé à l'incorporation de sa compagnie et lui demander qu'il fournisse ces renseignements au Bureau du commerce canadien à Taïwan. Le Bureau du commerce canadien allait comparer les renseignements contenus dans les certificats à ceux que contenait la demande du demandeur et faire parvenir les résultats à l'agente des visas. Le demandeur disposait de 45 jours pour obtenir les renseignements.

[5]      Le demandeur a demandé les renseignements au gouvernement de la Chine en juin 1997. Son agent a donc écrit à l'agente des visas le 14 janvier 1998 pour vérifier si elle avait reçu les renseignements. L'agente des visas a répondu qu'elle n'avait pas reçu les renseignements qui avaient été demandés.

[6]      Le 17 août 1998, l'agente des visas a écrit au demandeur et lui a de nouveau demandé les renseignements. L'agente des visas a accordé 45 jours au demandeur pour qu'il fournisse les renseignements. L'agente des visas a envoyé une autre lettre au demandeur le 6 janvier 1999 qui comportait la même demande et qui exigeait que les renseignements soient fournis dans un délai de 30 jours.

[7]      Le 2 février 1999, l'agent du demandeur a écrit à l'agente des visas, joignant à sa lettre un document que le gouvernement de Taïwan avait fait parvenir au demandeur; le document démontrait que l'incorporation de la Wei Chen Co. Ltd. avait été refusée. La lettre mentionnait également que le demandeur avait toujours l'intention de demander un certificat pour sa compagnie et que M. Tseng avait de nouveau présenté une demande pour obtenir le certificat de la Koun Foun Industry Co. Ltd. La lettre demandait également une prorogation du délai de 30 jours et informait l'agente des visas que le demandeur ne ménageait aucun effort pour se conformer à sa demande.

[8]      Le 8 avril 1999, l'agente des visas a rejeté la demande de résidence permanente du demandeur.

Question en litige

[9]      L'agente des visas a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle en refusant d'accorder le statut de résident permanent au demandeur?

Le droit

[10]      L'agente des visas possède le pouvoir d'apprécier et de déterminer l'admissibilité du demandeur au Canada en vertu du paragraphe 9(2) de la Loi sur l'immigration, 1976-77, ch. 52 (la Loi) :

     9(2) Examen par l'agent des visas
     - Le cas du demandeur de visa d'immigrant est apprécié par l'agent des visas qui détermine si le demandeur et chacune des personnes à sa charge semblent répondre aux critères de l'établissement.
     9(2) Assessment by visa officer - An application for an immigrant's visa shall be assessed by a visa officer for the purpose of determining whether the person making the application and every dependant of that person appear to be persons who may be granted landing.

[11]      La catégorie des investisseurs est une catégorie réglementaire d'immigrants au Canada que prévoit l'article 6.11 du Règlement sur l'immigration de 1978 (le Règlement) :

     6.11 La catégorie des investisseurs est une catégorie réglementaire de personnes qui peuvent se voir octroyer le droit d'établissement sur le fondement de l'expérience de l'exploitation d'une entreprise, de la possession d'un avoir net accumulé et de l'intention d'investir au Canada conformément aux normes énoncées dans le présent règlement.
     6.11 The investor class is hereby prescribed as a class of persons who may be granted landing on the basis of their business experience, accumulated net worth and intention to make investments in Canada that meet the standards set out in these Regulations.

[12]      La définition d' « investisseur » est prévue à l'article 2 du Règlement :


     « investisseur » Immigrant qui répond aux critères suivants :
     a) il a exploité, contrôlé ou dirigé avec succès une entreprise;
     b) il a indiqué par écrit au ministre qu'il a fait ou a l'intention de faire un placement;
     c) il possède un avoir net d'au moins 800 000_$, accumulé par ses propres efforts.
     "investor" means an immigrant who
     (a) has successfully operated, controlled or directed a business,
     (b) indicates to the Minister, in writing, that they intend to make an investment or have made an investment, and
     (c) has a net worth, accumulated by their own endeavours, of at least $800,000;

[13]      Le paragraphe 9(3) le la Loi prévoit ce qui suit :


     9(3) Obligations - Toute personne doit répondre franchement aux questions de l'agent des visas et produire toutes les pièces qu'exige celui-ci pour établir que son admission ne contreviendrait pas à la présente loi ni à ses règlements.
     9(3) Duty to answer questions - Every person shall answer truthfully all questions put to that person by a visa officer and shall produce such documentation as may be required by the visa officer for the purpose of establishing that his admission would not be contrary to this Act or the regulations.

[14]      L'alinéa 19(2)d) énonce ce qui suit :


     19(2) Autorisation de séjour à des personnes non admissibles
     (2) Appartiennent à une catégorie non admissible les immigrants et, sous réserve du paragraphe (3), les visiteurs qui_:
     19(2) Inadmissible classes where entry permitted
     (2) No immigrant and, except as provided in subsection (3), no visitor shall be granted admission if the immigrant or visitor is a member of any of the following classes:
     d) soit ne se conforment pas aux conditions prévues à la présente loi et à ses règlements ou aux mesures ou instructions qui en procèdent, soit ne peuvent le faire.
     (d) persons who cannot or do not fulfil or comply with any of the conditions or requirements of this Act or the regulations or any orders or directions lawfully made or given under this Act or the regulations.

Analyse et décision

[15]      Le demandeur allègue que l'agente des visas a commis un erreur de droit en exigeant qu'il présente les documents et a fait un mauvais usage de son pouvoir discrétionnaire en exigeant que le demandeur fournisse ces documents non pertinents en vue d'obtenir un visa d'immigrant. Le demandeur allègue également que la conclusion selon laquelle il ne s'était pas conformé à la demande de documents était abusive. Le demandeur prétend finalement que la demande de documents n'avait pas été présentée ou faite conformément à la Loi vu que l'agente des visas n'avait pas besoin des renseignements demandés pour juger de l'admissibilité du demandeur au Canada.

[16]      Quant à lui, le défendeur allègue que le demandeur a admis qu'il n'a pas satisfait à l'exigence selon laquelle des documents devaient être fournis, et il allègue également que la demande de documents avait été faite à bon droit comme elle était pertinente pour déterminer si le demandeur était admissible au Canada. De plus, l'agente devait, pour évaluer son admissibilité, déterminer s'il avait exploité, contrôlé ou dirigé avec succès une entreprise.

[17]      La seule question en litige que l'agente des visas devait trancher en ce qui a trait au demandeur était de savoir s'il avait satisfait aux exigences de l'alinéa 2(1)a) du Règlement. Toutes les autres exigences posées par cet article ont été satisfaites.

[18]      L'agente des visas a invité le demandeur à lui fournir des renseignements relativement à trois compagnies au sein desquelles il était impliqué afin d'évaluer son expérience en matière d'exploitation d'entreprise aux termes de l'alinéa 2(1)a) du Règlement.

[19]      La procédure prescrite en vue de l'obtention des renseignements exigés était plutôt complexe. Le demandeur devait demander au gouvernement taïwanais qu'il envoie les renseignements demandés au Bureau du commerce canadien à Taipei, où les renseignements seraient comparés à ceux fournis par le demandeur dans sa demande. Le Bureau du commerce canadien ferait alors parvenir les résultats de la comparaison à l'agente des visas. Il est évident que le demandeur a peu de contrôle sur le processus et qu'il ignore le moment où il sera terminé.

[20]      Quoi qu'il en soit, certains documents ont été reçus mais les documents relatifs à la compagnie Wei Chen Co. Ltd. ne l'ont pas été. À en juger de la correspondance, il est très évident que le demandeur éprouvait des difficultés à obtenir du gouvernement taïwanais qu'il envoie les documents en question.

[21]      Le défaut d'un demandeur de se conformer aux directives de l'agent des visas ne le rend pas automatiquement inadmissible; une telle décision dépend plutôt des circonstances de l'espèce (voir Kang c.Canada (M.E.I.) [1981] 2 C.F. 809 (C.A.F)).

[22]      Il ressort de la décision de l'agente des visas, que contenait sa lettre du 8 avril 1999 adressée au demandeur révèle que le demandeur a été refusé au motif qu'il n'avait pas suivi ses directives selon lesquelles il devait fournir des documents relatifs à l'achat d'actions.

[23]      Il ressort de l'examen du dossier que des renseignements ont été reçus relativement à Koun Foun Industry Co. Ltd. J'ajouterais que l'unique exigence que prévoit l'alinéa 2(1)a) du Règlement est la preuve qu'un demandeur a « exploité, contrôlé ou dirigé avec succès une entreprise » (non souligné dans l'original).

[24]      Je suis d'avis que l'agente des visas, vu les renseignements supplémentaires qu'on lui avait fournis, aurait dû conclure à l'admissibilité du demandeur sur la base des renseignements dont elle disposait et déterminer si la preuve était suffisante pour établir que le demandeur avait « exploité, contrôlé ou dirigé avec succès une entreprise » . Il est évident à la lecture du dossier que ce n'est pas ce qu'elle a fait. La demande a été rejetée au motif que les documents demandés n'ont pas été fournis. L'agente des visas a commis une erreur quant au droit applicable et a ainsi commis une erreur de droit apparente à la lecture du dossier. Au moment de prendre sa décision, elle n'a pas appliqué le bon critère et ainsi, elle a commis une erreur.

[25]      Pour ces motifs, j'accueille la demande de contrôle judiciaire et ordonne que la demande soit instruite par un nouvel agent des visas. Les avocats des parties auront l'occasion de demander la certification d'une question grave de portée générale. L'avocat du défendeur devra déposer des prétentions écrites, le cas échéant, au plus tard le 5 juin 2000, en ce qui a trait à la certification d'une question grave de portée générale. L'avocat du demandeur devra déposer une réponse écrite, le cas échéant, au plus tard le 12 juin 2000.



                             « John A. O'Keefe »

                                     J.C.F.C.


Ottawa (Ontario)

Le 31 mai 2000.




Traduction certifiée conforme

Kathleen Larochelle, LL.B.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



No DU GREFFE :              IMM-2403-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Kun-Cheng Tseng c. Le ministre de la citoyenneté et de                      l'immigration


LIEU DE L'AUDIENCE :          Winnipeg (Manitoba)

DATE DE L'AUDIENCE :          le 22 mars 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE O'KEEFE

EN DATE DU :              31 mai 2000


ONT COMPARU :

Edward Rice                              POUR LE DEMANDEUR


Aliyah Rahaman                          POUR LE DÉFENDEUR



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


Edward Rice                              POUR LE DEMANDEUR

Winnipeg (Manitoba)



Morris Rosenberg                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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