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Date : 20041012

Dossier : IMM-5446-03

Référence : 2004 CF 1396

Ottawa (Ontario), le 12 octobre 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE HARRINGTON

ENTRE :

                                                     SHAUKAT ALI FAROOQI et

FARDOUS SHAUKAT

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                M. Farooqi et son épouse Fardous Shaukat seraient peut-être des réfugiés aujourd'hui, si seulement on les avait crus. Le membre de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié qui a entendu leur cause n'a pas été convaincu qu'ils étaient ce qu'ils prétendaient être. Et même s'ils l'avaient été, le reste de leur histoire n'était pas crédible. Il s'agit du contrôle judiciaire de cette décision.

[2]                L'histoire des demandeurs est celle de la violence politique au Pakistan, de fiers-à-bras qui ont assassiné le père de M. Farooqi, d'arrestations nombreuses, de menaces d'enlèvement et d'assassinats. Les demandeurs ont déménagé dans une autre partie du Pakistan mais n'ont pas pu fuir le climat politique empoisonné. Ils ont alors décidé de quitter.

[3]                Nous vivons dans un monde dangereux, un monde dans lequel des millions de personnes sont persécutées juste en raison de ce qu'elles sont. La torture et le meurtre sont monnaie courante dans de nombreuses régions. Il semble que, aussitôt que la paix règne dans une région, d'anciennes ou de nouvelles hostilités surgissent dans une autre.

L'ÉTABLISSEMENT DE L'IDENTITÉ EST ESSENTIEL

[4]         Il y a tellement de conflits dans le monde que n'importe qui peut lire une histoire et se l'approprier (Dukefe c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 410, [2003] A.C.F. no 571 (Q.L.), le juge Simon Noël, paragraphe 13). Par conséquent, la première étape pour une personne qui revendique le statut de réfugié consiste à établir son identité selon la prépondérance des probabilités (Keita c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 187, [2001] A.C.F. no 376 (Q.L.), le juge Pinard). Si la Commission a eu raison de conclure que l'identité du demandeur n'avait pas été établie, il n'est pas nécessaire de poursuivre l'analyse de la preuve (Bhuiyan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'immigration), 2003 CFPI 290, [2003] A.C.F. no 406 (Q.L.), le juge Simon Noël).

[5]                En l'espèce, le ministre avait avisé environ trois mois et demi avant la tenue de l'audience qu'il avait l'intention d'intervenir, notamment en déposant des analyses de dossier sur les cartes d'identité pakistanaises produites par les revendicateurs. Le ministre a également officiellement demandé que des copies de l'ensemble des pièces à l'appui que les revendicateurs avaient l'intention de présenter à l'appui de leur revendication lui soient envoyées le plus tôt possible, et ce, en conformité avec la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, et les règlements adoptés sous son empire.

[6]                La Commission a déclaré qu'elle n'était pas convaincue de l'identité des revendicateurs en raison de ces analyses et parce que les nouvelles cartes d'identité informatisées, apparemment émises plusieurs mois auparavant, n'ont été produites qu'à l'audience elle-même. M. Farooqi a affirmé qu'il ne les avait reçues de son frère que quelques jours plus tôt. La Commission était d'avis qu'il n'avait décidé de les déposer qu'après avoir appris que le représentant du ministre avait décidé d'intervenir à l'audience.

[7]                Les premières cartes d'identité des demandeurs étaient fausses. Elles avaient été nettoyées et modifiées grâce à un procédé chimique. On avait fait du coupage et du collage, de nouvelles photos et de nouvelles signatures avaient été apposées. Non seulement la Commission n'a fait aucune erreur manifestement déraisonnable en décidant que les demandeurs n'avaient pas établi leur identité, mais elle avait tout à fait raison.

[8]                L'avocat des demandeurs (et il est important de souligner qu'il n'était pas leur avocat à l'audience de la Commission) a prétendu que, étant donné que de nouvelles cartes d'identité informatisées avaient été acceptées aux fins du dépôt, elles auraient dû être analysées. Selon un certain nombre d'indications vagues figurant au dossier, la Cour a été invitée à présumer que l'ancien avocat des demandeurs ne savait pas que le ministre avait l'intention d'intervenir. L'ancien avocat n'avait cependant déposé aucun affidavit à cet effet.

[9]                L'avocat du ministre a donné à entendre que si la Cour examinait les nouvelles cartes d'identité produites à l'audience, il pourrait facilement être établi qu'elles aussi étaient fausses.    C'est ainsi que l'avocat des demandeurs en est venu à affirmer qu'il existait d'autres documents établissant l'identité comme les cartes de séjour par exemple.

[10]            En ce qui me concerne, une fois que les pièces d'identité qui avaient été présentées comme étant réelles se sont révélées fausses, l'affaire avait pris fin. La Commission n'était pas tenue de présenter d'autres documents à l'analyse. Un revendicateur légitime peut avoir un motif d'avoir de faux papiers d'identité, mais aucun motif d'avancer qu'ils sont authentiques. L'ensemble de documents qui a suivi était-il mieux contrefait? La Commission ne devrait pas être traitée comme une école de formation où les faussaires peuvent exercer leur métier.

[11]            De plus, si la Commission avait examiné le permis de résidence, elle aurait conclu que M. Farooqi était célibataire. Les revendicateurs affirment qu'ils sont mariés mais ils ne mentionnent pas les mêmes années quant à la date de leur mariage!

[12]            M. Farooqi affirme qu'ils n'ont pas obtenu une audience équitable parce que, pendant les plaidoiries, le commissaire a déposé sa plume et n'a pas pris de notes. Il n'y a aucun signe de partialité dans cela, comme on le prétend. De toute façon, l'argumentation a été transcrite.

[13]            Dans les circonstances, il n'est pas nécessaire d'examiner les motifs additionnels invoqués par la Commission pour conclure que les revendicateurs n'étaient pas crédibles.

                                                                ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n'y a aucune question grave de portée générale à certifier.

« Sean Harrington »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B., trad. a.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                    IMM-5446-03

INTITULÉ :                                                                   SHAUKAT ALI FAROOQI et

FARDOUS SHAUKAT

                                                                                       et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                             MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                                           LE 4 OCTOBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                                  LE JUGE HARRINGTON

DATE DES MOTIFS :                                                  LE 12 OCTOBRE 2004

COMPARUTIONS :

                                                                                      

Idorenyin E. Amana                                                         POUR LES DEMANDEURS

Thi My Dung Tran                                                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Idorenyin E. Amana                                                          POUR LES DEMANDEURS

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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