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Date : 20030321

Dossier : IMM-953-01

Référence neutre : 2003 CFPI 322

ENTRE :

                                                              ARMEN SARKISSIAN

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY

[1]                 Le demandeur recherche le contrôle judiciaire d'une décision rendue par une agente des visas de l'ambassade du Canada à Berlin, en date du 31 janvier 2001, par laquelle sa demande de résidence permanente au Canada à titre de réfugié au sens de la Convention cherchant à se réétablir a été refusée, ainsi qu'une ordonnance infirmant cette décision.


[2]                 Le demandeur et sa famille ont quitté l'Iran, son pays natal, en novembre 1996. En Allemagne, il a demandé asile en tant que réfugié au sens de la Convention et il cherche maintenant, pour sa famille et lui-même, à se réétablir. Il dit craindre d'être persécuté en Iran à cause de sa nationalité (arménienne), de sa religion (chrétienne) et de ses opinions politiques en tant que membre d'un groupe monarchiste en Allemagne qui prône l'élimination du régime iranien actuel. Il a été interviewé en janvier 2001 à l'ambassade à Berlin. La lettre refusant sa demande indique en partie ce qui suit :

[TRADUCTION]

Je note que les raisons que vous avez données pour avoir quitté l'Iran en novembre 1996 étaient fondées sur votre appartenance à la minorité chrétienne arménienne en Iran et sur le fait que votre famille était considérée comme un supporter de la monarchie en raison de l'ancien emploi de votre père sous le régime du Shah. Vous avez déclaré que même si vous n'aviez jamais été politiquement actif vous-même et que vous ne faisiez pas preuve d'une conscience politique importante ou de fortes opinions politiques, vous avez été interrogé à plusieurs reprises par des représentants du régime actuel et même détenu plusieurs fois pendant de courtes périodes en 1995 et 1996. Le récit des problèmes qui vous ont amené à quitter votre pays d'origine était vague, non étayé, peu détaillé et la chronologie des événements n'était pas convaincante. En outre, la séquence des événements que vous avez décrits et qui vous ont amené à quitter votre pays a été contredite par le fait que votre visa Schengen pour la France a été obtenu en octobre 1996 (c'est-à-dire avant l'incident qui vous aurait poussé à quitter votre pays). J'ai également noté que vous avez fait traduire en allemand vos diplômes et en anglais vos certificats de chrétien préparés à Téhéran également avant l'incident qui vous a incité à quitter votre pays. Bien que je vous aie donné la possibilité au cours de notre entrevue d'expliquer cette contradiction, l'explication que vous m'avez donnée ne m'a pas convaincue. Je ne suis donc pas convaincue que les raisons que vous avez fournies pour avoir quitté l'Iran en novembre 1996 avec des passeports iraniens valides et un visa Schengen valide sont véridiques.

Vous n'avez pas donné de motifs probants pour étayer votre crainte d'être persécuté et vous ne pouvez être considéré comme un réfugié au sens de la Convention. Un agent d'immigration principal a revu cette décision.

[3]                 En examinant la demande, l'agente des visas a également tenu compte du Règlement sur les catégories d'immigrants précisées pour des motifs d'ordre humanitaire. La lettre informant le demandeur du refus de sa demande indiquait également ceci :

[TRADUCTION]


Au cours de l'entrevue, vous avez eu la possibilité de décrire ce que vous craigniez qui vous arrive si vous deviez rentrer en Iran. Vous avez dit craindre d'être exécuté ou de subir des châtiments graves à votre retour parce que vous êtes devenu membre de Neghahbane Iran Djawid (N.I.D.) en Allemagne. Bien que vous ayez déclaré avoir adhéré à ce groupe après votre arrivée en Allemagne, vous avez une confirmation écrite de votre adhésion à compter de février 1999. Les seules activités que vous avez décrites sont que vous avez pris part à des manifestations devant l'ambassade iranienne à Bonn et que vous craignez que cela soit connu des autorités iraniennes. Des rapports d'information fiables, y compris des renseignements de notre bureau à Téhéran, n'appuient pas votre crainte selon laquelle de simples membres d'organisations monarchistes en exil sont victimes de persécution ou de violation des droits de la personne à leur retour en Iran. En outre, des rapports fiables de certains pays, comme le U.S. Department of State Human Rights Report pour 1999, qui a été publié le 25 février 2000, et Human Rights Watch n'indiquent pas que la minorité chrétienne arménienne est victime de graves violations des droits de la personne. Vous n'avez pas non plus été en mesure de donner des exemples convaincants de ce que vous avanciez à ce sujet. Au vu du fait que vous ne m'avez pas convaincue que les raisons que vous avez fournies pour quitter l'Iran sont dignes de foi, vous n'avez pas non plus établi de façon convaincante que vous avez des raisons de craindre que l'on porte gravement atteinte à vos droits à votre retour en Iran. Par conséquent, vous ne répondez pas à la définition d'un membre d'une catégorie de personnes en provenance d'un pays d'accueil » .

        Le demandeur prétend qu'il a été détenu et battu le jour même de son mariage en novembre 1996 et que c'est ce qui l'a amené à quitter l'Iran. Comme le note la lettre, l'agente n'a pas jugé que son récit et son explication étaient crédibles au vu du fait qu'il avait obtenu des documents de voyage valides, y compris des passeports et un visa pour la France avant l'incident qui l'aurait poussé à quitter son pays. Ainsi, selon l'évaluation de l'agente, le demandeur ne répond pas à la définition de réfugié au sens de la Convention puisque son explication de la crainte qu'il a d'être persécuté et qui l'a amené à quitter l'Iran n'a pas été jugée digne de foi. Qui plus est, en évaluant la situation en vertu du Règlement sur les catégories d'immigrants précisées pour des motifs d'ordre humanitaire, l'agente a déterminé que sa présumée crainte de retourner en Iran n'avait pas de fondement objectif. Cette conclusion était fondée sur des [TRADUCTION] « rapports fiables de certains pays » qui n'appuyaient pas sa crainte portant sur le fait que des membres ordinaires d'organismes monarchistes en exil sont persécutés à leur retour en Iran.

        Pour le demandeur, on fait valoir que l'agente des visas a manqué à son obligation d'agir équitablement en s'appuyant sur une preuve extrinsèque sans produire de copie de cette preuve pour le demandeur afin que celui-ci y réponde et en outre que l'agente des visas a ignoré une preuve pertinente et a donc pris une décision déraisonnable.


        Dans son affidavit, l'agente concède qu'elle n'a pas remis au demandeur au cours de l'entrevue des copies des documents sur lesquels elle s'est appuyée pour déterminer que sa crainte d'être persécuté s'il retournait en Iran n'avait pas de fondement objectif. Sa lettre désigne deux de ces sources d'information et elle en indique une autre dans son affidavit. Dans son affidavit, elle dit que, comme elle le fait habituellement, elle a dressé pour lui la liste des [TRADUCTION] « sources fiables » qui sont des documents publics portant sur les conditions de vie en Iran. Ces sources n'appuyaient pas un fondement objectif relativement à sa crainte. En contre-interrogatoire sur son affidavit, l'agente a également fait référence à un message d'un collègue à l'ambassade canadienne en Iran, dont elle a communiqué l'essentiel au demandeur au cours de l'entrevue.

        À mon avis, si les doutes de l'agente proviennent d'une preuve extrinsèque composée de rapports qui sont à la disposition du grand public, et elle dit essentiellement que tous ses doutes découlent de ces rapports sur lesquels elle s'est appuyée et qu'elle a donné la possibilité au demandeur d'y répondre au cours de son entrevue, l'omission de l'agente des visas de produire les documents en question ne constitue pas un manquement à l'obligation d'agir équitablement. Dans ce cas, la conclusion à laquelle est parvenue l'agente au sujet des conditions de vie en Iran, bien qu'elles soient différentes des allégations du demandeur, pouvait être appuyée sur la preuve dont elle était saisie.


        Pour ce qui est du deuxième motif soulevé par le demandeur, soit l'omission de l'agente de passer en revue une preuve non pertinente [sic] semble comporter deux éléments. Le premier est un extrait d'un document d'Amnistie internationale, sur lequel l'agente des visas s'est appuyée, qui étayait l'opinion du demandeur concernant les circonstances auxquelles font face les gens qui retournent en Iran. Mais cela n'était pas la seule référence à ces conditions dans le document; d'autres références donnaient une opinion différente. Le deuxième élément de preuve que l'agente aurait omis d'examiner était composé de coupures de journaux et d'autres renseignements qui étaient entre les mains du demandeur, concernant les activités de l'organisme politique au sein duquel le demandeur prétend avoir été actif en Allemagne. Cet organisme appuyait le retour d'un régime monarchique en Iran. La lettre de l'agente des visas indique clairement qu'elle était au courant de ces informations et qu'elle a examiné les renseignements, mais qu'elle n'a pas jugé le rôle du demandeur particulièrement important puisqu'il s'était contenté de participer à des manifestations à l'extérieur de l'ambassade iranienne à Berlin. Le demandeur prétend qu'il aurait attiré l'attention de représentants de l'ambassade iranienne et donc qu'il pourrait faire l'objet de persécution à son retour en Iran. L'agent a refusé d'examiner les documents que le demandeur a produits. Elle ne les a pas jugés pertinents pour déterminer la situation à laquelle ferait face le demandeur à son retour en Iran. Elle a conclu que ces circonstances, d'après d'autres renseignements, n'indiquaient pas une probabilité de persécution.

        Le fondement principal de la décision de l'agente a été sa conclusion qu'il n'y avait pas de preuve digne de foi que le demandeur craignait d'être persécuté quand il a quitté l'Iran, et que, cela étant, il ne répondait pas à la définition de réfugié au sens de la Convention. Quelle que soit l'évaluation que d'autres ont pu faire de sa revendication, le fondement principal de sa demande d'admission au Canada était en tant que réfugié au sens de la Convention. Aucun argument convaincant n'a été soulevé par le demandeur au sujet de la conclusion de l'agente des visas sur sa crédibilité. Cette conclusion mérite que la Cour y accorde de la déférence et il n'y a pas de fondement justifiant son intervention.

      Dans les circonstances, je rends une ordonnance rejetant la demande de contrôle judiciaire.


      Aucune des parties n'a laissé entendre que cette affaire soulevait une question grave de portée générale aux fins de la certification aux termes de l'alinéa 74d) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Aucune question n'est certifiée.

                                                                                                                               « W. Andrew MacKay »            

                                                                                                                                                                  Juge                          

OTTAWA (Ontario)

le 21 mars 2003

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                    COUR FÉDÉRALE D U CANADA

                                                  AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                           IMM-953-01

INTITULÉ DE LA CAUSE :            ARMEN SARKISSIAN

                                                                                                                                                       demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                         défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :              LE JEUDI 5 DÉCEMBRE 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE MacKAY

DATE :                                                  LE 21 MARS 2003

COMPARUTIONS :

Chantal Desloges                                                                            Pour le demandeur

Stephen Gold                                                                                  Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Chantal Desloges                                                                            Pour le demandeur

Green & Speigel

390, rue Bay

Bureau 2800

Toronto (Ontario)

M5H 2Y2

Morris Rosenberg                                                                           Pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada


Date : 20030321

Dossier : IMM-953-01

OTTAWA (Ontario), le 21 mars 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MacKAY

ENTRE :

                                                              ARMEN SARKISSIAN

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                 - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                       défendeur

SUR PRÉSENTATION d'une demande de contrôle judiciaire concernant une décision en date du 31 janvier 2001, par laquelle la demande d'admission au Canada à titre de réfugié au sens de la Convention cherchant à se réétablir présentée par le demandeur a été refusée, et d'une demande d'ordonnance annulant cette décision;

APRÈS AVOIR EXAMINÉ les observations écrites et celles qui ont été faites à l'audience à Toronto le 5 décembre 2002, date à laquelle la Cour a réservé sa décision;

                                                                     ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE QUE la demande soit rejetée.

                                                                                                                               « W. Andrew MacKay »            

                                                                                                                                                                  Juge                          

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.

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