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Date : 20030908

Dossier : IMM-5495-01

Référence : 2003 CF 1041

Ottawa (Ontario), le 8 septembre 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLAIS

ENTRE :

                                                              ZOSU RAZAQ WHENU

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision de la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié [la Commission], en date du 12 décembre 2001, par laquelle la Commission refusait au demandeur le statut de réfugié au sens de la Convention.


LES FAITS

[2]                 Le demandeur, âgé de 42 ans, est un ressortissant du Nigéria. Il est arrivé au Canada le 15 janvier 2001 et a revendiqué le même jour le statut de réfugié. Sa revendication a été instruite par la Commission le 15 novembre 2001.

POINTS EN LITIGE

[3]                 1.        La Commission a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu'elle a dit que le demandeur n'était pas un réfugié parce qu'il savait peu de choses sur ses persécuteurs?

2.        La Commission a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu'elle a dit que le demandeur avait une possibilité de refuge intérieur [PRI]?

ANALYSE

1.        La Commission a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu'elle a dit que le demandeur n'était pas un réfugié parce qu'il savait peu de choses sur ses persécuteurs?

[4]                 Selon le demandeur, la Commission a donné un motif unique pour rejeter sa revendication : le fait qu'il savait peu de choses sur ses persécuteurs. Le défendeur dit que la Commission a rejeté la revendication du demandeur, non pas parce qu'il savait peu de choses sur ses persécuteurs, mais plutôt parce qu'elle a préféré les preuves documentaires à la version du demandeur selon laquelle il ne pouvait obtenir une protection de la police.

[5]                 J'ai scrupuleusement examiné la transcription; à mon avis, il n'était pas déraisonnable pour la Commission de conclure que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention, eu égard à la preuve orale du demandeur ainsi qu'à la preuve documentaire.

[6]                 En fait, le demandeur avait l'impression que ses persécuteurs étaient « une bande de gangsters » (transcription, page 179), et, plus tard, il a dit que ses persécuteurs pouvaient être l'OPC. Il a montré qu'il savait très peu de choses de l'OPC dans son pays d'origine.

[7]                 La Commission était fondée à accorder plus de poids à la preuve documentaire qu'au témoignage du demandeur lorsqu'elle a évalué la protection d'État, en se référant particulièrement aux fermes réactions du gouvernement devant les actions violentes de l'OPC.

2.        La Commission a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu'elle a dit que le demandeur avait une PRI?

[8]                 La Commission a évoqué la possibilité d'une PRI (transcription, pages 222 et 223) :

[traduction]

Q.             Pourquoi ne pouvez-vous pas partir avec votre famille et vivre ailleurs? Puisque vous êtes tailleur, vous avez une profession. Comment se fait-il que vous ne pouvez quitter avec votre famille l'endroit où cet incident est survenu et vous installer ailleurs au Nigéria?

R.             Oui, en ce moment, avec l'OPC, aucun endroit n'est sûr au Nigéria, surtout qu'ils sont à ma recherche. Et c'est pourquoi mon ami m'a dit que je dois partir. Et c'est ce que dit la police, le Service général des enquêtes, elle dit que je suis menacé, que je dois m'éloigner d'eux, sinon ils vont me pourchasser. Et il n'y a pas...

Q.             Mais... allez-y, continuez...


R.            Il n'y a dans ce pays aucun endroit où je puisse me mettre à l'abri de l'OPC. La partie nord est la pire, et de toute façon je n'ai pas grandi à cet endroit. Celui qui ne comprend pas la langue de cet endroit ne peut y demeurer.

[9]                 Selon le demandeur, la Commission avait l'obligation de lui signaler une ville ou une région où il pourrait vivre en paix dans son pays d'origine.

[10]            Comme l'a montré le défendeur, une fois que la Commission a posé des questions au demandeur en ce qui concerne une PRI, la Commission n'est pas tenue de poser une foule de questions sur cet aspect, et il incombe au demandeur d'apporter la preuve qu'il ne serait pas en sécurité dans une autre région de son pays.

[11]            Dans l'arrêt Thirunavukkarasu c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 1 C.F. 589, [1993] A.C.F. n ° 1172, la Cour d'appel écrivait :

5. Dans l'arrêt Rasaratnam, précité, la Cour a aussi examiné et tranché la question du fardeau de la preuve concernant la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays. Elle a rejeté l'argument selon lequel il n'incombe pas au demandeur, une fois qu'il a prouvé qu'il craint avec raison d'être persécuté dans une partie d'un pays, de réfuter l'existence de la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays...

6. Autrement dit, il incombe aux demandeurs du statut de réfugié au sens de la Convention de prouver qu'ils satisfont à tous les éléments de la définition de réfugié au sens de la Convention qui est énoncée dans le paragraphe 2(1) de la Loi [Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 1)]. Parmi ces éléments importants, peut se trouver la question de savoir, dans un cas déterminé, s'il existe une possibilité de refuge dans une autre partie du même pays. Mais cet élément n'est qu'une partie de la question ultime qu'il faut trancher, soit celle de savoir si le demandeur est un réfugié au sens de la Convention. Donc, je ne crois pas qu'il soit possible de conclure, sur la question de la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays, que le fardeau de la preuve qui revenait à l'origine au demandeur du statut de réfugié devrait, d'une manière ou d'une autre, être transféré au ministre.


[12]            À mon avis, le demandeur n'a pas prouvé que la conclusion de la Commission selon laquelle il dispose d'une PRI dans d'autres régions du Nigéria a été tirée d'une manière manifestement déraisonnable.

[13]            Par conséquent, l'intervention de la Cour n'est pas justifiée.

                                           ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

[14]            La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[15]            Le défendeur, avec l'assentiment du demandeur, a proposé que la question suivante soit certifiée :

Pour pouvoir se prononcer sur l'existence d'une PRI, la CISR doit-elle indiquer expressément un endroit du pays où le demandeur ne serait pas exposé à la persécution?

[16]            À mon avis, ce n'est pas là une question grave de portée générale, et aucune question ne sera donc certifiée.

                                                                                         « Pierre Blais »             

                                                                                                             Juge                       

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                       COUR FÉDÉRALE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                 IMM-5495-01

INTITULÉ :              ZOSU RAZAQ WHENU c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Montréal

DATE DE L'AUDIENCE :                              le 7 août 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                      Monsieur le juge Blais

DATE DES MOTIFS :                                     le 8 septembre 2003

COMPARUTIONS :

Me Claudette Menghile                                                     POUR LE DEMANDEUR

Me Jocelyne Murphy                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Claudette Menghile                                                     POUR LE DEMANDEUR

10, rue Saint-Jacques ouest

Montréal (Québec)

H2Y 1L3

Ministère fédéral de la Justice                                            POUR LE DÉFENDEUR

Complexe Guy-Favreau

200, boul. René-Lévesque ouest

Tour Est, 5e étage

Montréal (Québec)

H2Z 1X4


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