Décisions de la Cour fédérale

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Date : 20030210

Dossiers : T-1520-01

T-1521-01

T-1522-01

T-1523-01

Référence neutre : 2003 CFPI 139

Dossier : T-1520-01

ENTRE :

                    L'ASSOCIATION PAUKTUUTIT DES FEMMES INUIT

                                 ET VERONICA DEWAR

                                                                      demanderesses

                                       et

                                SA MAJESTÉLA REINE

                                                                       défenderesse

Dossier : T-1521-01

ENTRE :

                    L'ASSOCIATION PAUKTUUTIT DES FEMMES INUIT

                                 ET VERONICA DEWAR

                                                                      demanderesses

                                       et

                                SA MAJESTÉLA REINE

                                                                       défenderesse

Dossier : T-1522-01

ENTRE :

                    L'ASSOCIATION PAUKTUUTIT DES FEMMES INUIT

                                 ET VERONICA DEWAR

                                                                      demanderesses

                                       et


                                SA MAJESTÉLA REINE

                                                                       défenderesse

Dossier : T-1523-01

ENTRE :

                    L'ASSOCIATION PAUKTUUTIT DES FEMMES INUIT

                                 ET VERONICA DEWAR

                                                                      demanderesses

                                       et

                                SA MAJESTÉLA REINE

                                                                       défenderesse

                         MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE HARGRAVE

[1]                  La Couronne a demandé la radiation de cette procédure de contrôle judiciaire, T-1520-01, ainsi que de trois autres, T-1521-01, T-1522-01 et T-1523-01, qui toutes concernent les mêmes parties. Les présents motifs s'appliquent aux quatre procédures. Le principal moyen invoqué pour la radiation, dans le cas des trois premières, est leur caractère théorique. Dans la quatrième procédure, T-1523-01, le moyen invoqué est l'absence d'un fondement factuel justifiant un contrôle judiciaire. Dans chaque cas, la Couronne affirme aussi que le délai de présentation de 30 jours prévu par le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur la Cour fédérale a été dépassé.

[2]                  Les demanderesses sollicitent le contrôle judiciaire de décisions de la Couronne, d'abord la décision d'exclure ou de ne pas consulter les demanderesses durant les pourparlers constitutionnels qui ont conduit à l'Accord du lac Meech (T-1520-01); deuxièmement, celle de ne pas consulter les demanderesses durant les négociations qui ont conduit à l'Accord de Charlottetown (T-1521-01); troisièmement, celle d'exclure les demanderesses, tant du financement que des consultations, lorsque des consultations étaient en cours avec les organisations autochtones nationales en conformité avec l'article 35.1 de la Loi constitutionnelle de 1982 (T-1522-01); et quatrièmement, celle d'exclure les demanderesses du conseil d'administration fondateur de l'Institut fédéral de la santé des peuples autochtones (T-1523-01). L'Institut de la santé des peuples autochtones s'appelle maintenant l'Organisation pour la promotion de la santé des peuples autochtones.

[3]                  À la fin de l'audience, j'ai radié les procédures T-1520-01, T-1521-01 et T-1522-01, mais j'ai admis la procédure T-1523-01. Voici les motifs de cette décision, qui commence par un rappel des faits.

LES FAITS

[4]                  L'Association Pauktuutit des femmes inuit (Pauktuutit) reflète, dans son mandat, les préoccupations des femmes inuit, aux niveaux local, régional et national. Son mandat consiste notamment à susciter une prise de conscience des besoins des femmes inuit et à encourager leur participation à tous les niveaux, dans les domaines social, culturel et économique.

[5]                  En prévision de l'Accord du lac Meech de 1987, la Couronne avait consulté et financé quatre organisations autochtones, qu'elle avait reconnues comme organisations nationales autochtones représentatives, mais n'avait pas consulté de groupes composés de femmes autochtones et, plus précisément, d'affirmer Pauktuutit, elle avait décidé de ne pas financer Pauktuutit, exerçant ainsi une discrimination contre les femmes inuit, en violation de la Charte. De plus, Pauktuutit s'était vu refuser un siège lors des travaux, et c'était, là encore, selon Pauktuutit, une discrimination.

[6]                  Dans le cas de l'Accord de Charlottetown de 1992, Pauktuutit, encore une fois, ne fut pas désignée par la Couronne comme organisation nationale autochtone représentative, le résultat étant que les femmes autochtones n'avaient pas de représentation, pas de financement ni le droit de prendre part aux pourparlers constitutionnels qui ont conduit à l'Accord de Charlottetown.

[7]                  Pauktuutit fait aussi observer que l'article 35.1 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui est la Proclamation de 1983 modifiant la Constitution, oblige le premier ministre du Canada à inviter « les représentants des peuples autochtones du Canada à participer aux travaux constitutionnels » avant toute modification de la catégorie 24 de l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867, de l'article 25 de la Loi constitutionnelle de 1982 et de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, mais que Pauktuutit a été laissée de côté.

[8]                  Dans chacun des trois premiers cas, lorsque des travaux ont eu lieu, non seulement Pauktuutit n'a-t-elle pas été invitée à y prendre part, mais encore les femmes autochtones n'étaient pas représentées. Cependant, dans le cas des travaux constitutionnels prévus par l'article 35.1 pour une modification de la Constitution, l'existence de propositions effectives de modifications constitutionnelles ou l'existence de travaux effectifs ou projetés concernant telles modifications n'est pas établie.

[9]                  La procédure T-1523-01 procède de faits quelque peu différents. Pauktuutit a toujours eu pour vocation de promouvoir la santé des femmes, des familles et des collectivités inuit, mais elle n'a pas été invitée à prendre part à l'établissement de l'Institut de la santé des peuples autochtones, financé par la Couronne en 1998, en même temps que diverses organisations nationales autochtones représentatives, mais sans qu'une aide financière ne soit apportée à une organisation représentant les femmes autochtones. Pauktuutit demande donc d'être représentée au conseil de l'Institut de la santé des peuples autochtones ou, comme on l'appelle aujourd'hui, l'Organisation pour la promotion de la santé des peuples autochtones, et de bénéficier d'un soutien financier comme celui qui a été accordé aux autres organisations nationales autochtones représentatives.


ANALYSE

Quelques points de procédure initiaux

(i)          Radiation des procédures de contrôle judiciaire

[10]            Le premier obstacle à franchir pour obtenir la radiation d'une procédure de contrôle judiciaire procède de l'idée selon laquelle les requêtes préliminaires, y compris les requêtes en radiation, doivent être découragées, préservant ainsi le caractère sommaire des procédures de contrôle judiciaire. Ce principe général est exposé dans l'arrêt David Bull Laboratories (Canada) Inc. c. Pharmacia Inc., [1995], 1 C.F. 588. Cependant, dans cette affaire, la Cour d'appel avait reconnu que, dans des cas très exceptionnels, lorsqu'une demande « est manifestement irrégulière au point de n'avoir aucune chance d'être accueillie » , la Cour a compétence, « soit de façon inhérente, soit par analogie avec d'autres règles en vertu de la règle 5, pour rejeter sommairement » une telle demande. Cette idée du rejet d'une demande qui n'a aucune chance d'être accueillie a été appliquée dans maintes affaires, notamment l'affaire Al-Mhamad c. Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, un arrêt non publié du 30 janvier 2003, n ° du greffe A-711-01, 2003 C.A.F. 45, qui avait approuvé la décision du juge du procès de radier une demande de contrôle judiciaire. Voir aussi le jugement Labbé c. Canada (Commission d'enquête sur la Somalie) (1997), 128 F.T.R. 291 (C.F. 1re inst.), page 300, le jugement Narvey c. McNamara (1997), 140 F.T.R. 1 (C.F. 1re inst.), page 2, le jugement Canada (P.G.) c. Canada (Commissaire à l'information), [1998] 1 C.F. 337 et 362, enfin le jugement Lee c. Canada (M.C.I.) (1997), 126 F.T.R. 229.


(ii)         Radiation pour caractère théorique

[11]            Une demande de contrôle judiciaire peut également être radiée pour son caractère théorique : voir Narvey (précitée), aux pages 2 et 3, Canada (P.G.) c. Canada (Commissaire à l'information), aux pages 364 et 365, Lee (précitée), aux pages 231 et suivantes, et Fogal c. Canada (1999), 167 F.T.R. 266 (C.F. 1re inst.), à la page 269 et suivantes, un jugement confirmé par la Cour d'appel fédérale (2000), 258 N.R. 97, aux pages 98 et suivantes.

(iii)        Radiation pour expiration du délai

[12]            Au début, le point était de savoir si les quatre demandes devaient être radiées pour cause d'expiration du délai, la Couronne affirmant que, dans chacun des cas, Pauktuutit avait laissé s'écouler le délai de présentation de 30 jours fixé par le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur la Cour fédérale. Puisque j'ai radié trois des procédures pour leur caractère théorique, l'argument de l'expiration du délai de présentation ne pourrait s'appliquer qu'à la procédure T-1523-01, qui concerne le conseil de l'Institut de la santé des peuples autochtones. Comme je l'ai fait observer, en me référant à des précédents utiles, dans l'affaire Jawanda c. Canada (M.C.I.) (2001), 14 Imm. L.R. (3d) 151, la radiation pour cause d'expiration d'un délai n'est pas en principe autorisée sauf s'il existe des points contestables se rapportant à la date d'une décision ou à sa communication à un demandeur. J'écrivais également, dans le jugement Jawanda :


J'ajouterais qu' « ... un délai de prescription est un moyen de défense d'ordre procédural qu'une partie peut invoquer à une date ultérieure » : BMG Music Canada Inc. c. Vogiatzakis (1996) 67 C.P.R. (3d) 27. Dans Vogiatzakis, je renvoie à la notion que la procédure appropriée consiste non pas à demander la radiation d'un moyen de défense qui pourrait être prescrit, mais à plaider la prescription, puis à inscrire l'affaire au rôle en tant que question de droit. Dans une affaire de contrôle judiciaire, la question du délai de prescription doit être examinée à l'audition de la demande de contrôle elle-même, à moins qu'il ne soit certain que le délai de prescription ne puisse faire l'objet d'un désaccord - voir par exemple, L'Institut professionnel de la fonction publique (précité) et Alcorn c. Commissaire du Service correctionnel (Canada) (1999) 156 F.T.R. 239, à la page 242.

(page 153)

En l'espèce, je ne suis pas disposé à radier la procédure pour cause d'expiration du délai, car Pauktuutit peut avoir une réponse : les arguments en faveur d'une radiation pour cause d'expiration du délai ne sont pas certains au point d'être clairs, évidents et incontestables.

ANALYSE

Radiation pour caractère théorique

[13]            J'ai déjà indiqué les précédents autorisant la radiation d'une demande pour caractère théorique. Le principe du caractère théorique a été expliqué dans de nombreux cas au moyen d'un passage de l'arrêt Borowski c. Canada (P.G.) (1989), 1 R.C.S. 342, page 353 :


La doctrine relative au caractère théorique est un des aspects du principe ou de la pratique générale voulant qu'un tribunal peut refuser de juger une affaire qui ne soulève qu'une question hypothétique ou abstraite. Le principe général s'applique quand la décision du tribunal n'aura pas pour effet de résoudre un litige qui a, ou peut avoir, des conséquences sur les droits des parties. Si la décision du tribunal ne doit avoir aucun effet pratique sur ces droits, le tribunal refuse de juger l'affaire. Cet élément essentiel doit être présent non seulement quand l'action ou les procédures sont engagées, mais aussi au moment où le tribunal doit rendre une décision.

Après ce passage de l'arrêt Borowski, il est question d'événements qui surviennent après l'introduction de l'action, et qui peuvent néanmoins priver le litige d'intérêt pratique. Ici, les événements survenus dans deux des procédures, T-1520-01 et T-1521-01, sont survenus et ont pris fin bien avant le dépôt d'une demande de contrôle judiciaire. Pour la troisième procédure, T-1522-01, l'événement n'a pas eu lieu et n'est pas en vue.


[14]            La politique ou pratique générale consistant à refuser de statuer sur une affaire qui soulève des questions hypothétiques ou abstraites, une politique ou pratique mentionnée par la Cour suprême dans l'arrêt Borowski, a son équivalent dans les procédures de contrôle judiciaire, avec l'idée selon laquelle un jugement déclaratoire ne sera pas accordé lorsque le litige est théorique, en ce sens qu'il ne présente aucun intérêt pratique. Ici, l'avocat de la Couronne se réfère à divers précédents, notamment l'arrêt Operation Dismantle Ltd. c. La Reine (1985), 18 D.L.R. 441, page 492 (C.A.F.), l'arrêt Solosky c. La Reine,[1980] 1 R.C.S. 821, page 832, l'arrêt Bande indienne Montana c. Canada, [1991] 2 C.F. 30, pages 39 et 40 (C.A.F.) et l'arrêt Administration de Pilotage des Laurentides c. Pilotages du Saint-Laurent Central Inc. (1993), 74 F.T.R. 185, pages 191 et 192. Tous ces précédents permettent d'affirmer qu'un jugement déclaratoire ne sera pas prononcé lorsque le litige est, d'une manière ou d'une autre, théorique. Dans certains de ces cas, le jugement déclaratoire eût été prospectif, c'est-à-dire hypothétique, et il a été par conséquent refusé. Cependant, dans l'arrêt Solosky, M. le juge Dickson fait observer que « ... un jugement déclaratoire n'est normalement pas accordé lorsque le litige est passé et est devenu théorique... » (page 832). Dans l'affaire Pilotages du Saint-Laurent (précitée), M. le juge Joyal a refusé un jugement déclaratoire parce qu'il n'aurait eu aucun effet pratique puisque la décision en cause avait déjà été prise et exécutée. À ces précédents j'ajouterais l'affaire Syndicat canadien des postiers c. Procureur général du Canada (1979), 93 D.L.R. (3rd) 148 (C.F.), une décision de M. le juge Walsh dans laquelle le jugement déclaratoire demandé concernait une affaire passée qui, au moment de la décision, ne présentait qu'un intérêt théorique. Dans l'affaire Syndicat canadien des postiers, et l'on doit garder à l'esprit qu'en 1978 le contrôle judiciaire et le jugement déclaratoire étaient demandés par voie d'action devant la Cour fédérale, la demande fut radiée parce qu'elle ne révélait aucune cause d'action valable. Le redressement, c'est-à-dire la radiation, fut accordé bien qu'un jugement déclaratoire eût pu présenter de l'intérêt dans des actions futures, même si au moment de la décision, il était purement théorique, en ce sens qu'il s'agissait d'une affaire passée ne présentant aucune utilité pratique actuelle.

[15]            S'agissant de l'arrêt Solosky, la Cour suprême du Canada a exposé, à la page 832, deux facteurs à prendre en compte pour savoir si un litige est suffisamment actuel pour justifier un jugement déclaratoire :


            Le premier facteur vise la « réalité du litige » . Il est clair qu'un jugement déclaratoire n'est normalement pas accordé lorsque le litige est passé et est devenu théorique ou lorsque le litige n'est pas encore né et ne naîtra probablement pas.

...

[Deuxièmement,] une fois admis qu'il existe un litige réel et qu'accorder un jugement est discrétionnaire, alors la seule autre question à résoudre est de savoir si le jugement déclaratoire est à même de régler de façon pratique les questions en l'espèce.

Cet extrait reprend essentiellement le passage d'un article de doctrine mentionné par M. le juge Dickson, Hudson on Declaratory Judgments and Theoretical Cases: The Reality of the Dispute, (1977) 3 Dal. L. J. 706, dans lequel l'auteur s'exprime ainsi :

[traduction] L'action déclaratoire est discrétionnaire et les deux facteurs qui influenceront le tribunal dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire sont l'utilité du recours, s'il est accordé, et, dans la mesure où il est accordé, la question de savoir si ce recours réglera les points en litige entre les parties.

[16]            On en arrive à l'idée selon laquelle, lorsqu'un litige est terminé et qu'il est devenu théorique, ou lorsqu'il ne se produira pas dans un avenir prévisible et qu'il est donc théorique, le tribunal doit s'abstenir de rendre des décisions constitutionnelles comme celles qui sont demandées dans la présente affaire, et ici l'on m'a renvoyé à l'arrêt Phillips c. Nouvelle-Écosse (Commission d'enquête sur la tragédie de la mine Westray), [1995] 2 R.C.S. 97, dans lequel M. le juge Sopinka faisait observer ce qui suit :

Notre Cour a dit à maintes reprises qu'elle ne devait pas se prononcer sur des points de droit lorsqu'il n'est pas nécessaire de le faire pour régler un pourvoi. Cela est particulièrement vrai quand il s'agit de questions constitutionnelles et le principe s'applique avec encore plus de force si le fondement de la procédure qui a été engagé a cessé d'exister.


Il y a une bonne raison pour ne pas décider un point qui a cessé d'exister ou qui ne se présentera probablement pas dans un avenir prévisible : un principe qui dicte la retenue dans les affaires constitutionnelles est un bon principe. Il repose sur l'idée selon laquelle des prononcés constitutionnels inutiles peuvent nuire à des affaires futures dont les conséquences n'ont pas été prévues. Il y a plusieurs décennies, lord Haldane, dans l'arrêt John Deere Plow Co. v. Wharton, [1915] A.C. 330, à la page 39, affirmait que la définition logique abstraite du champ de dispositions constitutionnelles non seulement est [traduction] « impraticable, mais encore sera suivie, si l'on s'y risque, d'embarras et de possibles injustices dans des affaires futures » . Dans un passage final de l'arrêt Phillips, précité, le juge Sopinka revient au point même où j'ai débuté le présent examen du principe du caractère théorique, en se référant à l'arrêt Borowski :

Dans l'arrêt Law Society of Upper Canada c. Skapinker, [1984] 1 R.C.S. 357, le juge Estey a dit, à la page 383 :

L'évolution de la Charte dans notre droit constitutionnel doit nécessairement se faire avec prudence. Lorsque les questions soulevées n'exigent pas de commentaires sur ces nouvelles dispositions de la Charte, il vaut mieux ne pas en faire.

Cette pratique s'applique à plus forte raison quand le fondement de la cause a cessé d'exister. En pareil cas, notre Cour doit se prononcer sur une situation hypothétique et non sur un litige réel. Entre alors en jeu la théorie du caractère théorique, en vertu de laquelle un tribunal refuse d'exercer son pouvoir discrétionnaire pour trancher des questions théoriques, sauf si, entre autres, il s'agit d'une question urgente susceptible de ne jamais être soumise aux tribunaux. Voir l'arrêt Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342.

(page 113)

[17]            Dans la présente affaire, l'Accord du lac Meech de 1987 et l'Accord de Charlottetown de 1992, qui ont été des échecs, appartiennent maintenant au passé. Les négociations de l'époque sont terminées. Il n'y a eu aucune négociation depuis lors. La Cour d'appel fédérale avait d'ailleurs fait observer, dans l'affaire Native Women's Association of Canada c. Canada (1992), 97 D.L.R. (4th) 548, page 549, que les Accords sont lettre morte :

Chacun sait que l'entente de Charlottetown et les accords connexes sont maintenant lettre morte.

(page 549)

Je ferais observer ici que, dans l'Accord de Charlottetown, se trouvaient tous les éléments de l'Accord du lac Meech ainsi que d'autres aspects. Cela n'a pas aidé l'Accord de Charlottetown, qui, comme l'Accord du lac Meech, a échoué : voir ici Hogg on Constitutional Law of Canada, Carswell, édition à feuilles mobiles, 1997, qui examine l'historique des modifications du chapitre 4 ainsi que les Accords de Charlottetown et du lac Meech, aux pages 4-7 à 4-11 de l'édition à feuilles mobiles de 1997.

[18]            Dans le cas des demandes portant les numéros T-1520-01 et T-1521-01, ces demandes traitent de sujets qui n'existent pas pour le moment, car, comme je l'ai fait observer, les Accords du lac Meech et de Charlottetown sont lettre morte. Quant à la demande portant le numéro T-1522-01, j'accepte les arguments de l'avocat de la Couronne sur trois points :


         il n'existe pas de propositions effectives de modifications constitutionnelles qui puissent structurer les intérêts pertinents des demanderesses;

        il n'existe pas de pourparlers projetés de telles modifications qui puissent donner lieu au droit d'obtenir un soutien financier, au droit d'être consulté ou au droit de participer; et

       il n'existe pas de demandes de financement, de consultation ou de participation dans de tels processus constitutionnels non existants.


Je m'en remets ici aux notions appliquées par la Cour suprême dans l'arrêt Solosky, précité, notions selon lesquelles il faut que le différend soit réel et que le recours soit utile. Il ne peut y avoir de litige sans des propositions et négociations constitutionnelles effectives, lesquelles n'existent pas dans le cas présent. Sans un processus constitutionnel actif, qui donne un fondement aux droits présumés des demanderesses, toute décision que la Cour pourrait rendre aurait peu ou pas d'utilité pratique. Une telle décision ne résoudrait pas les litiges futurs en matière de financement et de consultation : cela dépendrait des circonstances existant à tel ou tel moment. Car un tribunal qui rend une décision aujourd'hui pourrait très bien entraver un tribunal dans l'avenir : je me réfère de nouveau ici à l'arrêt John Deere Plow Co., précité. Également intéressante est la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Native Women's Assn. of Canada, précitée. Dans cette affaire, le juge en chef Isaac a appliqué l'arrêt Borowski. Dans l'examen qu'il a fait de l'exercice du pouvoir discrétionnaire de la Cour de refuser une audience, il a confirmé la décision rendue par le juge Strayer (tel était alors son titre) dans l'affaire Native Women's Assn. of Canada, [1993] 1 C.F. 171. Se penchant sur les critères énoncés pour l'exercice du pouvoir discrétionnaire de la Cour dans l'arrêt Borowski, précité, rendu par la Cour suprême du Canada, il s'est exprimé ainsi :

Les critères applicables à l'exercice du pouvoir discrétionnaire de la Cour en pareilles circonstances ont été formulés dans l'arrêt Borowski c. Canada (Procureur général), (1989), 57 D.L.R. (4th) 231, 47 C.C.C. (3d) 1, [1989] 1 R.C.S. 342.

Nous croyons qu'il n'a pas été satisfait à au moins deux de ces critères, soit l'économie des ressources judiciaires et l'opportunité de l'intervention judiciaire. Il est absolument impossible de déterminer si un tel processus de révision de la Constitution se répétera et, dans l'affirmative, la forme qu'il prendra et le moment où il aura lieu. Si on s'en remet à l'histoire, ce processus sera vraisemblablement différent de ceux qui ont mené à l'Accord du lac Meech et à l'Entente de Charlottetown, qui différaient l'un de l'autre.

On ne peut avec certitude affirmer que les difficultés auxquelles les appelantes ont fait face au cours du processus adopté à Charlottetown se reproduiront ni établir les limites que, dans un contextuel factuel différent, le tribunal se fixera pour intervenir dans un processus constitutionnel futur.

Compte tenu des circonstances, nous refusons d'exercer notre pouvoir discrétionnaire et nous sommes d'avis de rejeter l'appel.

(page 549)


[19]            Dans l'arrêt Borowski, précité, la Cour suprême du Canada avait fait observer que le tribunal doit user de son pouvoir discrétionnaire pour savoir s'il convient ou non d'instruire une demande bien qu'elle soit dépourvue d'intérêt pratique. Les facteurs à considérer dans l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire sont exposés dans l'arrêt Borowski, aux pages 358 à 362. Les trois facteurs sont les suivants : d'abord, l'existence d'un contexte contradictoire; deuxièmement, l'économie des ressources judiciaires; et troisièmement, l'idée selon laquelle le fait de prononcer des jugements sans qu'il y ait de litige pouvant modifier les droits des parties pourrait être considéré comme un empiétement sur le pouvoir législatif. Appliquant ces facteurs, j'ai gardé à l'esprit, ainsi que l'avait souligné le juge Sopinka dans l'arrêt Borowski, à la page 363, que le processus ne doit pas être un processus mécanique, car il se peut que ces principes « ne tendent pas tous vers la même conclusion. L'absence d'un facteur peut prévaloir malgré la présence de l'un ou des deux autres, ou inversement » . Dans la présente affaire, comme nous le verrons, l'application des trois principes militait clairement et absolument contre la décision d'autoriser la demande T-1522-01 à aller de l'avant. Il s'agit d'une demande qui clairement et manifestement serait vouée à l'échec et ne donnerait aucun résultat utile.


[20]            Examinant d'un peu plus près la conclusion que je viens de tirer, je ferais d'abord observer que, dans certains cas, il peut exister une relation contradictoire, même s'il n'y a pas de litige réel. Dans le cas présent, je ne vois pas que les demanderesses aient un intérêt direct ou accessoire dans l'issue de la procédure T-1522-01, si ce n'est peut-être le désir de prévenir une décision judiciaire défavorable future, bien qu'inconnue : cela irait complètement à l'encontre de la notion exposée dans l'arrêt John Deere Plow Co., précité, selon laquelle les tribunaux doivent s'abstenir de définir le champ de dispositions constitutionnelles si cela risque d'avoir pour effet de causer un embarras et de possibles injustices dans des affaires futures. Ce n'est pas là un moyen d'établir l'existence d'une véritable relation contradictoire. Selon la perspective de la défenderesse, bien que la Couronne puisse avoir intérêt à ne pas être préjudiciée par quelque procédure future, bien qu'encore inconnue, la Couronne n'a pas un intérêt direct et immédiat à exclure Pauktuutit d'une participation à des travaux selon l'article 35.1 de la Loi constitutionnelle de 1982, si de tels travaux sont entrepris un jour. Tout cela établit clairement qu'il ne doit pas exister de précédent à ce stade alors qu'il n'existe aucune véritable relation contradictoire.

[21]            Je passe maintenant au deuxième facteur, celui de l'économie des ressources judiciaires. Il s'agit de savoir s'il vaut la peine de consacrer des ressources restreintes à la résolution d'un point théorique. La Cour fédérale est, à toutes fins utiles, complètement prise pour au moins les 12 mois à venir. Il n'y a aucune raison réaliste permettant de croire que, lorsque la procédure T-1522-01 sera mise en état, la liste d'attente sera abrégée. Cette observation sur la capacité de la Cour de juger des affaires supplémentaires, sans compter que la décision n'aura aucun effet pratique sur les droits des parties, constitue un argument puissant contre l'audition par la Cour de cette demande théorique. D'autant que la demande ne soulève pour l'instant aucune question d'importance spéciale ou d'intérêt public.


[22]            Troisièmement, comme je l'ai fait observer, il est risqué dans certains cas de prononcer un jugement sans qu'il existe un différend qui compromette les droits des parties, car alors la décision du tribunal pourrait être vue comme une intrusion dans le champ du pouvoir législatif. En fait, le critère ici est celui de l'à-propos d'une intervention des tribunaux. J'évoquerais de nouveau ici l'arrêt de la Cour d'appel fédérale, Native Women's Assn. of Canada c. Canada, ainsi que le jugement de première instance rendu par le juge Strayer (tel était alors son titre) publié à (1993) 1 C.F. 171. Le juge Strayer devait statuer sur une demande de la Native Women's Association, qui souhaitait participer aux réunions ou conférences des premiers ministres pour débattre du renouveau constitutionnel, dans le contexte de ce qu'il est convenu d'appeler aujourd'hui l'Accord de Charlottetown. Le juge Strayer devait surtout disposer d'une requête en radiation de la procédure. Dans cette affaire, il a reconnu que le processus de l'Accord de Charlottetown avait dépassé le stade du contrôle judiciaire, un processus législatif ayant déjà débuté. Constatant qu'il n'était pas facile de dire à quel moment un processus devient législatif, il a fait remarquer que certaines questions échappaient à la compétence des tribunaux, notamment celle de savoir qui les gouvernements doivent rencontrer et consulter durant l'élaboration de modifications constitutionnelles. Il est donc arrivé à la conclusion qu'une injonction et, je crois, par extension, ici, le jugement déclaratoire que recherche Pauktuutit, seraient manifestement voués à l'échec. Cela étant dit, j'examinerai maintenant l'argument soulevé dans l'appel, selon lequel l'à-propos d'une intervention judiciaire n'avait pas été démontré :


Chacun sait que l'entente de Charlottetown et les accords connexes sont maintenant lettre morte.

Les critères applicables à l'exercice du pouvoir discrétionnaire de la Cour en pareilles circonstances ont été formulés dans l'arrêt Borowski c. Canada (Procureur général), (1989), 57 D.L.R. (4th) 231, 47 C.C.C. (3d) 1, [1989] 1 R.C.S. 342.

Nous croyons qu'il n'a pas été satisfait à au moins deux de ces critères, soit l'économie des ressources judiciaires et l'opportunité de l'intervention judiciaire. Il est absolument impossible de déterminer si un tel processus de révision de la Constitution se répétera et, dans l'affirmative, la forme qu'il prendra et le moment où il aura lieu. Si on s'en remet à l'histoire, ce processus sera vraisemblablement différent de ceux qui ont mené à l'Accord du lac Meech et à l'Entente de Charlottetown, qui différaient l'un de l'autre.

On ne peut avec certitude affirmer que les difficultés auxquelles les appelantes ont fait face au cours du processus adopté à Charlottetown se reproduiront ni établir les limites que, dans un contextuel factuel différent, le tribunal se fixera pour intervenir dans un processus constitutionnel futur.

Compte tenu des circonstances, nous refusons d'exercer notre pouvoir discrétionnaire et nous sommes d'avis de rejeter l'appel.

(page 549)

Exercer mon pouvoir discrétionnaire, de telle sorte que ces trois procédures soient instruites en dépit de leur caractère théorique, serait empiéter sur le domaine du pouvoir législatif.


[23]            On est conduit à conclure que les procédures T-1520-01, T-1521-01 et T-1522-01 doivent être radiées en raison de leur caractère théorique, malgré la proposition générale, dans l'arrêt David Bull, précité, selon laquelle une demande ne doit pas être radiée. Ces trois instances entrent dans l'exception énoncée dans ce précédent, à la page 600, exception selon laquelle la demande pourra être examinée et rejetée sommairement si elle est « manifestement irrégulière au point de n'avoir aucune chance d'être accueillie » . Les demandes T-1520-01, T-1521-01 et T-1522-01 sont donc radiées et rejetées. Je passe maintenant à la quatrième procédure, no du greffe T-1523-01, qui concerne la participation à l'Institut de la santé des peuples autochtones.

Radiation pour absence de fondement factuel

[24]            Au début, le point était de savoir si les quatre demandes devaient être radiées pour cause d'expiration du délai, la Couronne affirmant que, dans chacun des cas, Pauktuutit avait laissé s'écouler le délai de présentation de 30 jours fixé par le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur la Cour fédérale. Puisque j'ai radié trois des procédures pour leur caractère théorique, l'argument de l'expiration du délai de présentation ne pourrait s'appliquer qu'à la procédure T-1523-01, qui concerne le conseil de l'Institut de la santé des peuples autochtones. Comme je l'ai fait observer, en me référant à des précédents utiles, dans l'affaire Jawanda c. Canada (M.C.I.) (2001), 14 Imm. L.R. (3d) 151, la radiation pour cause d'expiration d'un délai n'est pas en principe autorisée sauf s'il existe des points contestables se rapportant à la date d'une décision ou à sa communication à un demandeur. J'écrivais également, dans le jugement Jawanda :


J'ajouterais qu' « ... un délai de prescription est un moyen de défense d'ordre procédural qu'une partie peut invoquer à une date ultérieure » : BMG Music Canada Inc. c. Vogiatzakis (1996) 67 C.P.R. (3d) 27. Dans Vogiatzakis, je renvoie à la notion que la procédure appropriée consiste non pas à demander la radiation d'un moyen de défense qui pourrait être prescrit, mais à plaider la prescription, puis à inscrire l'affaire au rôle en tant que question de droit. Dans une affaire de contrôle judiciaire, la question du délai de prescription doit être examinée à l'audition de la demande de contrôle elle-même, à moins qu'il ne soit certain que le délai de prescription ne puisse faire l'objet d'un désaccord - voir par exemple, L'Institut professionnel de la fonction publique (précité) et Alcorn c. Commissaire du Service correctionnel (Canada)(1999) 156 F.T.R. 239, à la page 242.

(page 153)

En l'espèce, je ne suis pas disposé à radier la procédure T-1523-01 pour cause d'expiration du délai, car Pauktuutit peut avoir une réponse : les arguments en faveur d'une radiation pour cause d'expiration du délai ne sont pas certains au point d'être clairs, évidents et incontestables.


[25]            J'ai jusqu'à maintenant, sur la question de la radiation des demandes, traité explicitement de la radiation de trois demandes pour absence d'intérêt pratique. Pour ce qui est de la quatrième demande, T-1523-01, le moyen que la défenderesse invoque pour demander sa radiation est que l'affidavit ne paraît pas venir en aide à cette procédure. Ici la Couronne se réfère à l'arrêt Moldevenau c. Canada (M.C.I.) (1999), 235 N.R. 192 (C.A.F.). Dans cette affaire, l'affidavit n'était pas conforme à la règle 342(1) des Règles de la Cour fédérale antérieures à 1998, qui prévoit qu'un affidavit doit se limiter aux faits que le témoin est en mesure de prouver en faisant appel à ses propres connaissances. Dans cette affaire, l'affidavit lui-même était mis en doute et il avait été radié. La situation est différente ici, puisque ce n'est pas l'affidavit au soutien de la demande que la Couronne voudrait faire radier, mais plutôt la demande elle-même, au motif que l'affidavit qui l'accompagne n'expose pas des faits qui justifient un contrôle judiciaire.

[26]            On s'est interrogé au départ sur l'opportunité d'utiliser un affidavit pour faire radier la demande T-1523-01, la demande de l'Institut de la santé des peuples autochtones. Cela ne serait pas nécessaire puisqu'il s'agit de savoir si la demande de contrôle judiciaire elle-même peut être radiée pour absence de fondement factuel.

[27]            Puisque, contrairement à une déclaration introductive d'instance, une demande de contrôle judiciaire renferme peu ou pas d'éléments factuels à considérer comme cause d'action, je dois m'en remettre aux affidavits déposés au soutien de la demande. Cependant, je ferais observer que ce n'est pas l'affidavit que la Couronne tente de faire radier, et par conséquent un précédent tel que l'affaire Lominadze c. Canada (M.C.I.) (1998), 143 F.T.R. 310, dans lequel madame le juge Reed a refusé de radier l'affidavit à l'appui, n'a pas d'application.

[28]            Je rejette les arguments avancés au nom de Pauktuutit selon lesquels, si la Couronne devait produire les documents demandés par les demanderesses, qui peut-être n'existent pas, ils révéleraient manifestement un fondement justifiant un contrôle judiciaire. Les conjectures et les enquêtes à l'aveuglette ne sauraient servir de fondement à une procédure de contrôle judiciaire.

[29]            L'affidavit de Pauktuutit, établi sous serment par Mme Dewar et déposé au soutien de la demande se rapportant à l'Institut de la santé des peuples autochtones est conséquent. Il est accompagné de huit volumes de pièces. Une bonne partie de l'affidavit semble hors de propos. Il révèle certainement une discrimination à l'encontre des demanderesses et des femmes indiennes, et il appelle une bonne dose de sympathie à leur endroit, mais il s'agit de documents qui intéressent surtout l'arène politique. L'absence d'une bonne mise au point et d'une bonne orientation, ce qui est la tâche d'un avocat consciencieux, ne fait pas entrer la demande elle-même dans les paramètres de l'exception énoncée dans l'arrêt David Bull, en la rendant manifestement irrégulière au point de n'avoir aucune chance d'être accueillie.


[30]            La section de l'affidavit qui traite de santé, c'est-à-dire les paragraphes 122 à 157, présente peut-être une certaine utilité pour cette demande, ou pourrait du moins constituer le point de départ de cette demande. Ces pièces auraient pu, ou peut-être auraient dû, être considérées avant que l'on décide de ne pas inviter Pauktuutit à la fondation de l'Institut de la santé des peuples autochtones. Elles ne présentent pas un lien direct avec une décision quelconque de Pauktuutit pour obtenir une place à la table de la fondation de l'Institut de la santé des peuples autochtones, mais elles tendent à établir qu'un groupe de défense des droits des femmes, par exemple Pauktuutit, n'aurait pas été recherché ou accueilli favorablement. Il est malheureux que l'auteur de l'affidavit, Mme Dewar, ne révèle dans l'affidavit aucun renseignement de première main, mais dépende des témoignages et des écrits d'autres personnes. Cependant, les tribunaux permettent aux auteurs d'affidavits de produire des renseignements généraux dans une demande de contrôle judiciaire. J'ai ici à l'esprit le jugement Chopra c. Canada (Conseil du Trésor) (1999), 168 F.T.R. 273 (1re inst.). Dans cette affaire, le juge Dubé avait admis un affidavit renfermant des éléments de preuve dont n'avait pas disposé le sous-ministre associé lorsqu'il avait pris la décision contestée. Il a exprimé l'avis que « la pertinence de la preuve et des allégations doit être appréciée en définitive par le juge qui entendra la demande au fond... » , en faisant référence ici à l'arrêt David Bull, précité. Le jugement Chopra concernait la radiation d'un affidavit, mais l'idée selon laquelle la pertinence d'allégation et d'éléments de preuve doit être considérée lors de l'audition de la demande est sensée.

[31]            Je doute véritablement du succès de la demande T-1523-01, d'autant qu'il n'existe aucun document faisant état d'une tentative directe de Pauktuutit de participer aux travaux conduisant à la fondation de l'Institut de la santé des peuples autochtones. Cependant, il m'est impossible de dire que la demande entre dans les circonstances très exceptionnelles évoquées dans l'arrêt David Bull parce qu'elle serait « manifestement irrégulière au point de n'avoir aucune chance d'être accueillie » . La demande T-1523-01 peut donc aller de l'avant. La défenderesse aura 45 jours pour déposer des affidavits de défense.

[32]            Les résultats étant partagés, les dépens suivront l'issue de la cause.

          « John A. Hargrave »          

       Protonotaire

Vancouver (Colombie-Britannique)

le 10 février 2003

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                          COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

                        SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                         AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIERS :                       T-1520-01, T-1521-01, T-1522-01 et T-1523-01

INTITULÉ:                      Association Pauktuutit des femmes inuit et autre c.

Sa Majesté la reine

LIEU DE L'AUDIENCE :           Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :           le 18 décembre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :      le protonotaire Hargrave

DATE DES MOTIFS :              le 10 février 2003

COMPARUTIONS :

Teressa Nahanee                                    POUR LES DEMANDERESSES

John S Tyhurst                                     POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Teressa Nahanee                                    POUR LES DEMANDERESSES

Avocat

Cabinet McIvor Nahanee

Merritt (Colombie-Britannique)

Morris A Rosenberg                                 POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Ottawa (Ontario)

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