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Date : 20030415

Dossier : IMM-2330-02

Référence neutre : 2003 CFPI 436

ENTRE :

                                                   ELIZABETH ESPARRAGO AGOT

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LAYDEN-STEVENSON

[1]                 Le 2 mai 2002, un agent d'immigration a conclu qu'il n'y avait pas de raisons d'ordre humanitaire suffisantes pour justifier d'accorder à la demanderesse la dispense prévue au paragraphe 114(2) de l'ancienne Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi). La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de cette décision.


[2]                 La demanderesse a obtenu le droit de s'établir au Canada le 12 juin 1993 à titre de personne appartenant à la catégorie de la famille. Elle était parrainée par son père et sa mère, qui avaient eux-mêmes été parrainés par la soeur de la demanderesse. Le 14 novembre 1996, la section d'arbitrage de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu que la demanderesse était une personne visée à l'alinéa 27(1)e) de la Loi parce qu'elle avait fourni de fausses indications sur un fait important avant ou après son établissement au Canada, omettant de mentionner son mariage à Manuel Acorceles le 11 septembre 1991. La demanderesse a par conséquent fait l'objet d'une mesure d'expulsion.

[3]                 La demanderesse a interjeté appel de la mesure d'expulsion devant la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Section d'appel). L'audience a eu lieu le 10 novembre 1997 et, par ordonnance datée du 16 janvier 1998, la Section d'appel a confirmé le bien-fondé de la mesure d'expulsion et a débouté l'appel de la demanderesse en equity. L'audience a été reprise le 7 avril 1999 sur le fondement de nouveaux éléments de preuve. En octobre 1999, la Section d'appel a de nouveau confirmé le bien-fondé de la mesure d'expulsion et a rejeté l'appel en equity. La demanderesse a présenté avec succès une demande visant à obtenir le contrôle judiciaire de la deuxième décision et la Section d'appel a tenu en octobre 2001 une troisième audience à l'issue de laquelle l'appel de la demanderesse a été rejeté.


[4]                 La demanderesse a déposé en 1999 une demande visant à obtenir le droit de demeurer au Canada pour des raisons d'ordre humanitaire (la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire ou demande RH). En octobre 2001, elle a converti sa demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire en une demande conjugale fondée sur des raisons d'ordre humanitaire, ayant épousé un citoyen canadien le 25 août 2001. La demanderesse et son mari ont été reçus en entrevue le 30 avril 2002. Le 2 mai 2002, sa demande a été rejetée. Elle a déposé le 21 mai 2002 une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de la décision de refus. La Section de première instance de la Cour fédérale a, le 24 juin 2002, sursis à l'exécution de la mesure d'expulsion de la demanderesse jusqu'à ce qu'une décision ait été rendue sur la présente demande.

[5]                 La demanderesse invoque deux moyens à l'appui de sa demande de contrôle judiciaire. En premier lieu, elle soutient que l'agent d'immigration a manqué à son devoir d'équité procédurale en ne suivant pas les lignes directrices ministérielles énoncées dans le Guide de l'immigration : Traitement des demandes au Canada (IP), chapitre IP 5 : Demandes d'établissement présentées au Canada pour des considérations humanitaires (CH). En second lieu, elle affirme que l'agent d'immigration a entravé l'exercice de son pouvoir discrétionnaire en accordant une trop grande importance au facteur des fausses indications données par la demanderesse en 1993 au sujet de son état matrimonial tout en ne tenant pas compte d'autres facteurs pertinents.


[6]                 Le défendeur affirme pour sa part que l'agent d'immigration a attentivement examiné toutes les observations formulées par la demanderesse avant de rendre sa décision. Le fait que la décision était défavorable ne constitue pas une raison justifiant son annulation. Il n'y a aucun élément de preuve, soutient le défendeur, qui appuie l'allégation que l'agent a entravé l'exercice de son pouvoir discrétionnaire en n'appliquant pas les lignes directrices. Le défendeur affirme que la thèse de la demanderesse ne constitue rien d'autre qu'une tentative visant à obtenir une réévaluation de la preuve par la Cour.

[7]                 Il y a eu une certaine confusion au cours du débat au sujet de la question de savoir si la demande de parrainage avait été approuvée. La demanderesse affirme que, contrairement à ce que les lignes directrices exigent, la demande de parrainage n'avait pas été approuvée, alors que le défendeur maintient que cette approbation avait été accordée. Après avoir entendu les parties et après avoir examiné la demande de parrainage versée au dossier du tribunal administratif, je suis convaincue que la demande de parrainage de David Savard (le mari de la demanderesse) a été approuvée le 1er mai 2002.


[8]                 Il est utile de rappeler certains des principes établis qui régissent les demandes fondées sur des raisons d'ordre humanitaire. La décision du représentant du ministre en ce qui concerne une demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire est une décision discrétionnaire : Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817 (l'arrêt Baker). La norme de contrôle judiciaire applicable à ces décisions est celle de la décision raisonnable simpliciter (arrêt Baker). Dans le cas d'une demande de dispense fondée sur des raisons d'ordre humanitaire, le fardeau de la preuve incombe au demandeur (Owusu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 94, [2003] A.C.F. no 139, le juge Gibson, citant les jugements Prasad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 34 Imm.L.R. (2d) 91 (C.F. 1re inst.) et Patel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1997), 36 Imm.L.R. (2d) 175 (C.F. 1re inst.)). La pondération des facteurs pertinents ne ressortit pas au tribunal appelé à contrôler l'exercice du pouvoir discrétionnaire ministériel (Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3 (Suresh); Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 4 C.F. 358 (C.A.) (Legault)). Les lignes directrices ministérielles n'ont pas force de loi et ne lient pas le ministre et ses représentants, mais elles sont accessibles au public et la Cour suprême les a qualifiées de très utiles à la Cour (Legault). Les décisions relatives à des raisons d'ordre humanitaire doivent être motivées (Baker). Il serait excessif d'exiger des agents de révision, en tant qu'agents administratifs, qu'ils motivent leurs décisions avec autant de détails que ceux que l'on attend d'un tribunal administratif qui rend ses décisions à la suite d'audiences en règle (Ozdemir c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (2001), 282 N.R. 394 (C.A.F.)).

[9]                 Ayant ces principes à l'esprit, je passe maintenant aux lignes directrices relatives à l'appréciation des demandes fondées sur des raisons d'ordre humanitaire et je cite plus particulièrement celles qui sont cruciales en ce qui concerne les arguments invoqués.

7. PARRAINAGE ET DROIT D'APPEL

Dans le processus CH, il faut tenir correctement compte des parrainages pour s'assurer que les répondants s'acquittent de leurs obligations et ont les mêmes droits, que la demande soit traitée au Canada ou à l'étranger.

En général, une demande CH fondée sur une relation familiale est appuyée par un parrainage soumis par un citoyen canadien ou un résident permanent. C'est une façon simple et directe pour le membre de la famille au Canada d'appuyer le demandeur et de manifester son désir de le voir demeurer au Canada. Toutefois, l'absence d'un parrainage approuvé ne signifie pas que la demande CH doit être rejetée; c'est seulement un des facteurs dont l'agent doit tenir compte.


Le parrainage doit être approuvé (ou non) avant d'examiner la demande CH. De cette façon, la présence ou l'absence d'un parrainage et l'importance relative de ce facteur peuvent être pris en considération pour la décision CH [...]

La présence ou l'absence d'un parrainage approuvé pourrait constituer un facteur important dont l'agent doit tenir compte si la demande CH est fondée sur la réunion d'une famille. Il importe de noter, toutefois, que la loi n'exige pas le parrainage pour qu'une telle demande soit examinée au titre du R2.1. Par conséquent, lorsque la relation familiale est réelle mais que la demande CH n'est pas supportée par un parrainge approuvé, ce n'est qu'un facteur parmi tous les autres pour l'étude du dossier. Les sections suivantes donnent des conseils sur des cas plus précis [...]

7.1 Demande sans parrainage

Dans les cas d'une demande CH fondée sur la réunion des membres d'une famille qui pourraient être de la catégorie des parents, mais qui n'est pas appuyée par un parrainage

. informer le demandeur qu'un parrainage approuvé n'est pas obligatoire, mais un critère important pour démontrer l'appui à une demande CH présentée par un parent

. donner au demandeur la possibilité de faire remplir le formulaire de parrainage ou d'expliquer pourquoi il n'a pas de répondant

. prendre la décision CH une fois tous les faits pertinents connus.

7.2 Parrainage présenté mais refusé

Dans les cas où le parrainage a été soumis mais rejeté

. informer le demandeur du rejet du parrainage (si cela n'a pas encore été fait)

. utiliser SSOBL pour vérifier pourquoi le parrainage a été refusé; si ce n'est pas clair, vous pourriez solliciter au demandeur [sic] de présenter une copie de la lettre de refus du parrainage

. prendre la décision CH une fois tous les faits pertinents connus

8. CATÉGORIES GÉNÉRALES DE CAS

Les demandes CH doivent être évaluées individuellement. Les demandeurs sont libres de présenter des observations sur n'importe quel aspect de leur situation personnelle qui pourraient justifier la dispense demandée. Néanmoins, de nombreux cas ont des éléments communs.


On trouvera ci-dessous des descriptions génériques de cas pouvant justifier une décision favorable. Il peut être utile de s'y reporter pour déterminer si la situation exposée par le demandeur justifie une dispense du L9(1). Ces lignes directrices ne s'appliquent pas à toutes les situations; elles sont simplement un outil pour aider l'agent à évaluer les cas comportant des CH. Ces lignes directrices ne doivent pas non plus être vues comme une restriction; l'agent est tenu de considérer tous les renseignements présentés.

8.1 Conjoints de citoyens canadiens ou de résidents permanents

R2(1) définit les conjoints comme, par rapport à une personne, la personne de sexe opposé qui lui est jointe par les liens du mariage. Les conjoints peuvent soumettre une demande CH sur la base du mariage, avec ou sans l'appui d'un parrainage.

8.1.1 Conjoints parrainés comme membres de la catégorie des parents

Le Canada a depuis longtemps comme politique de faciliter l'admission de la personne qui se trouve au Canada et est parrainée par son conjoint citoyen canadien ou résident permanent.

CONJOINTS PARRAINÉS COMME MEMBRES DE LA CATÉGORIE DES PARENTS

Premièrement déterminer

. S'il y a un parrainage soumis et approuvé. Si oui, le demandeur est un membre possible de la catégorie des parents, ce qui peut constituer un facteur CH favorable.

Ensuite

. S'assurer que le mariage est authentique, c'est-à-dire qu'il n'a pas été contracté afin de demeurer au Canada ou d'obtenir l'admission en qualité de membre de la catégorie des parents et que le demandeur a l'intention de résider en permanence avec son conjoint. Pour déterminer l'authenticité, on peut considérer

- la légalité du mariage (voir l'OP 2 - Traitement des demandes présentées par des membres de la catégorie des parents, partie 5 - Conjoints).

- les circonstances et la date du mariage; par exemple, s'il a eu lieu après un refus de prorogation de séjour du demandeur ou peu avant la date prévue de son renvoi.

. Depuis combien de temps le couple existe-t-il?

. Les normes religieuses, sociales et culturelles de la communauté du demandeur.

. Les rapports antérieurs du demandeur avec le ministère. Par exemple, mariage de complaisance, mesures d'exécution de la loi, demandes d'immigration rejetées ou fausses indications.

. Tout autre facteur jugé pertinent pour rendre une décision.

[10]            Bien que les lignes directrices ministérielles n'aient pas force de loi et qu'elles ne lient pas le ministre ou ses représentants, elles ne doivent pas pour autant être considérées comme négligeables. À cet égard, je cite l'extrait suivant de l'arrêt Legault dans lequel la Cour d'appel fédérale a repris à son compte les propos formulés par la Cour suprême dans l'arrêt Suresh :

Dans l'arrêt Baker, précité, notre Cour a précisé qu'il était nécessaire de recourir à une démarche nuancée pour déterminer la norme de contrôle applicable, vu la difficulté que crée le fait de classifier rigidement les décisions discrétionnaires et non discrétionnaires (par. 54 et 55). Dans cette affaire, notre Cour a également indiqué que son analyse « ne devrait pas être considérée comme une diminution du niveau de retenue accordé aux décisions de nature hautement discrétionnaire » (par. 56) et, qui plus est, que l'obligation du ministre de tenir compte de certains facteurs « ne donne au demandeur aucun droit à un résultat précis ou à l'application d'un critère juridique particulier » (par. 74). Dans la mesure où notre Cour a contrôlé l'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre dans cette affaire, sa décision se fondait sur l'omission du délégataire du ministre de se conformer à des lignes directrices établies par le ministère lui-même, telles qu'elles se dégageaient des objectifs de la Loi ainsi que des obligations découlant de conventions internationales et, surtout, des directives destinées aux agents d'immigration.

C'est dans ce contexte qu'il faut interpréter les passages de Baker où il est question de l' « importance accordée » à certains facteurs (par. 68 et 73 à 75). Il n'incombait à personne d'autre qu'au ministre d'accorder l'importance voulue aux facteurs pertinents. Cet arrêt n'a pas pour effet d'autoriser les tribunaux siégeant en révision de décisions de nature discrétionnaire à utiliser un nouveau processus d'évaluation, mais il repose plutôt sur une jurisprudence établie concernant l'omission d'un délégataire du ministre de prendre en considération et d'évaluer des restrictions tacites ou des facteurs manifestement pertinents: voir Anisminic Ltd. c. Foreign Compensation Commission, [1969] 2 A.C. 147 (Ch. des lords); Sheehan c. Ontario (Criminal Injuries Compensation Board) (1974), 52 D.L.R. (3d) 728 (C.A. Ont.); Maple Lodge Farms Ltd. c. Canada, [1982] 2 R.C.S. 2; Dagg, précité, aux par. 111 et 112, le juge La Forest (dissident pour d'autres motifs). [Non souligné dans l'original.]

[11]            Ainsi, bien qu'elles ne doivent pas être appliquées de manière ridige ou restrictive, les lignes directrices aident et éclairent la Cour lorsqu'elle est appelée à se prononcer sur les facteurs jugés utiles et importants par le ministre pour se prononcer sur une demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire.


[12]            Il ressort des lignes directrices précitées que l'agent d'immigration doit d'abord vérifier si une demande de parrainage a été soumise et si elle a été approuvée. Je suis d'accord avec le défendeur pour dire que cette directive a été respectée en l'espèce puisque l'agent qui a mené l'entrevue et qui a jugé la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire a également statué sur la demande de parrainage. Il a approuvé la demande de parrainage après l'entrevue, mais avant de se prononcer sur la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire.


[13]            Il est ensuite précisé dans les lignes directrices que le fait qu'une demande de parrainage ait été accordée peut être considéré comme un facteur CH favorable. Les lignes directrices n'obligent pas l'agent à tenir impérativement compte de ce facteur. Bien que la demande de parrainage soit de toute évidence un facteur pertinent et important, il n'en demeure pas moins que les lignes directrices n'obligent nullement l'agent à en tenir expressément compte, bien qu'on puisse raisonnablement supposer que ce facteur militerait en faveur du demandeur. Ceci étant dit, l'allégation que l'agent d'immigration ne s'est pas conformé aux lignes directrices parce qu'il n'a pas expressément fait mention, sans plus, du fait que la demande de parrainage a été accordée, ne permet pas de prétendre qu'il a manqué à l'équité procédurale, surtout lorsque, comme en l'espèce, c'est le même agent qui tranche les deux demandes. Il y a lieu d'établir une distinction entre la présente espèce et l'affaireAmanfo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (2001), 17 Imm.L.R. (3d) 16 (C.F. 1re inst.), qu'invoque la demanderesse, parce que, dans cette affaire, la demande de parrainage n'avait pas été tranchée avant la décision sur la demande RH.

[14]            En ce qui concerne l'authenticité du mariage, les lignes directrices ordonnent à l'agent de s'assurer que le mariage est authentique. Il ressort à l'évidence des notes manuscrites qu'il a prises que l'agent d'immigration a examiné cette question. Bien qu'il ne l'ait pas déclaré expressément, il ressort implicitement de ses motifs (rapport au dossier intitulé [TRADUCTION] « Évaluation des raisons d'ordre humanitaire - Notes au dossier » , article 6) qu'il a considéré le mariage comme authentique. La demanderesse ne peut obtenir gain de cause sur le premier moyen.


[15]            En ce qui concerne l'argument que l'agent d'immigration a accordé une trop grande importance au facteur des fausses indications données par la demanderesse en 1993 au sujet de son état matrimonial et n'a pas tenu compte d'autres facteurs pertinents, cet argument est mal fondé, au vu du dossier. L'agent a estimé que les antécédents de la demanderesse en matière d'immigration constituaient un facteur pertinent. Il a aussi conclu que le mari de la demanderesse était au courant, au moment du mariage, que la demanderesse était sous le coup d'une mesure d'expulsion. Qui plus est, il a déclaré que la demanderesse n'avait aucune personne à sa charge. Finalement, il a estimé que la demanderesse n'avait pas toujours dit la vérité aux fonctionnaires de l'Immigration. En ce qui concerne ce dernier facteur, outre les fausses indications de 1993, la preuve était plus que suffisante pour justifier cette conclusion. Il était loisible à l'agent de tenir compte de tous ces facteurs. L'agent a par ailleurs tenu compte du mariage de la demanderesse à un citoyen canadien, de l'emploi qu'elle exerçait depuis longtemps, du fait que la plupart des membres de sa famille résident au Canada, du mauvais état de santé de son père, du soutien de la collectivité dont elle bénéficiait et des piètres conditions de vie aux Philippines, y compris des problèmes d'égalité des sexes associés à la recherche d'emploi. La pondération de ces facteurs relevait de son pouvoir discrétionnaire. Je signale à ce propos les observations formulées par le juge Iacobbucci dans l'arrêt Barreau du Nouveau-Brunswick c. Michael A.A. Ryan et Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada, 2003 CSC 20, au paragraphe 55, où il est question de la nature de la norme de la décision raisonnable :

La décision n'est déraisonnable que si aucun mode d'analyse, dans les motifs avancés, ne pouvait raisonnablement amener le tribunal, au vu de la preuve, à conclure comme il l'a fait. Si l'un quelconque des motifs pouvant étayer la décision est capable de résister à un examen assez poussé, alors la décision n'est pas déraisonnable et la cour de révision ne doit pas intervenir (Southam, par. 56). Cela signifie qu'une décision peut satisfaire à la norme du raisonnable si elle est fondée sur une explication défendable, même si elle n'est pas convaincante aux yeux de la cour de révision (voir Southam, par. 79).

Ces observations valent pour le second moyen invoqué par la demanderesse. À mon avis, la décision de l'agent d'immigration est fondée sur une explication défendable et elle est par conséquent raisonnable.

[16]            Pour les motifs exposés, la demande de contrôle judiciaire est rejetée et la Cour rendra une ordonnance à cet effet. Les avocats n'ont pas proposé de question à certifier. La présente affaire ne soulève pas de question grave, de sorte qu'aucune question n'est certifiée.

                                                             « Carolyn A. Layden-Stevenson »     

                                                                                                             Juge                          

Ottawa (Ontario)

Le 15 avril 2003

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            IMM-2330-02

INTITULÉ :                                           ELIZABETH ESPARRAGO AGOT c. MCI

DATE DE L'AUDIENCE :                 le 10 avril 2003

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE LAYDEN-STEVENSON

DATE DES MOTIFS :                        le 15 avril 2003

COMPARUTIONS :

Krassina Kostadinov                                                                      POUR LA DEMANDERESSE

Neeta Logsetty                                                                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Krassina Kostadinov

Avocate

Waldman & Associates

Toronto (Ontario)                                                                           POUR LA DEMANDERESSE

Neeta Logsetty

Ministère de la Justice

Toronto (Ontario)                                                                           POUR LE DÉFENDEUR


Date : 20030415

Dossier : IMM-2330-02

Ottawa (Ontario), le 15 avril 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE LAYDEN-STEVENSON

ENTRE :

                         ELIZABETH ESPARRAGO AGOT

                                                                                          demanderesse

                                                    - et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                  défendeur

                                           ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                             « Carolyn A. Layden-Stevenson »     

                                                                                                             Juge                          

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.

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