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Date : 20051219

Dossier : IMM-955-05

Référence : 2005 CF 1712

Ottawa (Ontario), le 19 décembre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY

ENTRE :

NAM KI JEON

CHAE HWA JEONG

JIN HYUCK JEON (représenté par son tuteur à l'instance)

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]                M. Nam Ki Jeon est arrivé au Canada en 2000, après avoir quitté la Corée du Sud. Il était accompagné de sa femme, Chae Hwa Jeong, et de leur fils, Jin Hyuck Jeon. Ils prétendaient être poursuivis par des usuriers et des membres du crime organisé, qui réclamaient le remboursement de dettes importantes que M. Jeon avait contractées au cours d'une entreprise commerciale qui a échouée. Les demandeurs ont demandé l'asile au Canada, mais un tribunal de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté leurs demandes. La Commission n'a pas cru à d'importantes parties de leur témoignage. Elle a aussi conclu que la famille pourrait se prévaloir d'une protection de l'État en Corée du Sud.

[2]                Les demandeurs soutiennent que la Commission a commis plusieurs erreurs importantes dans son analyse de leurs demandes, et me demandent d'ordonner la tenue d'une nouvelle audience. Je ne puis trouver aucun motif justifiant l'annulation de la décision de la Commission et je dois, par conséquent, rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

I.         Questions en litige

  1. La Commission a-t-elle commis une erreur en traitant la preuve appuyant la demande?

  1. L'analyse de la Commission au sujet de la protection de l'État était-elle adéquate?

  1. La Commission a-t-elle commis une erreur en omettant d'examiner les revendications des demandeurs au regard de l'article 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27?

A. La Commission a-t-elle commis une erreur en traitant la preuve appuyant la demande?

[3]                Les demandeurs ont soulevé plusieurs questions distinctes par rapport à l'évaluation de la preuve par la Commission. Je vais les examiner une à une.

(i) La Commission a-t-elle commis une erreur en omettant de distinguer les parties qu'elle reconnaît comme crédibles dans les demandes des demandeurs?

[4]                La Commission a relevé plusieurs éléments dans la preuve fournie par les demandeurs qui comprenaient des incompatibilités ou des contradictions. Les demandeurs prétendent que la Commission doit distinguer les parties de la preuve qu'elle reconnaît comme crédibles, en plus des parties qu'elle considère non crédibles.

[5]                Les conclusions de la Commission quant à la crédibilité portent sur des éléments cruciaux de la demande des demandeurs. Dans ces circonstances, elle n'avait pas à distinguer les parties de la preuve qu'elle reconnaissait comme crédibles. La situation est différente lorsque la Commission relève des incompatibilités touchant des faits mineurs ou marginaux. Alors, la Commission doit mentionner les parties crédibles de la demande : M.M. c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] A.C.F. no 1110 (C.A.F.) (QL).

(ii) La Commission a-t-elle commis une erreur en omettant de faire une référence expresse à une lettre corroborante de leur pasteur en Corée du Sud?

[6]                Les demandeurs ont présenté une lettre écrite par un pasteur de la Corée du Sud. La lettre confirmait que les demandeurs avaient eu des problèmes avec des membres du crime organisé en Corée et que ces individus étaient toujours à leur poursuite. La Commission n'a pas mentionné ce document dans ses motifs.

[7]                Les demandeurs n'ont produit cette lettre que tard dans le processus. Ils l'ont obtenue après leur première audience, lors de laquelle on leur avait demandé pourquoi ils n'avaient pas obtenu de lettre les appuyant de la part de leur pasteur. À mon avis, ce document n'était pas si probant ni important qu'il exigeait de la Commission qu'elle se prononce explicitement quant à sa valeur : Cepeda-Guttierez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1425 (1re instance) (QL).

(iii) La Commission a-t-elle eu tort de reprocher aux demandeurs de ne pas avoir produit de preuve documentaire qui corroborait leurs revendications?

[8]                Les demandeurs prétendent que la Commission a été injuste envers eux lorsqu'elle les a réprouvés parce qu'ils n'avaient pas produit de preuve documentaire qui corroborait leur version des faits.

[9]                Les demandeurs ont présenté peu de documents appuyant leur revendication. Lors de la première audience, on a demandé à M. Jeon s'il possédait des documents qui établissent le montant de ses dettes, et envers qui elles avaient été contractées - des documents tels que des contrats, des états financiers, des factures, de la correspondance, ou d'autres documents commerciaux. Il a déclaré qu'il n'en possédait aucun.

[10]            M. Jeon s'est vu octroyer la possibilité de recueillir de tels documents. L'audience a été ajournée de septembre 2003 jusqu'en septembre 2004. On a informé M. Jeon au moment de l'ajournement qu'il devrait présenter des preuves corroborantes pour la prochaine audience. Il ne l'a pas fait, bien qu'il ait présenté d'autres documents (y compris la lettre susmentionnée). La Commission n'a pas accepté les raisons qu'il a données pour expliquer pourquoi il n'avait pas tenté de se procurer le type de preuve documentaire qui aurait appuyé les éléments principaux de sa demande. Je ne peux pas conclure à quelque erreur de la part de la Commission.

(iv)               La Commission a-t-elle omis d'examiner la preuve de Jin Hyuck Jeon?

[11]            Les demandeurs prétendent que la Commission a omis de prendre en compte le témoignage de Jin, qui corroborait le récit de ses parents au sujet de menaces faites par des criminels.

[12]            Jin n'a eu à répondre qu'à quelques questions. Il a décrit comment un « gangster » l'avait retenu par le cou pendant environ dix minutes. Il avait ressenti une pression et avait respiré avec difficulté.

[13]            À mon avis, la Commission se devait d'examiner la preuve de Jin. Cependant, l'omission de mentionner le témoignage de Jin dans ses motifs n'a pas eu de répercussion sur l'affaire comme telle. La Commission a analysé d'autres preuves en profondeur et a conclu que la demande de la famille n'était pas fondée. De plus, la conclusion de la Commission au sujet de la protection de l'État était décisive aux fins de la cause, peu importe ses conclusions au sujet de la crédibilité.

B. L'analyse de la Commission au sujet de la protection de l'État était-elle adéquate?

[14]            Les demandeurs prétendent que la conclusion de la Commission selon laquelle la Corée du Sud a récemment pris des mesures sévères contre le crime organisé portait sur des faits qui ont eu lieu après leur départ du pays, et non avant. De plus, ils prétendent que la Commission a utilisé la preuve documentaire de façon sélective lors de son analyse et qu'elle n'a pas effectué une juste représentation de la situation en Corée du Sud.

[15]            L'application du critère d'évaluation pour la protection des réfugiés est de nature prospective. Il était approprié pour la Commission d'examiner non seulement la situation qui avait cours avant leur départ, mais aussi la situation à laquelle les demandeurs feraient face lors de leur retour au pays. De plus, la Commission a pu appuyer sur les preuves documentaires sa conclusion au sujet de l'existence d'une protection de l'État en Corée du Sud.

C. La Commission a-t-elle commis une erreur en omettant d'examiner les revendications des demandeurs au regard de l'article 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR)?

[16]            Les demandeurs prétendent que la Commission se devait de porter une attention distincte et sérieuse envers leurs revendications au regard de l'article 97 de la LIPR, même si elle les avait rejetées au regard de l'article 96. Elle ne l'a pas fait. La Commission les a rejetées au regard de l'article 97 en une seule phrase.

[17]            À ce stade, la Commission avait déjà rejeté l'essentiel de la revendication des demandeurs. Elle ne croyait pas leurs allégations et avait conclu qu'ils pourraient probablement être protégés par les autorités de l'État en Corée du Sud. Ces conclusions rendaient inutile l'analyse des autres motifs de demande d'asile prévus par l'article 97. Il n'y avait simplement aucun fondement factuel pour ce faire. À mon avis, la Commission n'a pas commis d'erreur.

[18]            Je ne puis trouver aucun motif justifiant l'annulation de la décision de la Commission et je devrai, par conséquent, rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune des parties n'a proposé de question de portée générale à faire certifier et aucune question de cette nature ne sera énoncée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE COMME SUIT :

1.       La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.       Aucune question de portée générale n'est énoncée.

« James W. O'Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        IMM-955-05

INTITULÉ :                                       NAM KI JEON, et al c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :               LE 13 DÉCEMBRE 2005

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O'REILLY

DATE DES MOTIFS :                      LE 19 DÉCEMBRE 2005

COMPARUTIONS:

Segan N. Mohan                                                                       POUR LES DEMANDEURS

Janet Chisholm                                                              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Segan N. Mohan                                                                       POUR LES DEMANDEURS

Avocat

Scarborough (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                                                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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